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05/10/2012 | FRANCE | N°11/03042

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 05 octobre 2012, 11/03042


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 11/03042





[O]

Syndicat INTERCO C.F.D.T.



C/

SCA VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 31 Mars 2011

RG : F 09/01266











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2012













APPELANTS :



[Y] [O]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 7]



comparant en personne, assisté de la SELARL GRUMBACH ET ASSOCIÉS (Me Roger KOSKAS), avocats au barreau de PARIS



Syndicat INTERCO C.F.D.T.

[Adresse 9]

[Adresse 12]

[Localité 5]



rep...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 11/03042

[O]

Syndicat INTERCO C.F.D.T.

C/

SCA VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 31 Mars 2011

RG : F 09/01266

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2012

APPELANTS :

[Y] [O]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 7]

comparant en personne, assisté de la SELARL GRUMBACH ET ASSOCIÉS (Me Roger KOSKAS), avocats au barreau de PARIS

Syndicat INTERCO C.F.D.T.

[Adresse 9]

[Adresse 12]

[Localité 5]

représentée par la SELARL GRUMBACH ET ASSOCIÉS (Me Roger KOSKAS), avocats au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SCA VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Septembre 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Michèle JAILLET, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Octobre 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 21 janvier 1991, [Y] [O] a été embauché par la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX devenue la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX en qualité de technicien supérieur ; il a été promu responsable des services techniques, agent de maîtrise, correspondant des services techniques, responsable qualité puis au 1er juillet 2004 chargé de mission ; parallèlement, [Y] [O] est devenu délégué du personnel, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, délégué syndical, représentant syndical au sein du comité d'entreprise et en 2009 conseiller prud'homme ; le 23 septembre 2009, l'employeur a prononcé un avertissement ; le 24 mai 2011, l'employeur l'a mis à pied durant trois jours.

[Y] [O] a saisi le conseil des prud'hommes de LYON ; il a argué d'une discrimination syndicale, a sollicité l'annulation de l'avertissement et a réclamé sa reclassification au sein de la grille des ingénieurs, des rappels de salaire, des dommages et intérêts et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Le syndicat INTERCO C.F.D.T. est intervenu à l'instance et a réclamé des dommages et intérêts et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 31 mars 2011, le juge départiteur, sur avis des conseillers prud'hommes présents, a :

- annulé l'avertissement du 23 septembre 2009,

- débouté [Y] [O] de ses autres demandes,

- débouté le syndicat INTERCO C.F.D.T. de ses demandes,

- débouté la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX de sa demande fondée sur les frais irrépétibles,

- partagé les dépens par moitié.

Le jugement a été notifié le 2 avril 2011 à [Y] [O] et le 4 avril 2011 au syndicat INTERCO C.F.D.T. qui ont interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 27 avril 2011.

Par conclusions visées au greffe le 7 septembre 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [Y] [O] :

- explique qu'avant le 1er janvier 2009, la réglementation générale du personnel instaurait des grilles d'évolution de carrière par catégorie et prévoyait des changements d'échelon automatiques en fonction de l'ancienneté et des changements d'échelon sur décision de la hiérarchie,

- expose que, jusqu'en 1999, il a bénéficié de plusieurs avancements sur décision de sa hiérarchie et que, depuis qu'il a été élu délégué du personnel en mai 2001, il a changé d'échelon uniquement à l'ancienneté,

- indique qu'à partir du 1er janvier 2009 le statut collectif des salariés a été régi par l'accord inter-entreprise de l'unité économique et sociale VEOLIA EAU-GENERALE DES EAUX qui permet à la direction d'octroyer des majorations de la rémunération,

- observe qu'il n'a jamais profité de ces majorations,

- souligne que, depuis 2002, aucune formation ne lui a été dispensée et que sa notation dont dépend la prime de productivité a stagné,

- produit des comparatifs avec d'autres salariés qui se trouvaient dans une position identique à la sienne en 2001 et qui ont connu une évolution de carrière et de rémunération bien meilleure,

- soutient qu'il a été victime de discrimination syndicale et en veut pour preuve l'évolution très favorable de sa carrière avant ses fonctions de représentant du personnel et l'absence totale d'évolution de sa carrière après sa nomination en tant que représentant du personnel,

- reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté l'accord relatif au droit syndical et au dialogue social du 10 juillet 2001 lequel a mis en place des mesures en matière d'avancement et de formation destinées à éviter toute discrimination syndicale,

- demande l'organisation d'une expertise et d'une enquête afin de chiffrer les conséquences de la discrimination syndicale,

- subsidiairement, réclame des dommages et intérêts à hauteur de 77.108,86 euros en réparation de la discrimination syndicale,

- formant une prétention nouvelle, accuse l'employeur de l'avoir dénigré tant dans l'exercice de ses mandats que dans l'exercice de sa profession, d'avoir porté atteinte à sa vie privée, d'avoir cherché à le muter et de lui avoir infligé des sanctions injustifiées,

- en déduit qu'il a été victime d'une répression syndicale,

- réclame des dommages et intérêts à hauteur de 80.000 euros en réparation de la répression syndicale,

- demande la confirmation du jugement en ses dispositions relatives à l'avertissement du 23 septembre 2009,

- formant une prétention nouvelle, demande l'annulation de la mise à pied de trois jours et prétend qu'il n'est pas l'auteur des tracts lesquels procèdent de la liberté d'expression,

- sollicite la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens comprenant les frais d'exécution forcée,

- souhaite les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Par conclusions visées au greffe le 7 septembre 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, le syndicat INTERCO C.F.D.T. :

- intervient à l'instance et réclame la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la condamnation de l'employeur aux dépens comprenant les frais d'exécution forcée.

Par conclusions visées au greffe le 7 septembre 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.C.A. VEOLIA EAU COMPAGNIE-GENERALE DES EAUX :

- soutient que la règle est celle d'un avancement d'échelon et de grade à l'ancienneté et que l'avancement au choix est exceptionnel pour concerner 5% de l'effectif total et que cette règle ne conduit jamais à un ralentissement de la carrière,

- prétend que [Y] [O] a normalement obtenu un avancement à l'ancienneté et a bénéficié de trois avancements aux choix, en 1994, 1996 et 1997 et qu'en moyenne les salariés se voient accorder deux avancements au choix au cours de leur carrière,

- souligne que [Y] [O] a refusé en mai 2002 deux postes susceptibles de faire évoluer sa carrière, qu'il a accepté en juillet 2004 un poste de chargé de mission et que le 15 novembre 2011 il lui a été offert une mission au niveau national,

- précise que le salarié a bénéficié d'une dérogation en ce qui concerne son lieu de travail,

- conteste la pertinence des comparaisons effectuées par [Y] [O] et verse ses propres éléments comparatifs pour démontrer que [Y] [O] fait partie des agents les mieux rémunérés,

- observe que [Y] [O] a suivi des formations, qu'ensuite, il n'a pas souhaité de formation avant 2010, que sa demande a alors été satisfaite et que la formation a été annulée pour des problèmes d'organisation,

- explique la stagnation de la notation par les problèmes comportementaux,

- affirme que l'accord du 12 novembre 2008 ne peut régir une situation antérieure,

- prétend qu'elle a respecté l'accord du 10 juillet 2001 relatif à l'exercice du droit syndical,

- dénie toute discrimination syndicale,

- fait valoir que, le 1er janvier 2009, le statut des agents a changé et que [Y] [O] a opté pour l'intégration à une nouvelle échelle et la poursuite de sa carrière à l'indice et a formellement accepté la nouvelle classification proposée,

- objecte que la classification réclamée par [Y] [O] n'existe plus et que des demandes sont indéterminées,

- ajoute qu'elle a octroyé tous les moyens pour permettre au salarié l'exercice de ses activités syndicales,

- dénie toute discrimination et toute répression syndicale,

- demande le maintien de la mise à pied et fait grief à son salarié d'avoir manqué de retenue et de décence et d'avoir fait oeuvre de propagande par élaboration et diffusion d'un tract et de messages téléphonés suite à un accident mortel du travail,

- demande le rejet des prétentions du salarié et du syndicat ,

- souhaite la confirmation du jugement entrepris et ne querelle pas ses dispositions relatives à l'avertissement,

- s'oppose à la mesure d'expertise,

- sollicite la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du salarié et du syndicat aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la mise à pied :

Le 24 mai 2011, l'employeur a prononcé à l'encontre de [Y] [O] une mise à pied de trois jours qui était fondée sur les griefs suivants :

* avoir le 27 mars 2011 communiqué à tous les salariés de la région Centre-Est un tract alarmiste concernant les salariés de la région Normandie relatif à une alerte du syndicat C.F.D.T. sur le brai de houille accompagné d'une consigne de sécurité établie par la région Ile de France-Centre sur ce risque professionnel alors que le risque avait été évoqué et analysé lors de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail le 3 mars 2009,

* avoir le 5 avril 2011, diffusé un tract info flash C.H.S.C.T. concernant l'accident mortel survenu à un stagiaire le [Date décès 3] 2011 qui a dégradé le climat psycho-social et qui contenait des informations confidentielles et d'avoir envoyé un message téléphoné au tuteur du stagiaire décédé.

S'agissant du premier grief :

Le syndicat C.F.D.T. a élaboré un tract du 25 mars 2011 intitulé 'Alerte sécurité' et signé par messieurs [F], [B] et [R] dans lequel était mis en exergue le risque de dégagement d'un gaz cancérigène lorsque des conduites recouvertes de brai de houille étaient tronçonnées, la nécessité d'exiger des équipement individuels de protection comme les salariés de la région Ile de France en disposent, la faculté d'exercer le droit de retrait et dans lequel était stigmatisé l'attitude de la direction qui est muette ; était jointe au tract la consigne de sécurité diffusée dans la région Ile de France ; le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la région Centre-Est avait évoqué le risque en question lors de sa réunion du 3 mars 2009 et une consigne régionale avait été émise en mars 2009.

Le tract était relatif à la sécurité, reprenait un risque identifié par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et étaient annexées les consignes de sécurité établies deux ans auparavant ; la mise en cause de l'employeur dans les termes suivants : 'Négligence de la direction ' Scandale type amiante ' Faute inexcusable ' La direction est muette depuis 3 jours et depuis 2 ans. Elle n'a pas pris les mesures qui s'imposent. C'est pourquoi nous vous informons votre santé n'a pas de prix' n'outrepasse pas la liberté d'expression syndicale ; dès lors, la diffusion de ce tract ne constitue pas une faute.

Dans ces conditions, le premier grief n'est pas établi.

S'agissant du second grief :

Un stagiaire est décédé le [Date décès 3] 2011. Le syndicat C.F.D.T. a élaboré un document intitulé 'INFO FLASH CHSCT Accident mortel' qui résume la réunion du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail qui s'est tenue le 31 mars 2011 et qui contient des interrogations et les revendications et actions du syndicat C.F.D.T. en matière de sécurité concernant l'accident en cause ; ce document sur deux pages est rédigé en des termes mesurés ; il ne cite aucun nom ; il n'émet aucun reproche à l'encontre du tuteur du stagiaire se limitant à préciser que le tuteur officiel n'était pas présent ; il ne divulgue pas des informations que l'employeur aurait donné au comité en précisant qu'elles étaient confidentielles ; il ne fait nullement état d'un quelconque secret de fabrication ; ainsi, ce document n'outrepasse pas le droit d'information syndical ; dès lors, la diffusion de ce tract ne constitue pas une faute.

Le 6 avril 2011, [Y] [O] a envoyé au tuteur du stagiaire décédé un message téléphoné ainsi libellé : 'Bonjour [J], cela fait plusieurs jours que je ne t'ai pas vu, j'espère que tu ne vas pas trop mal Amicalement [Y]' ; ce message a pu être mal perçu par son destinataire ; pour autant, ses termes ne sont pas fautifs et il n'est nullement prouvé qu'il ait été mal intentionné.

Dans ces conditions, le second grief n'est pas établi.

En conséquence, la mise à pied du 24 mai 2011 doit être annulée.

Sur la répression syndicale :

Les articles L. 2141-1 et L. 2141-4 du code du travail confère au salarié la liberté d'adhérer au syndicat professionnel de son choix et d'exercer son droit syndical ; l'article L. 2141-5 du même code interdit à l'employeur de prendre en considération l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions notamment en matière disciplinaire.

Le 23 septembre 2009, l'employeur a infligé [Y] [O] un avertissement que le conseil des prud'hommes par une disposition non contestée et définitive a annulé ; la mise à pied du 24 mai 2011 est annulée ; ainsi, les deux sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre de [Y] [O] ont été jugées dénuées de fondement.

Le 19 janvier 2007, le supérieur de [Y] [O], [D] [U], a envoyé aux huit principaux cadres du centre de BOURGOGNE un courrier électronique dans lequel il reproduisait une annonce de rencontre diffusée en 1998 par [Y] [O], ajoutait un commentaire ironique sur le contenu de l'annonce et sur une faute d'orthographe et par lequel il invitait à faire connaître l'annonce 'à tous ses disciples et suiveurs...avec prudence toutefois' ; le 30 juin 2009, le tribunal correctionnel de DIJON a condamné [D] [U] pour atteinte à la vie privée de [Y] [O] ; le 3 juillet 2007, le supérieur de [D] [U] lui a envoyé un courrier simple ainsi rédigé : 'Je fais suite à notre longue conversation téléphonique suite au mail que vous avez envoyé en janvier 2007 à votre équipe de direction et qui concernait R. [O]. Vous m'avez indiqué que vous ne souhaitiez pas porter atteinte à la vie privée de M. [O]. Néanmoins, je ne peux pas tolérer au sein de la région Centre-Est ce type de dérive et je vous demande de rencontrer M. [O] et de lui faire part de vos regrets. Merci de me tenir au courant.' ; ce courrier était manuscrit et rédigé sur papier libre ne portant pas l'en tête de la société VEOLIA ; il ne présentait aucun caractère officiel ; aucune sanction n'a été prononcée à l'encontre de [D] [U] ni observation formelle ; l'employeur n'a donc pas officiellement réprimandé le comportement de [D] [U].

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société VEOLIA s'est livrée à des actes de répression syndicale ; les éléments de la cause conduisent à chiffrer les dommages et intérêts venant réparer le préjudice de [Y] [O] à la somme de 10.000 euros.

En conséquence, la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX doit être condamnée à verser à [Y] [O] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la répression syndicale.

Sur la discrimination syndicale :

L'article L. 1132-1 du code du travail prohibe la discrimination directe ou indirecte en raison des activités syndicales ; en application de l'article L. 1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui allègue d'une discrimination de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il appartient à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'accord cadre signé le 10 juillet 2001 et relatif à l'exercice du droit syndical et du dialogue social national au sein de l'unité économique et sociale Générale des Eaux oblige la direction à s'assurer chaque fin d'année que les permanents syndicaux nationaux et les salariés consacrant plus des deux tiers de leur temps de travail à l'exercice de mandats sociaux bénéficient des mêmes conditions d'avancement et d'évolution de carrière que les autres salariés de leur société d'appartenance, de même positionnement hiérarchique et d'ancienneté comparable dans leur service d'origine.

[Y] [O] est né le [Date naissance 2] 1966 ; il est entré au service de la société VEOLIA le 21 janvier 1991 ; il est titulaire d'un diplôme de technicien supérieur en chimie après deux années d'études après le baccalauréat et a suivi après l'obtention de son diplôme de technicien une année de formation complémentaire en analyse industrielle et informatique.

[Y] [O] a été admis le 1er juillet 1992 au cadre titulaire en qualité de technicien supérieur à l'indice 361/329 ; il a bénéficié le 1er juillet 1994 d'un avancement au choix, son coefficient de rémunération passant de 354 à 358, le 1er janvier1996 d'un avancement au choix, son coefficient de rémunération passant de 358 à 376 et le 1er juillet 1997 d'un avancement au choix, son coefficient de rémunération passant de 376 à 394 et les indices brut et nouveau majoré étant à 484 et 416 ; à compter du 1er juillet 2001, [Y] [O] a progressé de l'échelon 5 à l'échelon 6 à l'ancienneté et son coefficient de rémunération est passé de 447 à 483 ; à compter du 1er juillet 2003 il a progressé de l'échelon 6 à l'échelon 7 et son coefficient de rémunération est passé de 483 à 510 ; à compter du 1er juillet 2007, il a conservé l'échelon 7 et s'est vu attribuer 10 points majorés et son coefficient de rémunération est passé de 511 à 511 + 10 ;à compter du 1er janvier 2011 son indice de rémunération a été maintenu à 474 et la majoration pour expérience est passée de 57 à 71.

Le 4 juin 2002, l'employeur a offert à [Y] [O] soit le poste de délégué commercial industriel du centre opérationnel soit le poste de responsable de l'animation qualité-environnement du centre opérationnel ; les deux postes étant basés à [Localité 8], l'employeur précisait qu'il autorisait le salarié à habiter en [Localité 15] et à utiliser le véhicule de service pour effectuer les trajets entre son domicile et son lieu de travail ; [Y] [O] a refusé ; le 17 mai 2004, l'employeur a offert à [Y] [O] qui a accepté le poste de chargé de mission avec un poste de travail à [Localité 11] ; le 15 novembre 2011, l'employeur a proposé à [Y] [O] une mission au niveau national sur l'élaboration de la cartographie du déploiement au sein du groupe VEOLIA ENVIRONNEMENT de l'accord FRANCE du 9 septembre 2008 sur la prévention des risques professionnels, la santé et la sécurité au travail.

[Y] [O] a été élu délégué du personnel de septembre 2001 à juin 2007 ; le 19 novembre 2002, il a été désigné délégué syndical et son mandat a été régulièrement renouvelé ; le 3 décembre 2008, il a été élu conseiller prud'homme ; il est membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

L'appréciation de [Y] [O] pour l'année 2001 conclut à une bonne performance au niveau des attentes ; en 2003, l'appréciateur a rempli les cases d'évaluation ; à partir de2004 il n'y a plus d'évaluation et d'appréciation par le supérieur ; les fiches de l'imprimé d'évaluation contiennent les renseignements mentionnés par le salarié ; en 2007, il est noté à la rubrique tâches non effectuées: 'agent à plein temps sur ses mandats sociaux n'effectuant pas de tâches en exploitation locale' ; en 2009 et 2010, il est noté à la rubrique tâches non effectuées: 'agent à plein temps sur ses mandats sociaux avec une fonction de conseiller prud'homal'.

[Y] [O] a saisi le conseil des prud'hommes en mars 2009 ; afin d'éviter tout risque d'interférence entre la rémunération et la notation donnée par l'employeur et l'initiation de la procédure prud'homale, les éléments de comparaison seront arrêtés à l'année 2008 comprise.

La note attribuée à [Y] [O] en 1997 et 1998 est de 14,3, en 1998 et 1999 de14,4, en 2000 de 14,6, en 2001 de 14,8, en 2002 et 2003 de 14,9, en 2004, 2005, 2006 et 2007 de 15 et en 2008 de 15,1 ; ainsi, la note qui sert de base au calcul de la prime de productivité a augmenté de 0,3 entre 1997 et 2001 soit sur une période de cinq années précédant les mandats et a augmenté de 0,5 entre 2002 et 2008 soit sur une période de sept années postérieure aux mandats ; la prise de mandats syndicaux a été sans incidence sur l'évolution de la notation.

Les feuilles de paie de [Y] [O] révèlent qu'il a perçu en juin 2001 une rémunération hors complément lié à la situation familiale de 2.179,02 euros et en juillet 2008 une rémunération hors complément familial de 2.740,73 euros, soit une augmentation de 25,77 % en sept ans.

Il est versé des tableaux comparatifs ; [K] [E] qui a obtenu un diplôme d'ingénieur le 12 décembre 2002 doit être écarté des comparaisons puisqu'il détient un diplôme supérieur à celui de [Y] [O].

Le tableau établi par l'employeur qui tient compte de la rémunération brute fiscale révèle qu'entre 2001 et 2008 :

* la rémunération de [Y] [O] est passée de 32.610 euros à 41.153 euros, soit une augmentation de 26,19 %,

* la rémunération de [H] [W] est passée de 35.437 euros à 42.954 euros, soit une augmentation de 21,21 %,

* la rémunération de [A] [N] est passée de 24.258 euros à 33.353 euros, soit une augmentation de 37,49 %,

* la rémunération de [I] [L] est passée de 33.130 euros à 49.360 euros, soit une augmentation de 48,98 %,

* la rémunération de [X] [V] est passée de 28.318 euros à 40.814 euros, soit une augmentation de 44,12 %,

Selon ce tableau :

1) toutes ces personnes sont cadres en échelle avec la classification 6,

2) en 2008, [Y] [O] comptabilisait une ancienneté de 19,19 années, [H] [W] une ancienneté de 19,30 année, [A] [N] une ancienneté de 15,95 années, [I] [L] une ancienneté de 19,42 années et [X] [V] une ancienneté de 19,32 années,

3) en 2008, [Y] [O], [I] [L] et [X] [V] avaient l'emploi d'inspecteur de maîtrise,

4) en 2001, [Y] [O] et [X] [V] avaient l'emploi d'inspecteur de maîtrise,

5) [Y] [O], [I] [L] et [X] [V] ont tous trois le même âge.

Ainsi, les situations de [Y] [O], [I] [L] et [X] [V] sont très semblables ; or de 2001 à 2008, le premier a bénéficié d'une augmentation de rémunération bien moindre que les deux autres.

Le tableau établi par [Y] [O] qui tient compte de l'ensemble de la rémunération annuelle brute hors indemnité de logement révèle que :

- entre 2001 et 2008 :

* la rémunération de [Y] [O] est passée de 31.962 euros à 38.691 euros, soit une augmentation de 21,05 %,

* la rémunération de [C] [G] est passée de 29.156 euros à 31.506 euros, soit une augmentation de 8,06 %,

- entre 2003 et 2008 :

* la rémunération de [Y] [O] est passée de 34.560 euros à 38.691 euros, soit une augmentation de 11,95 %,

* la rémunération d'[P] [Z] est passée de 33.543 euros à 43.620 euros, soit une augmentation de 30,42 %,

* la rémunération de [S] [M] est passée de 24.319 euros à 31.594 euros, soit une augmentation de 29,91 %.

Selon ce tableau :

1) toutes ces personnes sont cadres en échelle avec la classification 6,

2) en 2008, [Y] [O] comptabilisait une ancienneté de 18,71 années, [C] [G] une ancienneté de 9,74 année, [P] [Z] une ancienneté de 20,10 années et [S] [M] une ancienneté de 13,89 années.

Ainsi, [Y] [O] a été moins augmenté.

Ces données démontrent une différence de traitement en défaveur de [Y] [O].

L'employeur ne s'explique pas sur la différence de traitement entre [Y] [O] et [I] [L] et [X] [V] ; ses conclusions sont taisantes sur ces deux salariés.

Dans ces conditions, [Y] [O] présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe et l'employeur ne prouve pas que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En conséquence, il doit être jugé que [Y] [O] a été victime d'une discrimination syndicale et le jugement entrepris doit être infirmé.

[Y] [O] sollicite une expertise afin de déterminer le chiffrage précis du préjudice résultant de la discrimination.

[Y] [O] impute la discrimination à son activité syndicale qui a débuté en 2001 ; la discrimination est avérée par rapport à [X] [V] qui se trouve dans la même situation de sexe, d'âge, d'ancienneté dans l'entreprise, de coefficient et de fonction que [Y] [O] ; dès lors, le préjudice de [Y] [O] doit être calculé à partir des augmentations de rémunération dont a bénéficié [X] [V] depuis 2001 et dont [Y] [O] aurait dû également bénéficier ; la Cour dispose des éléments suffisants pour chiffrer le préjudice sans recourir à une mesure d'expertise.

En conséquence, [Y] [O] doit être débouté de sa demande d'expertise,

[X] [V] a obtenu une augmentation annuelle de 6,41 % en 2002, de 5,20 % en 2003, de 9,92 % en 2004, de 5,76 % en 2005, de 4,39 % en 2006, de 7,22 % en 2007 et de 13,45 % en 2009 ; il a eu une baisse de rémunération de 1,06 % en 2008.

L'application de ces taux d'augmentation à la rémunération de [Y] [O] conduit à une rémunération brute fiscale de 34.700 euros en 2002, de 36.504 euros en 2003, de 40.125 euros en 2004, de 42.437 euros en 2005, de 44.300 euros en 2006, de 47.498 euros en 2007, de 46.995 euros en 2008 et de 53.316 euros en 2009, soit une rémunération totale de 345.875 euros ; de 2002 à 2009, la rémunération brute fiscale totale de [Y] [O] s'est montée à la somme de 313.336 euros ; l'écart s'élève à la somme de 32.539 euros.

En premier lieu, [Y] [O] réclame des dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la discrimination et non des rappels de salaire ; en second lieu, la somme précitée est en brute et inclut tous les éléments de rémunération soumis à impôt ; il n'y a donc pas lieu à majoration pour diminution des droits à la retraite, des primes et des éléments de rémunération variables comme le réclame le salarié.

Aucune pièce n'est versée au dossier qui permette de supposer que la discrimination a perduré après l'année 2009 ; dès lors, aucune projection ne peut être opérée sur les années 2010, 2011 et 2012 comme le souhaite le salarié.

L'ensemble de ces éléments conduit à chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 32.539 euros.

En conséquence, la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX doit être condamnée à verser à [Y] [O] la somme de 32.539 euros nette devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale.

Sur l'intervention du syndicat :

L'article L. 2132-3 du code du travail autorise les syndicats professionnels à agir en justice et à exercer devant toutes les juridictions les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'il représentent.

Les faits de répression syndicale et de discrimination syndicale précédemment retenus ont portés atteinte au syndicat INTERCO C.F.D.T. auquel appartient [Y] [O].

En conséquence, l'intervention volontaire à l'instance du syndicat INTERCO C.F.D.T. doit être déclarée recevable.

Les éléments de la cause justifient d'allouer au syndicat INTERCO C.F.D.T. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En conséquence, la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX doit être condamnée à verser au syndicat INTERCO C.F.D.T. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de condamner la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2.000 euros à [Y] [O] et la somme de 1.000 euros au syndicat INTERCO C.F.D.T..

La S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel et le jugement entrepris doit être infirmé.

Les frais d'exécution forcée sont éventuels, ne rentrent pas dans les dépens et la question de leur charge relève de la compétence du juge de l'exécution.

En conséquence, [Y] [O] et le syndicat INTERCO C.F.D.T. doivent être déboutés de leurs demandes tendant à voir intégrer les frais d'exécution forcée aux dépens.

Sur les intérêts :

En application de l'article 1153-1 du code civil, les intérêts courent au taux légal à compter du présent arrêt jusqu'à parfait paiement sur les sommes allouées aux titres des dommages et intérêts et des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme dans les limites de l'appel le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

Juge que [Y] [O] a été victime d'une discrimination syndicale,

Déboute [Y] [O] de sa demande d'expertise,

Condamne la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à [Y] [O] la somme de 32.539 euros nette devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale,

Reçoit l'intervention volontaire à l'instance du syndicat INTERCO C.F.D.T.,

Condamne la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser au syndicat INTERCO C.F.D.T. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Annule la mise à pied du 24 mai 2011,

Juge que la société VEOLIA s'est livrée à des actes de répression syndicale,

Condamne la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à [Y] [O] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la répression syndicale,

Condamne la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2.000 euros à [Y] [O] et la somme de 1.000 euros au syndicat INTERCO C.F.D.T.,

Condamne la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX aux dépens d'appel,

Déboute [Y] [O] et le syndicat INTERCO C.F.D.T. de leurs demandes tendant à voir intégrer les frais d'exécution forcée aux dépens,

Rappelle que les intérêts courent taux légal à compter du présent arrêt jusqu'à parfait paiement sur les sommes allouées aux titres des dommages et intérêts et des frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 11/03042
Date de la décision : 05/10/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°11/03042 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-05;11.03042 ?
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