R.G : 11/04664
Décision du
Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE
Au fond
du 30 mars 2011
RG : 2009.4412
ch n°
SA GROUPAMA TRANSPORT
SA MARICHAL LOGISTICS
SA DIOT
C/
SARL GOKBORA TRANSPORT INTERNATIONAL ET LOGISTIQUES
GOKBORA ULUSLARARASI NAKLIYAT VE TICARET A.S
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 18 Octobre 2012
APPELANTES :
SA GROUPAMA TRANSPORT
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 4]
SA MARICHAL LOGISTICS
[Adresse 7]
[Localité 6]
SA DIOT
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentées par la SCP BRONDEL TUDELA, avocats au barreau de LYON
assistées de Me Nicolas MULLER, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
SARL GOKBORA TRANSPORT INTERNATIONAL ET LOGISTIQUES
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 5]
GOKBORA ULUSLARARASI NAKLIYAT ve TICARET A.S
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 1] TURQUIE
représentées par la SCP LAFFLY - WICKY, avocats au barreau de LYON
assistées de Me HUGELIN, avocat au barreau de PARIS
******
Date de clôture de l'instruction : 10 Mai 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Septembre 2012
Date de mise à disposition : 18 Octobre 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Luc TOURNIER, président
- Hélène HOMS, conseiller
- Pierre BARDOUX, conseiller
assistés pendant les débats de Jocelyne PITIOT, greffier
A l'audience, Pierre BARDOUX a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Luc TOURNIER, président, et par Jocelyne PITIOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 25 novembre 2008, la société ELTI donnait instructions écrites à la S.A. MARICHAL LOGISTICS, appelée plus loin 'société MARICHAL' d'acheminer deux fours (formant 7 colis) entre [Localité 11] et [Localité 10] (Turquie). Cette opération était sous-traitée par la S.A. MARICHAL LOGISTICS à la S.A.R.L. GOKBORA TRANSPORT INTERNATIONAL ET LOGISTIQUES, appelée plus bas 'société GTIL'.
La marchandise était livrée le 18 décembre 2008, soit 14 jours après la date prévue, la lettre de voiture CMR mentionnant le transporteur (la société GOKBORA ULUSLARARAQI NAKLIYAT TICARET A.S. appelée plus bas 'société GUNT') un poids, et un nombre de colis ne correspondant pas à la demande initiale et ne comportant aucune réserve.
Des réserves ayant été émises par courriel le 23 décembre 2008, la marchandise était retournée, une expertise non contradictoire concluant dans un rapport du 29 mai 2009 à un litige de 13.221,93 € H.T.
La S.A. GROUPAMA TRANSPORT, par l'intermédiaire de la S.A. DIOT, courtier d'assurance, remboursait à la société ELTI la somme de 13.092 €, la franchise et le coût des transports successifs demeurant à la charge de la S.A. MARICHAL LOGISTICS.
La S.A. GROUPAMA TRANSPORT dite ensuite 'GROUPAMA', la S.A. MARICHAL LOGISTICS et la S.A. DIOT assignaient les deux sociétés turques devant le Tribunal de Commerce de LYON par actes du 3 décembre 2009 en paiement des sommes prises en charge tant par l'assureur que par le commissionnaire de transport, outre les frais d'expertise
Par jugement en date du 30 mars 2011 auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits, prétentions et moyens des parties, le Tribunal de Commerce a débouté la S.A. GROUPAMA TRANSPORT, la S.A. MARICHAL LOGISTICS et la S.A. DIOT de toutes leurs demandes comme de toutes celles de mise hors de cause.
Le jugement était motivé sur l'absence de respect par l'ensemble des intervenants des dispositions de la convention CMR, la lettre de voiture ayant été inexacte dès l'origine, notamment sur les consignes particulières données par la société ELTI pour réaliser le transport, alors qu'aucune réserve n'y figure alors que les avaries étaient apparentes. Le jugement retient la responsabilité du commissionnaire de transport (la S.A. MARICHAL LOGISTICS), garant au sens des articles L 132-4 et L 132-5 du Code de Commerce.
Par déclaration reçue le 29 juin 2011, la S.A. GROUPAMA TRANSPORT, la S.A. MARICHAL LOGISTICS et la S.A. DIOT, ont relevé appel de ce jugement.
Dans le dernier état de leurs conclusions (récapitulatives) déposées le 14 décembre 2011, les appelantes demandent l'infirmation et la condamnation solidaire de la S.A.R.L. GOKBORA TRANSPORT INTERNATIONAL ET LOGISTIQUES et la société GOKBORA ULUSLARARAQI NAKLIYAT TICARET A.S. :
'à verser à la S.A. GROUPAMA TRANSPORT et la S.A. DIOT la somme de 13.092,24 € outre intérêts au taux légal de 5 % l'an à compter de la mise en demeure du 21 septembre 2009, et avec capitalisation de ces intérêts en application de l'article 1154 du Code Civil
'à payer à la S.A. MARICHAL LOGISTICS les sommes de 1.400 €, 1.150 €, 1.984,49 € et 1.729,93 € outre intérêts au taux légal de 5 % l'an à compter de la mise en demeure du 21 septembre 2009, et avec capitalisation de ces intérêts en application de l'article 1154 du Code Civil
'à supporter les dépens comprenant les frais d'expertise de 1.204,37 €.
