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12/03/2013 | FRANCE | N°12/05225

France | France, Cour d'appel de Lyon, Sécurité sociale, 12 mars 2013, 12/05225


AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE



COLLÉGIALE



RG : 12/05225

jonction avec le RG 12/5517



CAISSE PREVOYANCE S.N.C.F.

S.N.C.F.

INFRAPOLE RHODANIEN



C/

[O]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 20 Juin 2012

RG : 20091896











COUR D'APPEL DE LYON



Sécurité sociale



ARRÊT DU 12 MARS 2013















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APPELANTES :



CAISSE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA S.N.C.F.

[Adresse 1]

[Localité 11]



EPIC S.N.C.F.

[Adresse 3]

[Localité 6]



INFRAPOLE RHODANIEN

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentés par la SCP D AVOCATS JURI - EUROP (Me Eric JEANTET), avocats au...

AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE

COLLÉGIALE

RG : 12/05225

jonction avec le RG 12/5517

CAISSE PREVOYANCE S.N.C.F.

S.N.C.F.

INFRAPOLE RHODANIEN

C/

[O]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 20 Juin 2012

RG : 20091896

COUR D'APPEL DE LYON

Sécurité sociale

ARRÊT DU 12 MARS 2013

APPELANTES :

CAISSE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA S.N.C.F.

[Adresse 1]

[Localité 11]

EPIC S.N.C.F.

[Adresse 3]

[Localité 6]

INFRAPOLE RHODANIEN

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentés par la SCP D AVOCATS JURI - EUROP (Me Eric JEANTET), avocats au barreau de LYON substituée par la SCP D AVOCATS JURI - EUROP (Me Cécile PESSON), avocats au barreau de LYON

INTIMÉE :

Madame [H] [V] veuve [O]

[Adresse 5]

[Localité 16]

représentée par la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI (Me Sylvie VUILLAUME-COLAS), avocats au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 29 Août 2012

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Janvier 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Michèle JAILLET, Conseiller

Assistées pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Mars 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS ET PROCEDURE

Attendu que monsieur [O], embauché par la SNCF dans le cadre d'un contrat d'apprentissage le 17 août 1983, a occupé au dernier état de la relation contractuelle des fonctions de contrôleur d'équipement principal à l'Etablissement Equipement de Drôme Ardèche et ce depuis le 1er janvier 2005;

Qu'il était membre du CHSCT ;

Attendu que monsieur [O] s'est suicidé à son domicile le 12 octobre 2007;

Attendu que la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF a refusé de prendre charge le suicide au titre de la législation des accidents du travail, par décision du 27 décembre 2007;

Que la Caisse de Prévoyance et de Retraite de la sécurité sociale par décision du 13 mars 2008 a rejeté le recours formé par madame [O];

Que la commission spéciale des accidents du travail, par décision du 3 août 2009, a rejeté le recours formé par madame [O] en mentionnant qu'elle « ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le décès de son époux soit survenu par le fait et à l'occasion du travail »;

Attendu que tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, par jugement contradictoire du 20 juin 2012, a:

- au visa de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, reconnu le caractère professionnel de l'accident dont a été victime monsieur [X] [O] le 12 octobre 2007

- renvoyé la Caisse de Prévoyance et de Retraite des Personnels de la SNCF à régulariser la situation de la requérante au regard des prestations auxquelles elle peut prétendre en sa qualité d'ayant droit

- dit que la Caisse de Prévoyance et de Retraite des Personnels de la SNCF devra payer à madame [O] une somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu que la cour est régulièrement saisie d'un appel formé par la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF et par la SNCF;

Que jonction des procédures a été prononcée ;

Attendu que la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF et la SNCF demandent à la cour par conclusions déposées les 7 novembre 2012 et 29 janvier 2013, visées par le greffier le 29 janvier 2013 et soutenues oralement, de:

- déclarer leurs appels recevables

- infirmer le jugement rendu le 20 juin 2012

- principalement, dire et juger que le suicide de monsieur [O] n'avait aucune cause professionnelle démontrée objectivement

- subsidiairement dire et juger qu'en l'absence de lien exclusif entre le geste fatal et l'activité professionnelle la prise en charge dans le cadre de la législation professionnelle ne pouvait pas intervenir

