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31/05/2012 | FRANCE | N°10/05876

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 31 mai 2012, 10/05876


R.G : 10/05876









décision du tribunal de commerce de Roanne

Au fond du 07 juillet 2010



RG : 2009N00704











COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 31 Mai 2012







APPELANTE :



SARL AQUILON

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON



assistée de Maître Jack GAUTHIER, avocat au barreau de ROANNE







INTIMEE :



SARL TAXI MARION

[Adresse 3]

[Localité 8]



représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON



assistée de Maître Laurence BUISSON, avocat au barreau de ROANNE





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Date de clôture de l'instruction : ...

R.G : 10/05876

décision du tribunal de commerce de Roanne

Au fond du 07 juillet 2010

RG : 2009N00704

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 31 Mai 2012

APPELANTE :

SARL AQUILON

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Jack GAUTHIER, avocat au barreau de ROANNE

INTIMEE :

SARL TAXI MARION

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Laurence BUISSON, avocat au barreau de ROANNE

******

Date de clôture de l'instruction : 27 Janvier 2012

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Février 2012

Date de mise à disposition : 03 Mai 2012, prorogée au 31 Mai 2012, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience tenue par Michel GAGET, président et François MARTIN, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, François MARTIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Michel GAGET, président

- François MARTIN, conseiller

- Philippe SEMERIVA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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La SARL AQUILON est inscrite au registre du commerce et des sociétés comme exerçant une activité de transports routiers de personnes, location de véhicules, services à la personne- taxi, transports marchandises.

Figurait depuis de nombreuses années parmi sa clientèle, l'association 'le Phénix' gérant plusieurs centres éducatifs (IME, ITEP et SESSAD), qui lui confiait le transport d'enfants de leurs domiciles jusqu'à ses établissements.

Le 6 juillet 2009, 'le Phénix' lui a fait connaître que sa proposition pour l'année scolaire 2009/2010 n'était pas retenue.

Ayant appris que la Sarl TAXI MARION avait obtenu les trois circuits de transports qu'elle effectuait antérieurement, la Sarl AQUILON l'a mise en demeure de reprendre son entité économique affectée à ces transports.

La Sarl TAXI MARION n'a pas déféré à cette demande.

Par acte d'huissier en date du 23 novembre 2009, reprochant à la société TAXI MARION d'exercer illégalement l'activité de transporteur public routier de personnes, la société AQUILON l'a assignée devant le tribunal de commerce de Roanne en concurrence déloyale.

Par jugement en date du 7 juillet 2010, le tribunal de commerce de Roanne, après avoir constaté que la société TAXI MARION exerce sa profession en toute légalité, a débouté la société AQUILON de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société TAXI MARION la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Appel de ce jugement a été interjeté le 30 juillet 2010 par la Sarl AQUILON.

Aux termes de ses dernières conclusions en réponse et récapitulatives en date du 9 décembre 2011, la société AQUILON demande à la cour, infirmant le jugement, de :

- dire que la société TAXI MARION n'exerce pas la profession de taxi en toute légalité puisqu'elle a plus de véhicules de taxi que d'autorisations de stationnement sur le domaine public de la commune de [Localité 8]

- dire que la société TAXI MARION n'a conclu aucun contrat transport avec chaque élève déplacé de son lieu de prise en charge jusqu'à son lieu de destination,

- dire que le contrat de transport est conclu avec chaque élève déplacé par l'association 'le Phénix' qui organise les déplacements pour ses besoins normaux de fonctionnement et qui perçoit à cet effet des subventions du conseil général du département de la Loire ;

- dire que l'association 'le Phénix' a créé un service privé de transport routier non urbain de personnes en vertu des dispositions de l'article L3131 - 1 du code des transports ;

- dire que l'activité de la société TAXI MARION consiste à mettre à la disposition de l'association 'le Phénix' des véhicules avec leurs conducteurs pour transporter les élèves figurant sur la liste qu'elle lui a fournie en début d'année scolaire ;

