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15/01/2013 | FRANCE | N°12/03017

France | France, Cour d'appel de Lyon, Sécurité sociale, 15 janvier 2013, 12/03017


AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE



COLLÉGIALE



RG : 12/03017





SAS RENAULT TRUCKS



C/

[P]

CPAM DU RHONE

FOND D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 13 Mars 2012

RG : 20092472











COUR D'APPEL DE LYON



Sécurité sociale



ARRÊT DU 15 JANVIER 2013















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APPELANTE :



SAS RENAULT TRUCKS

[Adresse 7]

[Localité 4]



représentée par la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES (Me Christophe BIDAL), avocats au barreau de LYON substituée par Me Elodie BOSSUOT-QUIN, avocat au barreau de LYON







INTIMÉS :



[C] [P]

[Adresse 2]

[Localit...

AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE

COLLÉGIALE

RG : 12/03017

SAS RENAULT TRUCKS

C/

[P]

CPAM DU RHONE

FOND D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 13 Mars 2012

RG : 20092472

COUR D'APPEL DE LYON

Sécurité sociale

ARRÊT DU 15 JANVIER 2013

APPELANTE :

SAS RENAULT TRUCKS

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES (Me Christophe BIDAL), avocats au barreau de LYON substituée par Me Elodie BOSSUOT-QUIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

[C] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DU RHONE

Service Contentieux

[Localité 5]

représenté par Mme [O] en vertu d'un pouvoir général

FOND D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE, SUBROGE DANS LES DROITS DE MONSIEUR [P] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

non comparant, dispensé de comparaître

PARTIES CONVOQUÉES LE : 23 mai 2012

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Novembre 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Michèle JAILLET, Conseiller

Assistées pendant les débats de Ouarda BELAHCENE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Janvier 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

[C] [P], salarié de la société RENAULT VEHICULES INDUSTRIELS aux droits de laquelle se trouve la S.A.S. RENAULT TRUCKS du 1er octobre1956 au 31 mai 2000, a été atteint d'un cancer du poumon ; le 28 janvier 2008, il a souscrit une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n° 30, imputant sa pathologie à l'exposition aux poussières d'amiante subie au cours de sa carrière ; le 12 juin 2008, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a refusé de rendre un avis ; le 8 juin 2009, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE a décidé de prendre en charge le cancer au titre de la législation sur les risques professionnels et plus spécialement au titre du tableau n° 30 C des maladies professionnelles.

Après échec de la tentative de conciliation, [C] [P] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON pour voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur ; en cours d'instance, il a saisi le Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante ; ce dernier a fait une offre d'indemnisation à [C] [P] qui l'a acceptée ; le Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante s'est trouvé subrogé dans les droits de [C] [P] et est intervenu à l'instance ; la S.A.S. RENAULT TRUCKS a, d'une part, contesté sa faute inexcusable, et, d'autre part, soulevé l'inopposabilité à son égard de la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE de prendre en charge la maladie présentée par [C] [P] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par jugement du 13 mars 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :

- retenu l'existence d'une faute inexcusable,

- majoré la rente servie à [C] [P] au taux maximum,

- fixé à la somme de 81.000 euros l'indemnité revenant au Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante, subrogé dans les droits de [C] [P],

- déclaré inopposable à la S.A.S. RENAULT TRUCKS la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE de reconnaissance de la maladie professionnelle présentée par [C] [P],

- décidé que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE devait faire l'avance des sommes,

- rejeté les demandes fondées sur les frais irrépétibles.

Le jugement a été notifié le 21 mars 2012 à la S.A.S. RENAULT TRUCKS qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 13 avril 2012 ; l'appel est limité à la reconnaissance de la faute inexcusable.

Par conclusions visées au greffe le 20 novembre 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. RENAULT TRUCKS :

- demande la confirmation du jugement entrepris en ses dispositions relatives à l'inopposabilité à son égard de la décision de la caisse de prendre en charge la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels,

- conteste tout lien entre la maladie et le travail au motif que [C] [P] n'a jamais été exposé à l'amiante,

- en veut pour preuve que [C] [P] n'a pas demandé l'attestation d'exposition à l'amiante à son départ de l'entreprise, que le médecin du travail a relevé 'pas d'exposition à l'amiante répertorié' et a relié le cancer à une pleurésie tuberculeuse présentée en 1965 et que selon les données de la science les plaques pleurales peuvent être les séquelles d'une pleurésie,

- objecte aux deux témoignages produits par le demandeur que l'un émane d'une personne qui ne travaillait pas avec lui et que l'autre est imprécis,

- au principal, demande le rejet de l'action en reconnaissance de faute inexcusable,

- au subsidiaire, conteste les sommes réclamées,

- à l'infiniment subsidiaire, rappelle que la caisse ne peut pas exercer une action récursoire à son encontre.

Par conclusions visées au greffe le 20 novembre 2012, le Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante qui a été dispensé de comparaître à l'audience :

- indique qu'il a versé à [C] [P] la somme de 81.000 euros, soit 35.000 euros au titre du préjudice moral, 23.000 euros au titre des souffrances physiques, 22.000 euros au titre du préjudice d'agrément et 1.000 euros au titre du préjudice esthétique,

- prétend, au soutien de la reconnaissance de la faute inexcusable, qu'au cours de sa carrière professionnelle [C] [P] a été exposé de manière habituelle aux poussières d'amiante et n'a jamais été protégé,

- demande que la rente soit majorée au taux maximum, que la majoration suive l'évolution du taux d'incapacité et qu'en cas de décès de [C] [P] la majoration soit transférée à la rente du conjoint survivant,

- réclame le remboursement par la caisse des sommes réglées à [C] [P] en réparation de ses préjudices,

- sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 20 novembre 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [C] [P] :

- au soutien de la reconnaissance de la faute inexcusable fait valoir qu'au cours de sa carrière professionnelle il a été exposé de manière habituelle aux poussières d'amiante et n'a jamais été protégé,

- indique qu'il a travaillé en qualité de technicien méthode au sein de l'établissement de [Localité 11] à l'atelier d'usinage où il était occupé sur des machines-outils dont les freins était constitués d'amiante et au magasin central outillage qui se situait à proximité de la fonderie et qui était pollué par les poussières d'amiante,

- en veut pour preuve les courriers de l'inspection du travail, les rapports rédigés en 2012 et le témoignage de ses collègues,

- affirme que sa pathologie trouve son origine dans son exposition professionnelle directe et importante à l'amiante,

- accuse son employeur d'avoir eu conscience du danger et de ne pas l'avoir protégé,

- demande que la rente soit majorée au taux maximum et que la majoration suive l'évolution du taux d'incapacité,

- sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 20 novembre 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE s'en remet à la sagesse de la Cour tant en ce qui concerne la faute inexcusable que l'inopposabilité de sa décision à l'égard de l'employeur.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE n'interjette pas appel incident du jugement ; les dispositions du jugement par lesquelles le tribunal des affaires de sécurité sociale a déclaré inopposable à la S.A.S. RENAULT TRUCKS la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE de prendre en charge la maladie présentée par [C] [P] au titre de la législation sur les risques professionnels ne sont donc pas déférées à la Cour.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la faute inexcusable :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie professionnelle subie par le salarié et il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée alors même que d'autres fautes ont concouru au dommage.

La S.A.S. RENAULT TRUCKS conteste l'origine professionnelle de la maladie ; la prise en charge par la caisse de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels ne saurait priver l'employeur d'un débat contradictoire sur la cause de la pathologie.

Le certificat médical initial fait état d'une dégénérescence maligne broncho-pulmonaire compliquant des lésions pleurales bénignes ; la déclaration de maladie professionnelle mentionne : 'cancer du poumon et lésions pleurales'.

[C] [P] a été opéré d'une lobectomie inférieure gauche en février 2007 ; le rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente en maladie professionnelle du 14 août 2009 relève la présence de plaques pleurales toutes du côté gauche.

Ainsi, la pathologie est parfaitement circonscrite au côté gauche qu'il s'agisse des plaques pleurales ou du cancer, lequel était plus précisément situé au niveau inférieur du poumon.

Le professeur [D] [N] a déclaré en 2005 à propos des plaques pleurales devant l'Assemblée Nationale dans le cadre d'une mission d'information sur les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante : 'l'étiologie principale est maintenant l'amiante mais d'autres causes existent...lorsque leur présence est unilatérale, le diagnostic, assez facile, est celui d'une séquelle de traumatisme ou de pleurésie. Lorsque les plaques sont bilatérales et dispersées, l'étiologie est celle de l'amiante'.

L'enquêteur de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a conclu ses investigations ainsi : 'On ne peut pas exclure que M.[P] a pu être exposé à l'amiante dans ce genre de situation. Néanmoins, il nous semble qu'il se serait agi là d'une exposition plus ponctuelle qu'habituelle'.

Le médecin du travail a noté :

* le 15 mai 2000 lors de la visite de départ : 'A priori pas d'exposition amiante',

* le 2 mai 2008 : 'Non fumeur. Pleurésie tuberculeuse en 65. Séquelles avec images radio : pachypleurite basale G. Pas d'exposition amiante répertoriée'.

Ainsi, [C] [P] a souffert en 1965 d'une pleurésie tuberculeuse dont il a gardé des séquelles au niveau inférieur gauche ; le cancer avait attaqué le côté inférieur du poumon gauche ; les plaques pleurales ont été observées uniquement côté gauche, ce qui, selon le professeur [N], conduit à un diagnostic de séquelle de pleurésie ; le médecin du travail a écarté l'exposition à l'amiante et l'enquêteur de la caisse a supposé une exposition ponctuelle à l'amiante.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la contestation de l'employeur sur l'origine professionnelle de la maladie doit être accueillie.

Dans la mesure où l'origine professionnelle de la maladie n'est pas établie, ni [C] [P] ni le Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante ne rapportent la preuve qui leur incombe que la faute de l'employeur qu'ils invoquent ait concouru au dommage.

En conséquence, la maladie professionnelle que [C] [P] a déclaré le 28 janvier 2008 ne peut pas être imputée à la faute inexcusable de l'employeur, la S.A.S. RENAULT TRUCKS.

[C] [P] et le Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante doivent être déboutés de leurs demandes.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les frais de procédure :

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de débouter les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme dans les limites de l'appel le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

Juge que la maladie professionnelle que [C] [P] a déclaré le 28 janvier 2008 ne peut pas être imputée à la faute inexcusable de l'employeur, la S.A.S. RENAULT TRUCKS,

Déboute [C] [P] et le Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante de leurs demandes,

Ajoutant,

Déboute [C] [P] et le Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Malika CHINOUNENicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 12/03017
Date de la décision : 15/01/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°12/03017 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-15;12.03017 ?
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