- débouter madame [O] dans tous les cas de ses demandes;

Attendu que madame Veuve [O] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 8 janvier 2013, visées par le greffier le 29 janvier 2013 et soutenues oralement, de:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* reconnu le caractère professionnel du suicide de monsieur [O]

* renvoyé la Caisse de Prévoyance et de Retraite des Personnels de la SNCF à régulariser sa situation au regard des prestations auxquelles elle peut prétendre en sa qualité d'ayant droit

* dit que la Caisse de Prévoyance et de Retraite des Personnels de la SNCF devra lui payer une somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- pour le surplus, au titre des frais irrépétibles supportés en cause d'appel lui allouer 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamner la Caisse de Prévoyance SNCF aux dépens;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DECISION:

Attendu qu'en application de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ;

Attendu que madame [O] poursuit la reconnaissance du caractère professionnel du suicide de son époux survenu alors que ce dernier n'était pas placé sous la subordination de son employeur ;

Qu'il lui appartient donc de démontrer que le suicide intervenu est survenu par le fait ou à l'occasion du travail ;

Attendu que monsieur [O] s'est suicidé à son domicile le 12 octobre 2007 alors qu'il devait se rendre le jour même à une réunion organisée par son dirigeant d'unité ;

Attendu que monsieur [O] a laissé une lettre d'adieu, versée aux débats, manuscrite rédigée en ces termes:

« Chérie,

Je viens de comprendre ce qui ne vas pas. J'ai fait une erreur de commande, il y a un mois en demandant pas assez de cosses alu 240 par rapport au lg de câble demandé on a remplacé les câbles cuivre par de l'alu.

Le résultat est que après 3 ou 4 vols, vols il ne nous reste plus assez de cosses pour remplacer les câbles cu par des câbles alu. Donc nos sommes obligés de monter du cuivre, ce que recherche les voleurs.

Je n'ai pas pensé une seconde à cette conséquence.

Personne autours de moi m'a conseiller de quelque façon que ce soit ces derniers jours ils m'ont tendu un piège et j'y suis tombé dedans les deux pieds en avant.

(il est fait renvoi à un paragraphe rayé en fin de lettre : « D'un autre côté, ils ont aussi leur part de responsabilité en m'ayant refusé quasiment toutes mes demandes de mutation en particulier sur [Localité 16]. » et se continuant par « J'ai essayé de me faire une raison pour rester à MTR mais je crois que malgrés tout je n'en pouvais plus. J'aurais pu avoir de l'aide je pense si je m'étais pas plus ou moins renfermé sur moi-même. J'étais je pense devenu  plus ou moins irracible»).

Je suis désolé chérie, tout cela est du à un manque d'attention de ces deniers temps = les soucis avec Papa qui ne veux pas se faire opérer ainsi que nos derniers mois ont été difficile= je crois que je n'arrivais plus à tout assumer mentalement ce qui m'a empêché de réfléchir et d'agir efficacement. Ce n'est en aucun cas votre faute, c'est moi qui n'était pas assez efficace et qui ne communiquait pas assez Je crois.

Quoi qu'il arrive maintenant prends bien soin de nos deux petits bouts et de toi.

[P] te sera aussi d'une grande aide je pense malgré sa maladie.

Soyez forts (souligné 4 fois) et éduque nos enfants au mieux que tu puisse.

Je t'aime chérie je vous aime très très fort tous les quatres

BIZ BIZ BIZ

(sic) » 

Attendu que madame [O] articule sa demande de reconnaissance d'accident du travail autour de difficultés professionnelles rencontrées dont l'analyse s'impose ;

Attendu que d'une part, madame [O] soutient que son mari, après son affectation sur le site de [Localité 12] en janvier 1998, a formé depuis septembre 1998 de nombreuses demandes de mutations, lesquelles ont toutes fait l'objet d'un refus systématique ;

Qu'elle verse notamment aux débats :

- des justificatifs de demandes de mutation formulées par son époux

- un message adressé à son époux par monsieur [C] lors de son départ en retraite en 1996 qui lui a écrit « même si on te force un peu à occuper la fonction qui est actuellement la tienne, j'ai beaucoup apprécié ta collaboration 'te souhaite d'obtenir une fonction correspondant mieux à tes attentes »

- le compte- rendu d'entretien d'évaluation du 27 juin 2007 ;

Attendu que selon les propres informations fournies par madame [O], monsieur [O], à sa sortie du centre de formation des apprentis de la SNCF, a été admis au cadre permanent à compter du 1er septembre 1985 et a connu une progression de carrière étant promu attaché groupe 6A, agent technique d'entretien, agent technique principal, contrôleur caténaire, contrôleur d'équipement et contrôleur d'équipement principal ;

Attendu qu'il est justifié que :

- le 31 mars 2000 monsieur [O] a formulé une demande de mutation pour le « grade de KRT (spécialiste informatique » à [Localité 16], région de [Localité 13], région de [Localité 15], région de [Localité 7] et se déclarant prêt à accepter un poste de contrôleur caténaire pour ces résidences

- le 13 mars 2001, monsieur [O] s'est vu opposer un refus à sa candidature au « poste OPL n°156/AD/2000- COFO direction Régionale qualif F »

- le 17 décembre 2002, la SNCF a informé monsieur [O], suite à sa demande du 11 décembre 2002, que le poste de technicien d'assistance maintenance n'est pas vacant sur l'EVEN Drôme Ardèche et que « compte tenu de votre spécificité actuelle (contrôleur caténaire) et de la spécificité et des compétences pour le poste de TAM, il n'est pas envisagé de donner suite à votre candidature »

- le 17 décembre 2003, monsieur [O] a formulé une demande de mutation pour un poste de TO caténaire ou TA 1 à [Localité 16] pour se « rapprocher de ma famille ainsi que mon père âgé de 83 ans et vivant seul '(je suis fils unique) » et la réponse du 7 janvier 2004 selon laquelle les postes ne sont pas vacants

- le 26 octobre 2004, monsieur [O] a formulé une demande de mutation à un poste de technicien opérationnel de secteur caténaire de [Localité 16] pour se rapprocher de son domicile ;

Attendu que madame [O] a également produit à la cour quelques fiches d'entretien annuel d'évaluation de monsieur [O] lesquelles doivent être analysées :

- sur la fiche d'entretien annuel du 22 mai 2001, alors que monsieur [O] occupait les fonctions de contrôleur Catenaire Rive Gauche, il a exprimé le souhait d'exercer une fonction de TAM avec une mobilité vers les régions de [Localité 11] et [Localité 13], son supérieur hiérarchique ayant formulé un avis favorable dans les 18 mois pour occuper des fonctions de manager mais n'ayant pas exprimé d'avis sur la demande de promotion comme spécialiste ;

Que sur cette fiche, monsieur [O] est noté comme répondant complètement aux exigences de sa fonction ;

- sur la fiche d'entretien professionnel annuel du 23 décembre 2004, alors que monsieur [O] était affecté depuis le 1er juillet 2003 sur le secteur Catenaire [Localité 12], il est fait état du souhait de l'agent de rapprochement familial sur [Localité 16] exprimé le 23 décembre 2004 et les critères d'appréciation du collaborateur sont qualifiés de satisfaisants avec une réalisation à 100% des missions prévues à la consigne unité mais avec comme points à améliorer la « connaissance technique alu/ cuivre » ;

- sur la fiche d'entretien individuel annuel du 6 décembre 2006, où monsieur [O] est évalué comme maîtrisant complètement le poste occupé, les cases souhait du collaborateur concernant son orientation professionnelle sont renseignées avec la mention néant et le N+2 a même noté « M. [O] n'a pas voulu émettre de souhait ! » ;

- sur le compte- rendu d'entretien d'évaluation du 27 juin 2007 signé par monsieur [O] et son N+1, il est mentionné « Souhait très fort de se rapprocher de sa famille ([Localité 16]) - père seul âgé ' difficulté physique épouse ' allergie enfant

Pour un poste de TO, mots illisibles » et avis favorable donné par le N+1 ;

Attendu que la SNCF ne conteste pas les demandes de mutations formulées par monsieur [O] pour des postes différents de celui qu'il occupait et notamment en informatique ;

Qu'elle produit une lettre du directeur de l'Etablissement Entretien Equipement Drôme Ardèche du 28 novembre 2008 adressée à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF retraçant le parcours professionnel de monsieur [O] :

« En janvier 1998, monsieur [O] a pris un poste de contrôleur caténaire à [Localité 12] sur l'EVEN Drôme Ardèche.

