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18/09/2012 | FRANCE | N°11/02748

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 18 septembre 2012, 11/02748


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEURS





R.G : 11/02748





[H]



C/

SAS ASB FINANCES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 14 Avril 2011

RG : F09/2103











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2012







APPELANT :



[F] [H]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 7]

[Adre

sse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]



comparant en personne, assisté de Me Bruno BRIATTA de la SCP BRUMM & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS ASB FINANCES

MR [R], PDG

[Adresse 2]

[Localité 3]



comparant en personne, assistée de Me Marie-C...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEURS

R.G : 11/02748

[H]

C/

SAS ASB FINANCES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 14 Avril 2011

RG : F09/2103

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2012

APPELANT :

[F] [H]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Bruno BRIATTA de la SCP BRUMM & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS ASB FINANCES

MR [R], PDG

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assistée de Me Marie-Claude CHAUTARD de la SELARL CABINET RATHEAUX, avocat au barreau de LYON substitué par la SELARL CABINET RATHEAUX (Me Sophie BRANGIER), avocats au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Mai 2012

Didier JOLY, Président et Mireille SEMERIVA, Conseiller, tous deux magistrats rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Hervé GUILBERT, Conseiller

Mireille SEMERIVA, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Septembre 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE :

[F] [H] a été engagé par la société Ascenseurs Services à compter du 26 août 1991 en qualité d'aide monteur (coefficient 155, niveau 1) suivant contrat écrit à durée indéterminée régularisé le 1er décembre 1991, soumis à la convention collective des mensuels des industries métallurgiques du Rhône.

Le 7 février 2006, la société ASB FINANCES -détenue à hauteur de 70 % par [I] [R], beau frère de [F] [H], et à hauteur de 30 % par les époux [H] (3,61 % pour [F] [H] et 26,39 % pour son épouse) - a repris la société Ascenseurs Services avec tous les contrats de travail en cours.

Au dernier état de la relation contractuelle, [F] [H] exerçait les fonctions de contremaître (coefficient 108) et sa rémunération mensuelle brute s'élevait à 3 605 €.

L'épouse de [F] [H], [Y] [R] [H], a été licenciée pour faute grave le 12 décembre 2008. Par jugement du 20 juin 2011, le Conseil de prud'hommes de Lyon a considéré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave. Le recours formé par la salariée est pendant devant la Cour d'appel de Lyon.

[F] [H] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 4 au 12 décembre 2008.

Le 5 janvier 2009, il a adressé un courrier à son employeur en lui reprochant une «forte pression exercée» à son égard ainsi qu'une attitude vexatoire et humiliante illustrée par une interdiction d'accéder à l'entreprise en changeant les serrures et l'annulation de son code d'accès au système d'alarme.

Par courrier du 23 janvier 2009, la société ASB FINANCES a contesté l'ensemble des griefs formulés à son encontre.

Un nouvel échange de courrier sur le même sujet est intervenu entre les parties les 29 janvier et 9 février 2009.

Le 17 février 2009, [Y] [R] [H] a assigné la société ASB FINANCES devant le Tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir la désignation d'un administrateur provisoire et la révocation de [I] [R] de ses fonctions de président-directeur général de la société. Par ordonnance de référé du 20 avril 2009, le Tribunal de commerce de Lyon l'a déboutée de ses demandes.

Le 9 mars 2009, un préavis de grève daté du 4 mars a été déposé par seize salariés de la société ASB FINANCES pour un mouvement de grève devant démarrer le lendemain. Les revendications étaient les suivantes : '1.Dégradation des conditions de travail. 2. Mauvaise ambiance- perturbation. 3. Absence d'organisation. 4.Inégalité entre salariés. 5. Retrouver la motivation. 6.Absence de communication. 7. Absence de formation sur la sécurité et sur nouvelle technologie. 8. Exclusion de Monsieur [P]. 9. Prime participation bénéfice. 10 Election délégués du personnel.'

Le 10 mars 2009, [I] [R] s'est entretenu avec les signataires du préavis de grève et aucune action collective n'a été enclenchée.

Le 12 mars 2009, il a été informé que les époux [H] avaient organisé le 5 mars précédent un dîner auquel avaient participé certains des salariés signataires du préavis de grève.

Par courrier du 13 mars 2009, la société ASB FINANCES a convoqué [F] [H] à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 24 mars 2009 et lui a notifié par la même sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mars 2009, [F] [H], alors en arrêt de travail pour maladie, a informé la société ASB FINANCES d'un contexte familial difficile, sa mère étant en phase terminale d'un cancer et son épouse ayant été victime d'un accident de voiture le 12 mars 2009.

Par courrier du 20 mars 2009, [F] [H] a contesté toute responsabilité de sa part s'agissant du préavis de grève déposé le 9 mars.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 mars 2009, la société ASB FINANCES lui a signifié son licenciement pour faute lourde dans les termes suivants :

«'(') En date du 23 décembre 2008, j'ai été contraint de licencier Madame [Y] [H] qui se trouve être votre épouse et ma s'ur, pour des motifs très graves ayant trait notamment à sa fonction de «'Responsable des Ressources Humaines'» dans l'entreprise.

Même si nos relations n'étaient pas vraiment cordiales, je n'avais pas de raison de douter de votre loyauté et de remettre en cause votre contrat de travail du seul fait des difficultés rencontrées avec votre épouse.

Je vous l'ais fait même remarquer au travers de plusieurs courriers AR et au cours de deux entretiens que nous avons eu, en insistant sur le fait que je n'avais aucun grief personnel vous concernant, et que seul la bonne exécution de vos taches de travail importaient.

Vous avez donc continué à intervenir en qualité de chef d'équipe.

Le 9 mars 2009, un groupe de salariés, pour certains des ouvriers travaillant sous vos ordres m'ont remis un document intitulé « Préavis de grève » pour le 10 mars 2009 situation justifiée par dix points de revendications aussi peu explicites que ' «absence d'organisation», «retrouver la motivation», «mauvaise ambiance»,...

Je précise que jamais les salariés de la société «ASCENSEURS SERVICE» ont fait un seul jour de grève.

J'ai donc reçu les signataires (16 personnes) de cette lettre le 10 Mars 2009 pendant une demi-journée et nous avons examiné les 10 points pour finalement conclure qu'il n'existait aucune raison pour ces salariés de faire grève et tout le monde a repris son travail.

Il est évident que cette situation a perturbé l'avancement des chantiers puisque pendant une demi-journée 16 personnes n'ont pas travaillé.

Deux jours plus tard, très interpellé par cette réunion, que je ne parvenais pas à m'expliquer, j'ai rencontré quelques personnes signataires de la lettre «préavis de grève» qui m 'ont expliqué ce que vous aviez organisé avec votre épouse.

Le jeudi 5 mars 2009, vous avez invité chez vous les salariés de votre équipe et après un bon repas très arrosé, vous avez :

' organisé une action destinée à ce que les salariés se mettent en grève dans le but de déstabiliser le fonctionnement de l'entreprise et tenter de prouver que je ne suis pas un «bon chef d'entreprise»,

' demandé aux personnes présentes d'écrire un document sous votre dictée établissant que je gérais mal l'entreprise.

Vous aviez en effet, besoin de ces documents et de ce mouvement de grève puisque votre épouse a saisi le Tribunal de Commerce de Lyon pour obtenir mon départ de la Société et la nomination d'un mandataire à ma place.

Comme votre avocat a dû dire à ma s'ur que son dossier était vide pour atteindre un tel objectif, à savoir mon éviction, vous avez activement participé à la fabrication des pièces ou des preuves qui faisaient défaut.

Vous avez donc organisé et suscité un mouvement de grève et vous avez dicté de faux témoignages à des ouvriers de l'entreprise pour servir vos intérêts.

Le procédé est d'une rare malhonnêteté.

