La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2012 | FRANCE | N°11/07026

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 04 mai 2012, 11/07026


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 11/07026





SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE

SA GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE



C/

[B]







SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

D'UNE DECISION DU :



Conseil des Prud'hommes de [Localité 4] du 23 décembre 2008



Arrêt Cour d'Appel de GRENOBLE

du 18 janvier 2010



Arrêt Cour de Cassation du 22 juin 2011

N° 1456 F-D











COUR D'APPEL DE LY

ON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 04 MAI 2012













APPELANTES :



SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (ERDF)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]



représentée par la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES (Me Christian BR...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 11/07026

SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE

SA GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE

C/

[B]

SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

D'UNE DECISION DU :

Conseil des Prud'hommes de [Localité 4] du 23 décembre 2008

Arrêt Cour d'Appel de GRENOBLE

du 18 janvier 2010

Arrêt Cour de Cassation du 22 juin 2011

N° 1456 F-D

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 04 MAI 2012

APPELANTES :

SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (ERDF)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES (Me Christian BROCHARD), avocats au barreau de LYON

SA GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (GrDF)

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES (Me Christian BROCHARD), avocats au barreau de LYON

INTIMÉS :

[W] [B]

[Adresse 9]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Valérie MAILLAU, avocat au barreau de VALENCE

Syndicat CGT ENERGIE DROME ARDECHE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Non comparant

PARTIES CONVOQUÉES LE : 26 octobre 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Mars 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Marine BERAUD-DE CECCO, Greffier en chef.

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Mai 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Attendu que monsieur [B] a été embauché par les sociétés EDF et Gaz de France en décembre 1974 en qualité d'agent d'entretien de réseau ;

Qu'au dernier état de la relation contractuelle, il a occupé les fonctions de technicien d'intervention exploitation de clientèle ;

Attendu que les sociétés EDF et GDF ont infligé à monsieur [B], par lettre du 3 août 2004, la sanction de mise à pied avec privation de salaire applicable à compter du 6 septembre 2004 pour « fausses déclarations visant à dissimuler les circonstances de l'accident du 11 juin 2003, non respect des règles et consignes de sécurité et non respect des conditions d'exécution du travail » ;

Que cette sanction a été annulée par la cour d'appel de Lyon, statuant sur renvoi de cassation, par arrêt du 23 juin 2010 ;

Attendu que par lettre du 24 septembre 2007, les sociétés EDF et Gaz de France ont notifié à monsieur [B] la sanction de mise à la retraite d'office « applicable à compter de la réception de la présente notification » pour « Réalisation du raccordement au réseau d'un branchement provisoire avec le matériel et l'outillage de l'entreprise, sans ordre de travail, sans respecter les règles de sécurité, sans respecter les règles commerciales et financières y afférent cela en des heures habituelles de travail et sans en informer son responsable hiérarchique » ;

Attendu que le conseil de prud'hommes de Valence, section industrie, statuant sur saisine de monsieur [B], par jugement contradictoire du 23 décembre 2008, rendu en formation de départage, a :

- constaté l'intervention volontaire aux débats des Sa ERDF et GRDF

- prononcé la mise hors de cause des sociétés EDF et GDF

- déclaré irrégulière la procédure disciplinaire suivie à l'encontre de monsieur [B]

- déclaré nulle la sanction de mise à la retraite d'office adoptée à l'encontre de monsieur [B]

- condamné les Sa ERDF et GRDF à payer à monsieur [B] :

* 45000 euros à titre de dommages et intérêts

* 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné les Sa ERDF et GRDF à payer au syndicat CGT Energie la somme symbolique de 1 euro à titre de dommages et intérêts

- condamné les Sa ERDF et GRDF aux dépens ;

Attendu que la cour d'appel de Grenoble, statuant sur appel formé par les sociétés ERDF et GRDF, par arrêt contradictoire du 18 janvier 2010, a :

- confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

- condamné les Sa ERDF et GRDF à payer à monsieur [B] 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux dépens d'appel ;

Attendu que la Cour de Cassation, statuant sur le pourvoi formé par la société GRDF, par arrêt du 22 juin 2011, a :

- cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble

- remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon

- condamné monsieur [B] et le syndicat CGT Energie aux dépens- rejeté les demandes au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que la motivation adoptée a été la suivante :

« Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1332-2 du code du travail, ensemble l'article 6 du décret du 22 juin 1946 modifié et le §2 de la circulaire [Localité 8] 846 applicables au personnel des industries électriques et gazières ;

Attendu que s'il résulte de l'article L.1332-2 du code du travail, qu'aucune sanction ne peut être prononcée contre un salarié plus d'un mois après l'entretien préalable, sauf à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, le point de départ de ce délai, si la mise en 'uvre des formalités imposées par la circulaire [Localité 8] 846 est intervenue dans le délai d'un mois à compter de la première phase de l'entretien préalable, doit être fixé à la date de la seconde phase de l'entretien préalable ;

que le non-respect d'un délai statutaire de saisine ou d'invitation à comparaître devant organisme consultatif ne constitue pas la violation d'une garantie de fond, sauf si cette irrégularité a eu pour effet de priver le salarié de la possibilité d'assurer utilement sa défense devant cet organisme ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé en décembre 1974 par EDF-GDF, M. [B] a été mis à la retraite d'office le 24 septembre 2007 par la société Gaz réseau distribution France (GRDF), avec laquelle son contrat de travail s'était poursuivi ;

Attendu que pour dire la sanction de mise à la retraite nulle, la procédure disciplinaire irrégulière et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes, l'arrêt retient que l'employeur a méconnu l'obligation substantielle prévue par les dispositions statutaires de notifier dans les meilleurs délais au salarié poursuivi disciplinairement la date de sa comparution devant le conseil de discipline ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que la procédure disciplinaire, engagée le 17 janvier 2007 par la convocation de l'intéressé à la première phase de l'entretien préalable, avait été régulièrement interrompue par la mise en oeuvre de la procédure prévue par le §2 de la circulaire PERS 846 et que la sanction avait été prononcée dans le délai d'un mois à compter de la deuxième phase de l'entretien préalable, et sans constater que le salarié avait été privé de la possibilité d'assurer utilement sa défense, la cour d'appel qui, au surplus, ne pouvait annuler la sanction, a violé les textes susvisés » ;

Attendu que dans le délai prévu par l'article 1034 du code de procédure civile, les sociétés ERDF et GRDF ont saisi cette cour désignée comme cour de renvoi ;

Attendu que les sociétés ERDF et GRDF demandent à la cour par conclusions écrites, déposées le 12 mars 2012, visées par le greffier le 23 mars 2012 et soutenues oralement, de :

- infirmer le jugement

- dire et juger que la mise à la retraite d'office de monsieur [B] est fondée

Partant,

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes

- le condamner à la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance

En tout état de cause,

- débouter le Syndicat CGT Energie en l'absence d'atteinte aux intérêts collectifs de la profession ;

Que le conseil des sociétés ERDF et GRDF objecte, à la demande relative à l'irrégularité de la procédure disciplinaire pour atteinte aux droits de la défense, que l'employeur ne bénéficie pas d'un délai de 4 mois car ce délai permet une instruction contradictoire du dossier à laquelle le salarié est associé ;

Que mention en a été portée sur la note d'audience signée par le président et le greffier ;

Attendu que monsieur [B] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 20 mars 2012, visées par le greffier le 23 mars 2012 et soutenues oralement, de :

Au principal,

A l'égard de la société ERDF

- constater que l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 18 janvier 2010 est revêtu de l'autorité de la chose jugée irrévocable

A l'égard de la société GRDF

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrégulière la sanction de mise à la retraite d'office prononcée à son encontre et condamner la société GRDF à lui payer 45000 euros à titre de dommages et intérêts

- subsidiairement, juger que la mise à la retraite est illégitime et condamner la société GRDF à lui payer 45000 euros à titre de dommages et intérêts

- y ajoutant, condamner les sociétés ERDF et GRDF à lui payer 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Au subsidiaire,

A l'égard des sociétés ERDF et GRDF

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrégulière la sanction de mise à la retraite d'office prononcée à son encontre et condamner les sociétés ERDF et GRDF à lui payer 45000 euros à titre de dommages et intérêts

- subsidiairement, dire et juger que la mise à la retraite est illégitime et condamner les sociétés ERDF et GRDF à lui payer 45000 euros à titre de dommages et intérêts

