AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 11/04039
SAS RUGOTECH
C/
[E]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 12 Mai 2011
RG : F 10/02369
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 31 JANVIER 2013
APPELANTE :
SAS RUGOTECH
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée à l'audience par Me Sonia BRUNET-RICHOU, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ :
[Z] [E]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté à l'audience de Me Eric ROUXEL, avocat au barreau de MONTPELLIER
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Novembre 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre
Hervé GUILBERT, Conseiller
Christian RISS, Conseiller
Assistés pendant les débats de Marie BRUNEL, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 31 Janvier 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Ouarda BELAHCENE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
Monsieur [Z] [E] est entré au service de la société ÉQUIP'SOLS à compter du 16 avril 2007 en qualité de technico-commercial en préparation de sols, statut cadre autonome, position A 1 de la convention collective des travaux publics, et a été affecté à son agence de [Localité 7], située à [Localité 9] avec pour mission non seulement de développer et suivre la clientèle sur le secteur géographique attribué et d'en rendre compte, mais encore d'encadrer le personnel d'exécution pour la réalisation de chantiers et les opérateurs, avec surveillance des moyens techniques.
Au cours de l'année 2008, la société ÉQUIP'SOLS a été scindée en deux entités, dont la société RUGOTECH S.A.S. ayant pour activité la « préparation de sols » au sein de laquelle le contrat de travail de Monsieur [E] a été transféré.
Ce dernier a été placé en arrêt de travail pour maladie du 15 décembre 2008 au 30 septembre 2009.
Il a fait l'objet d'avertissements les 6 octobre 2008, 24 décembre 2008 et 6 janvier 2009 de la part de son employeur en raison de problèmes rencontrés sur l'agence dont il avait la charge, de son management des hommes insatisfaisant et son affranchissement de ses obligations administratives, ainsi que l'impossibilité dans laquelle s'est trouvée sa direction de le joindre pendant son arrêt maladie pour assurer le suivi des chantiers.
Se disant victime de harcèlement moral de la part de la société RUGOTECH, à l'origine de son état anxio-dépressif depuis la mi-décembre 2008, Monsieur [E] a saisi la conseil de prud'hommes de Lyon le 2 février 2009 d'une demande tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice, mais l'affaire a fait l'objet d'une radiation le 29 avril 2010 après plusieurs renvois.
Alors qu'il était encore en arrêt de travail, il a été convoqué le 25 septembre 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 octobre 2009, soit le jour suivant celui de la visite médicale de reprise après son arrêt de travail, mais ne s'y est pas présenté.
Il a finalement été licencié le 12 octobre 2009 pour insuffisance professionnelle préjudiciable aux intérêts de l'entreprise en raison de l'insuffisance de résultats de son agence de [Localité 7].
Contestant le bien fondé de la rupture de son contrat de travail, Monsieur [E] a sollicité le 17 juin 2010 la réinscription de son dossier au rôle du conseil de prud'hommes de Lyon et a demandé la condamnation de la société RUGOTECH à lui payer les sommes de:
' 60 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
' 60'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
' 43'560 € à titre de contrepartie à la clause de non-concurrence à laquelle il est astreint,
' 2 200 € à titre de la partie impayée de la prime contractuelle non réglée,
' 90,75 € à titre de solde de la débilité conventionnelle de licenciement,
' 3 122,63 € au titre des jours de RTT non pris et non rémunérés,
' 969,60 € arbitrairement déduite du solde de tout compte et correspondant à une indemnisation de perte de prime du fait de son départ anticipé de chez son ancien employeur,
' 5'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société RUGOTECH s'est opposée à l'ensemble de ses demandes et a demandé sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement rendu le 12 mai 2011, le conseil de prud'hommes de Lyon a dit que le harcèlement moral n'était pas démontré, que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et que la clause de non-concurrence était valide, et il a condamné la société RUGOTECH à payer à Monsieur [E] les sommes de :
' 20'000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
' 20'000 € au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,
' 533,09 € au titre de trois jours de RTT dus,
' 2 200 € au titre du solde de la prime contractuelle,
' 969,60 € au titre de la retenue sur le solde de tout compte,
' 90,75 € au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
' 1 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La juridiction prud'homale a en outre débouté Monsieur [E] de sa demande au titre du harcèlement moral et la société RUGOTECH de celle présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné le remboursement aux organismes de chômage par la société RUGOTECH des indemnités versées du jour de licenciement de Monsieur [E] au jour du prononcé du jugement, et a condamné la société RUGOTECH aux dépens de l'instance.
La société RUGOTECH a relevé appel le 31 mai 2011de ce jugement en demandant sa confirmation en ce qu'il a déclaré non fondé le harcèlement moral invoqué par Monsieur [E] et sa réformation pour le surplus, en concluant au rejet de l'intégralité des demandes présentées par le salarié et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle prétend que Monsieur [E] n'a en aucun cas été victime d'un harcèlement moral en faisant valoir que les correspondances qui lui ont été adressées constituent des courriers normaux et courants en usage dans toutes les entreprises, et de surcroît empreints de bienveillance à son égard, et qu'en outre il agissait en totale indépendance en manquant aux obligations prévues par son contrat de travail, faisant preuve de négligence et de mauvaise volonté, voire d'incompétence grossière et d'intention de nuire, n'apportant enfin aucune preuve du harcèlement dont il se dit victime.
Elle soutient ensuite que son insuffisance professionnelle, doublée d'une insuffisance de résultats de l'agence de [Localité 7] et de l'absence d'amélioration de sa part, justifie le prononcé de son licenciement sur une cause réelle et sérieuse.
Elle conteste devoir verser une contrepartie financière à la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail de Monsieur [E] pour y avoir renoncé dans un délai raisonnable, ajoutant que l'intéressé ne justifie d'aucun préjudice pour avoir été en arrêt de travail à compter du 15 décembre 2008 puis déclaré inapte le 6 novembre 2009 par le médecin du travail aux fonctions confiées par son employeur pendant trois ans, soit jusqu'en 2013, année à laquelle il ne reprendra certainement plus aucun emploi et sera mis d'office à la retraite pour atteindre l'âge de 63 ans.
Elle s'oppose enfin au paiement des diverses autres sommes réclamées par le salarié.
Monsieur [E] sollicite pour sa part la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse à son licenciement et le principe d'une indemnité de non-concurrence, demandant son infirmation pour le surplus et la condamnation de la société RUGOTECH au paiement des sommes de :
' 60'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
' 49'500 € à titre de contrepartie à la clause de non-concurrence à laquelle il est astreint,
' 2 200 € au titre de la partie impayée de la prime contractuelle non réglée,
' 90,75 € à titre de solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
' 3122,36 € au titre des jours de RTT non pris et non rémunérés,
' 969,60 € arbitrairement déduite du solde de tout compte et correspondant à une indemnisation de perte de prime du fait de son départ anticipé de chez son ancien employeur,
' 5'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il fait tout d'abord observer que la direction de l'agence de [Localité 7] lui a été confiée, mais qu'il n'a pu obtenir la qualification de chef d'agence avec la rémunération correspondante pour des raisons financières, et qu'il ne disposait d'aucune autonomie en matière de recrutement, ce domaine étant exclusivement réservé au président-directeur général de la société.
Il indique avoir commencé à rencontrer de sérieux problèmes avec le directeur commercial de l'entreprise à compter du mois de mars 2008 en raison de sa gestion des ressources humaines, se voyant contraint de réaliser ses objectifs à partir de juin 2008 avec un effectif réduit à un salarié au lieu des quatre normalement prévus pour l'agence, l'amenant à des efforts physiques importants sur les chantiers au détriment de ses propres tâches inhérentes à ses fonctions, et se trouvant en outre dans l'obligation de subir une intervention chirurgicale du genou en urgence le 2 juillet 2008.
Il prétend injustifié le premier avertissement qui lui a été dispensé le 13 octobre 2008, auquel il a répondu, et soutient avoir fait l'objet d'attaques quotidiennes répétées qui l'ont amené à devoir arrêter son activité professionnelle pour dépression et placement sous traitement médical.
Pour éviter cependant toute difficulté supplémentaire, il précise avoir poursuivi le traitement des affaires en cours depuis son domicile en espérant pouvoir se rétablir rapidement, mais s'être vu critiquer ce comportement et avoir fait l'objet de deux nouveaux avertissements contradictoires au motif qu'il aurait été difficilement joignable.
Il considère que ces faits participent du harcèlement moral qu'il a dénoncé, caractérisé par des mises en cause injustifiées du directeur commercial, des reproches, actes discriminatoires et autres menaces verbales devant les salariés de l'agence, et alors que les effectifs étaient insuffisants et qu'il se voyait contraint d'aller travailler avec ses béquilles et une attelle immédiatement après son intervention chirurgicale, l'employeur manquant gravement et intentionnellement à son obligation de protection de sa santé physique et mentale.
Il soutient en outre que la société RUGOTECH a procédé à son licenciement de manière vexatoire et sans cause réelle et sérieuse, afin de l'empêcher de reprendre son activité après s'être livrée à un véritable harcèlement pour obtenir sa démission, la procédure de licenciement ayant été engagée précisément le lendemain du jour où il avait sollicité sa reprise d'activité.
Il fait à cette fin valoir qu'il ressort de la lettre de licenciement que celui-ci est fondé uniquement sur une insuffisance de résultat et non sur une insuffisance professionnelle ; que l'employeur ne démontre aucunement que les pertes invoquées à l'appui du licenciement résulteraient de sa seule insuffisance, et qu'en tout état de cause il conteste les affirmations de la société appelante en prétendant avoir dépassé l'objectif qui lui avait été fixé et alors même que l'agence de [Localité 7] était en sous-effectif chronique depuis le mois de mars 2008.
Il élève par ailleurs sa demande présentée au titre de l'indemnisation de la clause de non-concurrence en se fondant sur la jurisprudence de la cour d'appel et formule des demandes d'indemnisation qu'il estime fondées au titre d'une prime d'objectifs, d'un rappel d'indemnité de licenciement et de jours de RTT qu'il n'avait jamais pris et qui était ainsi capitalisés.
Il sollicite enfin l'indemnisation de ses frais irrépétibles et non compris dans les dépens engagés du fait de l'appel interjeté par la société RUGOTECH.
DISCUSSION :
1°) Sur le harcèlement moral :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152 ' 1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »;
qu'en application de l'article L. 1154 ' 1 du code du travail, il appartient dans un premier temps au salarié concerné d'établir les faits permettant de présumer l'existence de harcèlement ;
qu'il incombe ensuite à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que les actes et décisions litigieux sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu qu'en l'espèce Monsieur [E] reproche au directeur général de la société RUGOTECH de s'être livré à des comportements pour le moins répréhensibles à son égard et ce, directement ou indirectement par l'intermédiaire de son directeur commercial ; qu'il en veut pour preuve les menaces, attitudes agressives et désobligeantes envers sa personne, la notification de plusieurs avertissements ou courriers comminatoires infondés pendant son arrêt de travail, ou encore l'obligation dans laquelle il s'est trouvé de travailler immédiatement après une intervention chirurgicale, et alors qu'il se trouvait en arrêt de travail pour une durée d'un mois et demi ;
Mais attendu qu'à l'exception des correspondances échangées entre les parties, Monsieur [E] ne verse aux débats aucun élément de nature à établir le harcèlement moral dont il se dit victime, les certificats médicaux qu'il produit, et qui se limitent à relater ses dires, ne suffisant pas à caractériser un harcèlement moral ;
qu'en 10 mois d'absence, il a lui-même envoyé à son employeur 15 lettres de doléances adressées en la forme recommandée, électronique ou télécopie, que la société RUGOTECH conteste au demeurant avoir reçues pour certaines d'entre elles ; que nul ne pouvant se forger de preuve à lui-même, l'absence de réponse à certains de ses envois ne saurait démontrer l'exactitude de leur contenu ; qu'en outre ces lettres font fréquemment état d'informations qui auraient été rapportées à Monsieur [E] ou traduisent son ressenti, tel le souhait de son employeur de le licencier ou de le forcer à la démission, sans pour autant constituer un élément de preuve ;
que les correspondances que lui a fait parvenir la société RUGOTECH correspondent pour leur part à des demandes de documents et informations sur son activité, parfois assorties du rappel de ses obligations tenant à son contrat de travail ou aux consignes qui lui avaient été données pour l'exécution de ses fonctions, et que Monsieur [E] ne conteste pas au demeurant avoir négligées pour avoir effectué très souvent lui-même des tâches matérielles dévolues aux opérateurs au détriment des siennes ; que ces rappels à l'ordre ne contiennent toutefois ni menaces, ni propos agressifs ou désobligeants envers sa personne, mais sont rédigées en termes courtois et correspondent aux pratiques habituellement suivies en pareil cas dans les entreprises ;
que l'avertissement qui lui a été notifié le 6 octobre 2008 faisait suite à l'entretien qu'il avait lui-même sollicité, et au cours duquel il avait été mis en évidence le fait qu'il dépensait « une énergie phénoménale mais en pure perte puisque mal canalisée et mal utilisée »; qu'il lui était ainsi reproché son « management des hommes . . . souvent incohérent », son fonctionnement « de façon totalement isolée par rapport à la hiérarchie en ne respectant pas les consignes, en ne faisant remonter aucune information. La plupart des obligations administratives ne sont pas remplies, privant ainsi la Direction d'éléments de gestion importants, bases de données, feuilles de chantier, rapport commercial, pointage des salariés . . . » ; qu'un délai, assorti de l'assistance de son supérieur hiérarchique direct, lui a cependant été accordé pour corriger ces manquements et améliorer la situation de l'agence de [Localité 7], à défaut de quoi une sanction pourrait être prise;
qu'une lettre de mise en garde lui a encore été adressée le 24 décembre 2008 alors qu'il était en arrêt maladie depuis le 15 décembre 2008 pour n'avoir pu être joint par courrier électronique ou téléphone par ses supérieurs hiérarchiques soucieux d'assurer le fonctionnement de l'agence en son absence, et avoir continué lui-même son activité professionnelle en téléphonant régulièrement à ses subordonnés pour leur donner leur planning de travail au jour le jour, au point que ces derniers ignoraient son absence due à ses problèmes de santé ; que Monsieur [E] ne saurait à ce titre prétendre avoir été contraint par son employeur de poursuivre son activité professionnelle pendant son arrêt de travail pour l'avoir fait de sa propre initiative et à l'insu de la société RUGOTECH, puis contre sa volonté ;
qu'en dépit de la correspondance qui précède et de la prolongation de son arrêt de travail, Monsieur [E] s'est non seulement abstenu de prendre contact avec sa Direction, mais n'a pu accueillir à son domicile son directeur commercial venu reprendre possession de l'ordinateur de travail et du téléphone portable de l'entreprise, tout en continuant de donner des consignes de travail aux opérateurs, un tel mode de fonctionnement étant totalement inadapté au bon fonctionnement de l'agence ; que pour ces faits, un second avertissement lui a été délivré le 6 janvier 2009 qu'il n'a pas davantage contesté en justice;
qu'une nouvelle correspondance comminatoire pour la restitution de l'ordinateur et du téléphone portable a dû encore lui être adressée le 12 janvier 2009 ;
Attendu que ces correspondances, lettres de relance et avertissements contiennent des observations concrètes et sont toutes relatives à la bonne marche de l'entreprise ; qu'elle sont exemptes de tout harcèlement moral ;
que la société RUGOTECH démontre ainsi que ses actes et décisions ont été justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, et qu'ils ne sont pas en eux-mêmes constitutifs d'un harcèlement au sens de l'article L. 1152 ' 1 du code du travail précité;
qu'il importe dès lors de confirmer le jugement rendu par la conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a dit que Monsieur [E] ne rapporte pas la preuve du harcèlement moral dont se dit victime, ni celle d'un manquement de la société RUGOTECH à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé physique et mentale des travailleurs dans l'entreprise ;
2°) Sur le licenciement :
Attendu que Monsieur [E] a été licencié le 12 octobre 2009 pour le motif ainsi énoncé fixant les limites du litige sans que d'autres faits puissent à présent être invoqués :
« Nous avons donc décidé de vous licencier pour insuffisance professionnelle préjudiciable aux intérêts de l'entreprise.
En effet le résultat net de votre agence de [Localité 7] affichait une perte nette de 206'870 € lors de l'établissement du bilan au 31 mars 2009.
Ce résultat vient malheureusement confirmer la perte de 118'339 € constatée à la situation de fin octobre 2008, qui elle-même confirmait une très nette dégradation par rapport à la situation de juillet 2008 de ' 27'202 € . .
Ces événements nous paraissent suffisants pour entraîner le licenciement »;
Attendu qu'il ressort ainsi de la lettre de licenciement que l'insuffisance professionnelle reprochée à Monsieur [E] n'est fondée que sur l'insuffisance des résultats de l'agence de [Localité 7] dont il avait prétendument la charge et non sur son inaptitude à exécuter ses attributions de manière satisfaisante, aucune référence n'étant faite dans la lettre de licenciement à ses manquements ressortant de son incompétence ou des correspondances qui lui avaient été adressées par son directeur commercial pour lui demander d'exécuter correctement ses fonctions ;
qu'il n'a cependant pas été recruté en qualité de directeur d'agence, dont il n'avait pas la rémunération, mais de simple agent technico-commercial ;
que si l'expert comptable a alerté la société RUGOTECH sur la situation de l'agence de [Localité 7] qui ne cessait de se dégrader, l'employeur ne démontre en aucune façon que les pertes invoquées à cette agence pour justifier le licenciement de Monsieur [E] proviendraient exclusivement de son fait et résulteraient de sa seule insuffisance professionnelle ;
que l'insuffisance de résultat, au demeurant contestée par le salarié, doit en effet être appréciée au regard de la conjoncture du marché et sur des éléments précis et objectifs qui lui seraient imputables ;
qu'à défaut de la production de tels éléments par l'employeur, le licenciement de Monsieur [E] doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'il importe dès lors de confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société RUGOTECH à lui verser la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts, l'intimé ne justifiant pas suffisamment de la somme supérieure qu'il sollicite en réparation de son préjudice et le conseil de prud'hommes ayant procédé à sa juste évaluation en considération des éléments d'appréciation produits ;
3°) Sur la contrepartie financière de la clause de non concurrence :
Attendu que l'article 9 du contrat de travail de Monsieur [E] énonçait une clause de non-concurrence sur le secteur géographique Rhône Alpes d'une durée de deux ans dépourvue de contrepartie financière et de possibilité contractuelle pour l'employeur d'y renoncer unilatéralement ;
que la clause étant nulle pour ne pas comporter de contrepartie financière, et la société n'ayant pu y renoncer en l'absence d'avenant intervenu entre les parties, Monsieur [E] est en conséquence fondé à solliciter son indemnisation à ce titre ;
Attendu cependant que le salarié ne démontre pas avoir respecté ladite clause ni qu'elle lui ait occasionné un préjudice, pour avoir été licencié le 12 octobre 2009 avant d'être finalement déclaré inapte au travail par le médecin du travail le 6 novembre 2009 pendant une durée de trois ans, date à laquelle il aura atteint l'âge de la retraite ; qu'il ne peut dès lors lui être alloué à ce titre que la somme symbolique de 1.000 € ; que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes doit en conséquence être réformé sur ce chef de demande ;
4°) Sur les autres demandes :
Attendu que le conseil de prud'hommes a fait droit à la demande présentée par Monsieur [E] pour obtenir le paiement d'un solde de 2 200 € sur la prime d'objectifs stipulée à son contrat de travail qui lui serait due au titre de l'exercice 2007/2008 pour avoir réalisé un chiffre d'affaires sur cette période de 502'287 € dépassant de 12 % son objectif alors fixé à 450'000 € ;
que la prime d'objectifs n'étant due que sur le chiffre d'affaires réellement encaissé et non sur celui facturé, et la société RUGOTECH justifiant n'avoir encaissé qu'un montant de 364'753 € au titre de cet exercice pour n'avoir pas été réglée d'une facture concernant le chantier BRESSE DALLAGE, l'objectif de 450'000 € fixé à Monsieur [E] ne peut être considéré comme atteint; que la prime sollicitée n'est en conséquence pas due, de sorte qu'il importe de réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes et de débouter Monsieur [E] de ce chef de demande ;
qu'en revanche la société RUGOTECH est redevable de la somme de 90,75 € au titre du paiement du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement pour le motif justement énoncé par les premiers juges et que la cour adopte intégralement ;
Attendu que Monsieur [E] sollicite également le paiement de la somme de 3 122,36 € correspondant aux jours de RTT qu'il n'aurait jamais pris et qu'il a capitalisés; qu'il ne conteste cependant pas que l'accord sur la réduction du temps de travail ne prévoit l'indemnisation des jours de récupération que sur une période de 12 mois, de sorte que ceux qu'il indique n'avoir jamais pris les années précédentes, ou lorsqu'il était en arrêt maladie, doivent être considéré perdus ;
que par une juste appréciation des circonstances de l'espèce, le conseil de prud'hommes a considéré que sur la période des 12 derniers mois Monsieur [E] avait acquis trois jours de RTT et lui a alloué à ce titre la somme de 533,09 €; qu'il importe de confirmer le jugement déféré sur ce point ;
Attendu que Monsieur [E] demande encore le paiement de la somme de 969,60 € correspondant à une retenue irrégulièrement pratiquée par son employeur sur le solde de tout compte; que la société RUGOTECH prétend justifier cette retenue par le fait qu'elle correspondrait au remboursement d'une avance de frais qu'elle aurait consentie au salarié lors de son embauche ;
qu'elle ne justifie cependant par aucun document, et notamment un reçu signé par le salarié, de l'existence d'une telle avance, l'état de virement de sa banque en date du 3 mai 2007 au nom de la société RUGOTECH qu'elle verse au débat ne pouvant constituer un quelconque élément de preuve pour être antérieur à la constitution de la société, dont la dénomination était encore ÉQUIP'SOLS ; qu'en outre les deux attestations de salariés indiquant avoir perçu une somme comparable à titre d'avance n'établissent pas de manière incontestable que Monsieur [E] en ait également bénéficié ; que ce dernier, qui reconnaît avoir toutefois perçu la somme de 1 000 € lors de son entrée au service de la société ÉQUIP'SOLS, prétend qu'elle représentait l'indemnisation pour partie d'une perte de prime dont son ancien employeur était redevable et qui aurait dû lui être versée au mois de juin 2007;
qu'il convient encore de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société RUGOTECH à lui verser la somme de 969,60 € au titre de la retenue injustifiée pratiquée sur le solde de tout compte ;
Attendu par ailleurs que pour assurer la défense de ses intérêts devant la cour, l'intimé a été contraint d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de la société appelante ;
qu'il convient dès lors de condamner celle-ci à lui payer une indemnité de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu enfin que la société RUGOTECH, qui ne voit pas aboutir une grande part de ses prétentions devant la cour, est déboutée de sa demande présentée sur le fondement du même article et supporte la charge des entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement rendu le 12 mai 2011 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ses dispositions condamnant la société RUGOTECH S.A.S. à payer à Monsieur [Z] [E] les sommes de :
' 20 000,00 € au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence;
' 2 200,00 € au titre du solde de la prime d'objectifs pour l'exercice 2007/2008,
et, statuant à nouveau,
CONDAMNE la société RUGOTECH S.A.S. à payer à Monsieur [Z] [E] la somme de 1 000,00 € (MILLE EUROS) au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence ;
DEBOUTE Monsieur [Z] [E] de sa demande en paiement d'un solde de prime d'objectifs pour l'exercice 2007/2008 ;
CONFIRME pour le surplus le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;
CONDAMNE la société RUGOTECH S.A.S. à verser à Monsieur [Z] [E] en cause d'appel la somme de 1 500,00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE LA société RUGOTECH S.A.S. de sa demande présentée sur le fondement du même article et la condamne aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Le GreffierLe Président