- dire que la société TAXI MARION ne possédait pas, au mois de septembre 2009,5 autorisations de stationnement auxquelles étaient attachés cinq véhicules pour les mettre à la disposition de l'association 'le Phénix' avec leurs conducteurs ;

- dire que l'exercice de la profession de taxi sans posséder les autorisations de stationnement nécessaires est sanctionné par les dispositions de l'article L3124 - 4 du code des transports

- dire que la société TAXI MARION n'utilise pas ses véhicules en taxi comme elle le prétend, avec le dispositif lumineux allumé lorsqu'ils sont en charge, conformément aux dispositions de l'article 1 - 2° du décret 95 - 935 du 17 août 1995

- dire que la société TAXI MARION ne peut pas mettre à la disposition de l'association 'le Phénix' cinq véhicules avec leurs conducteurs sans être inscrite au registre des entreprises de transport public routier de personnes, en vertu des dispositions de l'article trois du décret 87 - 242 du 7 avril 1987

- dire que cette infraction à l'exercice de l'activité de transporteur routier non urbain de personnes est sanctionné par les dispositions de l'article 25 - II de la loi de finances du 14 avril 1952

- dire que par l'exercice illégal de la profession de transporteur public routier de personnes sans être inscrite au registre des entreprises exerçant cette activité, la société TAXI MARION fausse l'équilibre des relations concurrentielles et rompt ainsi l'égalité des chances qui doit exister entre elle et la société AQUILON dans un monde économique libre ;

- dire que la société TAXI MARION se place dans une situation plus avantageuse à l'égard de l'association 'le Phénix' en n'appliquant pas la réglementation sociale des transports par rapport à la société AQUILON qui la met en oeuvre ;

- dire que par l'exercice illégal de la profession de transporteur public routier de personnes, la société TAXI MARION fait une concurrence déloyale à la société AQUILON et lui cause un préjudice dont elle doit réparation sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil

- dire que le préjudice de la société AQUILON résulte de la perte générée par le refus de la société TAXI MARION de reprendre les véhicules avec leurs conducteurs affectés au déplacement des élèves de l'association 'le Phénix' conformément aux dispositions de l'article L. 1224 - 1 du code du travail ;

- condamner en conséquence la société TAXI MARION à payer à la société AQUILON la somme de 106'924 euros au titre du loyer des contrats de crédit-bail que celle-ci doit continuer de régler et des salaires et charges dont elle doit poursuivre le versement pour la période de 24 mois comprise entre le début du mois de juillet 2009 et la fin du mois de juin 2011

- ordonner à la société TAXI MARION d'arrêter la mise à disposition de l'association 'le Phénix' de véhicules avec leurs conducteurs sous une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- dire que le juge d'appel se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte,

- condamner la société TAXI MARION à payer à la société AQUILON la somme de 9 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens avec droit de recouvrement direct pour ceux d'appel au profit de Maître MOREL avoué.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives et en réponse en date du 1er décembre 2011, la société TAXI MARION demande à la cour confirmant la décision déférée de :

- constater que la société TAXI MARION n'est pas soumise aux dispositions de la loi LOTI, en ce qu'elle exerce une profession n'entrant pas dans les dispositions légales,

- constater en conséquence que la société TAXI MARION exerce sa profession en toute légalité,

- dire que la société TAXI MARION ne s'est rendue coupable d'aucun comportement pouvant être qualifié de déloyal,

- en conséquence débouter la société AQUILON de l'ensemble de ses demandes formées en cause d'appel et la condamner au paiement de la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct pour ceux d'appel au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET avoué.

La clôture de l'instruction est intervenue le 27 janvier 2012.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les fautes reprochées à la société TRANSPORTS MARION

La société AQUILON reproche tout d'abord à la société TRANSPORTS MARION d'exercer une activité de service privé de transport routier non urbain de personnes consistant, à la demande de l'association 'Le Phénix' pour les besoins normaux de son fonctionnement, à transporter chaque jour les enfants scolarisés dans ses instituts depuis leurs domiciles, activité relevant en septembre 2009 des dispositions de l'article 29 de la loi LOTI du 30 décembre 1982 et de l'article 2 du décret du 7 avril 1987, sans être inscrite au registre des entreprises de transport routier de personnes comme l'exige l'article 3 du même décret dès lors que ces transports sont effectués en mettant à la disposition de l'organisateur des véhicules avec conducteur.

Les articles 29 de la loi LOTI et 1 et 2 du décret du 7 avril 1987 pris pour son application définissent comme service privé relevant des transports routiers non urbains :

- les transports de leur personnel organisés pour les besoins normaux de leur fonctionnement par les collectivités publiques, y compris les établissements d'enseignement, les entreprises et les associations,

et lorsqu'ils répondent à leurs besoins normaux de fonctionnement :

- les transports organisés par les établissements publics départementaux ou communaux accueillant des personnes âgées, les établissements d'éducation spéciale, les établissements d'hébergement pour adultes handicapés et personnes âgées et les institutions de travail protégé pour les personnes qui y sont accueillies, à l'exclusion de tout déplacement à caractère touristique;

- les transports mentionnés à l'article R 213-17 du code de l'éducation à savoir, sous réserve des dispositions relatives aux transports scolaires des articles L 213-11 à L 213-13 et L 213-15 du code de l'éducation, les transports organisés par les établissements d'enseignement en relation avec l'enseignement, à condition que ces transports soient réservés aux élèves, au personnel des établissements et, le cas échéant, aux parents d'élèves participant à l'encadrement des élèves;

- les transports organisés par des associations pour leurs membres, sous réserve que ces déplacement soient en relation directe avec l'objet statutaire de l'association et qu'il ne s'agisse pas d'une association dont l'objet principal est le transport de ses membres ou l'organisation de voyages touristiques.

Contrairement à ce que soutient la société AQUILON :

- les établissements gérés par l'association 'Le Phénix' ne sont pas des établissements d'éducation spéciale au sens légal du terme tel que défini par le code de l'éducation, ce terme étant réservé à des établissements publics relevant des régions,

- les enfants scolarisés par l'association ne sont pas des adultes handicapés,

- les transports organisés par l'association ne sont pas en relation avec l'enseignement dispensé mais simplement destinés à conduire les enfants sur les lieux où cet enseignement leur est dispensé,

- les élèves scolarisés dans les instituts dépendant de l'association ne font pas partie à l'évidence ni de son personnel, ni même de ses membres dès lors que l'article 3 de ses statuts stipule expressément que 'en aucun cas, les membres de l'association ne peuvent jouir personnellement des avantages ou services qu'elle offre, ces avantages ou services étant exclusivement réservés à des tierces personnes dont les besoins les motivent'

de sorte que les transports litigieux ne rentrent pas dans le champ d'application des dispositions visées par la société AQUILON.

Elle ne saurait dès lors reprocher à la société TAXI MARION de ne pas remplir les conditions exigées par l'article 3 du même décret pour les réaliser et la question de savoir si ces transports sont réglés par les parents des enfants ou par l'association elle-même est donc parfaitement inopérante.

La société AQUILON reproche ensuite à la société TAXI MARION d'avoir mis en place un service occasionnel de transport public (et non plus privé) routier de personnes réglementé par l'article 32 du décret du 16 août 1985 sans être inscrite sur le registre départemental des transporteurs routiers de personnes du département de la Loire.

Comme objecte la société TAXI MARION, les dispositions du décret du 16 août 1985 ne lui sont pas applicables, son article 1 excluant de son champ d'application les transports effectués par les taxis sans distinguer, là encore, selon que la personne transportée en supporte elle-même le coût, de sorte que la question de savoir si ces transports sont réglés par les parents des enfants ou par l'association elle-même est une nouvelle fois inopérante.

La société AQUILON fait enfin grief à la société TAXI MARION de ne pas respecter la réglementation relative à l'activité de taxi dont elle se revendique car, d'une part elle ne disposerait pas elle-même, pour les cinq véhicules qu'elle utilise, des autorisations de stationnement sur la voie publique exigées par l'article 2 ter alinéa 1 de la loi du 25 janvier 1995 étant obligée de recourir à de la soutraitance, d'autre part elle ne ferait pas circuler les véhicules taxis comme tels, les dispositifs extérieurs lumineux dont ils sont équipés n'étant pas allumés lorsqu'ils sont en charge pour l'association 'le Phénix'.

Il ne peut tout d'abord qu'être constaté, au vu des pièces communiquées, qu'en 2009 la société TAXI MARION justifie d'une part avoir été titulaire directement de deux autorisations de stationnement sur la commune de [Localité 8] en 2009 ainsi que cela résulte de l'attestation de son maire en date du 3 décembre 2009, d'autre part s'être vue apporter deux licences supplémentaires en septembre 2010 par Madame [M] et enfin s'être assurée, dès 2009 les services de trois taxis supplémentaires dans le cadre de trois contrats inter-entreprises avec les sociétés Taxi GAREL, AMBULANCE CROIX BLEUE et AMBULANCE TRONCY qui disposaient elles-aussi des autorisations nécessaires de sorte que leurs interventions ne peuvent être qualifiées de simple mise à disposition de véhicules avec conducteurs mais sont bien des interventions 'taxi' régulières.

Ce premier manquement à la réglementation invoqué par la société AQUILON n'est donc pas établi.

Quant à la circulation des véhicules taxis sans que leur dispositifs lumineux ne soient allumés, si elle est effectivement établie par un constat d'huissier pour des transports effectués les 31 mars, 4 et 5 avril 2011 par la société TAXI MARION, soit près de 18 mois après l'assignation, il n'est pas démontré en quoi ce manquement aurait pour conséquence de porter préjudice à la société AQUILON dès lors qu'il ne saurait en être déduit que les transports considérés auraient été réalisés sans respecter les tarifs préfectoraux leur étant applicables, seule circonstance de nature à rompre l'équilibre concurrentiel.

Le jugement déféré, en ce qu'il a débouté la société AQUILON de ses demandes en réparation de son préjudice résultant de la concurrence déloyale de la société TAXI MARION est confirmé.

Sur le préjudice subi par la société TAXI MARION

La société TAXI MARION reproche à la société AQUILON son acharnement procédural car elle a non seulement interjeté appel du jugement déféré mais parallèlement déposé plainte auprès du procureur de la république de Roanne contre le gérant de la société TAXI MARION pour la mise à disposition au profit de l'association 'Le Phénix' de plusieurs véhicules avec leurs conducteurs sans que ceux-ci ne soient inscrits au registre des entreprises de transport routier de personnes, en violation de la règle 'electa una via', s'agissant des mêmes faits que ceux fondant son action dans la présente instance .

Il n'a pas encore été statué sur la recevabilité de cette plainte si bien que la société TAXI MARION ne démontre pas en quoi elle témoignerait d'un quelconque acharnement fautif à son égard.

Sa demande de dommages et intérêts à ce titre est rejetée.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable que la société TAXI MARION conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour faire face à un appel injustifié. La société AQUILON est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

La société AQUILON qui succombe les supporte.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Déboute la Sarl TAXI MARION de sa demande de dommages et intérêts pour acharnement procédural

Condamne la Sarl AQUILON à payer à la Sarl TAXI MARION la somme de DEUX MILLE euros (2000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct, pour ceux d'appel, au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET qui en a fait la demande.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Joëlle POITOUXMichel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 10/05876
Date de la décision : 31/05/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°10/05876 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-31;10.05876 ?
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