- y ajoutant, condamner les sociétés ERDF et GRDF à lui payer 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que le syndicat CGT Energie régulièrement convoqué par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 28 octobre 2011 ne comparait pas et n'est pas représenté ;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement ;

MOTIFS DE LA DECISION:

Attendu que le Syndicat CGT Energie, bien que régulièrement convoqué comme en fait foi l'avis de réception signé de la convocation par lettre recommandée avec avis de réception n'est ni présent ni représenté ni dispensé de comparaître;

Qu'en application de l'article 473 du code de procédure civile, l'arrêt à intervenir rendu contre un intimé ayant eu connaissance de la convocation par lettre recommandée avec avis de réception pour avoir apposé sa signature sur l'avis de réception est réputé contradictoire ;

Sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée

Attendu que monsieur [B], qui se présente comme électricien, soutient être « salarié de la société EDF-GDF avant qu'elle ne devienne la société ERDF et la société GRDF à la suite d'une scission et que seule la société ERDF a succédé à EDF-GDF dans le contrat de travail et les conséquences de sa rupture » ;

Que la société ERDF, qui est son seul employeur, n'a pas formé de pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble et ne peut se prévaloir d'une quelconque indivisibilité ou solidarité pour pouvoir bénéficier du pourvoi formé par GRDF laquelle n'a pas la qualité de co-employeur ;

Attendu que les sociétés ERDF et GRDF soutiennent au contraire que monsieur [B] a été salarié des sociétés EDF et GDF jusqu'à la date de la rupture de son contrat de travail notifiée le 24 septembre 2007 et qu'elles mêmes sont venues aux droits des sociétés EDF et GDF ;

Qu'elles se présentent comme des co-obligés à l'égard de monsieur [B] ;

Attendu que d'une part, devant le conseil de prud'homme en formation de départage, les parties se sont accordées pour admettre que les sociétés EDF et GDF devaient être mises hors de cause et que devait être reçue l'intervention volontaire des sociétés ERDF et GRDF seules concernées par ce contentieux, aucune contestation n'étant élevée sur la qualité d'employeur de l'une ou l'autre des sociétés ;

Attendu que d'autre part, le relevé de carrière de monsieur [B] versé aux débats a été établi par « EDF Gaz de France » et démontre que ce dernier a bénéficié d'une « embauche statutaire » le 5 décembre 1974 ;

Qu'il en résulte que monsieur [B], quelle qu'ait pu être sa spécialisation professionnelle, était le salarié de ses deux entités juridiques EDF et Gaz de France ;

Que la procédure disciplinaire initiée à l'encontre de monsieur [B] a été menée par la direction EDF Gaz de France Distribution, direction commune aux deux sociétés EDF et Gaz de France ;

Qu'à effet rétroactif au 1er juillet 2007, les activités d'EDF Gaz de France Distribution ont été transférées dans deux entités : ERDF (Électricité réseau distribution France) et GRDF (Gaz réseau Distribution France) qui forment un service commun intégrant l'ensemble des salariés et dédié à la gestion du réseau de distribution d'électricité et de gaz ;

Que monsieur [B] est donc salarié des deux sociétés EDF et Gaz de France, aux droits desquels sont venues les sociétés ERDF et GRDF ;

Attendu que la société GRDF est seule à s'être pourvue en cassation ;

Qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'invisibilité ou de dépendance ;

Que les dispositions de l'arrêt cassé portent tant sur la régularité de la sanction de mise à la retraite d'office prononcée à l'encontre de monsieur [B] par les sociétés ERDF et GRDF que sur l'indemnisation du préjudice en résultant et mis à la charge de ces deux mêmes sociétés ;

Que la cassation totale intervenue a nécessairement replacé monsieur [B] et les deux sociétés ERDF et GRDF dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé, au regard des liens juridiques indissociables liant le salarié aux sociétés ERDF et GRDF et rendant impossible une exécution séparée des décisions le concernant;

Attendu que la fin de non recevoir soulevée par monsieur [B] ne peut prospérer ;

Sur la procédure disciplinaire

Attendu que la circulaire [Localité 8] 846 régit la procédure applicable au sein des sociétés EDF et GDF ;

Attendu que monsieur [B] a été convoqué par les sociétés EDF et Gaz de France à la première phase d'entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'à la mise à la retraite d'office, fixé au 30 janvier 2007, par lettre du 17 janvier 2007 ;

Attendu que par lettre du 15 février 2007, les sociétés EDF et Gaz de France ont notifié à monsieur [B] leur décision de le « déférer devant la commission en vue de l'application d'une sanction disciplinaire pour le motif suivant :

« Réalisation le 10 décembre 2006, du raccordement au réseau d'un branchement provisoire avec le matériel et l'outillage de l'entreprise, sans ordre de travail, sans respecter les règles de sécurité, sans respecter les règles commerciales et financières y afférent cela en des heures habituelles de travail et sans en informer son responsable hiérarchique » ; Qu'il lui a été indiqué le nom du rapporteur et les droits dont il disposait ;

Attendu que par lettre du 5 juin 2007, les sociétés EDF et Gaz de France ont informé monsieur [B] de l'examen par la commission secondaire du personnel de son dossier disciplinaire le 18 juin 2007 et de la possibilité d'y comparaître ;

Attendu que le compte rendu de la séance de la « Commission Secondaire Discipline du 18 juin 2007 », comprenant 18 pages, est daté du 2 août 2007 et a été transmis aux sociétés ERDF et GRDF par les soins du rapporteur par lettre du 3 septembre 2007;

Que les résultats sont les suivants :

- une voix se prononce pour une sanction de mise pied avec privation de salaire de 2 semaines

- une voix se prononce pour une sanction de mise pied de 15 jours avec privation de salaire de 2 semaines

- trois voix se prononcent pour un blâme

- six voix se prononcent pour le classement du dossier

- onze voix se prononcent pour une sanction de mise à la retraite d'office ;

Attendu que par lettre du 4 septembre 2007, les sociétés EDF et Gaz de France ont informé monsieur [B] qu'elles « envisageaient de (lui) infliger la sanction de rétrogradation de trois GF » et lui ont précisé : « dans la mesure où l'application de ce type de sanction emporte modification des conditions de votre contrat de travail, elle nécessite votre accord exprès et écrit, qu'il convient de me communiquer au plus tard le 20 septembre 2007. A défaut, je prononcerais, en lieu et place, une autre sanction qui serait celle de la mise à la retraite d'office. Conformément aux dispositions de la circulaire [Localité 8] 846, je vous convoque à la seconde phase de l'entretien préalable, afin de recueillir vos observations avant de prendre une décision », entretien fixé au 17 septembre 2007 ;

Attendu que par lettre du 24 septembre 2007, les sociétés EDF et Gaz de France ont notifié à monsieur [B] leur décision de lui « infliger la sanction de mise à la retraite d'office » « applicable à compter de la réception de la présente notification » ;

Attendu que monsieur [B] soutient que l'employeur a méconnu les dispositions de l'article L1332-2 du code du travail en ne le convoquant devant la commission secondaire que le 5 juin 2007 alors qu'il avait été informé de son renvoi devant cette commission dès le 15 février 2007 ;

Qu'il en déduit que la procédure est irrégulière du chef du non respect de ce délai d'un mois ;

Qu'il soutient également que la procédure est irrégulière au regard de l'article 23-12 de la [Localité 8] 846 ;

Attendu que d'une part, s'il résulte de l'article L.1332-2 du code du travail, qu'aucune sanction ne peut être prononcée contre un salarié plus d'un mois après l'entretien préalable, sauf à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, le point de départ de ce délai, si la mise en 'uvre des formalités imposées par la circulaire [Localité 8] 846 est intervenue dans le délai d'un mois à compter de la première phase de l'entretien préalable, doit être fixé à la date de la seconde phase de l'entretien préalable ;

Que la procédure disciplinaire, engagée le 17 janvier 2007 par la convocation de l'intéressé à la première phase de l'entretien préalable, a été régulièrement interrompue par la mise en 'uvre de la procédure prévue par le §2 de la circulaire [Localité 8] 846 et la sanction a été prononcée dans le délai d'un mois à compter de la deuxième phase de l'entretien préalable;

Attendu que d'autre part, le non-respect d'un délai statutaire de saisine ou d'invitation à comparaître devant organisme consultatif ne constitue pas la violation d'une garantie de fond, sauf si cette irrégularité a eu pour effet de priver le salarié de la possibilité d'assurer utilement sa défense devant cet organisme ;

Que monsieur [B] ne caractérise aucune atteinte à ses droits ;

Qu'il a été dument informé à tous les stades de la procédure de l'étendue de ses droits, pu avoir accès à son dossier et faire valoir toutes observations utiles;

Que le fait que dans le courrier du 15 février 2007, le salarié ait été avisé de la mise en 'uvre de la consultation de la Commission Secondaire, sans indication de la date de tenue de la séance, information qui lui a été donnée ultérieurement après la fin de l'instruction du dossier disciplinaire par le « rapporteur » (monsieur [J]) par lettre du 5 juin 2007, dans un délai raisonnable lui permettant d'assurer utilement sa défense, ne saurait dès lors aucunement vicier la procédure ;

Que le raisonnement développé par le salarié selon lequel il n'a bénéficié que de 4 jours pour organiser sa défense et l'employeur de 4 mois est totalement réducteur ;

Que d'une part, dans le courrier du 15 février 2007, il a été informé de la saisine de la Commission Secondaire, de la procédure d'instruction en cours confiée à un rapporteur nommément désigné, du déroulement de cette procédure avec possibilité pour lui de désigner un mandataire pour le représenter, ce qu'il fera dès le 15 mars 2007, de demander l'audition de témoins, ce qu'il ne fera pas, de consulter les pièces du dossier disciplinaire et d'en suivre l'évolution, ce qu'il fera, d'établir un mémoire « au plus tard 4 jours avant la date de comparution devant le Conseil de Discipline », ce qu'il ne fera pas et a été rendu destinataire d'un exemplaire de la [Localité 8] 846 ;

Que durant cette phase d'instruction, menée par le rapporteur, le salarié, qui a été entendu personnellement par ce dernier, et l'employeur ont disposé des mêmes droits ;

Que d'autre part, par lettre du 5 juin 2007, monsieur [B] a été informé de sa date de convocation devant la Commission Secondaire à une séance fixée au 18 juin 2007 ;

Qu'il a demandé téléphoniquement le 7 juin 2007 copie de l'ensemble des pièces de son dossier disciplinaire et a obtenu immédiatement satisfaction ;

Qu'il a disposé d'un délai suffisant pour organiser sa défense ;

Qu'enfin, durant la séance de la Commission Secondaire de Discipline, telle que retranscrite dans le compte-rendu du 2 août 2007, il a été à nouveau procédé à une instruction orale de l'affaire en présence du mandataire désigné par monsieur [B], lequel a pu faire là encore toutes observations utiles ;

Que le mandataire de monsieur [B] n'a aucunement ni demandé un délai pour organiser la défense de ce dernier ni même évoqué une quelconque violation du principe du contradictoire ;

Attendu que monsieur [B] sera débouté de ses demandes tendant à voir annuler la sanction prononcée à son encontre que ce soit sur le fondement de l'article L1332-2 du code du travail que sur celui de l'article 23-12 de la [Localité 8] 846 ;

Sur la sanction prononcée

Attendu que monsieur [B], arguant de 32 ou 33 ans d'ancienneté selon ses écritures, tout en ne contestant pas « avoir procédé à un raccordement au réseau électrique d'un branchement provisoire avec le matériel et l'outillage de l'entreprise sans ordre de travail », demande à la cour de renvoi de juger l'absence de motif réel et sérieux justifiant une mise à la retraite d'office ;

Que les sociétés ERDF et GRDF sont quant à elles à la validation de la sanction prononcée ;

Attendu que suite à une panne d'électricité sur le secteur de [Localité 10] (Ardèche), signalée par un usager qui avait vu une « personne se brancher au poteau », il a été établi après enquête que monsieur [B], d'astreinte le week-end du 10 décembre 2006, a procédé le samedi 9 décembre 2006 après-midi à un raccordement provisoire au profit de monsieur [T] [E] sans ordre de travail, sans information de sa hiérarchie et sans demande d'accès préalable au réseau ;

Que monsieur [B] a lui-même reconnu avoir été contacté le samedi entre 12 et 14 heures par le fils du maire pour réaliser un branchement provisoire, ce dernier lui ayant expliqué que son voisin qui l'alimentait en électricité par un système de rallonge devait s'absenter et souhaitait couper le courant et avoir « réalisé cette intervention devant les arguments développés par monsieur [E] » « dans le souci du service public et de la satisfaction de la clientèle compte tenu de ses relations avec les élus locaux » ;

Qu'il a par ailleurs indiqué que monsieur [E] lui avait précisé que la demande de raccordement était en cours, avoir cru le client sur parole, avoir constaté qu'il disposait du matériel nécessaire, et n'avoir pas eu le temps de déclarer cette intervention avant le lundi suivant en fin de matinée étant « totalement absorbé par les différentes pannes sur lesquelles (il avait) été sollicité sans arrêt » ;

Que monsieur [E], entendu par les techniciens intervenus sur place le 12 décembre 2006 pour procéder à la mise hors tension de l'installation, a, dans un premier temps, indiqué ignorer qui l'avait raccordé et quand puis devant huissier de justice, mandaté par EDF Gaz de France Distribution, le 9 février 2007, a précisé avoir joint monsieur [B] téléphoniquement à son domicile qui lui a dit « qu'il en tiendrait informé son chef, qu'il n'avait pas le droit de le faire », indiqué qu'il n'avait pas eu à insister et mentionné n'avoir demandé aux services EDF le raccordement que le 12 décembre 2006 ;

Que les techniciens intervenus sur place le12 décembre 2006 ont constaté que le raccordement est à plus de 2 mètres du sol et qu'en dehors des plombs métrologie du compteur, l'ensemble du comptage n'est pas plombé ;

Que monsieur [K], chargé d'encadrer dans le cadre de sa permanence messieurs [B] et [V], a précisé n'avoir jamais été informé à aucun moment du raccordement provisoire opéré alors même que durant ce week-end du 10 décembre 2006, compte tenu de la complexité d'un défaut constaté sur le réseau à partir de 17 heures, avoir rencontré à de multiples reprises monsieur [B] ces deux jours samedi et dimanche ;

Attendu que monsieur [B] verse aux débats les attestations suivantes de :

- monsieur [E] qui confirme la teneur des précédentes déclarations retranscrites par l'huissier de justice

- monsieur [Z], technicien réseau électricité, qui décrit ses multiples interventions lors de la tempête du 26 décembre 1999 et précise n'avoir reçu ni ordre écrit ni oral pour réaliser des opérations pour réalimenter en électricité les clients et n'avoir jamais été sanctionné

- monsieur [F], agent EDF, qui affirme que lorsqu'un « agent est d'astreinte à chaque intervention qu'il fait en dépannage, la transmission des coordonnées se fait sans aucun ordre de travail formel », rappelle les conditions d'intervention lors de la tempête 1999 et souligne que les « règles commerciales et financières de l'entreprise ne sont pas les priorités car il fallait rétablir les usagers'le plus rapidement possible »

- monsieur [X], agent EDF, qui décrit ses interventions en janvier 2000 en Corrèze suite à la tempête de décembre 1999

- monsieur [P], technicien de conduite EDF, qui donne comme exemple celle des fêtes foraines et précise : « l'agent part généralement avec une demande et revient en ayant fait 4 ou 5 raccordements sans ordre hiérarchique »

- messieurs [O], [C], chargés d'affaires, qui indiquent avoir « lors des dégâts neige de janvier 2006 » été réquisitionnés, avoir réalisé des interventions sans ordre de travail écrit et n'avoir jamais été sanctionnés

- messieurs [G], [N] et [A], agents EDF-GDF, qui affirment réaliser  régulièrement des interventions sans ordre de travail ni présence de responsable hiérarchique et ce avec l'outillage de l'entreprise  notamment dans les immeubles neufs ou réhabilités et n'avoir jamais été sanctionnés

- monsieur [U], agent EDF GDF Distribution, qui a assisté monsieur [B] lors de l'entretien du 30 janvier 2007 et en donne son compte-rendu

- monsieur [D], monteur électricien, qui décrit son intervention le 19 mai 2005 en tant que membre du CHSCT sur un chantier où monsieur [B] avait été victime d'une chute, accident dont le CHSCT n'a jamais été avisé ;

Attendu que d'une part, monsieur [B], technicien chevronné, a une parfaite maîtrise des règles internes en vigueur au sein des sociétés EDF et Gaz de France ;

Qu'interrogé sur les dispositions à respecter pour réaliser un branchement provisoire, il a lui-même indiqué : « j'aurai dû avoir un bon de travail ou obtenir une autorisation par téléphone ou radio par le chargé d'exploitation » ;

Qu'il avait parfaitement conscience de l'illicéité de son intervention, en ayant même informé le client, selon les propres dires de ce dernier ;

Que dans le cadre de son intervention litigieuse, monsieur [B], alors qu'il était d'astreinte, a été sollicité à titre personnel, à son domicile, pour satisfaire les convenances d'une connaissance, hors de tout cas d'urgence avérée, a enfreint les consignes élémentaires d'exigence d'obtention d'un ordre de travail ;

Que les attestations de salariés intervenus à l'occasion de la survenue de catastrophes naturelles pour rétablir le réseau électrique ou de salariés intervenant sur un même site et étant interpellés par d'autres clients ne sauraient servir de validation à cette absence d'ordre de travail, les conditions d'intervention étant radicalement différentes ;

Attendu que d'autre part, monsieur [B] n'a pas respecté les règles élémentaires de sécurité dont il connaissait précisément la teneur ;

Que son intervention étant effectuée sous tension, il a lui-même indiqué les règles de sécurité à respecter : « avoir une habilitation, porter les EPI et avoir une autorisation d'accès » ;

Que monsieur [B] ne disposait d'aucune autorisation d'accès sur ce site et ne peut se comparer utilement à des salariés identifiés comme travaillant officiellement sur un site précis à un moment donné et profitant de leur présence sur ce site pour effectuer des branchements supplémentaires à ceux pour lesquels il a été missionné ;

Que par ailleurs, le fait que des collègues se targuent de transgresser les règles de sécurité ne sauraient servir de justificatif à un manquement fautif ;

Attendu qu'enfin, quelque puisse être le souhait louable pour un salarié de vouloir satisfaire les exigences de la clientèle et offrir une belle image commerciale de son employeur, il ne peut toutefois intervenir qu'autant que le client usager ait fait une démarche officielle en ce sens ;

Que « l'engagement alimentation électrique temporaire » n'a été souscrit par monsieur [E] et madame [M] que le 19 décembre 2006 à effet du 15 décembre 2006 ;

Que monsieur [B] ne pouvait donc se limiter «à faire confiance » et à tout le moins se devait de vérifier la situation de ce client particulier et si pressant ou à tout le moins se rapprocher de son responsable hiérarchique de permanence d'astreinte avec lui le plus rapidement possible pour l'en informer et faire valider son intervention litigieuse;

Que même à admettre une permanence chargée lui ayant fait oublier l'étendue de son obligation à tout le moins d'information sur l'intervention litigieuse, il se devait d'en avertir dès le lundi les services commerciaux, ce que monsieur [B] ne fera qu'après que monsieur [E] l'ait lui-même alerté sur l'enquête réalisée par les services EDF soit le mardi 12 décembre 2006 en fin de matinée ;

Attendu que les fautes commises par monsieur [B] sont caractérisées et suffisantes pour justifier la sanction prononcée, étant rappelé que monsieur [B] a fait choix de refuser la sanction de rétrogradation de 3 groupes fonctionnels précédemment envisagée par l'employeur, mesure disciplinaire prévue à l'article 6 du statut national en vigueur, nécessitant son accord préalable ;

Que ni l'absence d'antécédent disciplinaire de monsieur [B] ni la grande ancienneté de ce dernier dans l'entreprise ni la qualification professionnelle obtenue par celui-ci ne sont de nature à pouvoir rendre la sanction prononcée ni injustifiée ni disproportionnée aux fautes commises, l'employeur étant fondé à attendre de ce salarié expérimenté un comportement respectueux des règles en vigueur et des interventions réalisées en totale transparence ;

Attendu que la cour de renvoi infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Attendu que les dépens d'instance et d'appel resteront à la charge exclusive de monsieur [B] qui succombe en toutes ses demandes ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, sur renvoi de cassation

Rejette la fin de non recevoir soulevée par monsieur [B] à l'égard de la société ERDF

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Déboute monsieur [B] de ses demandes tendant à faire juger la sanction de mise à la retraite d'office prononcée à son encontre irrégulière et illégitime

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne monsieur [B] aux dépens d'instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Christine SENTISNicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 11/07026
Date de la décision : 04/05/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°11/07026 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-04;11.07026 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award