R.G : 10/08770
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 13 Mars 2012
Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNERéférédu 23 novembre 2010
RG : 2010/3712ch no
Société CREDIT LYONNAIS
C/
SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT
APPELANTE :
SA CREDIT LYONNAIS représentée par ses dirigeants légaux18 rue de la République69002 LYON
représentée par Me Annick DE FOURCROY, avocat au barreau de LYON,
assistée de Me Jean-Pierre PALANDRE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE,
INTIMÉE :
SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENTprise en la personne de son représentant légal, monsieur Jean-Claude Y...BP 23568 rue Antoine Durafour42013 SAINT ETIENNE CEDEX 02
représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY ET LIGIER, avocats au barreau de LYON
assistée de Me Florence CARAFA-PEYRACHE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
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Date de clôture de l'instruction : 16 Décembre 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Janvier 2012
Date de mise à disposition : 13 Mars 2012Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président- Dominique DEFRASNE, conseiller- Françoise CLEMENT, conseiller
assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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La SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT a pour activité le recouvrement amiable des créances auprès des débiteurs de ses clients.
Dans le cadre de cette activité, elle est titulaire auprès de la banque LE CREDIT LYONNAIS (LCL) de deux comptes :
- un compte société, destiné à la gestion de l'entreprise no 03748 070449E, - un compte spécial, dénommé compte séquestre en vertu de l'article 2 du décret 96-1112 du 18/12/1996, no 03748 070450B.
Le 7 novembre 2008, la banque LCL s'est vue signifier un procès-verbal de saisie conservatoire de créance à la demande de madame A... (bailleresse de la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT), sur le fondement duquel elle a bloqué le compte séquestre de cette dernière à hauteur de 4.304,36 €.
La SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Saint-Etienne par acte du 15 octobre 2010 d'une demande de remboursement de la somme susvisée outre intérêts et par ordonnance du 23 novembre 2010, le juge des référés a :
- débouté la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT de sa demande en paiement de 4.304,36 €,
- débouté la société LCL du surplus de ses demandes,
- condamné la société LCL à payer à la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT les sommes de :
- 1.000,00 € de dommages et intérêts pour le préjudice subi et la somme de 104,00€ au titre des frais bancaires de blocage,
- 200,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Vu les conclusions signifiées le 7 février 2011 par la SA LE CREDIT LYONNAIS, appelante selon déclaration du 8 décembre 2010, laquelle demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- constater que le juge des référés du tribunal de commerce de Saint-Etienne était incompétent pour connaître de la demande,
subsidiairement,
- constater que la SA LE CREDIT LYONNAIS n'a commis aucune faute,
- débouter la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT de l'ensemble de ses prétentions,
en tout état de cause,
- condamner la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT à payer à la SA LE CRÉDIT LYONNAIS la somme de 1.000,00 € pour procédure abusive,
- ordonner la restitution des sommes reçues au titre de l'exécution provisoire,
- condamner la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT aux dépens et à payer à la SA LE CREDIT LYONNAIS la somme de 1.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT de toutes fins, prétentions et conclusions contraires irrecevables, injustifiées ou infondées,
Vu les conclusions signifiées le 4 novembre 2011par la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT qui demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Saint-Etienne le 23 novembre 2011 en ce qu'il a reconnu la faute commise par la banque et condamné cette dernière à la réparer,
- réformer ladite ordonnance en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 4.304,36 €,
- constater que cette somme a été illégalement prélevée sur le compte spécial ouvert en vertu de l'article 2 du décret du 18/12/1996,
- constater que cette somme ne lui appartenait pas, déposée sur son compte séquestre pour le compte d'autrui,
en conséquence,
- condamner la SA LE CREDIT LYONNAIS à lui restituer la somme de 4.304,36 €,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la SA LE CREDIT LYONNAIS,
- confirmer que la résistance abusive opérée par la société LCL, qui refuse d'admettre sa responsabilité dans cette affaire, lui cause un préjudice incontestable,
en conséquence,
- condamner la SA LE CREDIT LYONNAIS à lui verser une somme de 1.200,00 € pour résistance abusive,
- condamner la SA LE CREDIT LYONNAIS aux dépens et à lui verser une somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 décembre 2011.
MOTIFS ET DÉCISION
La société LE CREDIT LYONNAIS soutient d'abord qu'aucune urgence ne justifiait la saisine du juge des référés en application des dispositions des articles 872 et 873 du code de procédure civile ; elle ajoute que le compte même spécial ouvert au nom de la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT et affecté aux dépôts de tiers, n'était pas insaisissable et que l'acquiescement donné par cette dernière à la saisie conservatoire constitue pour le moins une contestation sérieuse s'opposant à la compétence du juge des référés ; qu'elle n'a commis aucune faute, aucun préjudice ne s'avérant démontré d'ailleurs en l'espèce.
La SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT expose que, sans contestation possible, la banque ne pouvait pas bloquer un compte servant de séquestre de fonds ne lui appartenant pas, le blocage qui s'en est suivi constituant donc bien une faute et un préjudice dont elle doit réparation.
Aux termes des articles 872 et 873 du code de procédure civile, "Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.Il peut dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ".
Il ressort de l'ensemble des documents produits au dossier que :
- la saisie conservatoire pratiquée sur le compte litigieux a fait l'objet selon acte d'huissier en date du 7 novembre 2008, d'un acquiescement de la part de la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT, signifié le 17 novembre suivant à la SA LE CREDIT LYONNAIS,
- ce n'est qu'en octobre 2010 soit deux ans plus tard que la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT a entendu faire condamner la SA LE CREDIT LYONNAIS au remboursement de la somme saisie et au paiement de dommages intérêts.
L'urgence requise n'est pas démontrée en l'espèce et l'acquiescement susvisé constitue manifestement une contestation sérieuse interdisant au juge des référés de statuer alors même qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de ce dernier de connaître de la responsabilité d'un banquier et d'apprécier l'existence et l'étendue d'un préjudice.
L'ordonnance de référé sera donc réformée en ce sens.
Aucun abus de procédure n'est démontré en l'espèce et il convient donc de débouter la SA LE CREDIT LYONNAIS de ce chef.
Le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire attachée à la décision du premier juge et il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur la demande en restitution.
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi d'une indemnité de 800,00 € au bénéfice de la SA LE CREDIT LYONNAIS, la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT qui succombe ne pouvant qu'être déboutée en sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Vu l'absence d'urgence et l'existence d'une contestation sérieuse,
Réforme l'ordonnance rendue le 23 novembre 2011 par le juge des référés du tribunal de commerce de Saint-Etienne,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé,
Déboute les parties de leurs demandes en dommages intérêts pour procédure abusive,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande en restitution des sommes versées en exécution de l'ordonnance susvisée,
Rejette toutes autres prétentions contraires ou plus amples des parties,
Condamne la SARL AGENCE REGIONALE DE RECOUVREMENT aux dépens qui seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
Le greffier Le président