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27/04/2012 | FRANCE | N°11/03336

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 27 avril 2012, 11/03336


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 11/03336





[S]



C/

SAS I.S.S. ESPACES VERTS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 14 Avril 2011

RG : F 09/03604











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 27 AVRIL 2012













APPELANT :



[C] [S]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localit

é 4]

LIEU DIT [Adresse 3]

[Adresse 3]



comparant en personne,

assisté de Me Renaud BARIOZ,

avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS I.S.S. ESPACES VERTS

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]



représentée par Me Bernard MEURICE,

avocat au barreau de LIL...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 11/03336

[S]

C/

SAS I.S.S. ESPACES VERTS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 14 Avril 2011

RG : F 09/03604

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 27 AVRIL 2012

APPELANT :

[C] [S]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 4]

LIEU DIT [Adresse 3]

[Adresse 3]

comparant en personne,

assisté de Me Renaud BARIOZ,

avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS I.S.S. ESPACES VERTS

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Bernard MEURICE,

avocat au barreau de LILLE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 25 Novembre 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Mars 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistées pendant les débats de Suzanne TRAN, Adjoint assermenté faisant fonction de greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Avril 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er septembre 2004, [C] [S] a été embauché par la société F.C.F. RHONE-ALPES ; le 1er juillet 2007, le contrat de travail a été transféré à la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS ; au dernier état de la collaboration, [C] [S] occupait le poste de chargé d'affaires ; le 2 août 2007, il a été victime d'un accident du travail ; il a été en arrêt de travail du 2 août 2007 au 7 octobre 2007, en mi-temps thérapeutique du 8 octobre 2007 au 10 mars 2008 et en arrêt de travail à compter du 11 mars 2008 ; le 28 août 2009, il a été licencié pour faute grave, l'employeur lui reprochant l'exercice d'une activité professionnelle pendant la suspension du contrat de travail.

[C] [S] a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes de LYON ; il a réclamé l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts, un rappel d'avantage en nature et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 14 avril 2011, le conseil des prud'hommes a débouté [C] [S] de ses demandes et a laissé à sa charge les dépens de l'instance.

Le jugement a été notifié le 29 avril 2011 à [C] [S] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 10 mai 2011.

Par conclusions visées au greffe le 9 mars 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [C] [S] :

- admet qu'il était le consultant indépendant de la société PROFILAFROID qui fabriquait des clôtures, qu'il a travaillé pour elle quatre jours au cours du premier semestre 2009, qu'aucune clause d'exclusivité ne le liait à la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS et que l'employeur avait connaissance de cette activité,

- dénie toute faute grave,

- soulève la nullité du licenciement prononcé pendant la suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail,

- réclame la somme de 11.604 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.160 euros de congés payés afférents, la somme de 3.868 euros à titre d'indemnité de licenciement et la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- formant une demande nouvelle, reproche à son employeur qui a multiplié les mesures vexatoires une exécution déloyale du contrat de travail et réclame la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- sollicite la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens.

Par conclusions visées au greffe le 9 mars 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS :

- expose que, malgré l'interdiction qui lui avait été faite, le salarié a travaillé pour le compte d'une autre entreprise pendant son arrêt de travail et que, malgré l'avis du médecin du travail, il a effectué de longs trajets en voiture,

- souligne que le salarié s'est vu notifier un avertissement le 3 août 2007,

- soutient que le licenciement repose sur une faute grave,

- subsidiairement, estime excessif le montant des dommages et intérêts réclamés,

- conteste toute exécution déloyale du contrat de travail,

- demande le rejet des prétentions du salarié,

- sollicite la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du salarié aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement :

L'article L. 1226-9 du code du travail permet le licenciement pour faute grave d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un accident du travail.

L'employeur qui se prévaut d'une faute grave du salarié doit prouver l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement et doit démontrer que ces faits constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; dans la mesure où l'employeur a procédé à un licenciement pour faute disciplinaire, il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement.

Dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur fait grief au salarié d'exercer une activité professionnelle pour un fournisseur pendant la période de suspension du contrat de travail au mépris des mises en demeure de cesser toute activité.

[C] [S] a été en arrêt de travail à compter du 11 mars 2008 à raison de l'accident du travail dont il a été victime le 2 août 2007.

Par lettre du 23 avril 2008, le directeur des ressources humaines a mis en demeure [C] [S] de cesser toute intervention sous quelque forme que ce soit durant l'arrêt de travail ; le directeur d'agence lui a rappelé cette interdiction par lettre du 23 mai 2008 ; les interdictions visaient le travail pour la société, relations avec un fournisseur et avec des clients.

Le 18 juin 2009, la société PROFILAFROID implantée à [Localité 2] a réglé à [C] [S] la somme de 1.236,30 euros en règlement de trois assistances techniques effectuées les 21 janvier, 24 février et 27 et 28 mai et de frais de déplacement ; [C] [S] reconnaît ces interventions.

Ces interventions ne sont pas un travail pour la société employeur mais un travail exécuté en qualité de consultant indépendant ; ce travail n'était donc pas visé par les interdictions de travailler faites en avril et mai 2008 ; le contrat de travail ne contenait ni clause de non concurrence ni clause d'exclusivité ; aucun élément au dossier ne démontre que la société PROFILAFROID concurrençait la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS ; la nature de leurs activités respectives était différente, la première étant le fournisseur de la seconde.

Dans ces conditions, les prestations réalisées par [C] [S] pour la société PROFILAFROID pendant l'arrêt de travail ne constituent pas un manquement à ses obligations envers la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS.

En conséquence, par application de l'article L. 1226-13 du code du travail, le licenciement prononcé pendant une période de suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail est entaché de nullité.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Le licenciement ayant été jugé nul, [C] [S] a droit à l'indemnité compensatrice de préavis, quand bien même il s'est trouvé placé dans l'incapacité de l'effectuer.

En conséquence, la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS doit être condamnée à verser à [C] [S] la somme de 11.604 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1.160 euros au titre des congés payés y afférents.

[C] [S] qui ne demande pas sa réintégration a droit à l'indemnité de licenciement et à une indemnité réparant son préjudice et au moins égale à celle prévue en cas de licenciement dépourvu de cause.

[C] [S] comptabilisait une ancienneté de cinq ans et percevait un salaire mensuel de 3.868 euros ; la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS emploie plus de onze salariés.

La convention collective nationale des entreprises du paysage applicable à la cause chiffre l'indemnité de licenciement à 2/10ème de mois de salaire par année d'ancienneté ; l'indemnité conventionnelle de licenciement s'établit donc à la somme de 3.868 euros.

En conséquence, la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS doit être condamnée à verser à [C] [S] la somme 3.868 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, [C] [S] a droit à des indemnités qui ne peuvent être inférieure à la rémunération à laquelle il aurait pu prétendre durant les six derniers mois si le contrat de travail n'avait pas été suspendu, soit à la somme de 23.208 euros ; [C] [S] était âgé de 53 ans à la date du licenciement ; la Caisse Primaire d'Assurance Maladie l'a déclaré consolidé en septembre 2011 ; depuis octobre 2011, il perçoit des allocations chômage et n'a pas retrouvé de travail ; ces éléments conduisent à chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 30.000 euros.

En conséquence, la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS doit être condamnée à verser à [C] [S] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

L'article L. 1222-1 du code du travail pose le principe selon lequel le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

[C] [S] invoque la multiplication des procédures disciplinaires et l'absence de renouvellement du véhicule de fonction dans les conditions prévues par la grille de l'entreprise.

Le 16 juillet 2007, l'employeur a convoqué [C] [S] à un entretien préalable au licenciement ; suite à l'entretien, l'employeur a envoyé une lettre dans laquelle il indiquait qu'il avait constaté depuis plusieurs mois des manquements professionnels graves et que ses capacités commerciales et ses facilités relationnelles ne pouvaient occulter le manque de rigueur dans la réalisation ; l'employeur achevait la lettre en précisant qu'il s'agissait d'un ultime avertissement et que, sans changement, il serait contraint de réactiver la procédure pour insuffisance professionnelle.

Le 25 février 2008, l'employeur a convoqué [C] [S] à un entretien préalable au licenciement ; l'employeur n'a pas donné suite.

Le 9 septembre 2008, l'employeur a demandé au salarié la restitution de la carte de télé-péage, de la carte carburant et du téléphone portable, s'engageant à les remettre dès la fin de l'arrêt de travail ; il a laissé à la disposition du salarié le véhicule de fonction ; ledit véhicule a été changé à la même période ; [C] [S] s'est vu échoir un véhicule Renault Clio alors qu'il avait auparavant un véhicule Renault Mégane break qui est le type de véhicule auquel il avait droit de par ses fonctions ; il a protesté et l'employeur a répondu que la situation serait revue lors de la reprise du travail.

Ainsi, l'employeur a initié et abandonné deux procédures de licenciement en deux ans, dont une quinze jours après le transfert du contrat de travail ; il a changé le véhicule du salarié sans respecter les droits de celui-ci.

Ces faits caractérisent un exécution déloyale du contrat de travail.

Les éléments de la cause conduisent à chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 5.000 euros.

En conséquence, la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS doit être condamnée à verser à [C] [S] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de condamner la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS à verser à [C] [S] en cause d'appel la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel et le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

Juge le licenciement nul,

Condamne la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS à verser à [C] [S] :

- la somme 3.868 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- la somme de 11.604 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1.160 euros au titre des congés payés y afférents,

Condamne la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS à verser à [C] [S] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Condamne la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Juge que l'employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail,

Condamne la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS à verser à [C] [S] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Condamne la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS à verser à [C] [S] en cause d'appel la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. I.S.S. ESPACES VERTS aux dépens d'appel.

Le GreffierLe Président

Christine SENTISNicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 11/03336
Date de la décision : 27/04/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°11/03336 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-27;11.03336 ?
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