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29/02/2012 | FRANCE | N°10/04332

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 29 février 2012, 10/04332


R. G : 10/ 04332
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 29 Février 2012

Sentence arbitrale rendue par Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Lyon en date du 08 avril 2010

APPELANT :
Colas Y..., avocat associé, gérant de la Société NPS CONSULTING... 69002 LYON

représenté par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre
assisté de Maître Samuel BECQUET, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Maître Philippe A..., avocat au barreau de Lyon... 69002 LYON

représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET
assisté de la SE

LARL SEDLEX, avocats au barreau de LYON
Maître Anne B..., avocat au barreau de Lyon... 69009 LYON

représent...

R. G : 10/ 04332
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 29 Février 2012

Sentence arbitrale rendue par Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Lyon en date du 08 avril 2010

APPELANT :
Colas Y..., avocat associé, gérant de la Société NPS CONSULTING... 69002 LYON

représenté par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre
assisté de Maître Samuel BECQUET, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Maître Philippe A..., avocat au barreau de Lyon... 69002 LYON

représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET
assisté de la SELARL SEDLEX, avocats au barreau de LYON
Maître Anne B..., avocat au barreau de Lyon... 69009 LYON

représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET
assisté de Maître Pierre-Henri GAZEL, avocat au barreau de LYON
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
SELARL NPS CONSULTING 2 place de la Bourse 69002 LYON

représentée par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre
assistée de Maître Samuel BECQUET, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 18 Novembre 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Novembre 2011
Date de mise à disposition : 16 Février 2012, prorogée au 29 Février 2012, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Michel GAGET, président-François MARTIN, conseiller-Philippe SEMERIVA, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, François MARTIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
Aux termes d'une sentence arbitrale en date du 8 avril 2010, dans le litige opposant d'une part Monsieur Colas Y..., avocat, gérant de la société NPS Consulting, inscrite au barreau de Lyon, d'autre part Monsieur Philippe A... et Madame Anne B... avocats au barreau de Lyon, Maître Yves D..., désigné en qualité d'arbitre par Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du barreau de LYON :
- a dit recevables les demandes formulées par Monsieur Colas Y...- les a dites mal fondées et a débouté Monsieur Colas Y... de l'ensemble de ses demandes-a relevé l'existence de fautes commises par Monsieur Colas Y... à l'encontre de Monsieur Philippe A... et de Madame Anne B... et l'a condamné à leur verser respectivement les sommes de 2 000 et 3 000 euros-a condamné Monsieur Colas Y... à leur payer la somme de 1 000 euros chacun (soit 2 000 euros au total) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Appel de cette sentence a été interjeté le 15 juin 2010 par Monsieur Colas Y..., gérant de la société NPS Consulting.
Aux termes de ses dernières conclusions no4 en date du 14 novembre 2011, Monsieur Y..., avocat associé gérant de la Selarl NPS CONSULTING et la Selarl NPS CONSULTING, intervenante volontaire demandent à la Cour de :
- dire recevable et bien-fondée l'intervention volontaire de la société NPS CONSULTING et, si par impossible la cour devait dénier tout droit à agir à Maître Colas Y..., la dire recevable et bien fondée à former pour elle-même les demandes ci-après exposées,
- constater que l'arbitre a statué sur des demandes reconventionnelles excédant le champ de l'acte de mission du 29 octobre 2009,- constater la contradiction affectant la motivation de la sentence arbitrale,- en conséquence prononcer la nullité de ladite sentence arbitrale et en tant que de besoin prononcer la nullité de l'ordonnance d'exequatur du 29 juillet 2010 eu égard à l'appel interjeté,

à titre subsidiaire, réformer en toutes ses dispositions la sentence arbitrale entreprise et en conséquence :
- constater le détournement de clientèle et les actes de concurrence déloyale commis par les intimés au préjudice de Maître Colas Y...,- condamner les intimés à réparer le préjudice subi par Maître Colas Y... au titre du détournement de clientèle par le versement in solidum au profit de ce dernier de la somme de 31 620 euros (perte de chance), outre intérêts légaux à compter du 24 novembre 2008,- condamner les intimés à verser à Maître Colas Y... la somme de 10 000 euros in solidum, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,- dire irrecevables les demandes reconventionnelles formées par les consorts A... et B... dès lors qu'elles excèdent le champ de l'acte de mission valant convention d'arbitrage, régularisé par les parties le 29 octobre 2009,- dire spécialement irrecevables comme prescrites les demandes fondées sur de prétendus préjudices moraux résultant de faits de dénigrement ou de diffamation,- à titre subsidiaire, dire les dites demandes reconventionnelles mal fondées,- condamner les consorts A... et B... à verser, in solidum la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens avec droit de recouvrement direct pour ceux d'appel au profit de la SCP DUTRIEVOZ.

Aux termes de ses dernières conclusions numéro 3 et récapitulatives en date du 28 octobre 2011, Maître Philippe A... demande à la cour de :
- dire la société NPS CONSULTING irrecevable à intervenir à une procédure dans laquelle elle n'a ni qualité, ni intérêt pour agir,- dire que Maître Y... est irrecevable à formuler toute demande en appel, dans la mesure où il n'en a formulé aucune à titre personnel en première instance et que toute demande de sa part à titre individuel en cause d'appel devrait être considérée comme une demande nouvelle,- dire à titre subsidiaire qu'il n'y a pas eu de détournement de clientèle fautive et que Maître Y... ne justifie d'aucun préjudice indemnisable,- confirmer par conséquent la sentence arbitrale en ce qu'elle a débouté Maître Y... de l'ensemble de ses prétentions,

à titre reconventionnel réformer en conséquence la sentence arbitrale sur les points suivants :
- constater que Maître A... justifie avoir réalisé une prestation de sous-traitance pour Maître Y... dans le dossier JARDIN DES PAPILLONS,- condamner Maître Y... à payer à Maître A... la somme de 2063, 10 euros TTC au titre de sa facture numéro 2008/ 100094 restée impayée et parfaitement justifiée,- débouter Maître Y... des demandes de compensation que celui-ci ne manquera pas de formuler concernant le paiement de sa facture numéro 2008/ 1011 du 27 octobre 2008 concernant LES GETS 2004 agissant d'une demande de rémunération d'apport d'affaires fantaisiste et incompatible avec le statut de l'avocat et sa facture 2009/ 1015 du 30 octobre 2008 concernant sa facture de " représailles et de correction " qui ne correspond à aucune prestation réelle, sollicitée ou effective,- constater que Maître A... a écrit pour le compte de Maître Y... environ 70 articles juridiques que ce dernier a utilisés et publiés pendant 18 mois aux fins de faire sa promotion professionnelle sur son site Internet,

- dire que la rupture abusive des relations entre Maître Y... et maître A... au sujet de la promotion de ces articles a causé un préjudice à Maître A...- dire que le retrait des articles sur le site Internet après l'utilisation continue pendant 18 mois n'est pas une cause d'exonération d'indemnisation de Maître A..., s'agissant d'un site à vocation éditoriale mensuelle,- condamner en conséquence Maître Y... à payer à Maître A... la somme de 25 200 euros d'indemnités en réparation du préjudice causé, indemnités calculées en fonction des tarifs pratiqués par Maître Y... en 2008 (avec une réduction de 50 %),- dire que Maître Y... a causé à Maître A... un préjudice moral important par un comportement anti-confraternel, anti-déontologique, emprunt de dénigrement et de volonté de nuire,- condamner en conséquence Maître Y... à payer à Maître A... la somme de 20 000 euros en réparation de l'intégralité de son préjudice moral,- condamner Maître Y... à payer à Maître A... la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives numéro 2 en date du 28 octobre 2011, Maître Anne B... demande à la cour de :
- dire irrecevable la demande formée par Maître Colas Y... compte tenu de son défaut d'intérêt à agir,- dire irrecevable l'intervention volontaire et la demande formée par la société NPS compte-tenu de son défaut d'intérêt et de qualité à agir,- constater subsidiairement l'absence de faits constitutifs de détournement de clientèle,- constater les actes de dénigrement commis par Maître Colas Y... en violation des règles professionnelles qui régissent la profession d'avocat au préjudice de Maître Anne B...,- condamner en conséquence Maître Colas Y... à lui payer la somme de 20 000 euros en dédommagement du préjudice moral et professionnel qu'elle a subi,- condamner Maître Colas Y... à lui payer la somme de 15 000 euros au titre article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET,- ordonner la publication de la décision à venir auprès des instances de l'université Lyon III et auprès de Monsieur Émile E....

La clôture de l'instruction est intervenue le 18 novembre 2011.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le défaut de qualité et d'intérêt à agir de Maître Y... et de la société NPS CONSULTING

Maître A... et Maître B... font valoir que le mémoire d'arbitrage initial soumis à l'arbitre ayant été pris pour Maître Y... alors qu'il n'exerçait plus à titre individuel mais en tant qu'associé gérant de la Selarl NPS CONSULTING, il ne saurait avoir intérêt à agir pour invoquer un préjudice professionnel, quand bien même il a par la suite modifié dans son mémoire récapitulatif puis ses conclusions d'appel sa qualité pour se présenter comme représentant légal de la Selarl NPS.
Ils plaident en outre que le litige portant, pour Maître Y... sur le détournement allégué de la clientèle de Monsieur E... qui serait intervenu avant la constitution de la Selarl NPS CONSULTING, celle-ci, à défaut de justifier d'une cession à son profit par Maître Y... de sa créance au titre de ce détournement ou d'avoir eu pour client Monsieur E... ou les sociétés de son groupe, celui-ci ayant dès le 5 novembre 2008 signifié à Maître Y... sa décision de changer d'avocat, est elle aussi dépourvue de qualité et d'intérêt à agir.
L'examen des pièces permet de retenir les éléments suivants.
La sentence arbitrale a été rendue le 8 avril 2010 entre, d'une part Monsieur Colas Y..., avocat, gérant de la société NPS CONSULTING inscrite au barreau de Lyon et d'autre part, Monsieur Philippe A... et Madame Anne B... avocats au barreau de Lyon,
Elle faisait suite :
- à un acte de mission en date du 29 octobre 2009 par lequel Monsieur Colas Y..., avocat associé, avocat au barreau de Lyon, Monsieur Philippe A... avocat au barreau de Lyon et Madame Anne B... avocat au barreau de Lyon ont confié à Maître. REINHARD, avocat à la Cour désigné par le Bâtonnier de l'Ordre pour exercer les fonctions d'arbitre, la mission d'arbitrer le litige qui les oppose-à un premier mémoire d'arbitrage pris au nom de Maître Colas Y..., avocat associé gérant, Selarl NPS CONSULTING inscrite au barreau de Lyon-à un second mémoire récapitulatif d'arbitrage pris au nom de Maître Colas Y..., avocat associé gérant, en sa qualité de représentant légal de la Selarl NPS CONSULTING inscrite au barreau de Lyon.

Il résulte par ailleurs des pièces versées aux débats par les parties que Maître Y..., après avoir exercé l'activité d'avocat à titre individuel l'exerce au sein de la société d'exercice libéral NPS CONSULTING constituée le 24 décembre 2008 et immatriculée le 9 janvier 2009.
La qualité et l'intérêt à agir qui fondent le recours à la procédure d'arbitrage ayant abouti à la décision déférée résultent de l'exercice de la profession d'avocat, peu important ses modalités. Maître Y... l'ayant toujours exercée, que ce soit au moment de la naissance du litige qui l'oppose aux intimés, au moment de la procédure d'arbitrage, au moment de la déclaration d'appel et au moment où la Cour statue, il a qualité et intérêt pour soumettre à la Cour ses demandes, dans le dernier état de la procédure en tant qu'associé exerçant les fonctions d'avocat au nom de la Selarl NPS CONSULTING.

Sur la nullité de la sentence arbitrale en raison du dépassement par l'arbitre du champ de sa mission.

Maître Y... fait grief à la sentence déférée d'avoir statué sur les demandes reconventionnelles présentées par Maître A... et Maître B..., visant à voir reconnaître et sanctionner financièrement des actes de dénigrement et de diffamation qu'il aurait commis et à obtenir le paiement de factures, alors que ces demandes n'entraient pas dans l'objet du litige tel que déterminé par les parties aux termes de l'acte de mission du 29 octobre 2009.
Il plaide que cet acte de mission renvoyait en effet expressément au mémoire d'arbitrage qu'il (Maître Y...) avait déposé le 25 juin 2009 par lequel il précisait : " Compte-tenu de la procédure de médiation d'ores et déjà intervenue entre Maître Y... et Maître A..., il convient de noter que le requérant souhaite circonscrire précisément ses demandes en vue d'obtenir la réparation du préjudice subi par le détournement du client PGE INFORMATIQUE (Monsieur Emile E...) et qu'il n'aurait pas accepté de se soumettre à cet arbitrage s'il avait su que des demandes reconventionnelles présentées par Maître A... et Maître B... allaient être examinées.
La sentence querellée a été rendue dans le cadre de la procédure d'arbitrage prévue par le règlement intérieur du barreau de LYON.
Ce règlement édicte les règles suivantes que les parties connaissaient nécessairement en acceptant de se soumettre à cette procédure.
LY 2. 7 Règlement des litiges entre avocats
LY 2. 7. 0 Principes
Les litiges qui apparaissent entre des avocats inscrits au barreau de Lyon à raison de leurs relations professionnelles sont soumis aux dispositions ci-après.
Le ou les avocats requérants saisissent le bâtonnier par une demande exposant sommairement les faits, les questions en litige et leurs prétentions, comme les mesures urgentes éventuellement sollicitées. Cette demande est adressée en copie au (x) contradicteur (s).
LY 2. 7. 3 ARBITRAGE
LY 2. 7. 3. 1 Hormis le cas des litiges nés à l'occasion d'un contrat de travail, si le conflit n'a pu être réglé par une médiation ou par la procédure spécifique de conciliation... le bâtonnier invite les parties à se soumettre à une procédure d'arbitrage qui sera mise en oeuvre selon les modalités définies par les articles 1442 à 1491 du nouveau code de procédure civile...
LY 2. 7. 3. 2 En cas d'acceptation des parties, le bâtonnier fait connaître aux avocats concernés s'il entend arbitrer lui-même le litige, ou le nom du confrère ou des confrères qu'il désigne pour exercer les fonctions d'arbitre.
Le ou les arbitres adresse (nt) aux avocats concernés un projet de procès-verbal d'arbitrage et fixe une audience en vue de sa signature et de préciser les modalités de la procédure arbitrale.
LY 2. 7. 3. 4
... La demande fait l'objet d'un mémoire précisant les faits et les moyens de droit, auquel sont annexées toutes les pièces justificatives conformément aux dispositions de l'article 5 ci avant.
Le mémoire en réponse et, le cas échéant, la demande reconventionnelle sont établis dans les mêmes conditions.
Le procès-verbal d'arbitrage peut également prévoir que l'arbitre pourra adresser aux parties la liste des questions sur lesquelles ils souhaitent obtenir des précisions.
Si la complexité de l'affaire l'exige, des mémoires en réplique et en duplique peuvent être prévus.
En toute occasion, le principe du contradictoire est respecté. Copies de toutes les communications faites à l'arbitre est adressée aux contradicteurs.
LY 2. 7. 3. 5 Après échange des mémoires et sauf si les parties estiment qu'elle n'est pas nécessaire, une audience est fixée pour permettre leur audition et entendre leurs conseils éventuels...
LY 2. 7. 3. 7Le litige est tranché en droit. Il est tenu compte des usages professionnels et des règles déontologiques applicables à chacun des avocats concernés.
Cependant les pouvoirs d'amiable compositeur peuvent être conférés à l'arbitre.
Il s'évince de ces dispositions qu'elles posent le principe de la recevabilité des demandes reconventionnelles sauf à devoir les présenter dans le cadre d'un mémoire précisant les faits et les moyens de droit, auquel sont annexées toutes les pièces justificatives.
En l'espèce, l'acte de mission approuvé par les parties le 29 octobre 2009 fixe un calendrier de procédure prévoyant les dates de remise par Maître Y... de son mémoire en demande puis de son mémoire récapitulatif et par Maîtres A... et B... de leurs mémoires en réponse et de leurs mémoires récapitulatifs en défense.
La lecture du mémoire récapitulatif d'arbitrage de Maître Y... en date du 15 décembre 2009 permet de s'assurer, puisqu'il conclut à leur irrecevabilité et à titre subsidiaire à leur rejet, que les demandes reconventionnelles formulées à son encontre par Maître A... et Maître B... avaient bien été portées à sa connaissance par leurs mémoires.
La procédure suivie pour la présentation des demandes reconventionnelles étant régulière, aucune nullité n'est encourue par la sentence ayant statué à leur sujet.

Sur les griefs soumis à l'arbitrage

Il ressort de la décision déférée que l'arbitre a considéré n'avoir compétence, que pour examiner :
- le point de droit soulevé par Maître Y... et contesté par les défendeurs, à savoir l'existence ou non d'un détournement de clientèle à son détriment et l'éventuelle responsabilité susceptible d'en résulter-les demandes reconventionnelles de Maîtres A... et B... tenant à l'existence d'actes de diffamation et de dénigrement commis en vue de les écarter du dossier, au paiement d'une facture et à la réparation du préjudice résultant du non-paiement des articles juridiques rédigés par maître A...,

excluant expressément pouvoir arbitrer les atteintes aux règles déontologiques gouvernant la profession d'avocat invoquées par les parties dans les mémoires soumis à son arbitrage.
Cette délimitation de sa compétence matérielle n'est pas remise en cause par les parties dans leurs écritures devant la Cour.

Sur le détournement de clientèle

Maître Y... reproche à Maîtres A... et B... leur comportement déloyal consistant à avoir profité de leur accès privilégié par son intermédiaire à Monsieur E... et à son groupe, résultant de leurs interventions à sa demande pour l'assister dans leurs domaines spécialisés, lui-même conservant la gestion de la stratégie de l'ensemble de la défense de ce client, pour provoquer le basculement de ce client à leur profit exclusif.
Il fait valoir que face à un choix en ce sens de ce client, ils devaient, soit s'abstenir d'y accéder, soit lui en référer au préalable dès lors qu'en intervenant uniquement sur des aspects techniques en connaissance de cause, ils s'étaient tacitement engagés à ne pas empiéter sur son rôle de définition de la stratégie.
Il veut pour preuve de ce comportement déloyal le fait que le choix de Maître A... fait par Monsieur E... l'a été immédiatement après qu'il lui ait annoncé qu'il n'entendait plus faire appel à Maître B..., dès lors que son statut professionnel était incertain et qu'il saisissait le Bâtonnier de l'ordre à cette fin.
Comme le lui oppose Maître B..., il appartient à Maître Y... qui se plaint d'un détournement de clientèle de démontrer en premier lieu qu'il a eu pour client Monsieur E... et son groupe.

Contrairement à ce qu'elle soutient, cette preuve est suffisamment rapportée par la communication aux débats par Maître Y... notamment d'une attestation rédigée par la société COGEM faisant ressortir les rencontres auxquelles a participé Maître Y... pour envisager avec Monsieur E... les conditions de reprise par cette société des missions comptables effectuées illégalement et de différents courriers adressés par ces soins à " PGE Informatique-Monsieur E... " :

- en date du 29 août 2007 évoquant les rendez-vous déjà assurés par Maître Y... à son profit,- en date du 31 mars 2008 lui faisant part des suites à donner à une ordonnance rendue par le juge des référés du TGI de Vienne, dans le cadre d'un litige l'opposant avec l'ordre des experts comptables-en date du 23 mai 2008 rappelant une réunion en date du 19 mai 2008 organisée avec un autre confrère en vue d'assurer le suivi régulier de la situation sur le plan social-en date du 20 septembre 2008 évoquant une réunion de travail avec Maître B... et l'éventualité d'un dépôt de bilan, avec transmission d'une note juridique sur la procédure à suivre à cette fin,

qui font effectivement ressortir l'implication personnelle e Maître Y... dans la défense des intérêts de la société PGE Informatique et de Monsieur E....
Comme objectent encore Maître B... et Maître A..., il incombe aussi à Maître Y... de rapporter la preuve des comportements déloyaux qu'ils auraient mis en oeuvre pour détourner ce client à leur profit.
L'examen de la chronologie permet à cet égard de constater que :
- Monsieur E... a, par un courrier du 5 novembre 2008 signifié à Maître Y... la fin de leurs relations après que celui-ci lui ait adressé le 3 novembre 2008 un courriel faisant référence au fait qu'il demeurait son seul interlocuteur pour son dossier et allait informer les instances ordinales de la situation de Maître B... afin de préparer au mieux sa défense-ce courriel de Maître Y... s'inscrivait dans le cadre du contentieux l'opposant déjà à Maître A....

S'il résulte des termes mêmes du courrier du 5 novembre 2008 que, dans ce contexte conflictuel, Monsieur E... a rédigé son courrier du 5 novembre 2008 après en avoir averti au préalable Maître A..., ("... je m'en suis ouvert à Maître A......), rien ne permet de retenir que Maître A... ou Maître B... auraient, de façon déloyale, incité ce client à quitter Maître Y..., sauf à considérer, contrairement au principe du libre choix du conseil, que ce changement d'avocat permettrait de le présumer.
La démarche de Monsieur E... relève en effet de la simple logique : s'il voulait conserver le concours de Maître B... qui était en charge du volet fiscal des difficultés auxquelles il était confronté personnellement ou au travers de ses sociétés, il ne pouvait que quitter Maître Y... qui lui avait clairement signifié être en grave désaccord avec elle.
La circonstance que Maître A... aurait commis des manquements à ses obligations déontologiques, consistant, en violation de l'article 9-3 du Règlement Intérieur National, alors qu'il avait succédé à Maître Y..., à avoir mis en demeure celui-ci, pour le compte de Monsieur E..., de lui rembourser des honoraires prétendument indus alors qu'il ne pouvait défendre les intérêts de Monsieur E... contre son prédécesseur qu'avec l'accord préalable du Bâtonnier, n'est pas de nature à modifier cette appréciation dès lors que ces manquements, à les supposer avérés, sont postérieurs au changement critiqué et qu'il n'est même pas soutenu que Monsieur E... aurait décidé de changer d'avocat parce que Maître A... l'avait assuré antérieurement qu'il accepterait de l'assister dans ses réclamations à l'égard de Maître Y....

Aucune preuve d'un détournement de clientèle n'est donc rapportée. La sentence arbitrale est confirmée sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles de Maîtres A... et B... quant à l'existence d'actes de diffamation et de dénigrement commis en vue de les écarter du dossier

Maître A... reproche à Maître Y... de l'avoir dénigré :
- auprès des responsables de l'Université LYON III en prétendant que par son seul enseignement, il allait mener la licence DGEA au désastre-auprès du président de la commission droit du sport du barreau de LYON-auprès de son client, Monsieur E...- auprès du Bâtonnier par un courrier du 27 novembre 2008

Maître Y... oppose à ces prétentions la prescription tirée des dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 en matière de presse, faisant valoir que les comportements qui lui sont reprochés, à les supposer établis seraient constitutifs de faits de diffamation.
Les documents écrits qui sont les vecteurs du dénigrement allégué n'ont pas fait pas l'objet d'une diffusion auprès du public dans les conditions exigées par l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 : ils ne peuvent donc être le support du délit de diffamation de sorte que la prescription invoquée ne saurait trouver application.
En ce qui concerne leur contenu, il est dénigrant pour Maître A... puisque :
- " les divergences tant sur le fond que sur la forme " évoquées par Maître Y... dans le courrier transmis en copie à Madame F..., professeur co-directrice de la licence DGEA pour justifier sa décision d'écarter Maître A... des enseignements pour lesquels son intervention était prévue, tout comme les assertions contenues dans le courriel adressé par Maître Y... à Maître G... le 17 décembre 2008 en réponse à ses interrogations, à savoir " Philippe A... ne peut intervenir sur la formation droit du sport,..., malgré ses sollicitations multiples. Cette décision lui a d'ailleurs été notifiée par les instances universitaires, indépendamment de notre déontologie " sont de nature à mettre en doute ses compétences pour dispenser un enseignement-les courriers ou courriels adressés par Maître Y... à Monsieur E... l'avisant, tout d'abord qu'il allait informer les instances ordinales de la situation de Maître B..., puis qu'une procédure disciplinaire était actuellement diligentée devant le conseil de l'ordre des avocats à l'encontre de Maître A... et Maître B... au motif que Maître B... était omise du tableau et ne pouvait plus exercer la profession d'avocat pour le compte de son cabinet ou de celui de son compagnon Maître A..., ainsi que le courrier adressé par Maître Y... le 27 novembre 2008 au Bâtonnier imputant à Maître A... des " manoeuvres (qui) peuvent justifier de ma part une action au pénal " portent atteinte à son intégrité professionnelle, laissant supposer qu'il exercerait son activité sans respecter les règles y compris pénales qui lui sont applicables alors même que Maître Y... ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier de telles allégations, se contentant d'invoquer sa croyance légitime qu'il ne prétend même pas avoir tenté d'étayer en interrogeant Maître B... sur la réalité de sa situation.

Maître B... reproche à Maître Y..., sur le fondement des mêmes pièces les mêmes dénigrements auprès de Monsieur E... et du Bâtonnier de l'ordre.
Pour les mêmes raisons qu'exposées concernant Maître A..., ces dénigrements sont avérés.
Elle plaide en outre qu'elle a nécessairement fait l'objet d'un dénigrement auprès de Madame F..., professeur co-directrice de la licence DGEA puisque celle-ci a accepté qu'elle soit écartée de l'enseignement de la licence DGEA.
Ce faisant, elle opère un renversement de la charge de la preuve qui lui incombe. En l'absence de tout autre élément de nature à justifier de la réalité de ce grief, son dénigrement par Maître Y... auprès de Madame F... n'est pas avéré, étant observé au surplus que la cause de cette décision est à rechercher à l'évidence, non dans un dénigrement de ses capacités d'enseignante mais plus simplement dans ses liens avec Maître A....

Sur le préjudice subi par Maître A... et Maître B... à raison des actes de dénigrement commis par Maître Y...

La décision déférée qui en a fait une juste évaluation est confirmée.

Sur la demande de condamnation de Maître Y... au paiement de la facture no 2008/ 10000194 de 2 063, 10 euros

Maître A... réclame le paiement de cette facture représentant le montant de ses honoraires relatifs au dossier " Jardin des papillons " qu'il a suivi en sous-traitance pour Maître Y....
Contrairement à ce que fait valoir Maître Y..., cette demande qui révèle l'existence d'un litige entre des avocats inscrits au barreau de LYON à raison de leurs relations professionnelles, s'agissant d'une demande de paiement d'une facture relative à une prestation entre avocats du barreau de LYON et non de prestations dues par un client à son avocat, ne relève pas de la procédure de taxation des honoraires par le Bâtonnier mais bien de son arbitrage comme le prévoit l'article LY 2. 7. 0 du règlement intérieur du barreau de LYON.
Présentée devant l'arbitre en première instance parmi les demandes reconventionnelles recevables, elle l'est tout autant en appel.
Sur le fond de la demande, Maître Y... ne conteste pas la réalité des prestations effectuées, d'ailleurs corroborées par les pièces produites par Maître A... mais se contente, pour s'opposer à la demande de paiement de cette facture, de prétendre que " sa réalité est douteuse ".
A défaut de justifier en quoi la somme réclamée ne correspondrait pas aux prestations effectuées par Maître A..., il est condamné à la payer.
La sentence arbitrale est réformée sur ce point.

