R. G : 10/ 08418
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 06 Mars 2012
Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE Référé du 26 octobre 2010
RG : 2010/ 3479 ch no
SAS SPICERS FRANCE
C/
SAS IN FOLIO SELARL AJ PARTENAIRES X... SARL REPRO BURO SELARL AJ PARTENAIRES X...
APPELANTE :
SAS SPICERS FRANCE représentée par ses dirigeants légaux 47 allée des Impressionnistes ZA Paris Nord 2- Ilôt T-Immeuble Le Gauguin 93420 VILLEPINTE
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON
assistée de Me Henri BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
SAS IN FOLIO représentée par ses dirigeants légaux 15 rue des Acieries-BP 70097 42003 SAINT-ETIENNE CEDEX 3
représentée la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON
assistée de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, représentée par Me LEGROS, avocat
Maître Fabrice X... ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS IN FOLIO... 42026 SAINT-ETIENNE CEDEX 01
représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON
assisté de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, représentée par Me LEGROS, avocat
SARL REPRO BURO représentée par ses dirigeants légaux 15 chemin de la Ligne de l'Est 69100 VILLEURBANNE
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON
assistée de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, représentée par Me LEGROS, avocat
Maître Fabrice X... ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL REPRO BURO... 42026 SAINT-ETIENNE CEDEX 01
représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON
assisté de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, représentée par Me LEGROS, avocat
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Date de clôture de l'instruction : 06 Janvier 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Janvier 2012
Date de mise à disposition : le 28 Février 2012, prorogé au 06 Mars 2012 Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président-Dominique DEFRASNE, conseiller-Françoise CLEMENT, conseiller
assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La SAS IN FOLIO et la SARL REPRO BURO ont conclu chacune avec la SAS SPICERS FRANCE un contrat de distribution " contrat CALIPAGE " concernant des produits de papeterie et de bureau.
Par jugement du 5 octobre 2010, le tribunal de commerce de Saint Etienne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard des sociétés IN FOLIO et REPRO BURO en désignant la SELARL AJ PARTENAIRES en qualité d'administrateur judiciaire et maître Fabrice X... en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte d'huissier de justice en date du 18 octobre 2010, les sociétés IN FOLIO et REPRO BURO, représentées par leurs mandataires judiciaires ont fait assigner d'heure à heure la société SPICERS FRANCE à l'audience du 19 octobre 2010 à 10 heures 30 devant le président du tribunal de commerce de Saint Etienne statuant en référé, à l'effet :
- d'ordonner à la société SPICERS FRANCE sous astreinte de 5. 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir de reprendre l'exécution des contrats de fournitures " contrat CALIPAGE " régularisés avec chacune d'elle et sous la même astreinte de débloquer leurs comptes clients en leur permettant d'accéder au processus de passation des commandes du site internet dédié,
- de condamner la société SPICERS FRANCE à leur verser à chacune la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance réputée contradictoire, la société SPICERS FRANCE n'ayant pas comparu, le juge des référés a :
- ordonné à la société SPICERS FRANCE sous astreinte de 1. 500 euros par jour de retard à compter de la décision de reprendre l'exécution des contrats de fournitures " contrat CALIPAGE " régularisés tant avec la société IN FOLIO qu'avec la société REPRO BURO,
- ordonné à la société SPICERS FRANCE sous astreinte de 1. 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance de débloquer les comptes clients des sociétés IN FOLIO et REPRO BURO en leur permettant d'accéder au processus de passation des commandes sur le site dédié,
en se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- condamné la société SPICERS FRANCE à verser à chacune des sociétés IN FOLIO et REPRO BURO la somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance.
Le 24 novembre 2010, la société SPICERS FRANCE a interjeté appel de cette décision.
L'appelante demande à la cour :
à titre principal, in limine litis,
- de se déclarer territorialement incompétent au profit du tribunal de commerce de Bobigny,
- de déclarer nulle l'ordonnance rendue le 18 octobre 2010 autorisant les sociétés IN FOLIO et REPRO BURO à l'assigner d'heure à heure faute d'indication du nom du greffier et de sa signature,
- d'infirmer l'ordonnance de référé pour violation du droit de la défense en application de l'article 486 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
- de dire que les demandes des sociétés IN FOLIO et REPRO BURO se heurtent à des contestations sérieuses et de renvoyer ces sociétés à mieux se pourvoir,
à titre très subsidiaire,
- de débouter les sociétés IN FOLIO et REPRO BURO de leurs prétentions,
en tout état de cause,
- d'infirmer le décision de première instance,
- de dire n'y avoir lieu à liquidation de l'astreinte et à tout le moins de la supprimer,
- de condamner solidairement les sociétés IN FOLIO et REPRO BURO à lui payer : * la somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, * la somme de 6. 512, 10 euros en remboursement des sommes versées par elle à l'huissier poursuivant,
- de condamner solidairement les sociétés IN FOLIO et REPRO BURO aux dépens.
Elle fait d'abord valoir que les contrats de distribution comportent une clause attributive de compétence au profit du tribunal du siège de son entreprise, à savoir le tribunal de grande instance de Bobigny.
Elle fait valoir par ailleurs que le délai trop bref entre la délivrance de l'assignation en référé d'heure à heure et la date de l'audience, compte tenu de l'éloignement géographique entre son siège social en région parisienne et le tribunal de Saint Etienne l'a placée dans l'impossibilité absolue d'assurer normalement sa défense et qu'elle a été privée d'un degré de juridiction.
Subsidiairement au fond, elle explique que les sociétés IN FOLIO et REPRO BURO ayant laissé des échéances impayées, elle était en droit de bloquer le compte et de suspendre les livraisons sous la menace de la résiliation du contrat mais qu'à la suite des versements effectués par ces sociétés leurs comptes ont été réouverts le 14 octobre 2010 pour la société IN FOLIO et le 15 octobre 2010 pour la société REPRO BURO et les accès internet " SPICERVISION " rétablis dès le 5 novembre 2010. S'agissant du site payant " OSCARNET " elle ajoute qu'il s'agit d'un site opérationnel indépendant des avantages du réseau CALIPAGE et que la société REPRO BURO n'utilisait pas ce site.
La société IN FOLIO et la société REPRO BURO demandent de leur côté à la cour :
- de confirmer l'ordonnance entreprise,
- de liquider l'astreinte prononcée et de condamner en conséquence la société SPICERS FRANCE à régler à la société IN FOLIO représentée par maître X... ès qualités la somme de 69. 000 euros,
- de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société SPICERS FRANCE,
- de rejeter l'argumentation relative à la prétendue violation du droit de la défense de la société SPICERS FRANCE,
- de condamner la société SPICERS FRANCE aux dépens ainsi qu'au paiement à maître X... ès qualités et au profit de chacune d'elle la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimées font valoir qu'en application de l'article R. 662-3 du code du commerce, le tribunal saisi d'une procédure collective est compétent pour tout ce qui concerne cette procédure, notamment pour faire respecter des règles relatives à la poursuite des contrats en cours et que la clause attributive de compétence n'a nullement vocation à s'appliquer dans la mesure où elle ne peut combattre l'attractivité de compétence d'ordre public édictée par le texte précité.
Elles indiquent en second lieu que la procédure d'urgence qu'elles ont introduites devant le juge des référés est parfaitement régulière, que l'ordonnance sur requête est bien signée par le greffier et que la société SPICERS FRANCE n'a formé aucun recours en rétractation de cette ordonnance.
Sur le fond, elles indiquent que le refus par la société SPICERS FRANCE d'exécuter les contrats en cours et de leur permettre de passer commandes sur son site constitue une violation manifeste des dispositions de l'article L. 622-13 du code du commerce qui impose aux cocontractants d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective de remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par ce dernier des engagements antérieurs au jugement d'ouverture et qu'elles subissent de ce fait un trouble manifestement illicite. Elles ajoutent que le contrat " OSCARNET " est un contrat de licence CALIPAGE qui fait partie intégrante des contrats de fournitures.
Elles sollicitent la liquidation de l'astreinte prononcée par le premier juge par l'effet dévolutif de l'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
-I-Sur la compétence
Attendu qu'une clause attributive de compétence territoriale est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés ;
Attendu au demeurant qu'il résulte de l'article L. 662-3 du code de commerce que le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne ces procédures collectives ; qu'il est compétent pour ordonner les mesures conservatoires ou de remises en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Qu'en l'espèce, l'action exercée par les sociétés IN FOLIO et REPRO BURO prennent leur source dans la solution donnée à la procédure collective les concernant puisqu'il s'agit de faire respecter par la société SPICERS FRANCE les règles relatives à la poursuite des contrats en cours au jour de l'ouverture de ces procédures ;
Attendu en conséquence que le juge des référés du tribunal de commerce de Saint Etienne est bien compétent pour connaître des demandes des sociétés IN FOLIO et REPRO BURO ;
- II-Sur la nullité de la procédure de première instance
Attendu qu'il est constant que les sociétés IN FOLIO et REPRO BURO ont sollicité et obtenu le 18 octobre 2010 l'autorisation d'assigner d'heure à heure la société SPICERS 19 octobre 2010 à 10 heures 30 devant le juge des référés de cette même juridiction ; que l'assignation a été délivrée le 18 octobre 2010 à 15 heures 10 à un préposé de la société SPICERS et que l'affaire a été effectivement retenue le lendemain à l'audience indiquée sans que la société SPICERS n'ai comparu ;
Que si l'article 485 du code de procédure civile prévoit que le juge des référés peut permettre d'assigner à heure indiquée même des jours fériés ou chômés, l'article 486 lui impose toutefois de s'assurer qu'il s'est écoulé un temps suffisant entre l'assignation à l'audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense ;
Qu'il est permis d'affirmer en l'espèce que le délai de moins de 24 heures entre la délivrance de l'assignation et la date de l'audience, alors que le siège social de la société SPICERS était situé à plusieurs centaines de kilomètres de Saint Etienne, a privé cette société de la possibilité d'assurer normalement sa défense, en violation de l'article 486 précité du code de procédure civile et de l'article 14 du même code ;
Que l'ordonnance sur requête rendue le 18 octobre 2010 doit en conséquence être déclarée nulle et que cette nullité s'étend nécessairement à l'ordonnance de référé rendue à sa suite le 26 octobre 2010 ;
Attendu que la société SPICERS n'ayant pas comparu en première instance et ses conclusions au fond devant la cour étant sans portée puisqu'elles ne sont que subsidiaires, l'appel est dépourvu d'effet dévolutif ;
Que les parties seront donc renvoyées à mieux se pourvoir sans qu'l soit besoin d'examiner l'autre moyen de nullité soulevé par l'appelante ;
Attendu que les sociétés IN FOLIO et REPRO BURO supporteront les dépens de première instance et d'appel ; qu'il convient d'allouer à la société SPICERS FRANCE la somme de 1. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'appel recevable,
Rejette l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la SAS SPICERS FRANCE,
Annule l'ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce de Saint Etienne le 10 octobre 2010 ainsi que l'ordonnance de référé subséquente du 26 octobre 2010 frappée d'appel,
Renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,
Condamne maître X... ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS IN FOLIO et de la SARL REPRO BURO à payer à la SAS SPICERS FRANCE la somme de 1. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne maître X... ès qualités aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, pour ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
Le greffierLe président