AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 11/06545
SAS SAFEN
C/
TARTAR
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 12 Septembre 2011
RG : F 10/01610
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 12 DECEMBRE 2012
APPELANTE :
SAS SAFEN
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par la SELARL JUSTICIAL AVOCATS (Me Céline MISSLIN), avocats au barreau de LYON
INTIMÉ :
[G] [X]
né le [Date naissance 1] 2008 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par la SELAS LAMY- LEXEL AVOCATS ASSOCIES (Me Denis ROUANET), avocats au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 10 Février 2012
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Octobre 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre
Hervé GUILBERT, Conseiller
Christian RISS, Conseiller
Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 12 Décembre 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Monsieur [G] [X] a été engagé par la société SAFEN « en vue de l'aider à faire face à un accroissement temporaire d'activité découlant de la commande suivante: déchargement de pneumatiques chez le client MICHELIN à [Localité 9] » selon contrat de travail à durée déterminée prenant effet le 27 octobre 2008 et se terminant le 26 janvier 2009 et énonçant en son article 1 : « Ce contrat pourra être renouvelé une fois pour une période égale, inférieure ou supérieure à la durée initiale du contrat. En tout état de cause, la durée maximale, renouvellement compris, ne pourra dépasser dix-huit mois ».
Le 27 novembre 2008, soit un mois après sa prise de fonction, alors qu'il déchargeait des pneumatiques pour le compte de son employeur, Monsieur [X] a été victime d'un accident du travail dont le caractère professionnel a été reconnu par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône qui l'a pris en charge .
Pendant l'arrêt de travail qui s'en est suivi, la société SAFEN lui a confirmé par lettre datée du 9 janvier 2009 que son contrat de travail à durée déterminée prenait fin à la date du 26 janvier 2009.
Plus d'une année après l'échéance de son contrat, Monsieur [X] a saisi le 22 avril 2010 le conseil de prud'hommes de Lyon pour obtenir la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, entraînant nécessairement la requalification de la rupture en licenciement, et voir sanctionner le défaut de renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée par son employeur.
Il a ainsi sollicité la condamnation de la société SAFEN à lui payer les sommes de :
1 346,80 € net à titre d'indemnité de requalification,
310,80 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
31,08 € brut au titre des congés payés afférents,
1 346,80 € net à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
20'202,15 € net à titre d'indemnité au titre de la violation des dispositions de l'article
L. 2226 ' 19 du code du travail,
4 000,00 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
1500,00 € net au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 12 septembre 2011 le conseil de prud'hommes de Lyon a considéré qu'il n'y avait pas lieu de requalifier le contrat travail à durée déterminée de Monsieur [X] en contrat de travail à durée indéterminée, mais a dit que la société SAFEN n'avait pas respecté le 2ème alinéa de l'article L. 1226 ' 19 du code du travail, et a condamné cette dernière société à lui payer à ce titre la somme de 20'202,15 € net .
Elle l'a en outre condamnée à lui verser un montant de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure cellule, a ordonné l'exécution provisoire du jugement sur les salaires et accessoires du salaire et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de Monsieur [X] à la somme de 1416,65 €, a débouté ce dernier du surplus de ses demandes et condamné la société SAFEN aux entiers dépens.
La société SAFEN a relevé appel de ce jugement dont elle espère l'infirmation partielle par la cour, en concluant tout d'abord à sa confirmation en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de sa demande de requalification de son contrat travail et de l'ensemble de ses demandes afférentes, pour avoir rapporté la preuve de la réalité de l'accroissement temporaire de son activité liée à la manutention de pneumatiques sur le site MICHELIN pendant les mois de septembre à janvier, légitimant le recours à un contrat de travail à durée déterminée .
Elle sollicite son infirmation pour le surplus et le rejet de la demande indemnitaire présentée par Monsieur [X] sur le fondement de l'article L. 1226 ' 19 du code du travail, en soutenant que la clause de renouvellement litigieuse, qui ne consacrait pas un droit acquis pour Monsieur [X] mais une simple possibilité nécessitant la rédaction d'un avenant à son contrat travail, n'a pas trouvé à s'appliquer et qu'en outre le non-renouvellement du contrat de travail repose sur un motif réel et sérieux étranger à l'accident du travail.
A titre subsidiaire, elle prétend que l'indemnité allouée à Monsieur [X] sur le fondement de l'article L. 1226 ' 19 du code du travail ne pourrait excéder trois mois de salaire.
Elle s'oppose enfin à ses autres demandes et sollicite sa condamnation aux entiers dépens.
Monsieur [X] demande pour sa part la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que la société SAFEN n'avait pas respecté le 2ème alinéa de l'article L. 1226 ' 19 du code du travail et l'a condamnée à lui payer la somme de 20'202,15 € net à titre d'indemnité, en précisant que d'autres salariés embauchés par la société SAFEN sous contrat de travail à durée déterminée se sont vus renouveler leur contrat pour une période pouvant aller jusqu'à 18 mois, de sorte qu'il ne fait aucun doute que l'employeur a décidé de ne pas renouveler son contrat de travail uniquement en raison de sa suspension consécutive à son accident du travail.
Il sollicite ensuite son infirmation en ce qu'il a rejeté la demande de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, en soutenant que la motivation par l'employeur du recours au contrat de travail à durée déterminée ne répond pas aux exigences légales et jurisprudentielles en vigueur, dans la mesure où le déchargement de pneumatiques chez le client MICHELIN n'est pas exceptionnel mais correspond au contraire à une activité normale et permanente.
Il demande en conséquence à la cour de requalifier son contrat travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et de condamner la société SAFEN à lui payer les sommes suivantes :
' 1 346,81 € net à titre d'indemnité de requalification,
' 310,80 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis (une semaine),
' 31,08 € brut au titre des congés payés afférents,
' 1 346,81 € net à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
' 196,45 € net à titre de complément d'indemnité de précarité,
' 4 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
' 2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISCUSSION :
1°) Sur la requalification du contrat de travail :
Attendu qu'aux termes de l'article L.1242-2 du code du travail « le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire » et seulement dans les cas limitativement énumérés au nombre desquels se trouve l'« accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise » ;
Attendu que si la manutention de pneumatiques MICHELIN est une activité habituelle de la société SAFEN sur le site de [Localité 9], celle-ci justifie, par le tableau du suivi du volume et du chiffre d'affaires de ce chantier qu'elle verse aux débats, de l'accroissement temporaire de son activité de manutention sur ce site pendant la période allant des mois de septembre à janvier; que cet accroissement saisonnier et récurrent est parfaitement logique pour correspondre à l'augmentation du cycle de production des pneumatiques et à leur livraison en prévision de la mise sur le marché de pneumatiques spécialement adaptés aux périodes hivernales et de neige;
que si Monsieur [X] peut ainsi arguer du caractère courant et permanent du déchargement de pneumatiques chez le client MICHELIN à [Localité 9], la charge de travail est incontestablement habituellement plus lourde pendant les mois de septembre à janvier connaissant un surcroît exceptionnel et temporaire d'activité;
qu'il ne peut toutefois se prévaloir de l'existence d'une clause de renouvellement insérée à son contrat de travail à durée déterminée pour soutenir que la société SAFEN aurait recours à ce type de contrat d'une façon abusive, alors que la clause de renouvellement est conforme aux dispositions de l'article L. 1243 ' 13 du code du travail et qu'elle permet précisément l'accomplissement d'une tâche importante et temporaire avec une certaine souplesse si celle-ci venait éventuellement à se prolonger au delà des trois mois prévus par le contrat de travail à durée déterminée;
Attendu dans ces conditions que la société SAFEN était en droit de recourir pour l'embauche de Monsieur [X] à un contrat de travail à durée déterminée pour faire face à un accroissement temporaire d'activité conformément aux dispositions de l'article L.1242-2 précité du code du travail ;
que le jugement déféré doit dès lors être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de sa demande de requalification de son contrat travail ;
qu'en l'absence de toute rupture du contrat de travail, mais au contraire poursuite de son exécution jusqu'à son terme, Monsieur [X] est mal fondé à prétendre à la requalification de la prétendue rupture en licenciement , et à solliciter le paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement abusif;
qu'il importe en conséquence de confirmer encore le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes afférentes;
2°) Sur la clause de renouvellement du contrat de travail à durée déterminée :
Attendu que le contrat de travail signé par Monsieur [X] a été conclu pour une durée déterminée de trois mois allant du 27 octobre 2008 au 26 janvier 2009 avec possibilité d'un renouvellement pour une durée égale, inférieure ou supérieure, la durée totale de la relation de travail ne pouvant toutefois excéder 18 mois ;
qu'ainsi la société SAFEN ne s'est engagée préalablement en aucune façon à renouveler le contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [X] lorsque celui-ci parviendrait à son terme, ne faisant que se réserver la possibilité d'un tel renouvellement par voie d'avenant selon des modalités à définir, ne serait-ce qu'en ce qui concerne sa durée, celle-ci pouvant varier sans nécessairement atteindre la durée maximale de 18 mois; que le conseil de prud'hommes ne pouvait dès lors condamner l'employeur à indemniser Monsieur [X] sur la base maximale de 18 mois alors que celle-ci pouvait être moindre, après avoir considéré que son refus de renouvellement du contrat de travail à durée déterminée était fautif;
Mais attendu que Monsieur [X], qui ne peut prétendre à l'existence d'un droit acquis au renouvellement de son contrat dont il aurait disposé du fait d'une clause de renouvellement traduisant l'engagement de son employeur à y procéder, ne saurait reprocher à ce dernier sur le fondement de l'article L. 1226 ' 19 alinéa 2 du code du travail d'avoir refusé de renouveler son contrat sans justifier d'un motif réel et sérieux étranger à l'accident du travail dont il avait été victime, dans la mesure où la société SAFEN n'a pas opposé un refus à l'application d'une clause de renouvellement pour laquelle elle se serait engagée, mais s'est seulement abstenue de la mettre en oeuvre ainsi qu'elle en avait contractuellement l'entière possibilité ;
qu'elle justifie en outre du non-renouvellement du contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [X] par la fin de la période hivernale dite de « neige» coïncidant avec la fin de l'accroissement de l'activité de manutention de pneumatiques pour laquelle il avait été précisément engagé, de sorte qu'elle disposait d'un « motif réel et sérieux étranger à l'accident du travail » requis à l'article L. 1226 ' 19 du code du travail pour justifier le défaut de renouvellement du contrat de travail à durée déterminée;
Attendu qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société SAFEN n'avait pas respecté le 2ème alinéa de l'article L. 1226 ' 19 du code du travail, et de débouter Monsieur [X] de sa demande d'indemnité correspondante;
Attendu par ailleurs que Monsieur [X] , qui ne voit pas ses prétentions aboutir devant la cour, ne peut obtenir l'indemnité qu'il sollicite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supporte la charge des entiers dépens;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement rendu le 21 septembre 2011 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à requalification du contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [G] [X] en contrat de travail à durée indéterminée et a débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes afférentes;
L'INFIRME pour le surplus, et
Statuant à nouveau,
DIT que la société SAFEN n'a pas usé de la faculté de renouveler le contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [G] [X] arrivé à son terme;
CONSTATE l'absence de violation des dispositions de l'article L.1226-19 du code du travail par la société SAFEN;
DÉBOUTE Monsieur [G] [X] de sa demande d'indemnité sur le fondement de cet article ;
LE DÉBOUTE de toutes ses autres demandes;
LE CONDAMNE enfin aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,
Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS