R.G : 11/04952
Décision du tribunal de commerce de Saint-Etienne
Au fond du 09 juin 2011
3ème chambre
RG : 2009/3858
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 21 Mars 2013
APPELANT :
Maître Michel [F], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA ETABLISSEMENTS [C] [V]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Maître Annick DE FOURCROY, avocat au barreau de LYON
assisté de la SCP MACHETTI - CREPEAUX - VERGERIC, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEES :
SA LYONNAISE DE BANQUE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
assistée de la SELARL B2R & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON
assistée de la SCP LAMY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 13 Décembre 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Septembre 2012
Date de mise à disposition : 25 octobre 2012, prorogée au 20 décembre 2012, 31 janvier 2013, 21 février 2013 puis au 21 mars 2013, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier aliéna du code de procédure
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Michel GAGET, président
- François MARTIN, conseiller
- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, François MARTIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Le 28 mai 2002, la SA LYONNAISE DE BANQUE (la SLB) s'est portée caution à concurrence de 38115 euros des engagements de la SA Etablissements [C] [V] (la SA [V]) envers la société MEDIS.
Cet engagement a été contre-garanti par le nantissement au profit de la caution d'un compte à terme de 38 000 euros ouvert par la SA [V] dans les livres de la SLB.
Par suite d'une opération de fusion-absorption produisant ses effets le 30 novembre 2002, la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE ( la SAS CASINO) est venue aux droits de la société MEDIS.
A partir de 2002, différentes factures consécutives à des livraisons de la SAS CASINO à la SA [V] n'ont pas été honorées.
Par ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce en date du 25 janvier 2005, la SA [V] a été condamnée à payer à la SAS CASINO la somme de 87 000 euros à titre de provision représentant l'intégralité des sommes dues.
Par jugement en date du 18 mars 2005, le tribunal de commerce d'Antibes a prononcé la liquidation judiciaire de la SA [V] et nommé Maître [F] en qualité de liquidateur.
La SAS CASINO a régulièrement effectué trois déclarations de créance pour un montant total de 147 487,64 euros.
La SLB a, à titre de créancier nanti, déclaré sa créance s'élevant à 38 115 euros.
Par courrier en date du 24 octobre 2005, Maître [F] a demandé à la SLB :
- la main-levée de la caution bancaire dès lors qu'aucune somme n'était due à la société MEDIS,
- la libération à son profit des sommes bloquées au titre du nantissement du compte à terme.
La SLB a interrogé la SAS CASINO qui, faisant valoir que des sommes lui restaient dues par la SA [V] a sollicité le versement de la somme de 38 115 euros en sa qualité de caution bancaire.
Par courrier du 6 décembre 2005, la SLB a informé Maître [F] de cette situation en lui indiquant qu'elle opérait le règlement à hauteur de cette somme de 38 115 euros en libérant le compte à terme garantissant ce crédit par signature.
Ce règlement n'est intervenu que le 28 décembre 2006 au moyen d'un chèque transmis par la SLB à la SAS CASINO, la SLB ayant estimé préférable d'attendre la décision de cette cour sur le montant de la créance due à la SAS CASINO.
Par acte d'huissier en date du 23 octobre 2009, faisant valoir principalement que l'engagement de caution donné par la SA SLB à la société MEDIS n'a pas été transmis à la SAS CASINO lors de la fusion-absorption à effet du 30 novembre 2002 et qu'en tout état de cause il ne garantissait que l'encours fournisseur consenti par la société MEDIS, Maître [F] a assigné la SLB et la SAS CASINO afin d'obtenir essentiellement la condamnation de la SLB à lui payer, sous déduction de la somme de 1 863,93 euros restant due par la SA [V] à la société MEDIS au 30 novembre 2002 les sommes figurant sur le compte à terme ouvert dans ses livres par la SA [V].
Par jugement en date du 9 juin 2011, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
- dit que l'engagement de caution donné par la SLB à la société MEDIS a été transmis de plein droit à la SAS CASINO lors de la fusion absorption du 30 novembre 2002,
- dit que la caution (SLB), la société cautionnée (SA [V]) et le bénéficiaire de la caution (SAS CASINO) ont entendu maintenir d'un commun accord le bénéfice de la caution bancaire au profit de la société absorbante après le 30 novembre 2002,
- constaté le paiement volontaire de l'intégralité des sommes garanties par la SLB au profit de la SAS CASINO,
- dit que la SLB n'a commis aucune faute en exécutant au contradictoire de Maître [F] es qualité de liquidateur de la SA [V] son engagement de caution au vu de la créance définitivement jugée par l'arrêt de la cour d'appel de LYON du 3 octobre 2006 bénéficiant à la SAS CASINO,
- dit que le nantissement consenti par la SA [V] à la SLB en garantie des sommes dues au titre du cautionnement de l'encours fournisseur MEDIS - DISTRIBUTION CASINO FRANCE doit recevoir pleine application,
- débouté Maître [F] es qualité de liquidateur de la SA [V] de l'intégralité de ses demandes,
- condamné Maître [F] es qualité de liquidateur de la SA [V] à payer à la SLB la somme de 2 000 euros et à la SAS CASINO la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Appel de ce jugement a été interjeté le 11 juillet 2011 par Maître [F] es qualité.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 septembre 2011, Maître [F] es qualité demande à la cour, au visa des articles 1239, 1355 et 2292 du Code Civil et L 236-1 et suivants du code de commerce, réformant le jugement déféré de :
- dire que l'engagement de caution donné par la SLB à la société MEDIS n'a pas été transmis à la SAS CASINO lors de la fusion absorption à effet du 30 novembre 2002,
- dire qu'en toute hypothèse, le nantissement consenti à la SLB ne garantissait que les sommes dues au titre du cautionnement de l'encours fournisseur consenti par MEDIS et que faute d'un écrit, il ne peut être affecté à la garantie des sommes dues à la SAS CASINO,
- dire qu'à la date de la fusion-absorption, le solde des engagements de la SA [V] à l'égard de MEDIS s'élevait à 1863,93 euros,
- condamner la SLB à payer à Maître [F] es qualité les sommes figurant au crédit du compte à terme, sous déduction de la somme de 1 863, 93 euros soit la somme de 36 251,07 à parfaire,
- enjoindre la SLB de justifier du solde du compte à terme,
- condamner la SLB à payer à Maître [F] es qualité la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct pour ceux d'appel au profit de Maître de FOURCROY.
Aux termes de ses dernières conclusions n°1 en date du 14 novembre 2011, la SLB demande à la cour, au visa des articles L 236-3 du code de commerce et 1235, 2308 et 2365 du Code Civil, à titre principal de confirmer le jugement et à titre subsidiaire de :
- condamner la SAS CASINO à restituer à la SLB la somme de 36 251,07 euros indûment perçue, outre intérêts légaux à compter du versement et à payer à la SLB la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
- condamner Maître [F], es qualité à payer à la SLB la somme supplémentaire de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct, pour ces derniers au profit de la SCP BRONDEL & TUDELA avoué.
Aux termes de ses dernières conclusions responsives et récapitulatives en date du 9 novembre 2011, la SAS CASINO demande à la cour, au visa de l'article L 236-3 du code de commerce de confirmer le jugement et :
1/ à titre principal :
- constater le paiement volontaire de l'intégralité des sommes garanties par la SLB,
- en conséquence, déclarer irrecevable l'action de Maître [F] et la demande de la SLB tendant à la condamnation de la SAS CASINO,
2/ à titre subsidiaire,
- constater l'efficacité du cautionnement consenti par la SLB tant pour les créances antérieures et postérieures à la fusion des sociétés MEDIS et SAS CASINO,
3/ à titre très subsidiaire,
- constater l'accord exprès de la SLB de cautionner les créances de la SA [V] à l'égard de la SAS CASINO,
4/ à titre infiniment subsidiaire,
- constater que le montant de la créance de la SAS CASINO née antérieurement à la fusion est suffisant,
et en tout état de cause:
- condamner Maître [F] à payer à la SAS CASINO la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct, pour ces derniers au profit de la SCP BAUFUME SOURBE avoué,
- condamner Maître [F] à payer à la SAS CASINO en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir une indemnité équivalente au droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001.
La clôture de l'instruction est intervenue le 13 décembre 2011.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'engagement de caution de la Société Lyonnaise de Banque
Il est constant que dans le cadre d'une opération de fusion-absorption en date du 30 novembre 2002, la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a absorbé la SAS MEDIS qui bénéficiait, selon un acte en date du 28 mai 2002, de la caution conjointe et solidaire de la SLB pour l'ensemble des sommes pouvant lui être dues par la SA [V] dans la limite de 38 115 euros en principal.
Entraînant la disparition de la SAS MEDIS, cette opération a eu pour conséquence, comme le soutient Maître [F], de limiter l'engagement de caution de la SLB au montant dû par la SA [V] à la société MEDIS à la date de cette fusion-absorption soit en l'espèce à la somme de 1 863,93 euros.
La SLB ayant choisi comme elle le revendique dans ses écritures de cautionner à l'égard d'un nouveau créancier, la SAS CASINO FRANCE DISTRIBUTION, de nouvelles dettes de la SA [V], elle a souscrit un nouvel engagement de caution ce que rien ne lui interdit.
Cette volonté réitérée n'a pu cependant à elle seule, sans l'accord soit de la société [V], soit postérieurement à sa nomination de Maître [F] en sa qualité de liquidateur, avoir eu pour effet de transférer la garantie dont était assorti le cautionnement antérieur, constituée par le nantissement au profit de la SLB du compte à terme ouvert en ses livres par la SA [V], en ce que cette garantie avait été consentie pour le seul cautionnement au profit de la SAS MEDIS.
L'existence d'un tel accord ne saurait se déduire du seul fait que la société [V] a entretenu des relations commerciales avec la SAS CASINO postérieurement à la fusion-absorption intervenue, sauf à démontrer tout d'abord que la SA [V] avait connaissance de la volonté de la SLB de maintenir sa caution au profit de la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE ce qui implique que cette volonté avait été antérieurement exprimée.
L'expression de cette volonté de la SLB ne peut résulter du seul paiement des frais afférents à la caution bancaire par la SA [V].
Comme le fait valoir ensuite Maître [F], le courrier adressé le 27 octobre 2005 par la SLB à la SAS MEDIS aux termes duquel elle lui notifiait que, sauf observation dans un délai de 15 jours, elle procéderait à l'annulation de son engagement de caution à son égard, démontre que la SLB ignorait à cette date que la SAS MEDIS avait été absorbée par la SAS CASINO DISTRIBUTION FRANCE de sorte qu'elle n'avait pu antérieurement exprimer vis à vis de la SA [V] ou de son liquidateur la volonté de s'engager en qualité de caution envers la SAS CASINO.
Enfin, le silence de Maître [F] faisant suite au courrier lui ayant été adressé postérieurement par la SLB le 6 décembre 2005 pour l'informer qu'elle réglerait, en qualité de caution, à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 38 115 euros en libérant le compte à terme garantissant ce crédit par signature ne peut valoir acceptation tacite de ce transfert de garantie au profit du nouvel engagement de caution souscrit par la SLB.
Il s'ensuit que la SLB doit restituer à Maître [F] la différence entre, le montant qui aurait été atteint par ce compte à terme s'il n'avait pas servi à payer la SAS CASINO au jour où le présent arrêt sera définitif et la somme de 1863,93 euros correspondant au solde de la créance de la SAS MEDIS à la date de la fusion-absorption, reconnu par Maître [F] et établi par les pièces versées aux débats.
La justification de ce montant par la SLB devra intervenir dans un délai d'un mois à compter du jour où le présent arrêt sera définitif et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de trois mois,
Cette somme, à parfaire au vu des justificatifs qui seront produits, s'élève en l'état à :
38 000 - 1 863,93 = 36 136,07 euros.
Sur la répétition par la SAS CASINO des sommes versées par la SLB
Invoquant les dispositions des articles 1235 et 2308 in fine du Code civil, la SLB demande la condamnation de la SAS CASINO à lui restituer les sommes qu'elle lui a versées sans qu'elles lui soient dues dès lors qu'il a été fait droit à la demande de Maître [F].
Comme objecte la SAS CASINO, cette demande ne peut être accueillie, la SLB s'étant reconnue caution à l'égard de la SAS CASINO.
Ne soutenant pas que la SA [V] aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte vis à vis de la SAS CASINO, le paiement effectué au profit de cette dernière qui n'était que la conséquence de cet engagement en qualité de caution de la SA [V] n'est pas indu.
Sur les frais irrépétibles
Il serait inéquitable que Maître [F] es qualité conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'il a dû exposer pour faire valoir ses droits à l'encontre de la SLB
La SLB est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 4 000 euros.
Il n'est pas inéquitable en revanche que la SAS CASINO conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer, tant en première instance qu'à hauteur d'appel.
Sur les dépens
Succombant en toutes ses prétentions, la SLB supporte ceux exposés par Maître [F].
Maître [F] était fondé à rendre opposable à la SAS CASINO la présente procédure, que ce soit en première instance puis en appel dès lors qu'elle avait perçu, postérieurement au jugement ayant prononcé la liquidation de la SA [V] des fonds appartenant à la liquidation: il s'ensuit que la SAS CASINO conserve à sa charge les dépens qu'elle a exposés, tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboutant les parties de leurs plus amples demandes,
Dit que le nantissement consenti à la SA SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE sur le compte à terme ouvert en ses livres par la SA [V] n'a pas été affecté à la garantie des sommes dues par la SA [V] à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE,
Dit qu'à la date de la fusion-absorption, le solde des engagements de la SA [V] à l'égard de la SAS MEDIS s'élevait à MILLE HUIT CENT SOIXANTE-TROIS EUROS QUATRE-VINGT-TREIZE CENTIMES (1 863,93 euros),
Condamne la SA SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE à payer à Maître [F], es qualité de liquidateur de la SA [V] les sommes qui auraient figuré au crédit du compte au terme au jour où le présent arrêt sera devenu définitif si elles n'avaient pas été versées à la SAS CASINO DISTRIBUTION FRANCE, sous déduction de la somme de MILLE HUIT CENT SOIXANTE-TROIS EUROS QUATRE-VINGT-TREIZE CENTIMES (1 863,93 euros) soit la somme de TRENTE SIX MILLE CENT TRENTE-SIX EUROS SEPT CENTIMES (36 136,07 euros) à parfaire,
Enjoint à la SA SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE de justifier auprès de Maître [F] es qualité du solde qu'aurait atteint le compte à terme au jour où le présent arrêt sera devenu définitif dans un délai d'un mois passé cette date, et ce sous astreinte de CINQUANTE EUROS (50 euros) par jour de retard passé ce délai pendant une durée de trois mois,
Condamne la SA SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE à payer à Maître [F] es qualité la somme de QUATRE MILLE EUROS (4 000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct pour ces derniers au profit des mandataires des parties qui en ont fait la demande,
Laisse à la charge de la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE les dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET