AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 11/07089
[T]
C/
Me [G] [K] - Mandataire judiciaire de SAS SODAI
SAS SODAI
AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE
du 29 Septembre 2011
RG : F 10/00323
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2012
APPELANT :
[X] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Malik NEKAA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Matthieu ALLARD, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
Me [G] [K] es qualité de Mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS SODAI
[Adresse 5]
[Localité 9]
représenté par Me Sophie adrienne FOREST, avocat au barreau de LYON
AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par la SCP DESSEIGNE & ZOTTA (Me Nancy LAMBERT-MICOUD) , avocats au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 10 mai 2012
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Juin 2012
Présidée par Marie-Claude REVOL, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Hélène HOMS, Conseiller
Marie-Claude REVOL, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 14 Septembre 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président de Chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 21 août 2002, [X] [T] a été embauché par la S.A.S. SODAI en qualité de menuisier poseur ; le 2 décembre 2009, il a été mis à pied à titre conservatoire ; le 14 décembre 2009, il a été licencié pour faute grave, l'employeur lui reprochant des propos insultants et l'emprunt d'un camion de la société pour un tiers.
Le tribunal de commerce de SAINT-ETIENNE a placé la S.A.S. SODAI en redressement judiciaire le 1er juin 2010 et en liquidation judiciaire le 19 janvier 2011 ; maître [K] a été désigné liquidateur.
[X] [T] a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes de [Localité 9] ; il a réclamé le salaire correspondant à la période de mise à pied, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause et une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 29 septembre 2011, le conseil des prud'hommes a :
- déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- fixé au passif de la S.A.S. SODAI les créances d'[X] [T] se montant à la somme de 527,11 euros au titre du salaire correspondant à la période de mise à pied, outre 52,71 euros de congés payés afférents, la somme de 2.399,13 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 239,91 euros de congés payés afférents, la somme de 2.126,04 euros à titre d'indemnité de licenciement et la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles,
- déclaré la décision opposable à l'A.G.S. à l'exclusion des frais irrépétibles.
Le jugement a été notifié le 5 octobre 2011 à [X] [T] qui a interjeté appel par déclaration au greffe du 20 octobre 2011.
Par conclusions visées au greffe le14 juin 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [X] [T] :
- expose qu'il avait demandé l'autorisation à son employeur de lui prêter un camion de l'entreprise pour transporter des meubles, que, le 2 décembre 2009, il a téléphoné au dirigeant de l'entreprise pour savoir si le camion serait disponible le samedi et le dimanche suivants, que le dirigeant lui a répondu qu'il ne le savait pas, que, par erreur, il a rappelé le dirigeant par téléphone et que, croyant communiquer avec l'ami concerné par le transport des meubles, il a déclaré 'il ne sait pas encore s'il aura le camion mon balourd de patron',
- soutient que les propos relèvent de la vie privée et ne peuvent être sanctionnés,
- observe que le prêt du camion n'a pas été effectif,
- argue également de l'absence de trouble provoqué par son comportement au sein de l'entreprise,
- soutient que le licenciement est dénué de cause,
- chiffre ses créances comme suit :
* 527,11 euros au titre du salaire correspondant à la période de mise à pied, outre 52,71 euros de congés payés afférents,
* 2.791,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 279,10 euros de congés payés afférents,
* 2.126,04 euros à titre d'indemnité de licenciement
* 17.394,84 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause,
- sollicite en cause d'appel la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles,
Par conclusions visées au greffe le14 juin 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, maître [G] [K], es qualités de liquidateur de la S.A.S. SODAI, qui interjette appel incident :
- observe que les faits sont établis par la reconnaissance qu'en fait le salarié,
- fait valoir que les faits sont graves et ne rentrent pas dans la sphère de la vie privée et que le salarié avait des antécédents disciplinaires,
- estime que le licenciement repose sur une faute grave,
- demande le rejet des prétentions du salarié.
Par conclusions visées au greffe le14 juin 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, l'A.G.S. représentée par le Centre de Gestion et d'Etude de l'A.G.S. de [Localité 4] s'associe à l'argumentaire de l'employeur.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement :
L'employeur a infligé des avertissements à [X] [T] :
* le 14 novembre 2008, pour ne pas s'être présenté le 14 novembre 2008 au travail à l'heure convenue, pour avoir déclaré le vol du téléphone portable professionnel le 12 novembre 2008, pour avoir réalisé au cours de la semaine 44 un travail déplorable qui a du être refait,
* le 28 avril 2009, pour avoir rendu dans un état lamentable le véhicule qui lui avait été prêté,
* le 10 novembre 2009, pour être arrivé le même jour en retard au travail.
L'employeur qui se prévaut d'une faute grave du salarié doit prouver l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement et doit démontrer que ces faits constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; dans la mesure où l'employeur a procédé à un licenciement pour faute disciplinaire, il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement.
Dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur reproche au salarié d'avoir tenu des propos insultants à l'encontre du dirigeant de l'entreprise et d'avoir voulu prêter un véhicule de la société à un tiers.
S'agissant du premier grief tiré des propos insultants : le salarié admet avoir dit à son supérieur hiérarchique en croyant téléphoner à un ami : 'il ne sait pas encore s'il aura le camion mon balourd de patron' ; l'appel s'est déroulé alors que le supérieur hiérarchique était en repas d'affaire avec deux courtiers en assurance ; ces personnes ont entendu les propos du salarié car la fonction haut-parleur du téléphone portable du supérieur hiérarchique était actionnée ; le salarié ne pensait pas parler à son supérieur et ignorait que ce dernier était en repas d'affaire et que les convives pouvaient entendre la conversation ; il s'ensuit que le salarié n'avait nullement l'intention d'insulter directement son supérieur hiérarchique ; en revanche, le salarié avait l'intention de qualifier son patron auprès d'un tiers par l'emploi d'un terme insultant ; la conversation tenue pendant le temps de travail, concernant l'employeur et relative à un camion de l'entreprise ne relevait pas de la sphère privée.
Ainsi, le grief est réel.
S'agissant du second grief tiré du prêt du camion de l'entreprise à un tiers : l'ami d'[X] [T] atteste que, lors de son déménagement, ce dernier devait récupérer des meubles ; l'employeur ne démontre pas que le salarié entendait prêter le camion à un tiers et n'aurait pas conservé l'usage du camion de la société en transportant des meubles pour lui ; dès lors, le grief n'est pas établi.
Ainsi, seul est avéré un propos insultant envers l'employeur.
La tenue de propos de cette nature caractérise la faute.
Eu égard aux antécédents disciplinaires d'[X] [T], soit trois avertissements dans les treize mois précédant les faits, le licenciement constitue une sanction proportionnée.
L'employeur a réagi dans un délai restreint et la nature de la faute entraînait une dégradation des relations telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
En conséquence, le licenciement repose sur une faute grave et [X] [T] doit être débouté de ses demandes indemnitaires.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur la mise à pied :
Il résulte des énonciations précédentes que la mise à pied est justifiée ; elle ne doit donc pas être rémunérée.
En conséquence, [X] [T] doit être débouté de sa demande au titre du salaire correspondant à la période de mise à pied et des congés payés afférents.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'équité commande de débouter [X] [T] de ses demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre des frais irrépétibles.
[X] [T] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Juge que le licenciement repose sur une faute grave,
Déboute [X] [T] de ses demandes au titre du salaire correspondant à la période de mise à pied et des congés payés afférents, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, au titre de l'indemnité de licenciement et au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause,
Déboute [X] [T] de sa demande présentée en première instance au titre des frais irrépétibles,
Condamne [X] [T] aux dépens de première instance,
Ajoutant,
Déboute [X] [T] de sa demande présentée en cause d'appel au titre des frais irrépétibles,
Condamne [X] [T] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Christine SENTIS Nicole BURKEL