AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 10/07546
[Y]
C/
SAS BARD FRANCE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 30 Septembre 2010
RG : F 08/04458
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 25 AVRIL 2012
APPELANT :
[E] [Y]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
comparant en personne
assisté par la SELARL UROZ PRALIAUD & ASSOCIES (Me Frédéric UROZ), avocats au barreau de LYON
INTIMÉE :
SAS BARD FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Christine BAUDOIN de la ASS LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
substitué par Me Christophe GUY, avocat au barreau de PARIS
PARTIES CONVOQUÉES LE : 22 Décembre 2010
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Février 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre
Hervé GUILBERT, Conseiller
Françoise CARRIER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Marie BRUNEL, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Avril 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
La société BARD FRANCE fabrique et distribue des dispositifs médicaux.
M [E] [Y] a été embauché le 1er septembre 2003 par la société BARD FRANCE suivant contrat à durée indéterminée en qualité de Commercial-Chef de région, coefficient 325, statut cadre. Il était rattaché à la Division Urologie et Gynécologie.
Le contrat prévoyait une rémunération fixe et une rémunération variable en fonction d'un plan de commissionnement trimestriel et annuel pouvant atteindre 20 000 € brut par an pour 100 % de réalisation des objectifs. Le salarié bénéficiait en outre d'une voiture de fonction.
La relation de travail était soumise à la convention collective des entreprises de commission, de courtage et de commerce intra-communautaire et d'importation-exportation de France métropolitaine.
Pour l'exercice du 1er décembre 2007 au 30 novembre 2008, l'employeur a établi un plan de commissionnement accepté par le salarié le 25 février 2008.
Par un premier courriel du 21 avril 2008, M [T], son supérieur hiérarchique, a rappelé à M [E] [Y] les termes d'un entretien du 16 avril sur les stratégies à mettre en place pour améliorer ses résultats de début d'exercice en baisse par rapport à l'année précédente et à ceux de ses collègues, en indiquant que le point serait fait vers la dernière quinzaine de juin, et a conclu son propos de la façon suivante : 'A cette date, nous comptons sur une réduction du retard [par rapport aux objectifs] de 20 000 €'.
Par un second courriel du 2 juillet 2008, il a avisé le salarié que la réunion destinée à faire le point de ses ventes se tiendrait le 17 juillet.
Par un troisième courriel du 23 juillet, il a rappelé les termes de l'entretien du 17 juillet et notamment les chiffres de vente faisant apparaître un retard de 54 000 € par rapport à l'objectif, la situation préoccupante avec le client HCL et la faiblesse des ventes de produits ciblés dans le plan de commissionnement 2008.
Par lettre recommandée du 7 octobre 2008, la société BARD FRANCE a déploré l'absence d'amélioration des ventes de M [E] [Y] depuis le mois de juillet et son retard important par rapport au reste de la division. Elle lui a fait part en outre de ses doutes sur sa capacité en dépit de ses annonces réitérées à rétablir la situation et a conclu en indiquant qu'à défaut d'un redressement très significatif de son chiffre d'affaires au cours du mois d'octobre 2008, elle se verrait contrainte d'envisager de mettre un terme à son contrat de travail. Elle lui a enfin demandé de lui indiquer par écrit avant le 15 octobre les actions qu'il mettait en place pour rattraper son objectif et de lui communiquer un prévisionnel de ses ventes pour les mois d'octobre et de novembre.
Par courriel du 16 octobre 2008, M [E] [Y] a répondu dans les termes suivants :
'Je fais suite à votre courrier du 7 octobre 2008 et comprends l'inquiétude que vous exprimez quant à la situation de mon secteur, pour autant, sachez que je fais tout mon possible pour finir le plus proche de mon objectif ce que j'ai exprimé lors de mes nombreuses mises au point avec mon chef des ventes. De nombreuses cliniques sont en pleine mutation, un grand nombre d'entre elles sont en train de se regrouper donnant naissance à de grandes cliniques, ces gros potentiels bien que travaillés, n'ont pas encore accepté de revoir leurs fournisseurs mais c'est imminent ce qui me rassure pour la suite car ces différentes cliniques n'étaient pas des clients Bard, ce changement leur amène revoir cela, de plus elles rencontrent de grosses difficultés avec leurs fournisseurs actuels. Je pense donc que les deux derniers mois seront bons.
Par lettre recommandée du 23 octobre 2008, M [E] [Y] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 30 octobre 2008.
Par lettre recommandée du 14 novembre 2008, il s'est vu notifier son licenciement pour 'insuffisance de résultats caractérisée sur un secteur à fort potentiel' dans les termes suivants :
'Vos résultats sont devenus décevants et trop insuffisants et cela a été mis en évidence depuis le début 2008.
Votre CA cumulé de notre exercice 2008 à fin mars s'est établi à 197 K€, en baisse de 12,4% par rapport à l'année précédente et inférieur à 19,5% par rapport à votre objectif soit 48 K€ de retard.
En outre, ces résultats étaient bien inférieurs au reste de la division.
Vous avez commencé à être sérieusement alerté sur cette insuffisance de résultats par votre Directeur lors d'un entretien du 16 avril 2008.
Lors de cet entretien vous avez convenu de votre manque de résultats et votre Directeur vous a indiqué les causes structurelles étant de votre fait (votre mix clients et votre mix produits) ainsi que les actions commerciales que vous deviez entreprendre à moyen et long terme et ainsi qu'à court terme pour rattraper pour fin 2008 le retard accumulé.
Vous aviez alors convenu que le croissance sur votre secteur devait et pouvait être régulière et cohérente et que le potentiel devait permettre à moyen terme d'atteindre des niveaux comparables aux autres régions.
Votre Directeur vous avait alors indiqué qu'un nouveau point serait fait avec vous en juin, en comptant d'ici là sur une réduction de 20 K€ de votre retard et vous aviez la possibilité d'atteindre votre objectif annuel pour fin 2008, voir son E-mail du 21 avril 2008.
Nous vous précisons que vos objectifs avaient été déterminés en totale concertation avec vous en fonction des atouts de notre politique commerciale et du potentiel significatif de votre région (Rhône Alpes), cela s'étant traduit par un plan que vous aviez accepté et signé début 2008.
Votre Directeur a discuté avec vous le 17 juillet 2008 de vos résultats fin juin 2008. Votre CA cumulé s'est alors établi à 375 K€ avec une très faible croissance par rapport à l'année précédente (seulement + 1,4%) et inférieur de 12,7% à vos objectifs soit un retard de 54 K€, donc encore en augmentation, avec pas ou peu de ventes sur des produits clefs de notre stratégie commerciale (Avaulta, Align, Contigen, Edo, Statlock, Bardscan...), que vous avez pour mission de développer.
Votre Directeur vous avait alors donné les bons conseils pour vous permettre de redresser la situation (actions clients, produits à cibler, priorités...), voir son E-mail du 23 juillet 2008.
Lors de cet entretien, vous avez indiqué à votre Directeur que vous pensiez rattraper votre retard de CA et atteindre votre objectif annuel à la clôture de notre exercice 2008 (fin novembre 2008).
Vos résultats ultérieurs ne se sont malheureusement pas redressés. En effet, votre CA de septembre a été inférieur de 14,2% à votre objectif, et votre CA cumulé à la fin septembre s'est établi à 525 K€, soit inférieur de 9,9% par rapport à votre objectif et toujours inférieur au reste de la division.
Tout cela vous avait été expliqué dans une lettre RAR que nous vous avions adressée le 7 octobre 2008. Dans cette lettre, nous vous rappelions qu'il vous restait alors seulement 2 mois pour clore notre exercice 2008. Pour atteindre votre objectif annuel comme vous avez estimé pouvoir le faire, il aurait fallu qu'en octobre et novembre 2008, votre CA soit de 180 K€, soit une moyenne mensuelle de 90 K€ alors que votre CA sur les 10 mois précédents a été de seulement 52 K€ en moyenne par mois (et 48 K€ en septembre).