En 2001 et 2002, il candidate pour un poste de Coordinateur Formation (COFO) à la qualification F à la Direction Régionale et un poste de Technicien Assistant Maintenance en Informatique (TAM) sur l'EVEN. Sa candidature n'a pas été retenue compte tenu de la spécificité des postes et des compétences requises.

Monsieur [O] n'a pas évoqué alors de problème particulier quand à sa situation personnelle et familiale.

En février 2003, il est proposé à monsieur [O] de l'affecter au poste de Technicien Opérationnel du secteur caténaire de [Localité 12] compte tenu de la restructuration de l'EVEN prévu au 1er juillet 2003 ..

En mars 2003, monsieur [O] répond à une offre de poste d'expert maintenance caténaire de qualification F sur la région de [Localité 11].

Sa candidature n'a pas été retenue.

Par lettre du .25 mars 2003, monsieur [O] nous informe que sa situation familiale est devenue délicate et qu'il ne peut pas s'éloigner de plus de deux heures de trajet de la Drôme, en conséquence il ne souhaite pas maintenir ses demandes de mutations hormis celle pour [Localité 16] à un poste de contrôleur caténaire ou de TAM.

En Juillet 2003, l'EVEN Drôme Ardèche se restructure avec une nouvelle organisation de la production et la création de nouvelles unités opérationnelles. Ainsi les Dirigeants de proximité (DPX) et les Techniciens Opérationnels (TO) sont mis en place au 1er juillet. Une formule de consultation est adressée à l'agent qui accepte le poste et annote sur le document de prendre en considération son souhait de devenir TAM sur [Localité 16] ou environs.

Le poste de TO consiste à assurer des missions de production et d'appui au niveau des Secteurs ou de l'Unité, particulièrement de

- conforter les actions du DPX dans le cadre de la production,

- participer à la veille « Homme Procédure» et à celle sur la sécurité, exercées au niveau du secteur,

- contribuer à assurer la traçabilité des opérations de maintenance par la tenue et l'analyse des fichiers relevant du secteur,

- contribuer également à la production en réalisant des tournées réglementaires, des relevés à caractère technique et en suivant des travaux réalisés par des entreprises extérieures,

- assurer la logistique du secteur,

- contribuer à la production en organisant ou en réalisant des tâches à caractère technique (tournées, contrôle des normes ...), dirigeant des travaux de maintenance, suivant des travaux réalisés par les entreprises extérieures, assurant des fonctions de sécurité.

En avril2007; le Dirigeant d'Unité Opérationnel (DUO) organise une réunion d'équipes Caténaires avec les DPX, TO et la Correspondante Prévention de l'Agence Facteurs Humains de [Localité 9] concernant une évolution possible des équipes et secteurs caténaires. Il est notamment évoqué la création d'un seul secteur Caténaire à [Localité 16] avec un DPX et 3 TO En conséquence, monsieur [O] pouvait envisager un poste de TO Caténaire à [Localité 16] et ainsi se rapprocher de son domicile.

Dans les réorganisations prévues en 2007/2008, Monsieur [O] avait donc une perspective de retour sur [Localité 16]. Il lui avait même été proposé en début d'année 2007 de lui confier des missions propres à montrer à sa hiérarchie qu'il avait le potentiel à tenir un poste de qualification F, en perspective d'un retour sur [Localité 16], non pas comme technicien opérationnel à la qualification E, mais comme DPX Caténaire à la qualification F. Il avait refusé le poste de.DPX ne l'intéressant pas.

Par ailleurs, pour l'avoir à plusieurs fois rencontré à [Localité 12], lors de réunions de CHSCT (il était représentant du personnel dans cette instance), à aucun moment il ne m'a fait part d'un quelconque malaise vis-à-vis des projets à venir. Jamais il n'a demandé à me voir pour parler de ses problèmes pas plus qu'à son Dirigeant d'Unité Opérationnel ou à la Responsable des Ressources Humaines.