Elles visent l'obligation personnelle de résultat qui pesait sur la S.A.R.L. GOKBORA TRANSPORT INTERNATIONAL ET LOGISTIQUES, commissionnaire de transport substitué, et la présomption de responsabilité qui en découle. Elles s'opposent à l'irrecevabilité opposée par les sociétés intimées et basée sur l'absence de réserves formulées sur la lettre de voiture, l'article 30 de la convention CMR permettant la preuve contraire.
Elles prétendent que l'expertise organisée doit être réputée contradictoire à l'égard des intimées qui n'ont pas entendu y participer.
Dans le dernier état de leurs écritures (récapitulatives) déposées le 6 décembre 2011, la S.A.R.L. GOKBORA TRANSPORT INTERNATIONAL ET LOGISTIQUES et la société GOKBORA ULUSLARARAQI NAKLIYAT TICARET A.S. concluent à la confirmation et à la condamnation solidaire des appelantes à leur verser une indemnité de 2.500 € et à supporter les dépens.
La société GOKBORA ULUSLARARAQI NAKLIYAT TICARET A.S., estimant avoir la qualité de transporteur, soulève l'irrecevabilité des demandes des appelantes au visa de l'article 30 de la CMR, édictant en l'absence de réserve une présomption de livraison en l'état de la description faite dans la lettre de voiture, alors qu'au fond, l'absence de toute mention explicite sur les précautions particulières à prendre le transport excluant l'indemnisation pour l'expéditeur. Elle conteste la prise en compte de différentes pièces, non probantes, et des conclusions de l'expertise qui n'avait aucun caractère contradictoire.
La S.A.R.L. GOKBORA TRANSPORT INTERNATIONAL ET LOGISTIQUES demande à être mise hors de cause, aucun élément ne venant établir qu'elle soit intervenue en qualité de commissionnaire de transport, le choix du transporteur final ayant été réalisé par la S.A. MARICHAL LOGISTICS.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées et ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'à titre liminaire, la S.A. MARICHAL LOGISTICS agissant subrogée dans les droits de la société ELTI, comme son assureur GROUPAMA, ont ainsi reconnu que la première avait pleinement engagé sa responsabilité en qualité de commissionnaire de transport à l'égard de l'expéditeur ;
Attendu que l'action lancée devant les premiers juges suppose tout d'abord de bien déterminer les rôles respectifs, celui de la société GUNT, transporteur étant totalement circonscrit, au contraire de celui de la société GTIL qui demandait et persiste à demander à être mise hors de cause ;
Attendu que «GOKBORA TRANSPORTS» apparaît tout d'abord sur la confirmation d'affrètement (pièce N° 2 des appelantes) avec une adresse [Adresse 7], correspondant à l'adresse ensuite mentionnée sur la pièce N°9 des mêmes parties sur la facture du transport litigieux entre [Localité 11] et la Turquie ;
Que la société GTIL est dès lors intervenue comme commissionnaire de transport substitué, sa responsabilité étant susceptible d'être engagée à ce titre, cette partie intimée ne pouvant en conséquence demander à être mise hors de cause, ce chef de demande devant être rejeté et la confirmation s'imposant dès lors pour les motifs qui viennent d'être pris ;
Attendu que la S.A. DIOT est, pour sa part, intervenue comme courtier de GROUPAMA ;
Attendu que la lettre de voiture établie à l'occasion du transport, conformément à l'article 5 de la convention de Genève, dite plus loin CMR, du 19 mai 1956, applicable en l'espèce, est signée par l'expéditeur et le transporteur et doit en application de l'article suivant de cette convention : « g) le nombre des colis, leurs marques particulières et leurs numéros », « h) le poids brut ou la quantité autrement exprimée de la marchandise », et le cas échéant « 2 a) l'interdiction de transbordement » ;
Attendu que comme l'ont souligné les premiers juges, la société ELTI a signé ce document sans faire figurer dans le pavé 13, notamment dédié à cet effet, les instructions de l'expéditeur, figurant d'ailleurs au contrat la liant à la société MARICHAL («chargement au pont, fours sanglés sur camion (prévoir sangles 10/12)») ni par ailleurs aucune date de prise en charge de la marchandise ;
Attendu que cette lettre de voiture a été signée par le destinataire de la marchandise, sans non plus y faire figurer une date, mais également sans y mentionner de quelconques réserves sur la marchandise livrée ;
Que ce document n'est par ailleurs pas conforme au document de l'expéditeur sur les poids et les nombres de colis ;
Attendu qu'aux termes de l'article 30 de la CMR, la marchandise transportée est présumée avoir été livrée « dans l'état décrit dans la lettre de voiture », présomption qui vaut jusqu'à preuve contraire, possible en application du 2èmement de ce texte uniquement « s'il s'agit de pertes ou avaries non apparentes et si le destinataire a adressé des réserves écrites au transporteur dans les sept jours, dimanche et jours fériés non compris, à dater de cette constatation », en l'espèce la date de signature de la lettre de voiture par le destinataire et de livraison, non contestée comme remontant au 18 décembre 2008 ;
