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27/03/2012 | FRANCE | N°10/05199

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 27 mars 2012, 10/05199


R.G : 10/05199

COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 27 Mars 2012
Décision du Tribunal de Commerce de LYONAu fonddu 14 juin 2010

RG : 2007j2888ch no

X...SOCIETE CASALGRANDE PADANA SPA

C/
Société CITROEN SASSCP PASCAL PIMOUGET - LEURETSMABTP

APPELANTS :

Maître Patrick Paul X... ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA CAMPOY dont le siège social est 4 avenue du 8 mai 1945 69120 VAULX-EN-VELIN...69006 LYON

représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON
assisté de Me Gilles DUMONT-LATOUR,

avocat au barreau de LYON

SOCIETE CASALGRANDE PADANA SPA société de droit italienreprésentée par ses dirigeants lé...

R.G : 10/05199

COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 27 Mars 2012
Décision du Tribunal de Commerce de LYONAu fonddu 14 juin 2010

RG : 2007j2888ch no

X...SOCIETE CASALGRANDE PADANA SPA

C/
Société CITROEN SASSCP PASCAL PIMOUGET - LEURETSMABTP

APPELANTS :

Maître Patrick Paul X... ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA CAMPOY dont le siège social est 4 avenue du 8 mai 1945 69120 VAULX-EN-VELIN...69006 LYON

représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON
assisté de Me Gilles DUMONT-LATOUR, avocat au barreau de LYON

SOCIETE CASALGRANDE PADANA SPA société de droit italienreprésentée par ses dirigeants légauxStrada Statale 467 no 342013 CASALGRANDE RE CEDEX - ITALIE

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON
assistée de Me Cyril CHABERT, avocat au barreau de PARISsubstitué par Me BIJAYE, avocat

INTIMÉES :

Société commerciale CITROEN SAS12 rue Fructi D'orImmeuble Le Colisée III75017 PARIS

représentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avocats au barreau de LYON
assistée de la PUK CLYDE et CO. LLP, avocats au barreau de PARIS représentée par Me TORTI, avocat

SCP PASCAL PIMOUGET - LEURET ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA CBI INGENIERIE111 boulevard Gambetta46000 CAHORS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 05 Décembre 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Février 2012
Date de mise à disposition : 27 Mars 2012Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président- Dominique DEFRASNE, conseiller- Catherine ZAGALA, conseiller

assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Pascal VENCENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Courant 2004 dans le cadre de la restructuration et de l'extension de sa succursale automobile sise à Ecully, la société CITROEN a contacté la société CAMPOY pour réaliser des travaux de carrelages.
Une commande ferme a ainsi été passée pour un montant de 132.908,06 euros HT soit 158.092,06 euros TTC.
La société CBI INGENIERIE s'est vu confier une mission complète de maîtrise d'œuvre.
Les carreaux proviennent de la fabrique de la société de droit italien CASALGRANDE PADANA, SPA.
La société CAMPOY a achevé l'intégralité des travaux mis à sa charge au titre du marché de base et des travaux supplémentaires au début de l'année 2004.
En février 2004 si la société CITROEN s'est plainte de désordres affectant le carrelage (usure anormale, cassures et fêlures de certains carreaux) la réception de l'ouvrage est néanmoins intervenue le 25 mai 2004.
Pour autant, la société CITROEN n'a pas réglé à la société CAMPOY le solde du sur ce marché soit 39.361,55 euros.
Cette dernière société a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Lyon du 9 décembre 2004 et maître X... a été désigné en qualité de liquidateur.
Par courrier en date du 5 janvier 2005, il a mis en demeure la société CITROEN d'avoir à régler le solde litigieux, en vain.
Par exploit d'huissier en date du 24 mai 2005, la société commerciale CITROEN a saisi le tribunal de commerce de Lyon en référé, aux fins de voir désigner un expert s'agissant des désordres affectant ce carrelage.
Reconventionnellement, maître X..., ès qualités, a sollicité, sur le fondement de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, la condamnation de la société commerciale CITROEN à lui payer la somme de 39.361,55 euros, outre intérêts légaux.
Le président du tribunal de commerce de Lyon a désigné monsieur B... en qualité d'expert et par ailleurs, il a été fait droit à la demande reconventionnelle sous la forme d'une mise sous séquestre des sommes restant dues à la société CAMPOY le temps des opérations d'expertise.
Un rapport définitif a été déposé le 15 février 2007.
Aux termes de son rapport, monsieur B... a chiffré les travaux de reprise de ce carrelage à la somme de 382.217 euros HT et il a estimé le préjudice subi par la société CITROEN à la somme de 38.221,70 euros TTC.
Cet expert suggère à la juridiction saisie une répartition des responsabilités dans la survenance de ces désordres à raison de 5% pour la société CBI, 60% pour la société CAMPOY et 35% pour la société CASALGRANDE.
Par jugement en date du 14 juin 2010, le tribunal de commerce de Lyon a :
- homologué le rapport de monsieur B..., expert judiciaire, - déclaré irrecevable car forcloses les demandes de la société CITROEN d'inscription au passif des sociétés CAMPOY et CBI, des sommes mises à leur charge par l'expert judiciaire, - ordonné la restitution à la société CITROEN de la somme de 39.361,55 euros séquestrée entre les mains du bâtonnier de l'Ordre des avocats de Lyon, - écarté l'application de la convention de Vienne, - rejeté toute solidarité entre les défendeurs, - condamné la société CASALGRANDE à payer à la société CITROEN la somme de 173.373,63 euros outre intérêts au taux légal à compte de l'assignation devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon, - ordonné la capitalisation des intérêts, - ordonné l'exécution provisoire, - rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions, - condamné maître X..., la SCP PIMOUGUET-LEURET et la société CASALGRANDE à verser chacun la somme de 1.000 euros à la société CITROEN au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné les mêmes aux entiers dépens.

Maître X..., ès qualités de liquidateur de la société CAMPOY a interjeté appel du jugement rendu le 14 juin 2010 en ce qu'il a ordonné la restitution à la société CITROEN de la somme de 39.361,55 euros actuellement séquestrée entre les mains du bâtonnier de l'Ordre des avocats de Lyon.

Il demande donc à la cour de :
- condamner la société CITROEN d'avoir à lui payer, ès qualités de liquidateur de la CAMPOY, la somme en principal de 39.361,55 euros, outre intérêts légaux à compter du 5 janvier 2005, date de la première mise en demeure, - dans l'hypothèse où cette somme serait toujours séquestrée entre les mains de monsieur le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Lyon, ordonner la remise entre les mains de maître X..., ès qualités, de la somme séquestrée,- condamner la société CITROEN ou qui mieux le devra à payer à maître X..., ès qualités de liquidateur de la société CAMPOY la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner la société CITROEN ou qui mieux le devra aux entiers dépens.

Il est ainsi soutenu que faisant fi des règles applicables aux procédures collectives, pourtant d'ordre public, les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la société CAMPOY ayant été retenue à hauteur de 60%, il serait inéquitable de lui verser le solde de ses factures s'élevant à la somme de 39.361,55 euros.
Pourtant aucune compensation ne pourrait fonctionner après l'ouverture de la procédure collective : - entre une créance antérieure au jugement déclaratif et une dette postérieure à celui-ci en l'absence de tout lien de connexité, - entre des obligations réciproques antérieures au jugement déclaratif et réunissant les conditions de la compensation, sauf lien de connexité.

Encore faudrait il déclarer sa créance. Il serait constant en droit qu'à défaut de déclaration préalable et quelque soit le type de compensation mis en œuvre, le créancier doit payer les sommes dont il est redevable envers le débiteur en redressement ou liquidation judiciaire. Le principe même de la compensation doit être rejeté lorsque la créance n'a pas été déclarée.
Présentement il serait avéré que la société CITROEN n'a pas déclaré de créance à la liquidation judiciaire de la société CAMPOY. Sa créance éventuelle serait éteinte. En conséquence, elle ne pourrait invoquer une quelconque compensation postérieurement au jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société CAMPOY.
Il ne serait en tout état de cause pas possible de statuer en équité comme l'ont fait les premiers juges.

A l'opposé la société commerciale CITROEN demande à la cour de :- dire et juger entièrement responsables des dommages affectant la succursale d'Ecully, propriété de la société commerciale CITROEN, la société CAMPOY représentée par son liquidateur, maître X..., la société CBI représentée par son liquidateur la SCP PIMOUGUET-LEURET et la société CASALGRANDE, - par voie de conséquence, autoriser l'inscription au passif de la société CAMPOY de la somme de 493.353,23 euros,- autoriser l'inscription au passif de la société CBI de la somme de 493.353,23 euros, - condamner la société CASALGRANDE à régler à la société commerciale CITROEN la somme de 493.353,23 euros avec intérêts à compter de l'assignation délivrée par la societe commerciale CITROEN devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon en mai2005,- condamner tout succombant à la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner tout succombant aux entiers dépens.

Il est ainsi répliqué que concernant l'étendue des désordres, monsieur B... a considéré qu'ils affectaient l'intégralité de la surface du sol de la société commerciale CITROEN et que dès lors celle-ci devait faire l'objet d'une réfection totale. Le coût des travaux a été estimé, dans le cadre des opérations d'expertise, à la somme de 382.217 euros HT, soit 457.131,53 euros TTC. Outre la réfection des dommages matériels, l'expert judiciaire a également validé au titre des dommages immatériels subis par la société commerciale CITROEN la somme de 38.221,70 euros.
Il est donc demandé au titre des réparations le paiement de l'intégralité de ces sommes.
Sur les responsabilités des locateurs d'ouvrages, concernant la société CAMPOY, sur la base du rapport de l'expert judiciaire il conviendrait de dire et juger que les cassures et fêlures qui affectaient la quasi-totalité du carrelage résultaient notamment d'une pose défectueuse. Par voie de conséquence, conformément aux articles 1134 et suivants et 1147 et suivants du code civil, il apparaîtrait que la société CAMPOY aurait failli aux obligations contractuelles qui lui incombaient et devrait donc être reconnue entièrement responsable des désordres affectant le carrelage de la succursale CITROEN d'Ecully.
Concernant la société CBI chargée d'une mission complète de maîtrise d'œuvre, celle ci aurait également failli dans sa mission en laissant la société CAMPOY poser un carrelage de qualité inférieure, ne correspondant pas à ce qui était prévu au CCTP. Par ailleurs, elle se devait d'assurer la surveillance du chantier. Dès lors, conformément aux dispositions des articles 1147 et suivants et 1134 du code civil, il est demandé à la cour de la déclarer entièrement responsable des dommages subis.
Concernant la responsabilité du fabricant, la société CASALGANDE PADANA il est reproché à celle-ci d'avoir à la fois fourni un carrelage non-conforme aux prescriptions du CCTP et en plus ce carrelage aurait été entaché d'un vice caché.
Concernant la demande de compensation dans ses rapports avec la société CAMPOY aujourd'hui en liquidation judiciaire, il est soutenu que les sommes d'argent placées sous séquestre n'entrent pas dans le patrimoine du débiteur et que leur attribution n'est pas soumise aux règles de la procédure collective. Par voie de conséquence, la décision du tribunal de commerce de Lyon ne pourrait qu'être confirmée en ce qu'elle a ordonné la restitution de la somme séquestrée sur le compte de monsieur le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Lyon.
Pour ce qui touche à la demande d'application par la société de droit italien CASALGRANDE de la convention de Vienne sur la vente internationale des marchandises, il est encore affirmé que son action à son encontre est de nature délictuelle ou quasi délictuelle et non pas contractuelle, aucun contrat n'existant entre la société CASALGRANDE et la société commerciale CITROEN. Ainsi seul le tribunal de commerce de Lyon serait compétent pour connaître de l'action intentée par la société CITROEN à l'encontre de la société CASALGRANDE.

De son côté la société CASALGRANDE PADANA, SPA, société de droit italien demande à la cour de :- infirmer, en intégralité le jugement du tribunal de commerce du 14 juin 2010, - statuant à nouveau, de constater, que les demandes formées à l'encontre de la société italienne CASALGRANDE sont régies par le texte de la Convention de Vienne du 11 avril 1980, - constater que l'acheteur est déchu à l'encontre de la société italienne CASALGRANDE de son droit d'invoquer la prétendue non-conformité de la commande de carrelages,- débouter la société CITROEN de l'ensemble de ses demandes de condamnations, principales et récursoires à l'encontre de la société CASALGRANDE, - constater que l'action en garantie des vices cachés de la société CITROËN est devenue sans objet du fait de l'extinction de la créance principale.

A titre subsidiaire il est demandé à la cour de :- constater que la société CASALGRANDE n'a manqué à aucune obligation précontractuelle d'information et/ou de conseil, - constater que le rapport d'expertise n'est pas opposable à la société CASALGRANDE,- débouter la société CITROËN de l'ensemble de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent.

A titre infiniment subsidiaire, et si par extraordinaire la cour estimait que la société CASALGRANDE a une part de responsabilité :- constater à titre premier le plafond de responsabilité à hauteur maximum de 3.783,29 euros prévu à l'article 1646 du code civil et en tirer toutes les conséquences le cas échéant,- constater à défaut, que la société CASALGRANDE ne peut être condamnée à réparer plus de 35% du préjudice de la société CITROEN, - en tout état de cause, de condamner les succombants à payer à la société CASALGRANDE la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est ainsi soutenu que la Convention de Vienne est applicable, en matière d'éventuelle responsabilité contractuelle du fournisseur, l'action directe à l'encontre de la société CASALGRANDE étant soumise à la loi applicable au contrat passé entre le fabricant italien et la société CAMPOY. L'action visant à mettre en jeu la responsabilité contractuelle de la société CASALGRANDE devrait donc être régie par la loi du contrat sur lequel elle est fondée à savoir la loi italienne applicable en tant que loi de la résidence habituelle du vendeur.
En tout état de cause même si la loi française devait être considérée comme devant s'appliquer il y aurait lieu d'appliquer la Convention de Vienne en son article 39 qui dit que l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité, s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises.
Il est encore soutenu que la liquidation judiciaire de la société CAMPOY SA ayant éteint la créance réclamée par la société CITROEN, celle engagée à l'encontre de la société CASALGRANDE qui ne serait en réalité qu'une action en garantie engagée par substitution de la société CAMPOY défaillante serait sans objet. Il est soutenu à cet effet que l'action en garantie des vices cachés contre le fabriquant serait accessoire à l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur. Dès lors, l'extinction de la créance principale contre le vendeur provoquerait l'extinction de la créance accessoire contre le fabriquant.
En supposant que la responsabilité soit extérieure au cadre contractuel, il n'en resterait pas moins selon cette partie qu'aucune faute délictuelle se serait démontrée.
Pour elle la société CASALGRANDE n'était pas partie au cahier des clauses techniques particulières (CCTP), ses contraintes techniques étaient ignorées et lui sont donc inopposables, la société CAMPOY SA ayant en réalité commandé à la société CASALGRANDE un carrelage qui n'est pas de classe prévue dans le CCTP.
Au reste, la vente de carrelages ne supposerait pas d'obligation d'information et de conseil spécifique à l'égard du vendeur professionnel et ainsi la société CASALGRANDE n'aurait pas failli à une quelconque obligation d'information ou de conseil à l'encontre de la société CAMPOY.
Sur la base des carreaux effectivement achetés il est affirmé que la société CASALGRANDE a livré un produit exempt de vices à la société CAMPOY. Le rapport d'expertise ne permettrait pas d'établir l'existence d'un quelconque défaut puisque que l'expert n'a pas expliqué l'origine ou les causes des désordres constatés, interdisant de caractériser tous lien de causalité.
Au reste cette partie considère que le rapport d'expertise ne lui est pas opposable dans la mesure où les constatations insuffisantes de l'expert, auraient été faites au moyen de tests de carreaux dont la provenance ne serait pas identifiée.
Concernant la détermination des responsabilités, l'expert décrèterait sans raison que la part de responsabilité de la société CASALGRANDE devrait être fixée à 35%, sans expliquer la méthodologie à la base de sa méthode de calcul et les éléments techniques et juridiques qui l'autoriseraient à de telles conclusions.
En toute hypothèse, la société CASALGRANDE ne saurait être condamnée à une quelconque solidarité car il n'existerait aucune solidarité entre les sociétés CASALGRANDE, CBI et CAMPOY.
Il est constant que la SCP PASCAL PIMOUGET - LEURET, mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société CBI INGENIERIE SA bien que régulièrement assignée à intimée non constituée n'a pas comparu en cause d'appel.
Par ordonnance en date du 2 décembre 2010 il a été constaté par le conseiller de la mise en état que maître X... ès qualités se désistait de son appel à l'encontre de l'assureur SMABTP.
SUR QUOI LA COUR
La cour par adoption de motifs confirme le jugement déféré en ce qu'il a homologué le rapport de monsieur B..., expert judiciaire, déclaré irrecevable car forcloses les demandes de la société CITROEN d'inscription au passif de la société CAMPOY des sommes mises à sa charge par l'expert judiciaire, écarté l'application de la Convention de Vienne dans les rapports entre la société CITROEN et la société de droit italien CASALGRANDE.
Pour le surplus il échet de réformer le jugement déféré et de statuer à nouveau.

Concernant la société CAMPOY, il est constant que la société CITROEN restait devoir à maître X..., ès qualités, la somme de 39.331,55 euros au titre du solde du marché.

Il est bien établi en droit que aucune compensation ne peut fonctionner après l'ouverture de la procédure collective : - entre une créance antérieure au jugement déclaratif et une dette postérieure à celui-ci en l'absence de tout lien de connexité, - entre des obligations réciproques antérieures au jugement déclaratif et réunissant les conditions de la compensation qu'après, sauf lien de connexité.

Ainsi, s'agissant des créances antérieures au jugement déclaratif, sont compensables les obligations réciproques, ne présentant pas les conditions nécessaires au fonctionnement de la compensation légale, mais qui sont unies entre elles par un lien de connexité.
Cependant, comme noté judicieusement par maître X..., l'efficacité de la connexité dans son aptitude à autoriser la compensation est subordonnée à l'obligation préalable de déclarer la créance. A défaut de déclaration préalable et quel que soit le type de compensation mis en œuvre, le créancier devra payer les sommes dont il est redevable envers le débiteur en redressement ou liquidation judiciaire. Le principe même de la compensation doit être rejeté lorsque la créance n'a pas été déclarée.
Or présentement, force est de constater que la société CITROEN n'a pas déclaré de créance à la liquidation judiciaire de la société CAMPOY. Sa créance éventuelle est éteinte ce qui interdit toute compensation.
Le jugement qui a admis cette compensation "en équité" doit être réformé pour être contraire à la règle de droit et par voie de conséquence il y a lieu de condamner la société CITROEN à payer à maître X..., ès qualités, la somme de 39.361.55 euros, outre intérêts légaux à compter du 5 janvier 2005, date de la première mise en demeure.
Au cas où cette somme serait toujours séquestrée entre les mains de monsieur le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Lyon, il y aura lieu d'ordonner la remise entre les mains de maître X..., ès qualités, de la somme séquestrée.
Dans les rapports entre la société CITROEN et la société CBI, un défaut de surveillance du chantier peut être effectivement reproché à cette dernière.
La société CBI a manqué à l'obligation de surveillance qui lui incombait.
Comme tel elle a contribué à l'entier dommage.
Dès lors, il convient de la déclarer responsable in solidum des dommages subis par la société commerciale CITROEN.
Il convient d'autoriser cette société à inscrire au passif de la société la somme de 495.353,23 euros (soit 457.131,53 + 38.221,70) outre capitalisation des intérêts, si elle a fait sa déclaration de créance dans les délais de la loi.
Dans les rapports entre la société CITROEN et la société de droit italien CASALGRANDE, il est constant qu'il n'existe entre elles aucun rapport contractuel.
Pourtant il est de jurisprudence constante que la partie victime est parfaitement fondée à soutenir que l'inexécution contractuelle du prestataire de service ou du vendeur engage sa responsabilité délictuelle à son égard : les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l'exécution défectueuse de celui-ci lorsqu'elle leur a causé un dommage.
Présentement il ressort du rapport de monsieur B..., que rien ne vient contredire, que les défauts de ce carrelage ont été constatés visuellement dans le cadre de la première réunion d'expertise qui s'est tenue le 7 septembre 2005 puis, des prélèvements ont été effectués le 28 novembre 2005 en présence du conseil de la société CASALGRANDE, maître C....
Il est encore soutenu et démontré par cet expert , concernant son usure prématurée, que par rapport à leur classification officielle (PEI.IV), les carreaux posés sont d'une classe inférieure (PEI.Ill) et de deux classes inférieures par rapport à la classe indiquée dans le CCTP (PEI.V). En l'absence des documents relatifs aux formulations et aux lots de fabrication réclamés, il peut être dit que le lot posé n'est pas conforme à ce qu'il devait être. L'hypothèse la plus probable est que le lot incriminé correspond à une dérive de production (défaut de compression, de cuisson, etc.) qui a échappé aux contrôles qualité (si tant est que de tels contrôles existent sur le site de production). En partant de l'hypothèse la plus vraisemblable, que la totalité des carreaux posés proviennent d'un même lot de production, c'est bien la totalité de la surface qui est concernée par ce désordre, l'inéluctabilité de leur apparition n'étant subordonnée qu'à une sollicitation répétée soutenue dans un laps de temps court.
Concernant le défaut par délamination, l'expert poursuit en écrivant que : la délamination constatée au sein des carreaux résulte d'un défaut de fabrication des dits carreaux car la cohésion de la stratification n'est pas assurée.
Concernant la conformité du produit livré aux documents contractuels et à la réglementation applicables, l'expert B... affirme encore que les documents contractuels attachés au lot carrelage et à la fourniture du dit carrelage précise que le carrelage posé devait répondre à la classification PEI.V (CI03.). (" Produits destinés à des milieux soumis à un trafic plus élevé ne nécessitant pas la pose d'un grès cérame "). Or, le carrelage posé relève dans sa définition et son agrément de la classe PEI.IV. (" Produits destinés à des milieux soumis à un trafic normal : maisons individuelles y compris les cuisines, immeubles, bureaux publics, restaurants, magasins (excepté le carrelage se trouvant sous les caisses, les comptoirs d'établissements publics et les passages restreints obligatoires) ").
Il peut donc être dit en accord avec l'expert qu'intrinsèquement le produit appliqué n'est pas conforme aux documents contractuels et qu'il ne correspond pas à la destination effective des locaux concernés qui non seulement accueillent du public mais présentent aussi des zones de fortes abrasions (chaises roulantes de banques d'accueil, standardiste, bureaux, piétinement de professionnels et du public en attente de pièces détachées, accessoires, etc.).
Il peut donc être dit et jugé que ces manquements contractuels de la société CASALGRANDE sont incontestablement à l'origine des préjudices de la société CITROEN et constituent à l'égard de cette dernière des fautes délictuelles.
S'agissant d'une action au fondement juridique différent de celle engagée à l'encontre de la société CAMPOY, peu importe le sort qui a été réservé à cette dernière, la société CASALGRANDE ne pouvant prétendre que l'action à son encontre n'est que l'accessoire de l'action en responsabilité à l'encontre du locateur d'ouvrage.
Il est avéré en droit que les dispositions de l'article 1646 ne sont opposables qu'à l'acheteur et ne peuvent pas être opposées au tiers exerçant une action de nature délictuelle.
Il est encore établi que la société CASALGRANDE en vendant des carrelages non conformes et atteints de vices a commis une faute dans ses rapports avec la société CITROEN, qu'en procédant de la sorte elle a contribué à l'entier dommage subi par le maître de l'ouvrage, peu important en la matière que la somme des responsabilités soit un assemblage de faits d'ordre contractuel et délictuel.
Peu importe encore en la matière que l'action soit prescrite à l'égard des autres responsables tenus également in solidum.
Le partage des responsabilités proposé par l'expert et avalisé tant par le premier juge que par la cour ne vaut que dans les rapports entre coobligés et n'est pas opposable à la société CITROEN en droit d'obtenir réparation pour le tout de la part de l'un ou l'autre des condamnés in solidum.
Le montant des réparations à retenir est celui proposé par l'expert qui n'a été contesté par personne soit 457.131,53 euros TTC au titre du coût des travaux et des dommages immatériels subis par la société commerciale CITROEN pour 38.221,70 euros, soit bien un total de 495.353,23 euros valeur juin 2005 à revaloriser.
Il y a lieu dès lors de condamner sur le fondement de l'article 1382 du code civil, in solidum avec les sociétés CBI et CAMPOY, la société CASALGRANDE à payer à la société commerciale CITROEN somme de 495.353,23 euros outre revalorisation.
L'article 700 du code de procédure civile doit recevoir application pour une somme totale de 5.000 euros englobant les frais d'avocat pour la première instance et celle d'appel.
La société CASALGRANDE doit encore être condamnée in solidum avec les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Dit parfait le désistement d'instance en appel de maître X... ès qualités dans ses rapports avec l'assureur SMABTP.
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a homologué le rapport de monsieur B..., expert judiciaire, déclaré irrecevable car forcloses les demandes de la société CITROEN d'inscription au passif de la société CAMPOY, des sommes mises à sa charge par l'expert judiciaire, écarté l'application de la Convention de Vienne dans les rapports entre la société CITROEN et la société CASALGRANDE.
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la société CITROEN à payer à maître X..., ès qualités de liquidateur de la CAMPOY, la somme en principal de 39.361,55 euros, outre intérêts légaux à compter du 5 janvier 2005, date de la première mise en demeure.
Dans l'hypothèse où cette somme serait toujours séquestrée entre les mains de monsieur le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Lyon.
Ordonne la remise entre les mains de maître X..., ès qualités, de la somme séquestrée,
Condamne la société CITROEN à payer à maître X..., ès qualités de liquidateur de la société CAMPOY la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Autorise la société CITROEN à l'inscription au passif de la société CBI de la somme de 495.353,23 euros si elle a fait sa déclaration provisionnelle de créance dans les délais de la loi.
Sur le fondement des dispositions de l' article 1382 du code civil, dit responsable in solidum avec la société CAMPOY et la société CBI, toutes deux actuellement en liquidation judiciaire, la société de droit italien CASALGRANDE des dommages subis par la société CITROEN sur les carrelages de sa concession tels que décrits par l'expert B... dans son rapport en date du 15 février 2007.
En réparation condamne la société CASALGRANDE PADANA à payer à la société commerciale CITROEN la somme de 495.353,23 euros outre revalorisation en fonction de la variation de l'indice BT 01 du coût de la construction du jour du dépôt du rapport au jour du parfait paiement.
La condamne encore sous la même solidarité à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions e l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que dans les rapports entre co-auteurs du dommage subi par la société commerciale CITROEN les condamnations ci-dessus prononcées seront réparties à raison de : société CBI : 5%, société CAMPOY : 60%, société CASALGRANDE PADANA : 35%.

Fait masse des entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés pour un tiers par la société CITROEN et pour les deux tiers par les condamnés in solidum désignés ci-dessus qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 10/05199
Date de la décision : 27/03/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2012-03-27;10.05199 ?
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