R. G : 10/ 07593
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 28 Février 2012
Décision du Tribunal d'Instance de LYON Au fond du 31 août 2010
ch no RG : 1110000703
Y...
C/
X... X...
APPELANTE :
Madame Yolande Y... née le 29 Mai 1947 à GRANVILLE (50400)...... 69004 LYON
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON
assistée de Me Christophe OBERDORFF, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Madame Martine X... née le 14 Janvier 1952 à Lyon (69004)... 75008 Paris
représentée par Me Charles-Henri BARRIQUAND, avocat au barreau de LYON
assistée de Me Laurent BANBANASTE, avocat au barreau de LYON
Monsieur Pierre X... né le 23 Mai 1957 à Lyon (69006)... 69004 Lyon
représentée par Me Charles-Henri BARRIQUAND, avocat au barreau de LYON
assistée de Me Laurent BANBANASTE, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 6 Janvier 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Janvier 2012
Date de mise à disposition : 28 Février 2012 Audience présidée par Françoise CLEMENT, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :- Pascal VENCENT, président-Dominique DEFRASNE, conseiller-Françoise CLEMENT, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Selon bail conclu en date du 1er août 2005, madame Josette X... a donné en location à madame Yolande Y... un appartement meublé avec jardin privatif et un parking en sous sol situé... 69004 Lyon, moyennant un loyer mensuel initial de 600, 00 € charges comprises, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction.
Madame Josette X... est décédée le 23 décembre 2007, laissant pour héritiers ses deux enfants Martine et Pierre X....
Saisi par assignation en date du 27 janvier 2009 délivrée par madame Martine X... en validité de congé et expulsion, le tribunal d'instance de Lyon, par jugement en date du 16 novembre 2009 a déclaré irrecevables ses demandes en ce qu'elles étaient présentées uniquement par elle alors qu'une partie des biens donnés en location était en indivision et a débouté Yolande Y... de ses demandes reconventionnelles au titre de la privation de jouissance du parking et des intrusions de Martine X... chez elle en l'absence de preuve.
Le 24 avril 2009, madame Martine X... a fait signifier un congé à sa locataire pour le 31 juillet 2009 aux fins de vente de l'appartement qu'elle avait reçu de sa mère au titre d'une donation partage.
Le 30 avril 2009, madame Martine X... et monsieur Pierre X..., propriétaires indivis au titre de l'indivision successorale, ont fait délivrer par huissier, un congé pour vente du parking pour le 31 juillet 2009.
Par acte en date du 10 mars 2010, madame Martine X... et monsieur Pierre X... ont fait citer devant le tribunal d'instance de Lyon madame Yolande Y... aux fins de voir, en application des articles 1715, 1134, 1741 du code civil et L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- constater la validité des congés donnés les 24 et 30 avril 2009 et prononcer la résiliation du bail liant les parties,
- ordonner l'expulsion de madame Yolande Y... et de tout occupant de son chef au besoin avec le concours de la force publique,
- condamner madame Yolande Y... à leur payer :
- une indemnité d'occupation du jour du prononcé du jugement à celui de son départ effectif, d'un montant identique au loyer actuel outre charges et une majoration mensuelle de 500, 00 € pour privation de jouissance,- une somme de 1. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,- une somme de 1. 000, 00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 31 août 2010, le tribunal d'instance de Lyon a :
- constaté la qualité à agir de Martine et Pierre X...,
- déclaré recevable leur action,
- constaté la validité du congé délivré le 24 avril 2009 par Martine X... et du congé délivré le 30 avril 2009 par Martine et Pierre X...,
- constaté la résiliation du bail en date du 1er août 2005 liant les parties,
- autorisé Martine et Pierre X... à faire procéder à l'expulsion de Yolande Y... et de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique, à défaut pour Yolande Y... d'avoir libéré les lieux loués dans les deux mois de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux,
- fixé en ce cas, l'indemnité d'occupation mensuelle à une somme égale au montant du loyer outre charges contractuelles qui auraient été dus au cas de non résiliation du bail,
- condamné Yolande Y... à la payer comme le loyer à la date d'exigibilité mensuelle et jusqu'à la libération effective des lieux loués,
- condamné Martine et Pierre X... à restituer à Yolande Y... la jouissance de l'emplacement de parking et à lui remettre un badge permettant l'ouverture du portail du garage,
- rejeté comme non fondées toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,
- condamné Yolande Y... aux dépens et à verser à Martine et Pierre X... la somme de 1. 000, 00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions signifiées le 5 décembre 2011 par madame Yolande Y... appelante selon déclaration du 22 octobre 2010, laquelle demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 août 2010 par le tribunal d'instance de Lyon,
- constater que madame Martine X... n'a jamais précisé à madame Yolande Y... les biens qu'elle entendait vendre au prix de 160. 000 €,
- constater que les biens donnés à bail par madame Josette X... à madame Yolande Y... comprenant un jardin, une loggia, un emplacement de parking et un studio n'ont nullement été proposés à la vente par madame Martine X... et monsieur Pierre X...,
- constater que le contrat de bail proposé le 2 septembre 2006 par monsieur Pierre X... ne comporte pas de liste de meubles meublants équipant le logement et tend à priver madame Yolande Y... de l'emplacement de parking,
- dire et juger que le contrat de bail d'habitation du 1er août 2005 n'est pas soumis aux dispositions de l'article L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation régissant les baux d'habitation meublés et que le congé délivré le 29 avril 2009 par madame X... et son frère pour le 31 juillet 2009 est nul du fait qu'il ne respecte pas les délais de préavis et dates de congés prévus par la loi du 6 juillet 1989,
- évaluer le montant de la réparation du fait de la privation du parking en sous-sol visé au contrat régularisé le 1er août 2005, à un cinquième du montant du loyer soit la somme mensuelle de 120, 00 €, et ce, depuis le 15 juillet 2006 jusqu'à restitution de la jouissance du parking et condamner en conséquence madame Martine X... et monsieur Pierre X... à régler à madame Y... la somme totale de 6. 060, 00 € arrêtée au 31 décembre 2010,
- condamner madame Martine X... à régler à madame Yolande Y... la somme de 3. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, résultant de l'absence de jouissance paisible (violations répétées de son domicile) et des propos injurieux tenus à son encontre,
- ordonner à madame Martine X... et monsieur Pierre X... de restituer à madame Yolande Y... le parking en sous-sol visé au contrat régularisé le 1er août 2005 sous astreinte de 250, 00 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- se réserver le pouvoir de liquider ladite astreinte,
très subsidiairement,
- accorder à madame Yolande Y... un délai de dix-huit mois pour quitter son logement situé... à 69004 LYON à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, compte tenu de son âge, de son état de santé déficient et du temps nécessaire à son relogement,
- condamner madame Martine X... et monsieur Pierre X... aux dépens et à payer à madame Yolande Y... la somme de 2. 000, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions signifiées le 8 juin 2011 par madame Martine X... et monsieur Pierre X... qui demandent à la cour de confirmer le jugement critiqué et condamner madame Y... aux dépens et à leur payer les sommes de :
-2. 500, 00 € à titre de dommages et intérêts,
-4. 200, 00 € au titre de l'arriéré de l'indemnité d'occupation équivalente aux loyers et charges courants exigibles d'après le décompte en date du 25 mai 2011,
-3. 000, 00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2012.
MOTIFS ET DÉCISION
La qualité pour agir de Martine et Pierre X... n'est plus discutée en cause d'appel par madame Yolande Y... ; le jugement du 31 août 2010 rendu par le tribunal d'instance de Lyon sera donc confirmé de ce chef.
- I-Sur la validité et la nature du contrat de bail
Comme l'a justement indiqué le premier juge, la comparaison entre la signature apposée au contrat de bail du 1er août 2005 sous la dénomination " le bailleur Josette X... " et celle apposée sous la même identité à l'acte notarié de donation-partage consentie le 25 septembre 2006 par madame Josette X... permet de constater une identité parfaite de signature.
Aucun élément ne permet donc comme le soutient à tort madame Yolande Y..., de constater que madame Josette X... n'était pas la signataire du bail conclu en août 2005.
