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11/01/2013 | FRANCE | N°12/02824

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 11 janvier 2013, 12/02824


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 12/02824





[B]



C/

SAS BOULANGERIES B.G.







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 27 Mars 2012

RG : F11/00124











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 11 JANVIER 2013













APPELANTE :



[A] [B]

née le [Date naissance 2] 1967 à [Locali

té 7]

[Adresse 6]

[Localité 4]



représentée par la SELARL SELARL AD JUSTITIAM (Me Sylvain SENGEL), avocats au barreau de ROANNE







INTIMÉE :



SAS BOULANGERIES B.G.

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Patrice PASCAL, avocat au barreau de TARASCON





...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 12/02824

[B]

C/

SAS BOULANGERIES B.G.

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 27 Mars 2012

RG : F11/00124

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 11 JANVIER 2013

APPELANTE :

[A] [B]

née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par la SELARL SELARL AD JUSTITIAM (Me Sylvain SENGEL), avocats au barreau de ROANNE

INTIMÉE :

SAS BOULANGERIES B.G.

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Patrice PASCAL, avocat au barreau de TARASCON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 31 Mai 2012

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Novembre 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Michèle JAILLET, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 Janvier 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Attendu que le conseil de prud'hommes de ROANNE section commerce et services commerciaux, par jugement contradictoire du 27 mars 2012, a :

- condamné la SAS BOULANGERIE B.G. à payer à madame [A] [B] la somme de 779,22 euros à titre de rappel de salaire outre 77,92 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire

- au visa des dispositions de l'article R1454-28 du code du travail, rappelé l'exécution provisoire de droit sur les sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2 de l'article R1454-14 et à cette fin fixé la moyenne mensuelle des 3 derniers mois de salaire à la somme de 2390,92 euros

- ordonné à la SAS BOULANGERIE B.G. de remettre à madame [B] un certificat de travail et une fiche de paye rectifiés conformément au présent jugement à compter de la notification du jugement

- dit qu'il n'y a pas lieu à astreinte

- débouté madame [B] de ses autres demandes

- débouté les deux parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la SAS BOULANGERIE B.G. aux dépens;

Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par madame [B] ;

Attendu que madame [B] a été engagée par la SAS BBG suivant contrat à durée indéterminée du 10 janvier 2009, en qualité de manager adjointe niveau IV, échelon1.1, statut agent de maîtrise, à compter du 26 janvier 2009 ;

Que la durée hebdomadaire a été fixée à 40 heures de travail pour une rémunération forfaitaire brute mensuelle de 1905,64 euros ;

Que la date de cette embauche a été repoussée au 9 février 2009, par avenant du 14 janvier 2009 ;

Que la période d'essai initiale de trois mois, expirant au 8 mai 2009, a été renouvelée par avenant du 23 janvier 2009 ;

Attendu que par avenant du 14 avril 2009, madame [B] a été nommée temporairement manager de magasin, niveau IV, échelon 1.2, statut agent de maîtrise, du 14 avril 2009 au 10 mai 2009, pour un salaire mensuel brut de 2.027,03 euros et un horaire hebdomadaire de 40 heures ;

Attendu que par avenant du 11 mai 2009, madame [B] a été nommée manager de magasin, niveau IV échelon1.2, statut agent de maîtrise, avec une période d'essai de 3 mois, renouvelable une fois et versement d'une indemnité spéciale de 59,94 euros par mois durant cette période ;

Que par lettre du 10 août 2009, la période probatoire a été renouvelée à compter du11 août 2009 pour une nouvelle durée de trois mois ;

Attendu que madame [B] a été convoquée à un entretien préalable à sanction fixé au 29 avril 2010, par lettre datée du 6 avril 2010;

Que son employeur lui a notifié, par lettre du 19 mai 2010, une mise à pied d'une journée pour 'non respect de la procédure encaissement de sortie de marchandises en vigueur dans l'entreprise' et non respect de la réglementation en matière d'accès dans l'entreprise' ;

Attendu que madame [B] a été nommée manager de magasin en 'remplacement partiel et temporaire' du manager en poste, absent pour cause de maladie sur la période du 14 juin au 19 juin 2010, par avenant du 14 juin 2010, non signé par elle;

Que par avenants successifs des 21 juin et 5 juillet 2010, non signés par la salariée, l'employeur l'a nommée manager de magasin pour la période du 21 juin au 3 juillet puis du 5 juillet au 28 août 2010;

Attendu que madame [B] a été en arrêt maladie à compter du 14 septembre 2010 ;

Que lors de la première visite médicale de reprise du 5 octobre 2010, le médecin du travail a conclu : 'inapte à tout poste dans l'entreprise, apte à ce poste dans une autre entreprise' ;

Que cet avis a été confirmé à l'issue de la deuxième visite du 19 octobre 2010 ;

Attendu que la SAS BBG a proposé à madame [B], par courrier du 2 novembre 2010, un poste de manager adjoint à [Localité 5] (VAUCLUSE), proposition de reclassement refusée;

Attendu que madame [B] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 2 décembre 2010, par lettre recommandée avec avis de réception du 23 novembre 2010 ;

Qu'elle a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 décembre 2010 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ;

Attendu que madame [B] a déclaré à l'audience être âgée de 43 ans à la date de rupture des relations contractuelles, avoir perçu des allocations chômage pendant 10 mois et avoir retrouvé un travail sous la forme d'un contrat à durée déterminée lui procurant un revenu inférieur ;

Attendu que la SAS BBG emploie plus de 11 salariés, appartient au groupe BLACHERE et est dotée d'institutions représentatives du personnel ;

Que la convention collective applicable est celle des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie ;

Attendu que madame [B] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 26 juillet 2012, visées par le greffier le 16 novembre 2012 et soutenues oralement, de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de ROANNE le 27 mars 2012 en ce que la SAS BOULANGERIE B.G. a été condamnée à lui payerla somme de 779,22 euros à titre de rappel de salaire outre 77,92 euros à titre de congés payés afférents

- infirmer cette décision pour le surplus

- dire et juger qu'elle a occupé à compter du 11 mai 2009 les fonctions de manager de magasin

- ordonner en tant que de besoin en vertu de l'article 142 du code de procédure civile, la production par la SAS BBG de son registre du personnel pour le magasin de RIORGES

- dire et juger que l'employeur n'a pas respecté la législation relative à la durée du travail et aux heures supplémentaires

- dire et juger que la SAS BBG a dissimulé en partie son travail salarié réalisé à son service

- annuler la mise à pied disciplinaire d'un jour notifiée par courrier du 19 mai 2010

- dire et juger qu'elle a été victime de harcèlement moral

- dire et juger que son licenciement est nul, à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse

- condamner en conséquence la SAS BOULANGERIE B.G. à lui payer:

1) outre intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, les sommes de :

* 18 119,85 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées, outre 1 811,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente

* 74,17 euros à titre de rappel de salaire afférent à la mise à pied injustifiée outre 7,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente

* 2390,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 239,09 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente

2) outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, les sommes de :

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non respect par l'employeur de la législation relative à la durée du travail

* 14 345,56 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime

* 21 500 euros pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse

* 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la SAS BBG à lui remettre une attestation destinée à POLE EMPLOI, un certificat de travail et des bulletins de paye conformes à la décision à intervenir, à peine d'une astreinte de 50 euros passé le délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt qui sera rendu

- condamner la SAS BBG aux entiers dépens;

Attendu que la SAS BBG demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 28 septembre 2012, visées par le greffier et soutenues oralement, au visa des articles 8221-5 et L 1235-5 du code du travail, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté madame [B] de ses demandes au titre du harcèlement moral, de la durée du travail, des heures supplémentaires, du travail dissimulé, de la mise à pied conservatoire, de l'absence de nullité du licenciement et de la légitimité du licenciement

Subsidiairement,- fixer les dommages et intérêts pour licenciement nul à la somme de 11.430 euros