Sur la demande de condamnation de Maître Y... au paiement d'une somme de 25 200 euros HT au titre des articles publiés sur le site de la société ISBL

Maître A... expose qu'il a écrit gratuitement environ 70 articles juridiques en deux ans pour le compte de Maître Y... qui les a exploités en exclusivité sur son site internet ISBL Consultants. N'ayant passé aucun contrat avec cette société, il s'estime fondé à obtenir la condamnation de Maître Y..., par ailleurs gérant de fait de la société ISBL Consultants à réparer le préjudice qu'il a subi du fait de l'absence de contre-partie pour le travail fourni suite à la rupture abusive de leurs relations et le manque à gagner qui en est résulté.
Au vu des pièces qu'il communique lui-même, notamment du courrier en date du 5 novembre 2008 adressé à la société ISBL Consultants, il apparaît, comme le plaide Maître Y... que Maître A... rédigeait ses articles pour permettre leur diffusion sur le site de la société ISBL Consultants ayant pour objet notamment la diffusion d'actualités juridiques et fiscales en ligne, sans qu'il ait pu être convenu, que ce soit avec la société ISBL ou avec Maître Y... d'une possibilité de rémunération.
La rupture de leurs relations, à même la supposer abusive ne peut en conséquence être à l'origine du préjudice revendiqué par Maître A... dès lors que, n'ayant jamais cédé ses droits d'auteur sur ses articles, il lui est toujours possible d'obtenir une contrepartie au travail fourni pour les rédiger en les publiant et en obtenant une rémunération.
La sentence arbitrale ayant rejeté cette demande est confirmée sur ce point.

Sur la publication du présent arrêt

Maître B... demande, afin de rétablir sa réputation à laquelle Maître Y... a tenté de porter atteinte que soit ordonnée la publication de la décision à venir auprès des instances de l'université Lyon III et auprès de Monsieur Émile E....
Il a été retenu que la preuve d'un dénigrement de Maître Y... à son encontre auprès de l'université Lyon III n'est pas rapportée de sorte que la publication réclamée ne peut se justifier pour réparer une faute qui n'existe pas.
Quant à sa demande de publication auprès de Monsieur E..., il n'y a pas lieu d'y donner suite, le préjudice que cette mesure serait destiné à réparer l'ayant déjà été par l'allocation de dommages et intérêts, étant rappelé au surplus que le présent arrêt étant rendu publiquement, Maître B... pourra en communiquer une copie à Monsieur E....

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable, dès lors qu'aucun des moyens articulés par Maître Y... au soutien de son appel à l'encontre de la sentence arbitrale déférée n'est accueilli, que Maître A... et Maître B... conservent à leur charge les frais irrépétibles qu'ils ont exposés pour faire valoir leurs droits.
Maître Y... est condamné à leur payer à chacun la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Maître Y... qui succombe est condamné à les payer.

PAR CES MOTIFS

La Cour,
Réformant la sentence déférée,
Dit que les demandes présentées par Maître Colas Y... sont recevables en sa qualité d'associé exerçant les fonctions d'avocat au nom de la Selarl NPS CONSULTING,
Condamne Maître Colas Y... en sa qualité d'associé exerçant les fonctions d'avocat au nom de la Selarl NPS CONSULTING à payer à Maître Philippe A... la somme de DEUX MILLE SOIXANTE TROIS euros DIX centimes (2 063, 10 euros) en paiement de sa facture no 2008/ 10000194,
Confirme le la sentence déférée pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboutant les parties de leurs plus amples demandes,
Condamne Maître Colas Y... en sa qualité d'associé exerçant les fonctions d'avocat au nom de la Selarl NPS CONSULTING à payer à Maître A... et à Maître B... la somme de MILLE CINQ CENTS euros (1 500 euros) chacun au titre des frais irrépétibles exposés en appel et les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct, pour ceux d'appel au profit des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Joëlle POITOUXMichel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 10/04332
Date de la décision : 29/02/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Analyses

Pourvoi n° N1218298 du 27 avril 2012 (AROB)


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2012-02-29;10.04332 ?
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