Cependant, lors d'échanges avec des Collègues de l'établissement, il m'a été rapporté que monsieur [O] avait laissé entendre qu'il avait aussi des difficultés avec son épouse.

Pour ma part, certes l'EVEN Drôme Ardèche est en mouvement, mais ce décès ne peut en aucun cas être imputé à notre entreprise. » ;

Attendu que monsieur [O] dans sa lettre d'adieu a lui-même écarté de ses explications celles afférentes au refus opposé à ses demandes de mutations par son employeur, en rayant le paragraphe rédigé sur ce point ;

Attendu que si un agent SNCF a la possibilité de pouvoir exprimer des souhaits de mutation géographique et fonctionnelle, le fait pour cet employeur de ne pas y accéder ne peut-être révélateur d'une exécution fautive de la relation contractuelle du travail, sauf à démontrer le caractère discriminatoire ou injustifié des refus opposés ;

Que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Attendu que monsieur [O] a formulé une nouvelle demande de mutation, après y avoir renoncé durant l'année 2006, en juin 2007 ;

Que cette demande est à rapprocher du projet de création d'un seul secteur à [Localité 16] évoqué par l'EVEN de Drôme Ardèche lors de la « réunion n°1 Evolution Equipes Caténaires du 18 avril 2007 « concernant la création d'un seul secteur à [Localité 16] avec un DPX et 3 TO, réunion à laquelle avait participé les supérieurs hiérarchiques directs de monsieur [O], projet dont ce dernier avait été tenu informé par son directeur d'établissement ;

Que la demande de madame [O] tendant à ce que ce compte rendu non signé et ne correspondant pas à la réalité soit écarté des débats ne peut prospérer, la pertinence de cet élément d'information étant corroboré par les déclarations du directeur d'établissement dans sa lettre du 28 novembre 2008 et le courriel du RHH du 27 février 2008 ;

Que les pièces produites par madame [O] ne viennent nullement contredire les affirmations du directeur d'établissement ou du RHH ;

Que la réunion à laquelle monsieur [O] devait participer le jour de son décès avait comme objet d'officialiser cette information auprès de l'ensemble des agents ;

Qu'aucun élément ne permet de caractériser la réalité de craintes que pourrait avoir monsieur [O] de ne pas pouvoir bénéficier d'une mutation dans le cadre de ce projet de création d'un secteur unique sur [Localité 16] ;

Attendu que madame [O] ne démontre pas que le refus de mutations opposé à monsieur [O] antérieurement à 2005 puisse être rattaché au suicide de celui-ci;

Qu'en 2006, aucune demande de mutation n'a été présentée ;

Que la demande de mutation, présentée le 27 juin 2007, trois mois avant le suicide, alors même qu'un projet de réorganisation était en cours susceptible de permettre à monsieur [O] de rejoindre le secteur de [Localité 16], et à laquelle aucun refus n'avait été opposé, ne peut être mise en lien avec le suicide de ce dernier ;

Attendu que d'autre part, madame [O] évoque une très nette dégradation des conditions de travail depuis 2004 de son époux, « confronté à une augmentation considérable de sa charge de travail à laquelle s'ajoutait la nécessité de pallier aux absences récurrentes de son responsable hiérarchique » et ce malgré des appels à l'aide restés sans réponse ;

Qu'elle soutient que son époux « travaillait avec une pression permanente et vivait dans la terreur de commettre une erreur justifiant son licenciement alors qu'il n'avait jamais connu d'autre employeur que la SNCF » ;

Attendu que la SNCF conteste la teneur de telles affirmations ;

Attendu que madame [O] verse au soutien de ces affirmations :

- les avis d'arrêts de travail de monsieur [O] du 13 au 20 mars 2004, du 2 au 20 février 2005

- la visite médicale de contrôle opéré le 26 mars 2004 à la demande de « Espace (mot illisible) Sud Est suite à un arrêt de travail du 11 au 31 mars 2004 où il a été constaté « état de maladie persistant »

- le courrier du médecin du travail, le docteur [Z] du 26 février 2008 adressé aux délégués du personnel rédigé comme suit :

« Depuis quelques années déjà, nous sommes sensibilisés au fait que, de restructuration en restructuration, un« mal être» au travail s'installe dans notre entreprise ..

Nous le disons. Mais cela ne semble pas plus grave qu'ailleurs ...

On emploie de plus en plus les mots: stress, harcèlement.

La pénibilité générale au travail semble peser plus lourdement sur chaque agent

(agressions chez les commerciaux, angoisses au fret, difficultés sur certains chantiers à l'équipement ... et bien sur diminution des effectifs).

Tout cela dans un climat d'incertitude pour l'avenir chez du personnel habitué à un statut et à une stabilité de l'emploi.

Il est certain que les choses doivent évoluer. Mais cela doit se faire dans la confiance, la sérénité, la clarté à tous les niveaux de la hiérarchie.

Car il est important d'entretenir la motivation de chacun, pour avancer vers des projets

constructifs d'avenir »

- une lettre du docteur [Z], en réponse à madame [O], datée du 27 juin 2011, rédigée en ces termes :

« II est bien tard pour répondre exactement à vos questions. C'est pour cela que j'ai sollicité le retour des archives du dossier médical de monsieur [O] le 23 juin 2011

Je ne suis que médecin du travail d'une entreprise et non le médecin traitant. Je suis cependant soumise à la même déontologie et ne peux donc servir de témoin direct.

- Avez-vous ouvert un dossier AT.MP ' On ne m'a jamais sollicité dans ce cadre .

- Avez-vous des témoignages directs'

- Avez-vous contacté la hiérarchie qui doit aussi ouvrir un dossier'

Je me souviens de ma stupéfaction à l'annonce du décès totalement imprévu de votre époux puisque ses collègues l'attendaient pour une réunion le 12 octobre 2007.

J'ai donc consulté immédiatement son dossier : rien qui ne justifie une enquête plus approfondie. J'ai reçu les délégués syndicaux qui m'ont remis en toute confiance la lettre d'adieu de votre époux. Cette seule lettre est significative.

Je leur ai fait part de mon désir de vous rencontrer. Pas de réponse: bien compréhensible en ces moments.

Je me souviens de la discrétion, de la réserve, voire de la timidité de votre mari.

En attente du dossier, croyez, Madame, à tout mon dévouement et à toute ma compassion. »

- une feuille manuscrite non datée relative à des questions relatives à son travail que se posait monsieur [O]

- la lettre adressée par monsieur [O] du 15 janvier 2004 :

« Fin décembre vous avez modifié la répartition des tâches entre le DPX caténaire et son TO sans me concerter.

Suite à cette nouvelle organisation, vous trouverez au dos une estimation en heures de la réalisation des tâches qui me sont attribuées depuis le 1/1/2004, ainsi qu'une comparaison avec les situations antérieure au 1/07/2003 et entre le 1/7/2003 et le

1/1/2004.

Cette estimation n'est valable que pour mon cas et peut être différente suivant les capacités de chaque personne. Cette estimation est basée sur 42 semaines de travail

dans l'année. Les cinq dernières tâches n'ont pas lieu chaque année.

Avant le 1/1/2004, ma charge de travail était telle qu'il était possible d'assumer le remplacement du DPX pendant ses absences et de préparer les chantiers en prévision de mes congés afin que la charge du DPX ne soit pas trop élevée à ces périodes.

A partir du 1/1/2004 avec cette nouvelle organisation, en année« creuse» (sans RP, VD, trx par entreprise caténaire et relevé d'épaisseur des FC RG limité au sud du parcours), 1 ma charge de travail annuelle s'évalue à 1560 heures environ.

Je ne pense pas qu'il me soit alors possible d'assurer le remplacement du DPX pendant ses absences (RQ, Congés, maladie, réunion, stage) ni de préparer les travaux ayant lieu pendant mes propres absences.

A partir du 1/1/2004 avec cette nouvelle organisation, en année « pleine» (RP, usure de fils sur tout le parcours RG, tx caténaire, mais peu de tournées en hauteur RG et pas de VD par exemple), j'estime ma charge de travail à environ 1850 heures (pour mémoire

nous travaillons 1582 heures/an).

Je ne suis pas en mesure de faire face à une telle organisation.

J'attire votre attention sur le fait que le surplus de ces tâches sont à la base même de la qualité de production des brigades caténaires, tant au niveau de la sécurité des circulations que de celle du personnel. Une réalisation bâclée faute de temps me semble difficilement admissible à ce niveau. »

- une attestation de monsieur [N], se déclarant employé à la SNCF de 1972 à 2009 affecté à la brigade catenaire de [Localité 12], avec qui il a travaillé et siégé au sein du CHSCT, soulignant son professionnalisme, son respect des autres et son souci de perfectionnisme, confirmant que lorsqu'il est devenu adjoint au DPX, il a dû faire face à un surcroit de travail assumant son poste et celui de son chef régulièrement absent, se culpabilisant « quand le travail ne se passait pas comme cela aurait dû être » et précisant que « lors de réunion avec la direction, il a très mal vécu le fait qu'on lui fasse porter la responsabilité du retard dans l'approvisionnement du matériel. Lors de la réunion équipe qui a suivi il nous en a fait part. Avec mes collègues de la brigade, j'ai essayé de le rassurer et que pour nous il n'était pas responsable. Quelques jours après notre collègue se donnait la mort » ;

Attendu que si monsieur [O] a connu une surcharge de travail, plus de trois ans avant son suicide, qu'il a dénoncée en 2004 à son employeur, aucun élément ne vient corroborer une quelconque persistance de ce fait ;

Qu'aucun autre écrit de monsieur [O] dénonçant ses conditions de travail n'est produit aux débats ;

Que l'attestation de monsieur [N] ne permet pas de dater la durée de la surcharge de travail à laquelle monsieur [O] aurait été confronté;

Que sur les entretiens d'évaluation de monsieur [O] versés aux débats, la surcharge de travail n'est nullement évoquée ;

Que la demande de mutation formée le 27 juin 2007 par monsieur [O] est justifiée exclusivement par des motifs personnels à caractère familial ;

Que si le médecin du travail de façon générale a évoqué le stress au travail, la pénibilité du travail, le « mal-être », ce praticien l'a fait de manière générale sans faire référence à la situation personnelle de monsieur [O] et a d'ailleurs reconnu expressément n'avoir pas eu à connaître de la situation de monsieur [O] ni au titre d'accident du travail ou de maladie professionnelle ni au titre d'un signalement émanant de l'intéressé ou de ses collègues de travail ;

Attendu que monsieur [O] a pu craindre que des reproches lui soient faits concernant les vols de cuivre et la gestion opérée par lui, pouvant aller jusqu'à son exclusion de l'entreprise, aucun élément objectif ne vient corroborer ses craintes ;

Que si monsieur [N] a pu écrire que monsieur [O] a été marqué par les reproches de sa direction, il n'a point été témoin direct des propos tenus n'ayant pas assisté à la réunion avec la direction et s'est limité à reproduire les seuls propos de monsieur [O] et la perception qui en était la sienne ;

Qu'aucune procédure disciplinaire, soumise à un formalisme strict défini au statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, n'a été mise en mouvement et aucun reproche sous quelque forme que ce soit n'ayant été adressé par la SNCF à monsieur [O], lequel faisait l'objet d'évaluations exemptes de reproches;

Attendu que madame [O] est défaillante dans l'administration de la preuve lui incombant de démontrer que le suicide de son époux soit survenu par le fait ou à l'occasion du travail ;

Qu'il n'est pas établi un lien de causalité entre le suicide de monsieur [O] et l'activité professionnelle de ce dernier ;

Que le suicide de monsieur [O] ne peut être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ;

Attendu que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

Attendu que la procédure étant gratuite et sans frais, la demande relative aux dépens est dénuée d'objet ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Reçoit l'appel

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Déboute madame [O] de sa demande en reconnaissance d'accident du travail du suicide survenu le 12 octobre 2007 à monsieur [O]

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Dit la demande relative aux dépens dénuée d'objet.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Malika CHINOUNE Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 12/05225
Date de la décision : 12/03/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°12/05225 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-12;12.05225 ?
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