Subsidiairement,

- fixer les dommages et intérêts à la somme de 1.905,64 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- concernant la demande de rappel de salaire au titre de l'indemnité spéciale, réformer le jugement et statuant à nouveau, débouter madame [B] de ce chef de demande

-condamner madame [B] à lui payer, en cause d'appel, la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de maître PASCAL ;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de rappel de salaire au titre de l'emploi occupé

Attendu que madame [B] poursuit son employeur à lui payer sur 13 mois, courant du 11 novembre 2009 au 8 décembre 2010, l'indemnité spéciale de 59,94 euros par mois, prévue par l'avenant du 11 mai 2009 et servie au manager de magasin ;

Qu'elle soutient ne pouvoir, à défaut de période probatoire valable, être réintégrée dans ses fonctions antérieures de manager adjoint et ne l'avoir jamais été en l'absence de toute rupture de la période probatoire et dans la mesure où elle a fait preuve de ses compétences pour l'exercice de ses nouvelles fonctions;

Que l'employeur est au rejet de cette demande, précisant que madame [B] a retrouvé au 11 novembre 2009 des fonctions de manager de magasin adjoint et qu'un manager de magasin a été nommé à compter d'octobre 2009 sur le site de [Localité 9] ;

Attendu que madame [B], embauchée par le SAS BBG par contrat à durée indéterminée, prenant effet au 9 février 2009, en qualité de manager de magasin adjoint, a exercé les fonctions de manager de magasin, suivant avenant au contrat de travail pour une durée déterminée courant du 14 avril 2009 au 10 mai 2009;

Que par avenant du 11 mai 2009, l'employeur lui a proposé d'exercer les fonctions de manager de magasin en indiquant : « cette nomination dans vos nouvelles fonctions ne sera toutefois effective qu'après la réalisation d'une période probatoire d'une durée de trois mois renouvelable éventuellement une fois »;

Qu'il a été prévu le versement à madame [B] d'une indemnité spéciale de 59,94 euros « au cours de cette période uniquement » ;

Qu'il est également précisé :

«Le suivi de votre progression dans l'acquisition des compétences requises donnera lieu à un bilan entre vous et la direction.

En cas de constatation d'une progression insuffisante d'une inadaptation à la fonction, vous serez réintégrée dans votre emploi antérieur ou un emploi équivalent. Dans ce cas vous cesserez de percevoir l'indemnité spéciale » ; Que par lettre du 10 août 2009 signée par la salariée, l'employeur a informé cette dernière que « pour des motifs que nous vous avons exposés lors de notre dernier entretien, il nous apparaît nécessaire de reconduire votre période probatoire pour une nouvelle période de 3 mois »;

Attendu que d'une part, madame [B], qui ne conteste pas la durée de la période d'essai en tant que telle, soutient que la période d'essai n'est aucunement justifiée, son employeur ayant pu apprécier ses compétences dans le cadre de l'exécution de l'avenant du 14 avril 2009 ;

Que madame [B], engagée comme manager adjoint, a été promue manager, dans le cadre d'un avenant signé par les parties le 11 mai 2009 ;

Que les parties ont subordonné d'un commun accord l'effectivité de cette promotion à la réalisation d'une période probatoire ;

Que le fait que madame [B] ait remplacé ponctuellement le manager en titre durant un mois ne peut suffire à établir que l'employeur avait une totale connaissance et appréciation de ses compétences, le recours à une période probatoire acceptée par la salariée n'apparaissant en soi critiquable ;

Que madame [B], qui s'est engagée contractuellement, ne peut soutenir ne pas être liée par une période probatoire ;

Attendu que d'autre part, si madame [B] a, aux termes de différents avenants à durée déterminée , été nommée aux fins d'assurer les fonctions ponctuellement de manager de magasin, aux termes de l'avenant du 11 mai 2009, elle a été nommée manager avec une période probatoire de 3 mois renouvelable une fois;

Que madame [B] ne pouvait être rétrogradée manager adjoint qu'en « cas de constatation d'une progression insuffisante ou d'une inadaptation à la fonction »;

Que l'employeur, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit aucunement ni que la période probatoire ait été rompue ni que la période probatoire se soit révélée infructueuse et ne démontre aucunement avoir établi un quelconque bilan de compétences comme il s'y était engagé contractuellement ;

Qu'il se contente d'affirmations non étayées par le moindre élément objectif;

Que par ailleurs, le fait d'avoir confié temporairement et régulièrement à la salariée d'exercer des fonctions de manager démontre les compétences de madame [B] à tenir ce poste ;

Attendu enfin, qu'il ne peut se déduire du fait que madame [B] ait accepté le 11 novembre 2009, à l'issue de la période probatoire renouvelée, d'exercer des fonctions de manager adjoint et n'ait élevé aucune contestation jusqu'à son licenciement, un quelconque renoncement à ses droits ;

Que d'ailleurs, madame [B] a manifesté son opposition à la politique managériale qui lui était appliquée en refusant de signer les avenants de remplacement temporaire de manager qui lui étaient soumis les 14, 21 juin et 5 juillet 2010 ;

Attendu que madame [B] est fondée en sa demande de paiement de rappel de salaires, sur la base de 59,94 euros ;

Que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer à ce titre la somme de 779,22 euros outre les congés payés y afférents ;

Sur la demande au titre de la durée du travail

* Attendu que madame [B] poursuit son employeur à lui payer les

heures supplémentaires accomplies et non rémunérées correspondant aux :

- 60 heures hebdomadaires effectuées du 9 février au 13 avril 2009,

- 66 heures hebdomadaires du 14 avril au 4 octobre 2009, en travaillant 6 jours sur 7 de 6h à 13h30 le matin et de 16h30 à 20h l'après-midi,

- 50 heures hebdomadaires du 5 octobre 2009 au 28 février 2010

- 40 heures hebdomadaires du 1er mars 2010 au 13 juin 2010

- 50 heures hebdomadaires du 14 juin au 14 septembre 2010 ;Que l'employeur est au rejet de la demande, soutenant que madame [B] ne produit aucun élément de nature à étayer sa demande ;

Attendu qu'en application de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;

Qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu qu'il en résulte que le salarié doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments et que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ;

Attendu qu'au soutien de sa demande, madame [B] verse régulièrement aux débats :

- la lettre datée du 12 septembre 2010 à l'attention de madame [L] [V] Boulangerie [Z], réclamant la régularisation du paiement d'heures supplémentaires, sans production d'un quelconque justificatif d'envoi ou de réception par son destinataire

- la lettre datée du 9 septembre 2010 adressée sous la forme recommandée à madame [L] [V] Boulangerie [Z] dénonçant ses conditions de travail et évoquant le nombre d'heures accomplies pour permettre le développement du magasin

- un courrier du contrôleur du travail du 14 septembre 2010 enjoignant à l'employeur de régulariser les heures supplémentaires susceptibles de pouvoir être dues à madame [B]

- un tableau récapitulatif global des heures hebdomadaires revendiquées par périodes de 2 à 25 semaines réalisé par la salariée après son départ de l'entreprise

- 4 plannings corrigés ou raturés

- 9 attestations de voisins, clients ou anciens collègues du magasin :

* madame [S] [H], voisine du magasin indique que madame [B] faisait l'ouverture et la fermeture dans la même journée et ce plusieurs jours par semaine et qu'elle l'a appelée souvent le dimanche

* madame [I] [U], cliente du magasin de [Localité 9], atteste avoir vu régulièrement madame [B] aux alentours de 6h30/6h45 à son poste de travail

* monsieur [T] [M], client, atteste avoir vu régulièrement madame [B] aux alentours de 18h00

* monsieur [J] [O], client, mentionne avoir vu madame [B] [A] régulièrement à son travail entre 11h30 et 12h

* madame [Y] [W], ayant travaillé de mai 2010 à septembre 2010, précise que madame [B] était amenée à travailler toute la journée : ouverture à 6h jusqu'à 13h30 et fermeture à 20h et qu'elle faisait parfois plus de 50 h par semaine

* madame [R] [N], ayant effectué des remplacements de janvier à mai 2010 et salariée du magasin situé à côté, confirme que madame [B] a été amenée à travailler toute la journée, assurant l'ouverture et la fermeture du magasin

* madame [F] [E], présente de fin août 2009 à août 2010 et madame [X] [K], présente de février 2009 à mai 2010, attestent que madame [B] a travaillé toute la journée : ouverture à 6h jusqu'à 13h30- 14h et retour à 16h-16h30 jusqu'à fermeture à 19h30-20 h

* monsieur [D], responsable du magasin, mentionne que madame [B] faisait plus de 50 heures par semaine ;

Attendu que l'employeur verse régulièrement aux débats les plannings de semaine de travail de madame [B] ;

Que l'ensemble de ces plannings ont été remplis et signés par madame [B] ; Que dix d'entre eux comportent également la signature de madame [B] en tant que responsable de magasin, pour les périodes probatoires ou de remplacement du manager en titre ;

Qu'il souligne avoir établi les fiches de paie et réglé les heures supplémentaires au vu des plannings signés par madame [B] ;

Attendu que la salariée a été rémunérée sur la base de 40 heures de travail par semaine, hors heures supplémentaires apparaissant sur ses bulletins de salaires ;

Attendu que madame [B] n'a jamais alerté son employeur sur les heures supplémentaires qu'elle aurait accomplies et non rémunérées et ce jusqu'à septembre 2010, soit pendant environ 18 mois,

Que l'inspection du travail n'a été saisi qu'en septembre 2010 ;

Attendu que tant le tableau dressé par la salariée que les témoignages versés ne permettent pas d'identifier ni les jours précis où les heures supplémentaires auraient été accomplies ni les horaires réellement effectués ou leur amplitude certaine ; que le caractère systématique semaine après semaine des heures supplémentaires est contredit par les déclarations de témoins ;

Attendu que de la confrontation des éléments analysés et versés aux débats par les parties, la cour a la conviction que madame [B] n' a pas accompli les heures supplémentaires dont elle poursuit son employeur en paiement ;

Que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté madame [B] de sa demande en paiement ;

* Attendu que madame [B] sollicite la somme de 5.000 euros de

dommages et intérêts pour non respect de la législation sur la durée du travail, les temps de repos quotidiens et compensateurs, en soulignant que ces horaires de travail lui ont été imposés au mépris des dispositions du code du travail : articles L. 3121-34 du code du travail ( sur les durées quotidiennes soit 10 h/jour et hebdomadaires maximales de travail : 48 h maximum ), articles L. 3121 -33 et L. 3131 - 1 ( relatifs aux temps de pause :20 minutes toutes les six heures et de repos quotidiens : onze heures consécutives), des articles L.3121 - 11 et suivants ainsi que D. 3121 - 14 ( inhérents aux repos compensateurs ) ;

Que l'employeur est au débouté de cette demande, stigmatisant la carence de la salariée dans l'administration de la preuve lui incombant ;

Attendu qu'au vu de ce qui précède, et en l'absence d'élément corroborant cette prétention, madame [B] doit être déboutée de sa demande de ce chef ;

Que le jugement entrepris doit être également confirmé de ce chef;

Sur la demande au titre de la dissimulation du travail salarié

Attendu que madame [B] ayant été déboutée de ses demandes afférentes au temps de travail, celle relative au travail dissimulé en application de l'article L8221-5 du code du travail ne peut prospérer ;

Que le jugement entrepris doit être confirmé ;

Sur la demande de nullité de la mise à pied

Attendu que l'employeur a sanctionné madame [B] par une mise à pied d'une journée, sanction notifiée par lettre du 19 mai 2010 comportant deux motifs :

1er :' Non respect de la procédure encaissement de sortie de marchandises en vigueur dans l'entreprise'

2ème :' Non respect de la réglementation d'accès dans l'entreprise' ;

Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1333 - 1 et 2 du code du travail que le conseil des prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction ;

Que cette dernière peut être annulée si elle est irrégulière, injustifiée ou disproportionnée ;

Attendu que le premier grief a toujours été contesté par la salariée ;

Que l'employeur produit, sur ce point, deux attestations de monsieur [D] et deux attestations de madame [P] non conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, en ce qu'elles ne comportent pas de pièce d'identité de leur auteur ;

Que même à admettre que ces témoignages présentent des garanties suffisantes pour emporter la conviction de la cour, monsieur [D] n'a rien constaté par lui-même et si madame [P] affirme avoir vu madame [B] vers 20 heures le 19 mars 2010 mettre des produits de la boulangerie dans sa voiture, « sans encaissement préalable » et avoir été ultérieurement victime de menaces de la part de sa collègue de travail, elle ne fournit aucune précision sur le déroulement exact des faits de vol ou de menaces dont elle aurait pu être témoin ;

Que la SAS BBG ne rapporte pas la preuve de l'existence de ce premier grief ;

Attendu que madame [B], par courrier du 27 mai 2010 adressé à son employeur, a reconnu la matérialité du second grief et indiqué « accepter » la mise à pied prononcée à ce titre ;

Qu'en effet, le 19 mars 2010, elle a autorisé une personne étrangère à l'entreprise à accéder sur l'estrade derrière les caisses ; Que madame [B] confirme dans ses écritures ne pas discuter la matérialité de ce fait ;

Attendu que la sanction de mise à pied d'une journée notifiée à madame [B], en l'absence d'un quelconque passé disciplinaire et pour ce seul second manquement, et ce même si elle en avait accepté le principe, apparait disproportionnée à la faute commise ;Que le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef ;

Attendu que l'employeur doit être condamné à payer à madame [B] un rappel de salaires à hauteur de la somme de 74,17 euros outre 7,42 euros au titre des congés payés y afférents ;

Sur la demande au titre du harcèlement moral

Attendu que madame [B] se présente comme victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, M. [G], responsable de secteur, en raison du nombre d'heures exigées, de la prolongation de son temps d'essai à l'embauche, de sa période probatoire au poste de manager et du retrait de la prime inhérente à cet emploi, de la mise à pied notifiée et de la « pression constante » exercée sur elle;

Que l'employeur conteste tout fait de harcèlement ;

Attendu que l'article L. 1152 - 1 du code du travail prohibe les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits ou à la dignité du salarié ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'en application de l'article L. 1154 -1 du code du travail et de la réserve émise par le Conseil Constitutionnel, il appartient au salarié qui allègue d'un harcèlement d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence du harcèlement et il appartient à l'employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs ;

Attendu que madame [B] verse aux débats :

- plusieurs attestations de salariés faisant état de pression constante exercée sur eux et madame [B] par rapport au chiffres d'affaires, monsieur [D], précisant que :

' monsieur [G] me poussait à faire des constats sur madame [B], constats non justifiés que j'ai toujours refusé',

- un courrier de madame [B] adressé le 9 septembre 2010 en lettre simple à madame [V] [L], pour dénoncer le comportement persécuteur de monsieur [G]

- la lettre du médecin du travail du 8 septembre 2010 alertant l'employeur sur les méthodes de management de monsieur [G], citant des faits précis commis sur des salariés et concluant « madame [B] n'est pas à l'abri de ce harcèlement »

- deux prescriptions de médicaments à visée anxiolytique des 16 décembre 2009 et 14 septembre 2010 ;

Attendu que l'employeur, se contente d'analyser la pertinence des pièces versées aux débats par la salariée mais ne s'explique ni ne justifie aucunement des raisons objectives ayant pu le conduire à prolonger la période d'essai à l'embauche de madame [B], à prolonger la période probatoire au poste de manager avant de la rétrograder manager adjoint et par avenants ultérieurs de lui demander d'exercer temporairement à nouveau les fonctions de manager ;

Qu'il ne fournit pas plus de réponse aux raisons l'ayant conduit à priver madame [B] d'une partie de salaire auquel elle pouvait prétendre ;

Que ce management de rupture, peu respectueux de la personne humaine, a eu un retentissement sur la santé de madame [B] qui a été placée en arrêt maladie et a été déclarée par le médecin du travail inapte à tout poste dans l'entreprise mais apte dans une autre entreprise ;

Attendu que madame [B] est fondée en sa demande d'indemnisation du préjudice moral subi du fait du harcèlement dont elle a été victime ;

Que la Cour dispose d'éléments suffisants pour lui allouer à ce titre la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Sur la rupture des relations contractuelles

Attendu que madame [B] a été licenciée par la SAS BBG par lettre notifiée le 8 décembre 2010 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ;

Attendu que toute rupture du contrat de travail qui résulte d'agissements d'harcèlement moral est nulle de plein droit ;

Attendu que madame [B], victime d'un licenciement nul, qui ne demande pas sa réintégration a droit, outre des indemnités de rupture à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite et au moins égale à celle prévue par l'article L1235-3 du code du travail, préjudice distinct de celui résultant du harcèlement moral subi ;

Que la Cour dispose d'éléments suffisants pour allouer à madame [B] des dommages et intérêts à hauteur de la somme devant lui revenir personnellement de 18000 euros ;

Qu'elle est également fondée en sa demande de paiement d'une indemnité de préavis d'un mois soit 2390,92 euros outre les congés payés y afférents ;

Sur la remise des documents sociaux

Attendu que la SAS BBG doit remettre à madame [A] [B] une attestation destinée à POLE EMPLOI, un certificat de travail rectifiés, des bulletins de salaires conformes au présent arrêt ;

Que le prononcé d'une astreinte ne se justifie pas ;

Sur l'application des intérêts légaux

Attendu que les créances de nature salariale sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur, en application de l'article 1153 du code civil ;

Que les autres créances de nature indemnitaire sont productrices d'intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;

Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société BBG à payer à madame [B] la somme de 779,22 euros à titre de rappel de salaire outre 77,92 euros au titre des congés payés y afférents, débouté madame [B] de ses demandes afférentes au temps de travail et au titre du travail dissimulé et en ses dispositions relatives aux dépens d'instance ;

Qu'il doit être infirmé en toutes ses autres dispositions ;

Attendu que les dépens d'appel doivent être laissés à la seule charge de la société BBG qui succombe sur le principal de ses demandes et doit être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en matière de procédure orale, devant la cour, chambre sociale, la représentation n'est pas obligatoire de sorte que l'article 699 du code de procédure civile ne peut recevoir application ;

Qu'il ne saurait y avoir distraction des dépens ;

Attendu que les considérations d'équité justifient que soit allouée à madame [A] [B] une indemnité de 3000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Reçoit l'appel

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société BBG à payer à madame [B] la somme de 779,22 euros à titre de rappel de salaire outre 77,92 euros au titre des congés payés y afférents, débouté madame [B] de ses demandes afférentes au temps de travail et au titre du travail dissimulé et en ses dispositions relatives aux dépens d'instance 

L'infirme en toutes ses autres dispositions 

Statuant à nouveau

Annule la mise à pied disciplinaire d'un jour notifiée par lettre du 19 mai 2010

Dit que madame [B] a été victime de harcèlement moral

Dit que le licenciement dont elle a été victime est entaché de nullité

Condamne la SAS BOULANGERIES B.G. à payer à madame [B] les sommes suivantes :

- 74,17 euros à titre de rappel de salaire afférent à la mise à pied injustifiée outre 7,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente

- 2.390,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 239,09 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente

- 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral

- 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

Dit que les créances de nature salariale sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur et les créances de nature indemnitaire à compter du prononcé du présent arrêt 

Condamne la SAS BBG à remettre à madame [B] une attestation destinée à POLE EMPLOI, un certificat de travail et des bulletins de paye conformes au présent arrêt

Dit n'y avoir lieu à prononcé d'une astreinte

Condamne la SAS BOULANGERIES B.G. à payer à madame [B] 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SAS BOULANGERIES B.G aux entiers dépens d'appel et dit n'y avoir lieu à distraction des dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 12/02824
Date de la décision : 11/01/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°12/02824 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-11;12.02824 ?
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