R. G : 09/ 01232 RG : 05/ 02535
COUR D'APPEL DE LYON 1ère chambre civile A ARRET DU 08 Mars 2012
Décision du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse Au fond du 29 janvier 2009
Chambre civile DA no 09/ 1013 :
APPELANTS :
Association X...- Y..., avocats... 71600 PARAY LE MONIAL
représentée par la SCP BRONDEL TUDELA, avocats au barreau de LYON assistée de la SCP D'AVOCATS JURI-EUROP, avocats au barreau de LYON
Société MMA ASSURANCES 14 boulevard Marie et Alexandre Oyon 72030 LE MANS CEDEX 9
représentée par la SCP BRONDEL TUDELA, avocats au barreau de LYON assistée de la SCP D'AVOCATS JURI-EUROP, avocats au barreau de LYON
Maître Jacques X..., avocat... 71120 CHAROLLES
représentée par la SCP BRONDEL TUDELA, avocats au barreau de LYON assisté de la SCP D'AVOCATS JURI-EUROP, avocats au barreau de LYON
INTERVENANTS :
Maître Philippe Z... mandataire judiciaire, agissant en qualité de mandataire judiciaire de la Société de fait de Maître X... et Y..., avocats... 21065 DIJON CEDEX
cité à personne par acte de la SCP Isabelle A... et Arnaud B..., huissiers de justice associés à Dijon, en date du 7 mars 2011, non constitué
Maître Rémy C... mandataire judiciaire, agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Société de fait de Maître X... et Y..., avocats... 21000 DIJON
cité à personne par acte de la SCP Isabelle A... et Arnaud B..., huissiers de justice associés à Dijon, en date du 7 mars 2011, non constitué
INTIMES :
SARL THEVENET FILS, anciennemement THEVENET R. S. A. Rue Pierre Lathuilière 71600 PARAY LE MONIAL
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON assistée de Maître Jean-Pierre MAISONNAS, avocat au barreau de LYON
Raymond D... né le 11 Juin 1927 à VERSAUGUES (SAONE-ET-LOIRE)... 71600 SAINT-YAN
représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON assisté de Maître Jean-Pierre MAISONNAS, avocat au barreau de LYON
Jean-Michel D... né le 08 Juin 1950 à PARAY LE MONIAL (SAONE-ET-LOIRE)... 71600 VARENNE-SAINT-GERMAIN
représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON assisté de Maître Jean-Pierre MAISONNAS, avocat au barreau de LYON
DA no 09/ 5879 :
APPELANTS :
SARL THEVENET Fils anciennemement THEVENET R. S. A. Rue Pierre Lathuilière 71600 PARAY LE MONIAL
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON assistée de Maître Jean-Pierre MAISONNAS, avocat au barreau de LYON
Raymond D... né le 11 Juin 1927 à VERSAUGUES (SAONE-ET-LOIRE)... 71600 SAINT-YAN
représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON assisté de Maître Jean-Pierre MAISONNAS, avocat au barreau de LYON
Jean-Michel D... né le 08 Juin 1950 à PARAY LE MONIAL (SAONE-ET-LOIRE)... 71600 VARENNE-SAINT-GERMAIN
représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON assisté de Maître Jean-Pierre MAISONNAS, avocat au barreau de LYON MAISONNAS, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Manuel F... né le 13 Janvier 1942 à MELGACO (PORTUGAL)... 71600 PARAY-LE-MONIAL
représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON assisté de la AARPI CAA JURIS EUROPAE, avocats au barreau de PARIS,
Compagnie d'assurances COVEA RISKS (police groupe 16. 90 F 00. 381) 40 boulevard A. Oyon 72000 LE MANS
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON assistée de la AARPI CAA JURIS EUROPAE, avocats au barreau de PARIS,
L'affaire a été régulièrement communiquée à Monsieur le Procureur Général,
Date de clôture de l'instruction : 12 Avril 2011 Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Janvier 2012 Date de mise à disposition : 08 Mars 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Michel GAGET, président-François MARTIN, conseiller-Philippe SEMERIVA, conseiller assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du 29 janvier 2009 du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse qui déclare irrecevable l'action engagée par Raymond D..., Jean-Michel D... et la SA Thevenet Fils à l'encontre de Manuel F... et de la société Covea Risks ;
Vu le même jugement qui condamne l'association X...- Y..., Maître Jacques X... et la société MMA Assurances à payer 30 769, 15 € à Raymond D..., 30 489, 80 € à Jean-Michel D... et 103 802, 55 € à la société Thevenet Fils ainsi que la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au motif que Maître X... détenait un mandat donné par les consorts D... pour agir dans la procédure de redressement judiciaire de la société Thevenet Froid Equipement et qu'il a commis un manquement à son obligation d'information en n'informant pas ses clients de l'obligation de déclarer leur créance ainsi qu'une faute en présentant une requête en relevé de forclusion trop tardivement ;
Vu la déclaration d'appel de l'association X...- Y..., de la SA MMA Assurances et de Maître Jacques X... du 24 février 2009 ;
Vu l'ordonnance de référé du 8 juin 2009 qui refuse la demande de suspension d'exécution provisoire formulée par l'association X...- Y..., Maître Jacques X... et la société MMA Assurances ;
Vu la déclaration d'appel provoqué du 10 novembre 2009 déposée par la SARL Thevenet Fils, Raymond D... et Jean-Michel D... à l'encontre de Manuel F... et de la société Covea Risks ;
Vu les conclusions no5 du 28 octobre 2010 de la SARL Thevenet, Raymond D... et Jean-Michel D... qui concluent à la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il a déclaré l'action contre Manuel F... et Covea Risks prescrite et en ce qu'il a fixé à 2 000 € la somme due par Maître X... et la société MMA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions récapitulatives no2 du 15 décembre 2010 de Manuel F... et de la société Covea Risks qui conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé l'action dirigée à leur encontre prescrite ;
Vu les conclusions récapitulatives no3 du 25 novembre 2010 de Maître Jacques X..., l'association X...- Y... et la société MMA Assurances qui conclut à titre principal à la prescription de l'action des consorts D... et à titre subsidiaire à la réformation du jugement au motif qu'il n'a pas commis de faute et qu'aucun mandat ne lui avait été confié ;
Vu l'avis du ministère public donné le 21 décembre 2011 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 12 avril 2011 ;
Les parties ont donné à l'audience du 4 janvier 2012 leurs observations orales après que Monsieur le Président Michel Gaget ait fait le rapport.
DECISION
La société de fait de Maitres X... et Y... a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte par jugement du 10 juillet 2009 du Tribunal de grande instance de Dijon. Elle bénéficie d'un plan de sauvegarde arrêté par jugement du 5 novembre 2010 qui désigne Maître C... en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Maître Z..., mandataire judiciaire et Maitre C..., commissaire à l'exécution du plan, ont été assignés à personne par Raymond D..., Jean-Michel D... et la société Thevenet Fils le 7 mars 2011 en reprise d'instance.
Ils n'ont pas constitué avoué et ne reprennent pas l'instance d'appel.
Il résulte de la lettre du 9 mars 2011 de Maître Philippe Z... qu'aucune déclaration de créance n'a été faite par les consorts D... conformément à l'article L622-22 du code de commerce.
Mais Maître Jacques X... et la société MMA Assurances sont pour leur part toujours dans la cause.
Jean-Michel D..., Raymond D... et la société Thevenet Fils étaient créanciers de la société Thevenet Froid Equipement, mise en redressement judiciaire le 11 octobre 1994, le jugement de clôture des opérations par continuation de la société ayant été prononcé le 27 janvier 2006. Ceux-ci reprochent à Maître X... de ne pas avoir déclaré leur créance au passif de la SA Thevenet Froid Equipement.
Maître X... a présenté en leur nom une requête en relevé de forclusion qui a été rejetée par le juge commissaire parce qu'elle était hors délai.
Sur la recevabilité
Vu l'ancien article L110-4 du Code de commerce applicable aux instances introduites avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 qui prévoit un délai de prescription de 10 ans à compter de la réalisation du dommage pour les obligations nées entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants ;
Sur la prescription de l'action des consorts D..., Maître Jacques X... soutient que le dommage subi par eux est né à la date du 7 juillet 1995, date à laquelle le mandataire judiciaire de la société Thevenet Froid Equipement informait Jean-Michel D..., Raymond D... et la SA Thevenet Fils qu'ils n'avaient pas déclaré leur créance dans les délais.
Le dommage subi par Raymond D..., Jean-Michel D... et la société Thevenet Fils est né lorsqu'ils ont épuisé les voies de recours possibles pour déclarer leur créance au passif de la société Thevenet Froid Equipement.
En l'espèce, c'est à bon droit et à juste titre que les premiers juges ont fixé la date de naissance du dommage au 6 février 1996, date de l'ordonnance du juge commissaire rejetant la demande en relevé de forclusion présentée trop tardivement par Maître X....
L'action de Raymond D..., Jean-Michel D... et la société Thevenet Fils est donc prescrite à l'égard de Manuel F... et de la société Covea Risks, puisqu'ils ont été assignés en date du 11 juin 2007.
En revanche, l'action est recevable à l'encontre de Maître Jacques X..., de l'association X...- Y... et de la compagnie d'assurances MMA.
Sur le fond :
Maître Jacques X... avance qu'aucune faute ne peut être retenue à son encontre, dès lors qu'il était le conseil de la société Thevenet Froid Equipement et non le conseil personnel des différents associés. Il n'avait donc pas reçu mandat de déclarer la créance.
Il indique que c'était l'expert-comptable, Manuel F..., qui était chargé de rédiger les déclarations de créances.
Enfin, il souligne qu'il n'était pas tenu d'un devoir de conseil qui excéderait les limites du mandat qui lui aurait été confié.
Sur la question du relevé de forclusion, Maître Jacques X... indique qu'en tout état de cause la demande aurait été rejetée, l'ordonnance du juge commissaire précisant que " le demandeur n'apporte pas la preuve que sa défaillance à déclarer sa créance n'est pas de son fait ".
Jean-Michel D..., Raymond D... et la société Thevenet Fils soutiennent en revanche que Maître Jacques X... gérait le dossier aussi bien pour la société Thevenet Froid Equipement que pour eux et qu'il avait parfaitement connaissance de l'état du passif, puisqu'il intervenait dans la procédure de redressement judiciaire de la société Thevenet Froid Equipement. Ils en concluent que Maître Jacques X... détenait un mandat à leur égard et qu'il a commis une faute qui engage sa responsabilité.
Vu l'article 1984 du code civil ;
Il n'est pas contesté que Maître Jacques X... avait pour client la société Thevenet Froid Equipement, pour laquelle il est intervenu dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.
Lorsqu'il lui a communiqué le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire, Maître Jacques X... a précisé à Jean-Michel D... qu'il menait le dossier " de façon très ferme pour votre compte personnel ".
La BNP a proposé une réunion à Maître Jacques X... pour examiner les solutions possibles aussi bien pour la société Thevenet Froid Equipement que pour Jean-Michel D... à titre personnel.
Les courriers échangés entre Manuel F... et Maître X... témoignent également de ce que ce dernier était en charge de la procédure de redressement judiciaire non seulement vis-à-vis de la société Thevenet Froid Equipement mais également vis-à-vis de ses associés Jean-Michel D..., Raymond D... et la société Thevenet Fils.
Il ressort donc des différents courriers versés au dossier échangés entre Maître Jacques X... et l'agence BNP, Manuel F... ou les consorts D... que ce dernier était tenu d'un mandat pour gérer la procédure collective dans son ensemble.
Jean-Michel D..., Raymond D... et la société Thevenet Fils étaient tous des associés de la société Thevenet Froid, pour laquelle la gestion de la procédure de redressement judiciaire était confiée à Maître Jacques X....
Ce dernier devait donc dans l'exécution du mandat qu'il détenait à l'égard des associés de la société Thevenet Froid Equipement remplir une obligation de conseil vis-à-vis des consorts D....
Vu l'article 1147 du code civil ;
Il ne fait aucun doute que Maître Jacques X... connaissait parfaitement l'état du passif de la société Thevenet Froid Equipement puisqu'il s'occupait de la procédure de redressement et était même impliqué dans la préparation du plan de redressement.
Il connaissait également les créances de Jean-Michel D..., Raymond D... et la société Thevenet Fils dès lors que les créances des associés ont été évoquées dans des courriers.
Il résulte d'un courrier du mandataire judiciaire que Maître X... s'est inquiété tardivement de la production des créances de Jean-Michel D..., Raymond D... et la société THEVENET Fils.
Maître Jacques X... a donc commis une faute contractuelle en n'informant pas les consorts D... de la nécessité de déclarer dans les formes et délais de la loi leurs créances à la procédure de redressement de la société Thevenet Froid Equipement.
Et la requête en relevé de forclusion présentée par Maître X... au juge commissaire a été rejetée notamment au motif qu'elle était présentée trop tardivement.
Maître Jacques X... a donc également eu un comportement fautif à cet égard.
L'existence des créances de Jean-Michel D..., Raymond D... et la société Thevenet Fils ressort à la fois des lettres simples adressées au mandataire judiciaire et de l'attestation de Geneviève E..., commissaire aux comptes de la société Thevenet Froid Equipement. Elles s'élèvent à :
-103 802, 55 € pour la société Thevenet Fils-30 769, 15 € pour Raymond D...-30 489, 80 € pour Jean-Michel D...
Le plan de redressement de la société Thevenet Froid Equipement prévoyait un apurement du passif sur 18 semestres.
Le 27 janvier 2006, la procédure de redressement judiciaire a été clôturée par continuation de la société Thevenet Froid Equipement.
Jean-Michel D..., Raymond D... et la société Thevenet Fils ont subi une perte de chance de voir leur créance déclarée et intégrée dans le passif de la société Thevenet Froid Equipement, qui résulte directement des fautes commises par Maître Jacques X... dans l'exécution de son mandat.
La réparation de la perte de chance ne peut s'élever au montant des créances dans leur entier, dès lors qu'il n'est pas démontré que le plan de redressement de la société Thevenet Froid Equipement aurait été homologué et respecté si ces créances avaient été admises au passif.
Les éléments de la cause permettant de fixer le montant de la réparation à 80 % du montant des créances qui auraient dû être déclarées, ce qui est l'exacte mesure de la perte de chance.
Ainsi, Maître Jacques X... et la société MMA Assurances doivent être condamnés in solidum à verser :-24 615, 30 € à Raymond D...-24 391, 84 € à Jean-Michel D...-83 042, 04 € à la société Thevenet Fils
Jean-Michel D..., Raymond D... et la société Thevenet Fils réclament également l'indemnisation d'un préjudice financier lié aux impositions payées et à la perte du pouvoir d'achat liée à l'érosion monétaire.
Il n'y a pas lieu d'indemniser ces préjudices qui ne sont pas démontrés par les consorts D... et qui ne sont pas en rapport de causalité avec la faute.
Il y lieu de condamner in solidum Maître Jacques X... et la société MMA Assurances à verser 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
L'association de fait X...- Y..., Maître Jacques X... et la société MMA Assurances, qui perdent, sont condamnés au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 29 janvier 2009 en ce qu'il a déclaré l'action engagée à l'encontre de Manuel F... et de la société Covea Risks prescrite ;
Réformant pour le surplus ;
Condamne solidairement Maître Jacques X... et la société MMA Assurances à payer :-24 615, 30 € à Raymond D...-24 391, 84 € à Jean-Michel D...-83 042, 04 € à la société Thevenet Fils
Déboute les consorts D... de leurs demandes à l'encontre de l'association de fait X...- Y... contre laquelle aucune déclaration de créance n'a été faite.
Rejette les autres demandes de Jean-Michel D..., Raymond D... et la société Thevenet Fils ;
Condamne solidairement Maître Jacques X... et la société MMA Assurances à payer la somme globale de 3 000 € à Jean-Michel D..., Raymond D... et la société Thevenet Fils au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement l'association de fait X...- Y..., Maître Jacques X... et la société MMA Assurances à payer les dépens de première instance et d'appel ;
Autorise ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande à recouvrer les dépens d'appel dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT. Joëlle POITOUX, Michel GAGET.