Attendu que par un courriel du 22 décembre 2008, la société MARICHAL, commissionnaire, faisait état notamment à [W] [O], appartenant à une entité utilisant le nom de domaine « gokbora.com » donc au transporteur, que « la marchandise est arrivée endommagée à destination » et questionnait « pourriez-vous vous renseigner et me confirmer les réserves' »;
Que les deux courriels figurant dans la pièce N° 18 des appelantes, l'un daté du 23 décembre 2008 à 9 heures 53 émis par la société ELTI au commissionnaire la société MARICHAL et l'autre constituant le « faire suivre » du premier, adressé le même jour à 17 heures à [W] [O] ;
Que dans ces deux courriers, si des «dégâts» sont évoqués dans le deuxième, aucune précision n'est donnée sur leur localisation et sur leur caractère apparent au jour de la livraison;
Attendu que ces documents ne sauraient en aucun cas constituer les réserves prévues par l'article 30 susvisé, alors que la simple lecture du rapport réalisé à la suite du retour partiel de la marchandise en France établit sans conteste que la grande majorité des désordres étaient visibles dès la réception des colis, un des reproches tenant en effet sur l'expédition « à nu » des fours ;
Attendu qu'en l'état de ces avaries apparentes, la carence du destinataire, qui n'a émis aucun document écrit, à les signaler dans la lettre de voiture, prive les autres acteurs de cette opération de transport de la faculté d'invoquer de quelconques désordres apparents de nature à engager la responsabilité ;
Attendu que s'agissant des désordres non apparents au jour de la livraison, le 1èrement de l'article 30 de la CMR impose des réserves écrites, et mentionnant « la nature générale de la perte ou de l'avarie » ;
Que la société GUNT, dans son courriel du 18 février 2009 contestait l'existence de quelconques avaries et soulignait la signature sans réserve de la lettre de voiture ;
Que les autres courriers ou échanges de courriels sont largement postérieurs au délai de 7 jours ouvrables ci-dessus édicté ;
Attendu que les appelantes sont dès lors irrecevables à réclamer contre les intimées des réparations consécutives à des avaries non signalées conformément aux textes susvisés de la CMR ;
Qu'au demeurant et au surplus, le nouveau transport retour vers [Localité 11], réalisé malgré le désaccord clairement manifesté par le transporteur turc, après un délai de plusieurs semaines dans les locaux turcs, en l'état de l'absence d'un quelconque constat contradictoire ou faisant foi de l'état des fours avant la réexpédition, prive par nature l'expertise ensuite organisée de toute valeur probante sur l'état effectif du matériel lors de sa réception à [Localité 10] par le client destinataire ;
Attendu qu'il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris qui a débouté les demanderesses, en déclarant irrecevables la S.A. GROUPAMA TRANSPORT, la S.A. MARICHAL LOGISTICS et la S.A. DIOT en toutes leurs demandes, et en condamnant in solidum les demanderesses, aujourd'hui appelantes, aux dépens de première instance et rejetant les demandes au titre des frais irrépétibles, le jugement déféré étant confirmé dans son principe ;
Sur l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens d'appel
Attendu que l'équité commande de décharger les sociétés intimées des frais irrépétibles engagés dans la procédure d'appel et de condamner in solidum la S.A. GROUPAMA TRANSPORT, la S.A. MARICHAL LOGISTICS et la S.A. DIOT à leur verser la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Que les appelantes sont condamnées in solidum aux dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de LYON le 30 mars 2011
Vu les conclusions récapitulatives déposées par les parties,
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause de la S.A.R.L. GOKBORA TRANSPORT INTERNATIONAL ET LOGISTIQUES, et statuant à nouveau,
Déclare la S.A. GROUPAMA TRANSPORT, la S.A. MARICHAL LOGISTICS et la S.A. DIOT irrecevables en toutes leurs demandes,
Condamne la S.A. GROUPAMA TRANSPORT, la S.A. MARICHAL LOGISTICS et la S.A. DIOT, in solidum, à verser à la S.A.R.L. GOKBORA TRANSPORT INTERNATIONAL ET LOGISTIQUES et à la société GOKBORA ULUSLARARAQI NAKLIYAT TICARET A.S. une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile concernant les débats de première instance,
Condamne la S.A. GROUPAMA TRANSPORT, la S.A. MARICHAL LOGISTICS et la S.A. DIOT, in solidum, aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés, uniquement pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT