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22/03/2012 | FRANCE | N°10/07420

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 22 mars 2012, 10/07420


AFFAIRE PRUD'HOMALE :



DOUBLE

RAPPORTEURS





R.G : 10/07420





[F]



C/

SARL FERME [R]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 30 Septembre 2010

RG : F 10/00003











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 22 MARS 2012





APPELANT :



[Y] [O] [F]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité

7]

[Adresse 4]

[Localité 1]



représenté à l'audience par Me Jonathan CARREZ, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



SARL FERME [R]

[Adresse 3]

[Localité 6]



représentée par M. [R], cogérant assisté à l'audience de Me Heloise PELUX, avocat au barrea...

AFFAIRE PRUD'HOMALE :

DOUBLE

RAPPORTEURS

R.G : 10/07420

[F]

C/

SARL FERME [R]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 30 Septembre 2010

RG : F 10/00003

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 22 MARS 2012

APPELANT :

[Y] [O] [F]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté à l'audience par Me Jonathan CARREZ, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SARL FERME [R]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par M. [R], cogérant assisté à l'audience de Me Heloise PELUX, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE,

PARTIES CONVOQUÉES LE : 30 novembre 2010

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Décembre 2011

Composée de Jean-Charles GOUILHERS, président et de Françoise CARRIER, conseiller, magistrats rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Marie BRUNEL, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, président

Hervé GUILBERT, conseiller

Françoise CARRIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Mars 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président, et par Marie BRUNEL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******************

M [Y] [F] a été engagé le 5 mai 2004 par la société FERME [R] en qualité d'ouvrier avicole plumier suivant contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel non écrit.

Le 29 septembre 2009, il a remis sa démission à effet du 30 septembre 2009. A cette occasion, l'employeur lui a versé une prime exceptionnelle de départ de 3 500 €.

Le 12 janvier 2010, M [Y] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de BOURG EN BRESSE à l'effet d'obtenir le paiement d'un rappel de salaires, d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral et d'une indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement du 30 septembre 2010, le conseil de prud'hommes a débouté M [Y] [F] de l'ensemble de ses demandes.

M [Y] [F] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au terme de ses écritures déposées à l'audience et soutenues oralement, il conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à voir dire que le contrat de travail est réputé avoir été conclu à temps complet, que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à voir condamner la société FERME [R] à lui payer les sommes suivantes :

- 43 289,41 € à titre de rappel de salaires pour la période 2005-2009, outre 4 328,94 € au titre des congés payés afférents,

- 1 546,93 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3 093,86 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 309,39 € au titre des congés payés afférents,

- 15 469,30 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ce outre intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2010,

- 9 281,56 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé outre intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2010.

Au terme de ses écritures reçues au greffe le 26 mai 2011 et soutenues oralement à l'audience, la société FERME [R] conclut à la confirmation du jugement déféré et au débouté de la demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Elle sollicite l'allocation de la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rappel de salaire de 2005 à 2009

M [Y] [F] invoque l'absence de contrat écrit et réclame les compléments de salaire correspondant à un travail à temps plein au titre des années non couvertes par la prescription. Il soutient que l'employeur utilisait ses services à temps variable selon les besoins de l'entreprise ainsi qu'en attestent ses bulletins de salaire de 2005 à 2007 inclus mentionnant un volume horaire mensuel variant entre 31 et 100,75 heures et le fait que l'employeur ait diminué ses horaires de travail en 2006 en raison du manque de travail sur le site de [Localité 6] consécutif à la crise de la grippe aviaire ; que pendant la période 2004-2007, il était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler ; que de même aucun planning ni aucune répartition des horaires n'a été prévue sur la période 2008-2009.

L'employeur expose que M [Y] [F], qui était un ami de l'un des gérants, jouissait d'une grande liberté d'organisation, qu'il ne travaillait que le matin, dans un premier temps du mardi au vendredi, le mardi matin à la plume, le mercredi et le jeudi matin à la confection des quenelles et terrines et le vendredi matin à la vente au marché de Montplaisir à [Localité 5] ; que la crise aviaire avait contraint l'entreprise à déplacer dans l'Isère ses activités d'abattage et de plume mais que M [Y] [F] avait refusé de se déplacer d'où une diminution de ses heures de travail en 2006 ; qu'à compter de 2007, la mère des gérants avait cessé progressivement son activité et que M [Y] [F] avait alors vu ses horaires augmenter pour assurer le marché de [Localité 7] le vendredi matin et celui de Montplaisir à [Localité 5] le samedi matin. Il fait valoir en conséquence que le salarié travaillait à temps partiel selon un rythme constant et fixe dont il avait parfaite connaissance et sans qu'il soit à la disposition constante de l'entreprise.

Si en application de l'article L.3123-14 du code du travail, la contrat de travail à temps partiel doit être régularisé par écrit et si l'absence de contrat de travail écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition sur la semaine ou sur le mois fait présumer que l'emploi est à temps complet, il s'agit d'une présomption simple que l'employeur peut renverser en rapportant la preuve d'une part de la durée exacte hebdomadaire convenue et d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur.

Si les attestations d'autres employés de l'exploitation, de personnes du voisinage et de commerçants travaillant sur les marchés de [Localité 7] et de [Localité 5] versées aux débats par l'employeur confirment ses allégations quant au fait que M [Y] [F] ne travaillait que le matin de certains jours bien déterminés de la semaine et qu'il disposait d'une liberté certaine d'horaires ce dont il résulte qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, l'extrême variabilité de ses heures de travail d'un mois sur l'autre entre 2004 et le 31 décembre 2007, telle qu'elle est attestée par ses bulletins de paie, dément qu'une durée hebdomadaire définie ait été convenue et que le salarié ait travaillé selon des plages horaires bien définies.

Si pour la période 2008/2009, les bulletins de paie de M [Y] [F] font apparaître un horaire fixe de 91 heures, l'employeur ne démontre pas qu'une répartition de la durée du travail ait été prévue entre les jours de la semaine et que les horaires du salarié étaient stables et réguliers.

D'autre part, aucun élément n'est fourni démontrant que le salarié ait demandé à ne travailler qu'à temps partiel afin de pouvoir se consacrer à d'autres activités, le contexte amical non contesté de son embauche ne permettant pas de le présumer.

Le contrat liant les parties doit en conséquence s'analyser en un contrat de travail à temps complet et il convient de faire droit à la demande de rappel de salaire et de congés payés afférents, les décomptes établis par le salarié ne faisant l'objet d'aucune critique.

Sur la rupture du contrat de travail

M [Y] [F] expose que son départ de l'entreprise a été provoqué par l'employeur lui-même qui a 'acheté' son départ par le versement d'une prime de 3 500 € pour qu'il quitte immédiatement et sans préavis l'entreprise et le versement de cette prime suffit à démontrer qu'il a fait l'objet d'un licenciement. Il soutient que l'existence d'un conflit entre lui et l'employeur est également attestée par les témoignages produits par l'employeur. Il prétend encore que le versement d'une prime de départ rend sa démission équivoque.

L'employeur conteste avoir pris l'initiative de la rupture. Il soutient que la remise d'une prime exceptionnelle de départ versée en raison des liens d'amitiés existant avec l'un des gérants et en considération du fait que M [Y] [F], qui souhaitait reprendre un restaurant, perdait tout droit au chômage ne permet pas de lui imputer la rupture du contrat de travail ni de rendre équivoque la démission du salarié.

La lettre de démission, qui ne comporte aucune réserve et ne fait état d'aucun litige, est en elle-même dénuée de toute équivoque.

M [Y] [F] ne fait valoir aucune circonstance de fait précise laissant supposer que ce serait l'employeur qui aurait pris l'initiative de la rupture du contrat de travail et que lui-même n'aurait pas eu de réelle volonté de mettre fin à son contrat de travail. Pas plus il ne fournit de précision sur l'éventuel litige qui l'aurait opposé à l'employeur et qui l'aurait amené à donner sa démission. Il ne dément pas avoir eu le projet de reprendre un restaurant, dont atteste une coupure de presse produite par l'employeur, et l'avoir réalisé quelques semaines après son départ de l'entreprise. Le versement, dans ce contexte, d'une prime de départ, ne permet pas de présumer que l'employeur a pris l'initiative de la rupture ni ne rend équivoque la démission du salarié.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en une démission et en ce qu'il a débouté M [Y] [F] de ses demandes d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le travail dissimulé

Selon l'article L.8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Selon l'article L.8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

M [Y] [F] fait valoir qu'une partie de son travail a été dissimulée aux fins de masquer la variation de ses horaires sur la période 2008/2009 et produit des notes manuscrites établies, selon lui, par l'employeur et mentionnant des heures réelles, majorées, complémentaires et supplémentaires non reprises sur ses bulletins de paie.

Néanmoins, il ne fournit aucune précision sur les horaires qu'il aurait réalisé au delà des 91 heures convenues et figurant sur ses bulletins de paie. Pas plus il ne prétend n'avoir pas été rémunéré de toutes ses heures ni avoir bénéficié de versements en espèces. Les notes manuscrites produites sont insuffisantes à démontrer que l'employeur aurait intentionnellement mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Le jugement déféré sera également confirmé sur ce point en ce qu'il a débouté M [Y] [F] de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

M [Y] [F] ne rapporte pas la preuve du préjudice moral qu'il a souffert du fait de l'imprévisibilité relative de ses horaires. Il convient là encore de confirmer le jugement déféré sur ce chef de demande.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré,

REFORME le jugement déféré en ce qu'il a débouté M [Y] [F] de sa demande de requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps complet et de sa demande de rappel de salaires et de congés payés afférents.

Statuant à nouveau,

DIT que le contrat de travail conclu entre M [Y] [F] et la société FERME [R] est réputé avoir été conclu à temps complet.

CONDAMNE la société FERME [R] à payer à M [Y] [F] la somme de

43 289,41 € à titre de rappel de salaires pour la période 2005-2009 et celle de 4 328,94 € au titre des congés payés afférents, ce outre intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2010.

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions.

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société FERME [R] aux dépens d'appel.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 10/07420
Date de la décision : 22/03/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°10/07420 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-22;10.07420 ?
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