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04/04/2012 | FRANCE | N°11/02060

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 04 avril 2012, 11/02060


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 11/02060





[Y]



C/

SAS CHAPUIS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Février 2011

RG : F 09//273











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 04 AVRIL 2012













APPELANT :



[K] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 2]



r

eprésenté par la SELARL OJFI-ALISTER (Me Michel FLORIMOND), avocats au barreau de LYON

substituée par Me Elise LAPLANCHE de la SELARL OJFI ALISTER-LYON JURISTE, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS CHAPUIS

[Adresse 4]

[Localité 1]



représentée par Me Jean GERARD de la SELCA ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 11/02060

[Y]

C/

SAS CHAPUIS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Février 2011

RG : F 09//273

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 04 AVRIL 2012

APPELANT :

[K] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par la SELARL OJFI-ALISTER (Me Michel FLORIMOND), avocats au barreau de LYON

substituée par Me Elise LAPLANCHE de la SELARL OJFI ALISTER-LYON JURISTE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS CHAPUIS

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Jean GERARD de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

PARTIES CONVOQUÉES LE : 25 Mai 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Février 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président de Chambre

Hervé GUILBERT, Conseiller

Françoise CARRIER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Marie BRUNEL, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Avril 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 24 février 2011 par le Conseil de Prud'hommes de LYON, dont appel ;

Vu les conclusions déposées le 17 janvier 2012 par [K] [Y], appelant ;

Vu les conclusions déposées le 31 janvier 2012 par la S.A.S. CHAPUIS ARMES, intimée ;

Ouï les parties en leurs explications orales à l'audience du 1er février 2012 ;

La Cour,

Attendu que [K] [Y] a été embauché le 9 octobre 2006 en qualité de 'technico-commercial' par la S.A.S. CHAPUIS ARMES suivant contrat de travail à durée indéterminée ;

que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 avril 2007, il a démissionné de cet emploi et effectué son préavis qui a pris fin le 30 juin 2007 ;

que se plaignant de n'avoir pas été réglé intégralement des commissions qui lui étaient dues et du refus de l'employeur de lui payer la contrepartie financière de la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction du travail le 21 janvier 2009 ;

que c'est à la suite de ces circonstances que par jugement du 24 février 2011 le Conseil de Prud'hommes de LYON a :

- condamné la S.A.S. CHAPUIS ARMES à payer à [K] [Y] la somme de 251,63 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de l'intéressé à la somme de 2 200 €,

- débouté [K] [Y] de ses autres prétentions,

- condamné le même aux dépens ;

Attendu que [K] [Y] a régulièrement relevé appel de cette décision le 22 mars 2011 ;

qu'il soutient essentiellement à l'appui de sa contestation que la société intimée ne démontre pas avoir renoncé au bénéfice de la clause de non-concurrence en le prévenant par écrit dans les huit jours de la notification de la rupture du contrat de travail ainsi qu'elle en avait l'obligation et qu'elle ne saurait retenir une partie des commissions qui lui sont dues en se prévalant de la clause de bonne fin insérée dans le contrat de travail, ladite clause étant nulle dès lors que le non-encaissement des commandes par le fait de l'employeur n'est pas réservé ;

qu'il demande en conséquence à la Cour de réformer la décision critiquée et de condamner la S.A.S. CHAPUIS ARMES à lui payer :

1° la somme de 2 538,17 € au titre des commissions restant dues outre celle de 253,81 € pour les congés payés y afférents,

2° la somme de 33 744 € à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence outre celle de 3 374 € pour les congés payés y afférents,

3° la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;

qu'il prie en outre la Cour de dire que lesdites sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur à l'audience de conciliation valant mise en demeure ;

Attendu que la société intimée conclut à la confirmation du jugement attaqué en faisant principalement valoir qu'elle a informé l'appelant par lettre du 2 mai 2007 de ce qu'elle le libérait de son engagement de non-concurrence, que le salarié ne peut prétendre à aucune contrepartie financière dès lors que sa présence dans l'entreprise était inférieure à douze mois et qu'au demeurant cette contrepartie est contractuellement limitée à 50 % de la moyenne du salaire mensuel de sorte que son montant maximum ne pourrait excéder 1332,78 €, que les commissions litigieuses correspondent à des commandes qui ont été annulées sans faute de l'employeur de sorte qu' elles ne sont pas dues comme le prévoit la clause de bonne fin ;

Attendu, sur les commissions, que le contrat de travail du 9 octobre 2006 stipule en son article 3 dernier alinéa qu''aucune prise en compte de chiffre d'affaires ne pourra intervenir pour les commandes non acceptées ou non encaissées, pour quelques causes que ce soient' (sic) ;

Attendu que la retenue des commissions en application de ladite clause revêtait un caractère automatique, puisqu'elle autorisait l'employeur à refuser le payement des commissions en cas de non encaissement des commandes quelle que fût la cause de ce défaut d'encaissement ;

qu'en outre, ladite clause ne réserve pas le cas où le défaut d'encaissement est dû au fait de l'employeur, alors que l'annulation d'une commande par un client qui s'est engagé de manière ferme et définitive suppose l'acceptation de cette annulation par le vendeur ;

que si la politique commerciale de la S.A.S. CHAPUIS ARMES consiste à ne pas exiger de ses clients l'exécution de leurs obligations liées à une commande acceptée, il n'en demeure pas moins que cette renonciation constitue le fait de l'employeur et qu'elle ne peut être opposée au salarié ;

Attendu en conséquence qu'il échet de déclarer nulle la clause de bonne fin insérée à l'article 3 dernier alinéa du contrat de travail du 9 octobre 2006 ;

que dès lors, à défaut de convention ou d'usage contraire, la commission est due au salarié dès que la commande est prise et acceptée, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération la livraison de la marchandise ou le payement par le client ;

Attendu qu'il ressort des pièces produites aux débats, et notamment d'un état établi par la société intimée elle-même, qu'elle a retenu indûment des commissions pour un montant de 2 538,17 € au motif que les commandes correspondantes n'avaient pas été encaissées

que la S.A.S. CHAPUIS ARMES sera donc condamnée à payer ladite somme à [K] [Y] outre celle de 253,81 € pour les congés payés y afférents ;

Attendu, sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, que l'article 13 alinéa 2 du contrat de travail du 9 octobre 2006 stipule que cette clause s'appliquera pendant deux ans à compter de la date de rupture du contrat de travail ;

que l'alinéa 3 précise qu'en contrepartie de la clause de non-concurrence, la société versera au salarié une indemnité mensuelle égale à 5/10èmes de la moyenne mensuelle de la rémunération ainsi que des avantages et gratifications contractuelles dont il aura bénéficié au cours des douze derniers mois de présence dans l'entreprise ;

Attendu que la société intimée n'est pas fondée à soutenir que l'appelant ne peut prétendre au bénéfice de la contrepartie financière prévue par ladite clause au motif qu'il n'aurait fait partie des effectifs de l'entreprise que pendant une période inférieure à douze mois ;

que la clause litigieuse ne prévoit aucune durée minimale de présence du salarié dans l'entreprise pour bénéficier de la contrepartie financière qu'elle fixe ;

que la référence à la moyenne mensuelle des salaires des douze mois derniers mois de présence dans l'entreprise n'a pour seul objet que de permettre le calcul de la contrepartie financière et qu'il s'en déduit nécessairement que si la durée de présence du salarié concerné au sein de l'entreprise est inférieure à cette durée, il convient de déterminer le montant de la contrepartie financière en fonction de la moyenne mensuelle de ses rémunérations durant le temps où l'intéressé a fait partie du personnel ;

que ce moyen ne saurait donc prospérer ;

Attendu que l'article 13 alinéa 5 du contrat de travail liant les parties stipule également que la S.A.S. CHAPUIS ARMES, en cas de cessation dudit contrat, pourra se décharger de l'indemnité prévue aux alinéas précédents en libérant le salarié de l'interdiction de concurrence sous condition de le prévenir par écrit dans les huit jours de la notification de la rupture du contrat de travail ;

Attendu qu'il est constant que l'appelant a notifié sa démission à l'intimée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 avril 2007 qui a été présentée et remise au destinataire le 2 mai 2007 ;

que c'est donc à compter de cette dernière date que court le délai de huit jours contractuellement fixé ;

Attendu que la société intimée prétend avoir avisé le salarié de ce qu'elle renonçait à se prévaloir de la clause de non-concurrence par lettre du 2 mai 2007 remise en main propre ledit jour ;

Attendu qu'il est produit aux débats par les parties :

1° une lettre en date du 2 mai 2007 par laquelle l'intimée informe l'appelant de ce qu'elle le délie de l'interdiction de concurrence prévue par le contrat de travail, ladite lettre ne comportant aucune mention ni aucun émargement du salarié,

2° un autre exemplaire de la même lettre, comportant la mention dactylographiée 'lettre remise en main propre' sous laquelle a été apposée une signature biffée et au-dessus de laquelle a été ajoutée la mention manuscrite 'annuler' (sic),

3° une lettre du 4 juillet 2007 par laquelle la société intimée demande à l'appelant de lui retourner dûment signé 'le courrier de l'obligation de non-concurrence';

Attendu que l'appelant soutient que la signature qui lui est attribuée sur l'exemplaire de la lettre du 2 mai 2007 visé au 2° ci-dessus serait un faux, ce que conteste la société intimée ;

Or, attendu que cette question est dépourvue de tout intérêt pour la solution du litige ;

qu'en effet, l'employeur doit rapporter la preuve, par tout moyen à sa convenance, de ce qu'il a avisé par écrit le salarié de sa renonciation au bénéfice de la clause de non-concurrence dans les huit jours de la notification du contrat de travail ;

Attendu à cet égard, qu'en admettant que la signature figurant sur la lettre datée du 2 mai 2007 soit effectivement celle de [K] [Y], il n'en demeure pas moins que la mention dactylographiée 'lettre remise en main propre' ne comporte aucune date, que celle-ci soit également dactylographiée ou qu'elle ait fait l'objet d'un ajout manuscrit par le destinataire ;

qu'ainsi, il est impossible de déterminer à quelle date cette lettre aurait été effectivement remise en main propre à son destinataire et que cette date ne saurait se déduire de celle figurant en tête de la lettre, cette date n'étant pas certaine d'une part et rien ne prouvant que la lettre ait été remise à son destinataire le jour même de la date qu'elle porte d'autre part ;

que sur ce point, il sans intérêt de savoir si l'appelant s'est ou ne s'est pas présenté au siège de l'entreprise le 2 mai 2007, le seul fait de sa présence en ces lieux n'impliquant nullement que la renonciation au bénéfice de la clause de non-concurrence par l'employeur lui ait été notifiée par écrit ledit jour ;

Attendu qu'il ressort de ce qui précède que la société intimée ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle a informé par écrit l'appelant de sa renonciation au bénéfice de la clause de non-concurrence dans les huit jours suivant la notification, le 2 mai 2007, de la rupture du contrat de travail ;

Attendu, sur le calcul de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, que vainement la S.A.S. CHAPUIS ARMES soutient-elle que celle-ci serait limitée à 50 % de la moyenne mensuelle des rémunérations du salarié, soit la moitié d'un seul mois de salaire moyen ;

qu'ainsi qu'il a été indiqué supra, l'article 13 alinéa 3 du contrat de travail précise que la contrepartie financière consiste dans le versement d'une indemnité mensuelle, c'est-à-dire devant être versée chaque mois pendant toute la durée effective de l'interdiction de concurrence, dans la limite de deux ans ;

que ce moyen peu sérieux sera donc écarté ;

Attendu que la moyenne mensuelle brute des rémunérations perçues par l'appelant en y incluant les commissions que l'intimée sera condamnée à payer s'élève à 2 812 €, ce qui représente une indemnité mensuelle de 1 406 €, soit sur vingt-quatre mois, durée contractuellement fixée pour l'interdiction de concurrence, la somme totale de 33 744 € à laquelle il convient d'ajouter les congés payés y afférents (3 374,40 €) ;

Attendu, sur la demande de dommages et intérêts, que l'intimée soutient que celle-ci doit être rejetée sur le fondement de l'article 1153 du Code Civil, les dommages et intérêts se limitant au payement des intérêts au taux légal ;

Mais attendu que les commissions comme la contrepartie financière de la clause de non-concurrence constituent des rémunérations du travail ;

que le fait pour un employeur, de priver un salarié d'une partie de ses rémunérations, lesquelles constituent des moyens de subsistance, cause nécessairement à ce salarié un préjudice distinct du simple retard dans l'exécution d'une obligation de payement ;

Attendu qu'au regard des circonstances de l'espèce le préjudice qu'a subi l'appelant du fait du refus injustifié de l'intimée de lui verser des rémunérations auxquelles il avait droit, sera réparé par l'allocation de la somme de 3 500 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu qu'en application de l'article 1153 alinéa 2 du Code Civil, la Cour fixera le départ des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2009, date à laquelle a été adressée à l'intimée la convocation à l'audience de conciliation valant sommation de payer, ce uniquement pour les commissions et la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, les intérêts légaux sur les dommages et intérêts ne pouvant courir qu'à compter du présent arrêt ;

Attendu que pour faire valoir ses droits devant la Cour, l'appelant a été contraint d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'intimée ;

que celle-ci sera donc condamné à lui payer une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Attendu que la société intimée qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Au fond, le dit justifié ;

Réformant, déclare nulle et de nul effet la clause de bonne fin insérée à l'article 3 dernier alinéa du contrat de travail du 9 octobre 2006 ;

Condamne la S.A.S. CHAPUIS ARMES à payer à [K] [Y] la somme de 2538,17 € à titre de rappel de commissions outre celle de 253,81 € pour les congés payés y afférents ;

La condamne à lui payer la somme de 33 744 € à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence ainsi que celle de 3 374,40 € pour les congés payés y afférents

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2009 ;

Condamne la S.A.S. CHAPUIS ARMES à payer à [K] [Y] la somme de 3 500 € à titre de dommages et intérêts ;

La condamne à lui payer une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

La condamne aux dépens de première instance ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Condamne la S.A.S. CHAPUIS ARMES aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 11/02060
Date de la décision : 04/04/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°11/02060 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-04;11.02060 ?
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