En conséquence, nous vous avons expliqué que nous avions des doutes légitimes sur vos possibilités d'atteindre votre objectif annuel, en dépit de vos déclarations et sur cos capacités à faire décoller les ventes de votre secteur.
Or vos objectifs étaient tout à fait réalistes et atteignables avec un travail normal de vente avec tous les conseils que votre directeur a eu la patience de vous apporter et avec les possibilités de votre territoire.
Vos objectifs annuels et trimestriels, qui sont d'ailleurs dans la moyenne basse de la division, avaient bien été déterminés en totale concertation avec vous et votre Directeur selon des procédures rodées dans notre société BARD FRANCE.
En outre, nous considérions avec logique que l'atteinte de votre objectif devrait être normale selon votre statut de vendeur confirmé et au regard de la relative faiblesse du CA à atteindre eu égard au potentiel de votre territoire.
Nous vous avions également indiqué qu'à défaut d'un redressement très significatif de votre CA en octobre, nous envisagions de mettre un terme à votre contrat de travail.
De plus, nous vous avions demandé de nous indiquer par écrit, avant le 15 octobre 2008, les actions que vous mettiez en place pour rattraper votre objectif annuel, ainsi que vos prévisions de vente pour octobre et novembre 2008.
Pour seule réponse, vous nous avez envoyé le 16 octobre 2008, un simple E-mail de 12 lignes, qui ne répondait pas à nos questions. Notamment, cette réponse ne comportait aucun chiffrage, elle ne montrait pas de véritable plan de travail ni de vision commerciale à moyen terme et elle confirmait hélas que vos contacts avec les clients ne se transformaient pas en ventes réelles suffisantes.
En outre, votre réponse ne montre pas de vision ni de tactique commerciale à moyen terme, ce qui limitera le développement correct des ventes sur votre territoire.
Une chose est d'avoir des contacts avec les clients et de connaître les caractéristiques du marché, une autre est de transformer ces contacts en ventes réelles, dans le présent et dans le futur, or c'est précisément les principales missions que l'on attend d'un vendeur confirmé sur un territoire à fort potentiel.
Lors de notre entretien du 30 octobre 2008, vous avez convenu que vous ne pourriez pas atteindre l'objectif de l'année 2008.
Vous avez expliqué que vous 'n'aviez plus vos entrées aux HCL' et avez reconnu que 'le total de vos ventes était faible'.
Vous avez indiqué que certains produits clefs n'étaient pas correctement en adéquation avec les besoins des clients. Nous vous avons ré-expliqué que cela était aussi un problème à votre encontre car les produits récents et nouveaux sont justement ceux liés à l'orientation marketing et commerciale de notre groupe en relation avec les évolutions du marché, que l'adaptation des tactiques et des méthodes de vente étaient une évolution normale des fonctions de tous nos vendeurs et que le développement des ventes dans les autres territoires suivent bien ces orientations et ces évolutions.
Votre directeur a de nombreuses fois expliqué tout cela à toute la division en donnant tous les conseils utiles.
Vous avez aussi indiqué que 'vous faisiez le maximum', ce qui a conforté notre doute sur vos capacités à développer les ventes de votre secteur. Vous avez d'ailleurs dit que 'vous ne voyiez pas 2009".
Vous avez enfin indiqué qu'une bonne partie du problème était que 'vous n'aviez pas créé les contacts avec les bonnes personnes aux bons endroits', que vous faisiez votre travail 'avec moins de conviction', que vous étiez 'responsable de ce qui vous arrivait' et que vous 'compreniez nos doutes'.
En outre, votre chiffre d'affaires de novembre 2008 confirme les insuffisances de vos résultats'.
Par lettre du 7 décembre 2008, M [E] [Y] a contesté les motifs de son licenciement dans les termes suivants :
'Vous constatiez qu'à fin mars 2008, mon chiffre d'affaire était en baisse de 12,4% par rapport à l'année précédente. Pourtant vous savez comme tout bon professionnel que les années se suivent mais ne se ressemblent pas, ce n'est pas sur un seul trimestre que l'on peut conclure d'une bonne ou mauvaise année surtout quand on se base sur une année précédente dopée par des ventes concentrées exceptionnellement en début d'exercice, ce qui me valait d'ailleurs d'être un des vendeurs ayant la plus grosse progression du premier trimestre 2007.
Lors de l'entretien du 16 avril 2008, je suis arrivé à faire comprendre à mon chef des ventes que le retard sur l'année 2007 allait petit à petit être rattrapé, ce qui a pu rapidement être vérifié puisqu'à fin juin le chiffre d'affaire par rapport à 2007 était déjà en progression de 1,4%.
Le 7 octobre 2008, vous m'avez signifié qu'il ne me restait que deux mois pour atteindre l'objectif soit 90 000 € pour les deux derniers mois.
Quelle curieuse façon de me laisser relever ce défi en ne me donnant même pas la possibilité de finir l'exercice alors que vous n'êtes pas sans savoir que les dernières semaines sont décisives. Vous avez donc délibérément souhaité que je ne puisse atteindre mon objectif en décidant de me licencier le 14/11/08.
De plus, suite à notre entretien du 30 octobre 2008, vous vous permettez de déformer mes propos et de remettre en cause la qualité de mon travail : je n'ai jamais que je ne pourrais pas atteindre mon objectif, j'ai simplement affirmé que cela allait être difficile et que je travaillais en ce sens. Il est dommage à ce titre que ne j'aie pas pu me faire assister comme il est d'usage lors d'une telle convocation, cela dû à un délai trop court.
De plus, me dire que j'avais avancé que 'je n'avais plus mes entrées aux HCL' et que 'le total de mes ventes était faibles' est purement fantaisiste, j'ai simplement avancé que la qualité de notre produits avait cassé une dynamique que j'avais créée depuis longtemps avec les HCL et autres établissements.
Je compte bien à ce titre démontrer rapidement la raison pour laquelle il m'a été difficile d'atteindre mon objectif sur l'année 2008, cela suite à des problèmes de qualité des produits ainsi qu'à des problèmes d'approvisionnement.
Vous avez également précisé que j'avais été en accord avec les objectifs fixés (curieusement le 25 février 2008, trois mois après le début de l'exercice) alors que vous saviez pertinemment que je n'avais pas le choix car un refus de ma part aurait entraîné une rupture de contrat.
Le 13 novembre 2008 [...], vous m'avez fait une proposition d'indemnisation d'une somme de 23 000 € en contre partie vous me demandiez de signer sur le champ un contrat qui était à prendre ou à laisser que je ne pouvais pas emporter afin de me faire conseiller par une personne compétente. Il m'est apparu qu'il était imprudent de signer un tel contrat.
Pour finir, sachez que je suis triste de constater qu'ayant atteint mon objectif en 2007, vous soyez aussi rapide à prendre une mesure aussi rapide et violente.'
Le 8 décembre 2008, il a saisi le conseil de prud'hommes de LYON à l'effet de contester son licenciement et d'obtenir la paiement de dommages et intérêts et de rappels de commissions.
Par jugement du 30 septembre 2010, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de M [E] [Y] était sans cause réelle et sérieuse, a condamné la société BARD FRANCE à lui payer la somme de 26 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 1 400 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté M [E] [Y] de sa demande de rappel de commissions.
M [E] [Y] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Au terme de ses écritures reçues au greffe le 16 septembre 2011, il conclut à la réformation du jugement déféré sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le rappel de commissions et demande à voir condamner la société BARD FRANCE à lui payer les sommes suivantes :
- 70 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 90 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,
- 8 296,36 € à titre de perte d'une chance d'avoir pu percevoir des commissions,
- 3 716 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement
- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au terme de ses écritures reçues au greffe le 30 janvier 2012 et soutenues oralement à l'audience, la société BARD FRANCE conclut à la réformation du jugement déféré sur le licenciement et au débouté de l'ensemble des demandes du salarié, sauf à voir cantonner l'indemnité allouée sur le fondement de l'article L.1235-2 à une somme de principe. Subsidiairement, il demande à voir cantonner l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 25 233,03 € bruts correspondant à la rémunération perçue par M [E] [Y] au cours des 6 derniers mois de son contrat de travail.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
Selon l'article L 1232-1 du Code du Travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement reproche au salarié des carences dans l'exécution de ses missions se traduisant par une insuffisance de résultat ce qui s'analyse en une insuffisance professionnelle.
Ce grief constitue l'énoncé du motif précis et matériellement vérifiable exigé par la loi. Il en résulte que les éléments de fait énoncés dans la lettre de licenciement comme caractérisant l'insuffisance reprochée ne circonscrivent pas les limites du litige et qu'il reste loisible à l'employeur, en réponse à la contestation du salarié, de se prévaloir d'autres éléments de fait caractérisant selon lui l'insuffisance professionnelle. Ainsi en l'espèce, le débat sur les résultats du salarié n'est pas limité par les chiffres d'objectifs évoqués dans la lettre de licenciement.
Le salarié fait valoir que la non atteinte des objectifs 2008 ne caractérise pas une insuffisance de résultat dès lors que le contrat de travail n'imposait pas d'atteindre l'objectif. Néanmoins, l'insuffisance de résultat caractérise une insuffisance professionnelle dès lors que les objectifs fixés sont réalistes et raisonnables.
Il est acquis que les plans de commissionnement du salarié étaient structurés par gamme de produits (BUD et BMD) et que les 'produits phares', sur lesquels l'entreprise fondait son développement et qu'elle entendait donc promouvoir, étaient spécialement commissionnés. Ainsi, le chiffre d'affaires réalisé globalement n'était pas le critère d'atteinte des objectifs la meilleure preuve en étant qu'en 2007, alors que le salarié avait réalisé un chiffre d'affaires de 624 506 € pour un objectif de 626 091 € soit 99,7% de l'objectif global, il n'a perçu que 13 992 € de commissions, somme très largement inférieure aux 20 000 € convenus en cas d'atteinte des objectifs à 100%.
Il résulte du plan de commissionnement et de la liquidation des commissions pour 2008 que le salarié s'est vu confier la vente de nouveaux produits des gammes BUD Pelvic Floor et BUD Endo Targets et que ces produits ainsi que certains produits de la gamme BMD ANGIOMED (Statlock Urology et Biocath 2264) étaient spécialement commissionnés ; que M [E] [Y] n'a réalisé aucune vente de produits BUD Endo Targets ; qu'il n'a pas atteint le seuil minimum de commissionnement sur les produits BUD Pelvic Floor et qu'il n'a effectué aucune vente des produits spécialement commissionnés de la gamme BMD ANGIOMED ; qu'en conséquence, ses commissions pour 2008 se sont limitées à 4 074 €.
Le salarié ne saurait imputer l'extrême faiblesse de ces chiffres au fait que son licenciement est intervenu en cours d'exercice alors qu'il résulte de l'attestation ASSEDIC que son dernier jours travaillé a été le 21 novembre et qu'en conséquence, le licenciement n'a amputé l'exercice 2008 que d'une semaine.
La comparaison entre les objectifs 2007 et 2008 fait apparaître que pour les autres produits (produits classiques non ciblés), les objectifs 2008 étaient inférieurs aux objectifs 2007. En effet, il était attendu du salarié en 2007 un chiffre d'affaire de 353 521 € sur les ventes de la gamme BUD et de 272 570 € sur les ventes de la gamme BMD ANGIOMED soit un total de 626 091 € alors que ses objectifs pour les mêmes produits en 2008 étaient respectivement de 361 017 € et de 257 721 € soit un total de 618 738 €, ce qui confirme que l'augmentation des objectifs de 13% par rapport à l'année précédente est justifiée par l'augmentation concomitante du nombre de produits dont la commercialisation lui a été confiée.
L'élargissement du portefeuille de produits confiés au salarié lui permettait de multiplier les ventes en lui donnant plus d'occasions de vente auprès des établissements de santé de son secteur sans pour autant lui donner plus de travail. L'absence totale de vente de certains produits traduit un manque d'activité et ne saurait être imputé à l'absence de caractère réaliste des objectifs.
Le salarié ne saurait prétendre que l'augmentation de salaire qui lui a été accordée le 1er mars 2008 vaut reconnaissance de ses bons résultats dès lors que celle-ci n'a pu lui être accordée qu'en considération de ses résultats de 2007 et que dès le mois d'avril 2008, l'employeur l'a alerté sur sa baisse de résultat. D'autre part, il a indiqué dans son courrier du 23 octobre 2008 qu'il comprenait l'inquiétude de son supérieur quand à la situation de son secteur, reconnaissant par là que ses résultats n'étaient pas bons.
Il n'est pas contesté que la communication du plan de commissionnement se faisait après la réunion des équipes de vente au mois de janvier. D'autre part, le fait que le plan de commissionnement n'ait été porté à la connaissance du salarié qu'au mois de février 2008 ne l'a pas empêché de travailler pendant les trois premiers mois de l'exercice et lui a permis de se rendre compte des possibilités du marché et de la faisabilité de ses objectifs.
Il ne saurait être reproché à l'employeur d'avoir agi dans la précipitation alors qu'il avait attiré l'attention du salarié sur ses insuffisances depuis plusieurs mois, qu'il lui avait demandé de se reprendre et lui avait prodigué des conseils sur les stratégies à mettre en place pour faire progresser ses ventes.
Pas plus il ne saurait lui être reproché d'avoir licencié le salarié sans lui laisser le temps de redresser la situation. En effet, celui-ci, dans son courrier du 16 octobre, a laissé sans réponse les demandes précises formulées par l'employeur dans son courrier du 7 octobre quant aux actions qu'il entendait mener et quant à ses prévisions de vente ce qui révèle effectivement, comme le rappelle la lettre de licenciement, l'absence de plan de travail véritable et de vision commerciale à moyen terme et caractérise une inadaptation du salarié à ses fonctions.
Le salarié impute la non atteinte des objectifs à la défectuosité des produits et verse aux débats 5 courriers relatifs à des incidents survenus sur du matériel. L'employeur fait valoir que les réclamations alléguées sont marginales et que tout incident doit être signalé dans le cadre de l'obligation de matériovigilance ce qui explique les courriers.
Les 4 accusés de réception de réclamations pour l'année 2007 et 2008 et le signalement à l'AFSSAPS du 13 octobre 2008 produits par le salarié révèlent des incidents ponctuels de fonctionnement du matériel et ne sont pas révélateurs de défauts de conception ou de mauvaise qualité des produits. L'avis négatif émis par le Dr [R] du centre hospitalier [4] dans un courrier du 14 août 2008 sur les bandelettes TOT constitue manifestement une appréciation purement personnelle dans la mesure où le salarié est parvenu à vendre pour 32 900 € de ce produit au cours de l'exercice pour un objectif minimal de 36 000 € et où l'employeur justifie par le relevé de la liste des retraits et suspensions de lots de l'AFSSAPS pour 2008 qu'aucun produit de la division n'a fait l'objet d'une mesure de retrait en 2008.
Les attestations versées aux débats par le salarié, si elles démontrent la qualité et le sérieux de ses relations avec la clientèle, ne sont pas susceptibles de démentir les insuffisances révélées par les éléments précédemment analysés.
Ainsi, le licenciement doit être déclaré fondé. Le jugement déféré sera en conséquence infirmé et M [Y] débouté de ses demandes de dommages et intérêts.
Sur l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement
L'irrégularité alléguée n'est pas contestée. Le préjudice souffert par M [Y] de ce chef sera justement réparé par l'allocation d'une indemnité de 3 716 €.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de M [E] [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse.
CONDAMNE la société BARD FRANCE à payer à M [E] [Y] la somme de 3 716 € à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement.
DEBOUTE M [E] [Y] de toutes ses autres demandes.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la société BARD FRANCE aux dépens de première instance et d'appel
Le Greffier, Le Président,
Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS.