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08/11/2012 | FRANCE | N°11/05282

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 08 novembre 2012, 11/05282


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 11/05282





SAS AGRIPRO



C/

[B]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 17 Mai 2011

RG : F 10/00066











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2012













APPELANTE :



SAS AGRIPRO

[Adresse 5]

[Localité 1]
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représentée par Me Sami KOLAÏ, avocat au barreau de MACON







INTIMÉ :



[Y] [B]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 2]



représenté par Me Paul TURCHET, avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE









PARTIES CONVOQUÉES LE : 21 Décembre 2011

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AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 11/05282

SAS AGRIPRO

C/

[B]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 17 Mai 2011

RG : F 10/00066

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2012

APPELANTE :

SAS AGRIPRO

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Sami KOLAÏ, avocat au barreau de MACON

INTIMÉ :

[Y] [B]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Paul TURCHET, avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 21 Décembre 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Septembre 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre

Hervé GUILBERT, Conseiller

Christian RISS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 Novembre 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [Y] [B] a été engagé en qualité de VRP selon contrat de travail à durée indéterminée du 2 avril 1991 par la S.A. RICHE, distributeur de matériel de motoculture aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société AGRIPRO .

Il a bénéficié de diverses promotions, pour devenir chef des ventes avec le statut cadre en 1999, directeur adjoint de la société en 2003, puis manager commercial et responsable occasion en 2009, directement rattaché au directeur de la société .

Il a été licencié, après entretien préalable, par lettre recommandée du 1er février 2010 pour motif personnel et disciplinaire caractérisant la faute grave, pour les griefs suivants :

' réalisation d'affaires de manière habituelle à titre personnel sur son temps de travail et avec les moyens de la société (diffusion d'une annonce sur internet le 12 janvier 2010 pour la vente d'un tracteur, acquisition le 14 janvier 2010 aux conditions préférentielles réservées aux collaborateurs de la société de deux batteries de tracteur et d'un capot pour les proposer à la vente selon l'annonce précitée),

' installation de pneumatiques neige sur son véhicule professionnel aux frais de la société sans avoir sollicité au préalable l'assentiment de la direction,

' vente à perte d'un tracteur à la société MARMET.

Contestant le licenciement dont il avait ainsi fait l'objet, Monsieur [B] a saisi le conseil de prud'hommes de BOURG EN BRESSE qui, par jugement rendu le 17 mai 2011, a rejeté chacun des griefs retenus contre lui, a considéré que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et a condamné la société AGRIPRO à lui payer les sommes de :

2 930,00 € au titre de la mise à pied du 14 janvier 2010 au 2 février 2010,

293,00 € au titre des congés payés afférents,

13 188,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

1 318,00 au titre des congés payés afférents,

18 491,70 € au titre de l'indemnité de licenciement,

87 920,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

1 000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La société AGRIPRO a relevé appel de ce jugement en concluant à son infirmation, au rejet de la totalité des demandes présentées par Monsieur [B] et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. Elle prétend son licenciement pour faute grave parfaitement légitime dans la mesure où le salarié a manqué à son obligation générale de loyauté ainsi qu'à son obligation de fidélité et de non-concurrence en revendant à des fins personnelles un tracteur de marque JOHN DEER, qu'il s'est affranchi des règles de discipline et des directives de l'employeur en installant des pneus neige sur son véhicule professionnel sans autorisation préalable et qu'enfin il a vendu à perte un tracteur à la société MARMET , lui occasionnant une marge négative de 4 438 €.

Monsieur [B] conclut pour sa part à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, élevant toutefois à 2 000,00 € ses prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

Attendu que Monsieur [B] a été licencié après entretien préalable pour faute grave selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 14 janvier 2010 de la société AGRIPRO fixant les limites du litige, en reprochant au salarié trois faits prétendument de nature à justifier qu'il soit mis un terme immédiat à son contrat de travail;

Attendu qu'il est tout d'abord fait grief à Monsieur [B] d'avoir pris l'initiative personnelle de faire installer le 18 décembre 2009 des pneumatiques « neige » sur son véhicule professionnel aux frais de la société sans avoir requis au préalable l'assentiment de la direction, enfreignant ainsi les règles directives applicables dans une telle situation ;

Mais attendu que l'annexe 2 de son dernier contrat de travail, en date du 2 janvier 2003, énonce très explicitement que « Monsieur [B] bénéficie d'un véhicule de fonction type Peugeot 406 ou équivalent. Les frais inhérents à ce véhicule sont pris en charge par la société. Ce véhicule engendre l'imputation sur la feuille de paye d'avantages en nature » ;

que ces dispositions n'ont pas été modifiées ultérieurement, l'avenant signé le 22 juin 2009 entre les parties n'ayant modifié que la nature des fonctions de Monsieur [B] mais laissé inchangés les autres éléments du contrat de travail, de sorte que l'équipement de pneus neige du véhicule professionnel d'un responsable commercial appelé à se déplacer l'hiver dans le département de l'Ain peut être considéré comme constituant des frais inhérents à son véhicule et à ce titre pris en charge par la société;

Attendu en outre que Monsieur [B], dont le véhicule avait été accidenté l'année précédente en période d'intempéries neigeuses, justifie avoir, afin de limiter les risques de nouveaux accidents, fait monter sur le véhicule professionnel ainsi mis à sa disposition par la société, et qui n'affichait qu'un kilométrage de 4 116 km, quatre pneus neige pour le coût total modique de 404,28 € par la société RELAIS PNEUS de [Localité 7] qui entretenait habituellement les véhicules de la société AGRIPRO, et en avoir informé téléphoniquement, sans être désavoué, la responsable administrative et financière alors qu'il se trouvait encore au garage;

que le grief qui est ainsi formulé à son encontre est sans fondement ;

Attendu que la société AGRIPRO reproche ensuite à Monsieur [B] d'avoir vendu à la société MARMET & FILS au prix de 8 163 € différentes prestations sur un tracteur neuf, pièces détachées et interventions en atelier engendrant un coût total supplémentaire pour la société de 12'501 € hors taxes, soit une marge négative de 4 338 € ;

que Monsieur [B] a effectivement procédé à la vente d'un tracteur neuf après reprise d'un précédent tracteur, selon bon de commande signé le 19 mai 2009 par la société MARMET & FILS pour un montant total de 155 480 € TTC; que ce bon de commande a été validé par la direction de la société , en ce qu'il comporte les visas du directeur de la société, du service facturation, du comptable et du PDG à l'époque de la société qui en ont ainsi approuvé les termes ;

qu'à ce bon de commande était jointe une analyse de marge pareillement versée aux débats établie par Monsieur [B] et prévoyant une quarantaine d'heures d'atelier pour un montant de 2500 €;

que de la circonstance que le document d'atelier, établi le 12 janvier 2010, soit près de huit mois plus tard, chiffre à 12'500,97 € le montant de la prestation complémentaire au regard du coût prévu de 8 163 €, pour retenir 75 heures de main-d'oeuvre sur une estimation de 40 heures, ne saurait à elle-seule établir de manière incontestable la faute de Monsieur [B] dans la mesure où des opérations ont été effectuées, tel le changement des roues arrière du tracteur neuf, alors qu'elles n'avait pas été demandée par le client;

que le grief ainsi invoqué est pareillement sans fondement ;

Attendu que la société AGRIPRO reproche enfin à Monsieur [B] d'avoir mis en vente à des fins personnelles au moyen d'une annonce publiée sur Internet le 12 janvier 2010 un tracteur de marque JOHN DEERE pendant son temps de travail et avec les moyens de la société , alors qu'elle-même bénéficie de l'exclusivité de la distribution de la marque sur son secteur géographique; qu'en outre, l'intéressé a acquis le 14 janvier suivant des batteries de tracteur ainsi qu'un capot auprès du magasin de l'entreprise à des conditions préférentielles réservées au personnel et qu'il les a proposés à la vente par le biais de l'annonce précitée ;

Attendu cependant que Monsieur [B] prétend avoir agi en dehors de toute activité professionnelle pour le compte de son beau-frère, Monsieur [O] [J], reporter photographe à la retraite, en diffusant l'annonce litigieuse sur Internet à partir de son ordinateur personnel et en dehors de son temps de travail, puis en achetant une batterie et un capot auprès de sa société et en aidant son beau-frère à les mettre en place sur le tracteur précité avant de revendre l'ensemble; que ces faits sont confirmés par l'attestation versée aux débats de Monsieur [J] lui-même ;

Attendu que la société AGRIPRO soutient pour sa part que Monsieur [J] n'aurait été qu'un prête-nom utilisé par Monsieur [B] pour réaliser lui-même ses propres affaires, au motif que le certificat de cession du tracteur concerné à Monsieur [J] est daté du 2 janvier 2012, soit seulement 10 jours avant sa mise en vente sur Internet par Monsieur [B], et qu'il s'agit en outre d'un faux réalisé par Monsieur [B] lui-même, selon l'examen comparatif d'écriture et de signature effectué par Madame [D] [G], expert judiciaire, qu'elle verse aux débats, et l'attestation de Monsieur [S] [U], vendeur initial du tracteur , qui affirme n'avoir été en relation qu'avec Monsieur [B], et ignorer la raison pour laquelle celui-ci a signé le certificat de cession au nom de [J] [O] qu'il n'avait jamais rencontré ;

Mais attendu que cette opération isolée, seule mentionnée dans la lettre de licenciement, à la supposer exacte, relève de la vie privée du salarié qui n'est affectée d'aucune prohibition ou interdiction de nature contractuelle par son employeur; qu'elle n'a en outre créé aucun trouble ou risque de confusion pouvant porter préjudice à la société AGRIPRO, dans la mesure où sa dénomination sociale n'a à aucun moment été citée et que, n'étant pas le vendeur du tracteur litigieux, sa responsabilité civile ne peut être engagée;

qu'est enfin indifférent le fait que Monsieur [B] ait pu acquérir et vendre à titre personnel et en dehors de son service des divers matériels étrangers à l'activité de la société AGRIPRO, reconnaissant lui-même l'avoir fait pour des motos, «quads» ou remorques afin de s'adonner avec son fils à leur passion commune des sports mécaniques , cette activité ne pouvant être considérée comme concurrente de celle de son employeur;

que ce dernier grief n'est pas davantage fondé que les précédents ;

Attendu dans ces conditions que les faits reprochés à Monsieur [B] ne constituent pas une faute grave de nature à faire perdre définitivement à l'employeur la confiance nécessaire à la poursuite de la relation contractuelle ; qu'ils ne sont pas mêmes constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Attendu que en conséquence qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes .

Attendu par ailleurs que l'article 700 du code de procédure civile commande que soit allouée à Monsieur [B] une indemnité de 2 000 € au titre des frais débours irrépétibles qu'il s'est vu contraint d'exposer devant la cour du fait de la présente procédure et non compris dans les dépens;

Attendu enfin que la société AGRIPRO, qui ne voit pas aboutir ses prétentions, est déboutée de sa demande présentée sur le fondement du même article et supporte la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS ,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ,

En la forme, déclare recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;

Au fond, les dit l'un et l'autre injustifiés ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse le 17 mai 2011 ;

Y ajoutant,

Condamne en cause d'appel la S.A.S. AGRIPRO à payer à Monsieur [Y] [B] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

La condamne enfin aux entiers dépens d'instance et d'appel .

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 11/05282
Date de la décision : 08/11/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°11/05282 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-08;11.05282 ?
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