De surcroît, depuis que vous savez que votre tentative du 10 mars 2009 a échoué, vous persistez dans votre action de déstabilisation à l'égard des salariés de l'entreprise en tentant d'obtenir des écrits pour vous innocenter de cette action. Ces man'uvres contribuent à maintenir un climat de perturbation dans l'entreprise et m'a obligé, le 19 mars 2009, à réunir tout le personnel de l'entreprise pour leur exposer d'une part mes problèmes familiaux et d'autre part l'incohérence totale de ce mouvement de grève totalement infondé.

Aussi, de part vos fonctions de cadre et d'actionnaire dans l'entreprise, je ne peux que déplorer qu'à des fins strictement personnelles vous ayez sérieusement perturbé les intérêts de l'entreprise en usant de manipulation, de harcèlement, de menace envers le personnel. Dans ce contexte, j'ai donc décidé de prononcer votre licenciement pour faute lourde, car votre intention de nuire est évidente. »

Par courrier du 7 mai 2009, [F] [H] a mis la société ASB FINANCES en demeure de lui fournir ses documents de fin de contrat.

Après avoir saisi la formation de référé du Conseil de prud'hommes de Lyon, [F] [H] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon sur le fond le 2 juin 2009.

Cette juridiction, section encadrement, par jugement rendu le 14 avril 2011 après la réalisation d'une mesure d'enquête, a :

- dit le licenciement pour faute lourde fondé et rejeté les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

- accueilli les demandes salariales et condamné la société ASB FINANCES à lui verser les sommes suivantes :

' 849,10 € au titre des heures supplémentaires,

' 901, 50 € à titre de prime de 13ème mois au prorata du temps de présence,

'1 664, 64 € à titre de prime de bonus pour la période du 1er août 2008 au 27 mars 2009,

'85,75 € à titre de prime de panier de mars 2009,

dit que les sommes ci-dessus seront versées à l'appui d'un bulletin de salaire soumis à toutes charges salariales et fiscales, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la constitution d'une quelconque astreinte, l'exécution provisoire étant de droit,

' 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner la remise de documents tels que demandés et autres que ceux prévus ci-dessus,

- rejeté le surplus des demandes.

[F] [H] a formé un recours à l'encontre de cette décision par déclaration du 19 avril 2011 en excluant les chefs du dispositif faisant droit à ses demandes et condamnant l'employeur.

Aux termes de ses conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 15 mai 2012, il demande à la Cour de :

- confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société ASB FINANCES à lui verser diverses sommes,

- le réformer pour le surplus,

- dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société ASB FINANCES à lui payer:

* 36 783 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 14 002,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 400, 26 € à titre de congés payés afférents,

* 86 500 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 507,05 € à titre de solde de congés payés pour la période du 01.06.08 au 28.03.09,

* 4 201,01 € à titre de solde de congés payés pour la période du 01.06.07 au 31.05.08

* 25 000 € à titre de dommages-intérêts supplémentaires pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 2 521,20 € à titre de dommages-intérêts pour privation du droit individuel à la formation,

* 36 000 € à titre de rappel de prime de bilan pour les exercices 2006,2008 et 2009 et 3 600 € à titre de congés payés afférents,

* 84,91 € à titre de congés payés afférents au rappel d'heures supplémentaires,

* 1 297,78 € à titre de rappel de salaire durant la période de mise à pied conservatoire outre 129,77 € à titre de congés payés afférents,

* 256, 61 € à titre de congés payés afférents aux rappels de 13ème mois et prime de bonus,

* 6'000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonner sous astreinte définitive de 100 € par jour de retard, à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir des bulletins de paie des mois de janvier, février et mars 2009 rectifiés.

Dans ses écritures régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 15 mai 2012, la SAS ASB Finances conclut ainsi

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Lyon sur le bien fondé du licenciement pour faute lourde de [F] [H],

- débouter l'appelant de ses demandes en délivrance de documents et paiement de prime de bilan et le condamner à lui payer la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.

MOTIFS DE LA DECISION :

Les motifs invoqués par l'employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire du salarié vis à vis de l'employeur.

La SAS ASB Finances, à qui incombe la charge de la preuve, reproche essentiellement à [F] [H] d'avoir réuni à son domicile plusieurs salariés de l'entreprise, de les avoir incités à rédiger des attestations sous sa dictée et à déclencher une grève pour étayer la procédure engagée devant le tribunal de commerce afin d'obtenir sa révocation.

Il est acquis aux débats que, contrairement à toute habitude, [F] [H] et son épouse ont invité plusieurs salariés à dîner chez eux le 5 mars 2009, qu'a été évoquée au cours du repas la situation de l'entreprise et qu'il a été fait état des difficultés relationnelles entre les dirigeants, [I] [R], président directeur général, [Y] [R] épouse [H] et son époux, [F] [H].

En effet, tous les salariés entendus dans le cadre de l'enquête faite par les premiers juges à l'exception de [B] [X], actuellement salarié dans la société dirigée par [F] [H], ont répondu positivement à la question : 'au cours de ce repas, monsieur [H] a-t-il fait état de problèmes existants dans l'entreprise'',Younes [K], indiquant pour sa part ne plus s'en souvenir.

Concernant l'incitation à l'organisation d'une grève, à la rédaction sur place du préavis

et aux motifs invoqués à l'appui du mouvement, les positions sont plus contrastées.

[N] [V] et [N] [W] indiquent que [F] [H] les a invités à participer à une grève et à signer le préavis rédigé ce soir là. [C] [K] fait une déclaration identique sauf à préciser qu'il a refusé de signer eu égard à son embauche récente dans l'entreprise.

[U] [J] soutient que l'incitation à la grève n'émanait pas de [F] [H] et que le préavis a été élaboré, en concertation, dans les locaux de la société.

[T] [M] [D] fait la même réponse sur la demande de participation à une grève mais, plus hésitant sur le second point -'lors de ce repas [F] [H] vous a-t-il demandé de signer le préavis de grève ce soir là''- dit qu'il ne s'en souvient pas.

[B] [X], lui, répond négativement à toutes les questions.

Dans les attestations remises par les uns à la SAS ASB Finances et par les autres à [F] [H], les divergences se confirment. [G] [E] qui ne s'est pas présenté lors de l'enquête exclut [F] [H] dans l'organisation de la grève.

Aucune certitude ne se dégage de ces témoignages.

Au surplus, en admettant que [F] [H] ait poussé lesdits salariés à faire part de revendications à la SAS ASB Finances, il convient de constater que le préavis remis au président directeur général a été signé par 16 salariés soit un nombre bien supérieur aux convives des époux [H] (8) et que chacun a donc repris à son compte les demandes éventuellement suggérées.

Il sera noté en dernier lieu que, après discussion avec le directeur de la société les salariés ont renoncé à leur mouvement de grève et que dès lors aucun trouble n'en est résulté pour l'entreprise.

Le grief tiré de ce que [F] [H] a 'organisé une action destinée à ce que les salariés se mettent en grève dans le but de déstabiliser le fonctionnement de l'entreprise et tenter de prouver que je ne suis pas un «bon chef d'entreprise' n'est pas formellement établi, un doute subsistant .

En revanche, le second grief lié à la manipulation de salariés pour obtenir d'eux, éventuellement sous sa dictée, des attestations destinées à étayer la procédure intentée à l'encontre d'[I] [R], président de la société, est établi.

En effet, [F] [H] produit des courriers de salariés manifestant leur désarroi depuis le changement de direction, faisant état de graves dysfonctionnements notamment au niveau de la sécurité des chantiers depuis cette date et s'inquiétant sur l'avenir de la société.

Ces lettres, rédigées par [N] [V], [N] [W], [B] [X], [C] [K] et [A] [S] qui ont tous participé au repas donné par les époux [H], sont datées respectivement des 16 février 2008, 15 janvier, 3 février, 16 février et 5 mars 2009.

Or, lors de l'audition par le Conseil de Prud'hommes, [N] [V] et [N] [W] (les seuls à qui la question a été posée) ont reconnu avoir rédigé ce courrier, non à la date indiquée, mais le 5 mars 2009 lors de la soirée passée chez les époux [H], à leur demande, le second précisant même s'être contenté de recopier le document qui lui avait été présenté.

[F] [H] a des fonctions d'encadrement dans l'entreprise ainsi qu'il le revendique lui même comme le démontre sa contestation de l'orientation de la présente affaire en section commerce au profit de la section encadrement, demande à laquelle il a été fait droit.

Il est au surplus actionnaire de la société et, par ses liens familiaux, proche des dirigeants.

A ces divers titres, il a un ascendant certain sur les salariés.

Certes les lettres sont formellement adressée à 'madame [H]' qui figure comme seule demanderesse sur l'assignation délivrée à son frère, [I] [R], devant le tribunal de commerce.

Toutefois, la demande faite auprès des salariés n'a pas été faite par [Y] [H], seule, mais au domicile conjugal, par les deux époux.

Aucun des salariés interrogés par les conseillers prud'hommes sur les agissements de [F] [H] n'a contesté sa participation active.

Cette action était d'ailleurs la sienne ainsi qu'il écrit le 29 mars 2009 à [M] [O] [R] en parlant de la grève prévue pour le 10 mars : ' Je n'aurais jamais entrepris une telle action alors que nous devons très prochainement passer au tribunal pour déterminer l'avenir de la société.' (Souligné par la cour).

Ces courriers destinés à obtenir une révocation du dirigeant de l'entreprise et obtenus de façon déloyale, à son domicile, dans le cadre d'un repas, caractérisent une opposition frontale avec la direction de l'entreprise incompatible avec les fonctions de cadre et un manquement grave du salarié à son obligation de loyauté justifiant une rupture immédiate du contrat de travail, son maintien étant impossible même pendant la durée du préavis.

En revanche, l'objet énoncé étant une meilleure gestion de l'entreprise la volonté de nuire à celle-ci n'est pas démontrée.

La faute lourde sera donc écartée et le jugement infirmé en ce sens.

[F] [H] est dès lors en droit de prétendre au paiement de ses congés payés.

Toutefois, il résulte des bulletins de salaire que les congés payés de l'année en cours que [F] [H] chiffre à 2 507 € lui ont été réglés, une indemnité compensatrice d'un montant de

2 537,88 € figurant sur son bulletin du mois de mars 2009.

En revanche, alors que son compteur affiche 24,5 jours acquis et non pris au titre de l'exercice précédent 2007-2008, aucune indemnité ne lui a été payée à ce titre.

Il convient en conséquence de condamner la SAS ASB Finances à lui payer la somme de 4 201,01 €.

En application de l'article L 6323-17 dans sa rédaction applicable en la cause, le licenciement étant antérieur à la modification de cette disposition par la loi du 24 novembre 2009, le droit individuel à la formation n'est pas transférable en cas de faute grave ou lourde.

La demande présentée à ce titre n'est pas fondée.

[F] [H] demande paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en arguant de mesures vexatoires à son égard avant le licenciement telles que la privation des clés, codes et véhicule de l'entreprise, la présence permanente d'un vigile ou des tentatives de manipulation du personnel.

Pour justifier de ses affirmations, il produit de nombreux courriers adressés à la société entre le 5 janvier et la date de son licenciement.

Toutefois, ces documents qui émanent de lui ne retranscrivent que son point de vue.

Les attestations de [B] [X] (qui en a rédigé de nombreuses) et de [U] [J], outre qu'elles sont rédigées le 27 février 2009, avant le licenciement de [F] [H] et dans un but qui n'est pas précisé, sont très vagues. Elles ne font état d'aucun fait précis ni de constatations personnelles : 'ces propos ont été communiqué par le vigile à certains salariés' ou 'j'affirme que Mr [R] [I] a adopté un changement de comportement envers Mr [H] [F] afin de le déstabiliser et le perturber.'

Ces déclarations sont insusceptibles de rapporter la preuve souhaitée

Par ailleurs, alors que [F] [H] fait état de la privation de son véhicule de fonction en cours de contrat, il en rend les clés le 6 avril 2009, postérieurement à son licenciement par envoi recommandé.

[F] [H] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts.

Le Conseil de Prud'hommes a condamné la SAS ASB Finances au paiement de diverses sommes au titre des heures supplémentaires, prime de 13ème mois, prime de bonus et prime de panier.

Les parties ne formulant aucune critique à l'encontre de ces chefs du dispositif, il convient de les confirmer sauf à y ajouter, conformément à la demande de [F] [H], la condamnation de la SAS ASB Finances au paiement des congés payés afférents soit 84,91 € au titre des heures supplémentaires et 256,61 € au titre des primes de 13ème mois et bonus.

Il résulte du tableau produit par la société elle même qu'une prime de bilan était régulièrement versée en mars au titre de l'exercice précédent, à [I] [R], [Y] [R] épouse [H] et [F] [H], d'un montant, hors l'année 2004 où le montant a légèrement varié, de 30 000 € au premier, d'un montant variant de 18 à 30 000 € à la deuxième et de 12 000 € au troisième.

Pour justifier l'absence de paiement de cette prime à [F] [H] en 2006, 2008 et 2009, la SAS ASB Finances indique que la prime de bilan fixée à 60 000 € a toujours été répartie pour moitié à [I] [R] et pour moitié aux époux [H] et que les années où [F] [H] n'a rien perçu, son épouse a été bénéficiaire d'une prime de 30 000 €.

Toutefois, peu important les liens matrimoniaux entre [Y] et [F] [H], ceux-ci disposaient chacun d'un contrat de travail. Les primes et salaires versées à ce titre ne peuvent être calculés de façon globale mais seulement, pour chacun d'eux, en fonction des dispositions contractuelles ou conventionnelles, des usages ou engagements unilatéraux de l'employeur.

Dans une consultation écrite intitulée 'rapport du président' rédigée par [I] [R] et datée du 9 février 2009, figure l'indication du versement de la rémunération exceptionnelle de 30 000 € à deux salariés, [I] [R] et [Y] [H] au titre des exercices 2007 et 2008 et la demande de ratification de ce versement pour [I] [R], la rémunération des dirigeant nécessitant leur accord.

Cet écrit est sans portée puisque le vote des associés n'est pas produit.

La SAS ASB Finances a versé régulièrement une prime de bilan à [F] [H] depuis au moins 2002. Elle est tenue par cet engagement et doit la verser pour les exercices omis.

La SAS ASB Finances sera en conséquence condamnée à verser à [F] [H] la somme de 36 000 € et 3 600 € au titre des congés payés afférents.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS ASB Finances, outre aux dépens, à payer à [F] [H] les sommes de

- 849,10 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 901,50 € à titre de prime de 13ème mois,

- 1 664,64 € à titre de rappel de prime de bonus,

- 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le réforme pour le surplus,

Ecarte la faute lourde,

Dit le licenciement fondé sur une faute grave,

Condamne la SAS ASB Finances à payer à [F] [H] les sommes de

- 4 201,01 € au titre des congés payés de la période de référence 2007-2008,

- 36 000 € à titre de rappel de prime de bilan pour les années 2006, 2008 et 2009 et 3 600 € au titre des congés payés afférents,

- 84,91 € à titre de congés payés afférents des heures supplémentaires allouées,

- 256,61 € au titre des congés payés afférents des primes de 13ème mois et bonus,

- 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne la SAS ASB Finances aux dépens.

Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 11/02748
Date de la décision : 18/09/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°11/02748 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-18;11.02748 ?
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