Il résulte de ce contrat de bail, régulièrement convenu entre les parties, que madame Josette X... a donné à bail à madame Yolande Y..., un appartement meublé, dans un bon état général avec les éléments du descriptif de l'état des lieux joint à l'acte.
Aux termes de ce descriptif, il s'avère que l'appartement était équipé ainsi que l'a indiqué le premier juge, d'un canapé, d'une table et de ses trois chaises, d'un lit basculant avec matelas, d'une armoire, d'un lampadaire, de 4 sujets africains, de deux livres, d'une pendule, d'une couverture, de deux oreillers, de deux plaques électriques deux feux, d'un réfrigérateur, d'un mini four ainsi que de vaisselle : 9 assiettes creuses, 9 assiettes plates, 5 verres, 2 déjeuners, un grand bol, 4 cuillères à potage, 5 fourchettes, 5 couteaux, 1 épluche légume, un fouet, une louche, un aiguise couteaux, 4 casseroles, une cocotte, 4 couvercles, une mini casserole jaune, une planche à hacher, une corbeille paille ainsi qu'une table et deux chaises pour le jardin.
Comme l'a de façon pertinente considéré le premier juge dont la cour adopte en cela les motifs, si le logement ne dispose d'aucune penderie, en revanche, il est meublé d'une armoire et de rayonnages, une télévision et un lave linge ne constituant pas des éléments indispensables à l'usage de l'appartement qui comporte trois chaises permettant aisément de prendre ses repas assis ; au moment de l'état des lieux la locataire n'a émis aucune objection concernant le bon état du matériel qui lui était remis et il convient donc de constater que le logement a été loué avec les meubles suffisants pour permettre à un locataire d'y vivre convenablement.
Il résulte de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 dont les dispositions sont d'ordre public, qu'elles s'appliquent aux locations de locaux à usage d'habitation ainsi qu'aux garages, places de stationnement, jardins et autres locaux loués accessoirement au local principal par le même bailleur mais que toutefois elles ne s'appliquent pas aux locaux meublés.
La mise en location d'un jardin, d'une loggia et d'un emplacement de parking accessoires à une habitation meublée n'exclut pas l'application des dispositions relatives aux locaux meublés d'autant que ces éléments ne sont régis par la loi du 6 juillet 1989 que s'ils sont l'accessoire d'un logement relevant lui-même de cette loi, tel n'étant pas le cas en l'espèce.
Il convient en conséquence de dire et juger que le contrat de bail conclu entre les parties relève des dispositions légales concernant les logements meublés, confirmant en cela la décision du premier juge.
- II-Sur la validité des congés
Les dispositions d'ordre public de l'article L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation relatif aux mesures destinées à la protection des occupants de certains meublés précisent que toute personne qui loue un logement meublé, que la location s'accompagne ou non de prestations secondaires, bénéficie d'un contrat établi par écrit d'une durée d'un an dès lors que le logement loué constitue sa résidence principale ; le bailleur qui ne souhaite pas renouveler le contrat doit informer le locataire en respectant un préavis de trois mois et motiver son refus de renouvellement du bail par sa décision de reprendre ou de vendre le logement.
En l'espèce, par acte d'huissier en date du 24 avril 2009, Martine X... a donné congé à madame Y... pour vente de l'appartement meublé avec jardin privatif sis ... 69004 Lyon pour le 31 juillet 2009 ; par acte d'huissier en date du 30 avril 2009, Martine et Pierre X... ont par ailleurs signifié à leur locataire un congé aux fins de vente du parking en sous-sol, loué suivant acte établi en date du 1er août 2005, pour le 31 juillet 2009.
Ces congés sont réguliers et contrairement à ce qu'invoque madame Y..., ne sont pas conditionnés à l'offre de vente préalable devant être faite au locataire en application de la loi du 6 juillet 1989.
Il convient en conséquence d'ordonner l'expulsion de madame Y..., le conflit opposant les parties depuis 2008 ne conduisant à l'octroi d'aucun délai à ce titre, la locataire connaissant la décision de vendre de sa bailleresse depuis fort longtemps alors même qu'un congé lui avait été régulièrement délivré en ce sens.
Le jugement critiqué sera donc confirmé de ce chef, sauf à fixer à la somme de 4. 200, 00 € l'arriéré dû par madame Y... au titre des indemnités d'occupation arrêtées au 25 mai 2011.
- III-Sur la demande en dommages-intérêts présentée par Martine et Pierre X...
Il ressort des documents produits au dossier qu'alors même que des négociations avaient été amorcées entre les parties à l'initiative de la bailleresse concernant la vente à madame Y... de l'appartement qu'elle occupait, cette dernière s'est opposée aux visites organisées en vue de la vente du bien immobilier ainsi qu'il ressort des courriers et mail délivrés par les agences missionnées à ce titre par la venderesse. (pièces 3, 4 et 5 de madame X...).
L'abus ainsi caractérisé à l'encontre de madame Y... sera justement indemnisé par l'octroi d'une somme de 1. 400, 00 € à titre de dommages-intérêts.
- IV-Sur la demande en dommages-intérêts présentée par madame Y... au titre de la jouissance du parking en sous-sol
Il n'est pas contestable que madame Y..., aux termes du contrat de bail, devait bénéficier d'un emplacement de parking au sous-sol de l'immeuble ; la jouissance de cet emplacement de parking ne peut être sérieusement remise en cause par la simple constatation faite par huissier de justice, de la présence d'une moto sur cet emplacement au cours d'une seule journée du mois de mars 2010, le stationnement du véhicule de la locataire en dehors du parking en sous-sol ne pouvant suffire à établir l'impossibilité qu'aurait eue cette dernière d'utiliser la place de parking.
L'absence de démonstration par les bailleurs de la remise d'un badge ou de la possibilité d'activation par téléphone du locataire ou composition d'un code, de l'ouverture du portail ou du portillon, à compter de l'installation en novembre 2009, d'un nouveau système de fermeture de la copropriété tel que voté en assemblée générale des copropriétaires le 29 avril 2009, justifie la réalité du préjudice de jouissance allégué par la locataire, peu important l'absence d'utilisation permanente et seulement épisodique par éventuellement certains de ses visiteurs, de l'emplacement de parking ainsi donné à bail.
Un tel préjudice sera compensé par l'octroi d'une indemnité de 50, 00 € par mois arrêtée à la somme de 1. 400, 00 € au jour du présent arrêt, compte tenu du fait de la possibilité aisée de trouver un emplacement de parking extérieur au pied de l'immeuble ; compte tenu de l'expulsion ordonnée à l'encontre de la locataire, il n'y a lieu d'ordonner ni la délivrance d'un badge de parking à la locataire, ni la restitution à cette dernière de la jouissance paisible de son emplacement de parking.
- V-Sur la demande en dommages-intérêts supplémentaires présentée par madame Y...
Les manquements des parties à leurs obligations, constatés de part et d'autres, ne justifient nullement que des dommages-intérêts soient alloués à madame Y... au titre du comportement de ses bailleurs.
- VI-Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi en cause d'appel, à madame Martine X... et monsieur Pierre X... d'une somme de 1. 500, 00 € en sus de l'indemnité déjà allouée à ce titre par le premier juge.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Réforme le jugement rendu par le tribunal d'instance de Lyon le 31 août 2010 en ce qu'il a condamné madame Martine X... et monsieur Pierre X... à restituer à Yolande Y... la jouissance de l'emplacement de parking et à lui remettre un badge permettant l'ouverture du portail du garage,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe à la somme de 4. 200, 00 € arrêtée au 25 mai 2011 le montant de l'indemnité d'occupation dont est redevable madame Yolande Y... à compter de la résiliation du bail et condamne cette dernière à payer cette somme à madame Martine X... et monsieur Pierre X...,
Déboute madame Yolande Y... de sa demande tendant à la délivrance d'un badge de parking et de la restitution de son emplacement de parking,
Condamne madame Yolande Y... à payer à madame Martine X... et monsieur Pierre X... une somme de 1. 500, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamne madame Yolande Y... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, pour ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
Le greffierLe président