AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 11/05171
[E]
C/
SARL D'ARCHITECTURE G. CHAMPAVERT
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE
du 04 Juillet 2011
RG : F 10/00339
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 24 FEVRIER 2012
APPELANTE :
[E] [E]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 5]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
comparant en personne,
assistée de Me Romain MAYMON,
avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉE :
SARL D'ARCHITECTURE G. CHAMPAVERT
ayant pour nom commercial GROUPE CIMAISE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES
(Me Joseph AGUERA), avocats au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 29 Août 2011
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Janvier 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Hélène HOMS, Conseiller
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Assistées pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 24 Février 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Suzanne TRAN, Adjoint assermenté faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS ET PROCEDURE
Attendu que le conseil de prud'hommes de Saint Etienne, section activités diverses, par jugement contradictoire du 4 juillet 2011, a :
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de madame [E] à la somme de 2.737,80 euros
Sur l'exécution du contrat
-condamné la Sarl d'Architecture G.Champavert Groupe Cimaise au paiement des sommes suivantes :
*2.737, 80 euros à titre d'indemnité de requalification
*1.906, 23 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 190,23 euros bruts au titre des congés payés afférents
*915,49 euros bruts à titre de rappel sur congés de fractionnement
Sur le licenciement
- confirmé le motif économique du licenciement de madame [E] par le Groupe Cimaise
- débouté madame [E] du surplus de ses demandes
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ni intérêt au taux légal avec capitalisation
- débouté la Sarl d'Architecture G.Champavert de l'ensemble de ses demandes
- dit que les éventuels dépens de l'instance seront partagés entre les parties;
Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par madame [E]. ;
Attendu que madame [E] a été engagée par la Sarl d'Architecture G. Champavert suivant contrat à durée déterminée en qualité de dessinateur projeteur à compter du 9 octobre 2001, lequel a été conclu sans indication de motif puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2002 ;
Que son revenu mensuel brut s'est élevé à 2737,80 euros ;
Attendu que madame [E] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 2 février 2010, par lettre remise en main propre contre décharge du 22 janvier 2010 ;
Qu'elle a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 février 2010 «sous réserve du refus de CTP» pour motif économique ;
Qu'elle a accepté le 12 février 2010 un contrat de transition professionnelle ;
Que par lettre du 16 février 2010, la Sarl d'Architecture G. Champavert a notifié à la salariée la rupture d'un commun accord ;
Attendu que madame [E] a déclaré à l'audience être âgée de 39 ans à la date de rupture des relations contractuelles, avoir perçu des allocations chômage jusqu'en octobre 2010 date à laquelle elle a retrouvé un travail lui procurant un revenu inférieur ;
Attendu que la Sarl d'Architecture G. Champavert emploie plus de 11 salariés (16) et est dotée d'institutions représentatives du personnel ;
Que la convention collective applicable est celle des entreprises de l'architecture ;
Attendu que madame [E] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 13 janvier 2012, visées par le greffier le 13 janvier 2012 et soutenues oralement, de :
Sur l'exécution du contrat
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne en ce qu'il a condamné la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise à lui payer les sommes suivantes :
*2.737, 80 euros à titre d'indemnité de requalification (article L1245-2 du code du travail)
*1.906, 23 euros bruts à titre de rappel sur heures supplémentaire pour la période d'avril 2005 à mai 2006 outre 190,23 euros bruts au titre des congés payés afférents
*915,49 euros bruts à titre de rappel sur congés de fractionnement
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre du travail dissimulé
- en conséquence condamner la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise à lui payer la somme de 16.426,80 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé outre intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir
- condamner la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise à lui payer la somme de 2718,20 euros bruts au titre des heures supplémentaires afférentes à la période courant de janvier 2007 à décembre 2009 outre 271,82 euros bruts au titre des congés payés afférents et intérêts légaux
Sur le licenciement
A titre principal
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents
' dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
' condamner la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise au paiement des sommes suivantes :
* 32.853,60 euros à titre de dommages et intérêts outre intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir
* 5.475,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre intérêts légaux à compter de la demande
* 547,60 euros bruts au titre des congés payés sur préavis
A titre subsidiaire
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des critères de licenciement
- en conséquence dire et juger que les critères d'ordre des licenciements n'ont pas été respectés
-condamner la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise au paiement de la somme de 32.853,60 euros au titre du non-respect de l'article L. 1233-5 du code du travail outre intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir
En tout état de cause,
- débouter la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise de l'ensemble de ses demandes
- condamner la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise à lui payer 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 13 janvier 2012, visées par le greffier le 13 janvier 2012 et soutenues oralement, de :
- confirmer le jugement en ses dispositions satisfactoires
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à madame [E] des rappels d'heures supplémentaires et congés payés afférents et des rappels de salaires sur congés de fractionnement
- débouter madame [E] de l'intégralité de ses demandes
- ordonner la répétition des sommes versées au titre de l'exécution provisoire
- condamner madame [E] à lui payer 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et lui laisser la charge des dépens de l'instance ;
Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Sur la demande au titre de l'indemnité de requalification
Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 2737,80 euros à titre d'indemnité de requalification en application de l'article L 1245- 2 du code du travail, le contrat à durée déterminée signé le 9 octobre 2001 ayant été conclu sans indication de motif en violation des dispositions de l'article L1242-12 du code du travail ;
Qu'en cause d'appel, l'employeur n'élève d'ailleurs aucune contestation de quelque nature que ce soit au paiement de cette indemnité due, indépendamment de la poursuite de la relation contractuelle après l'échéance du terme, s'agissant d'une irrégularité entachant le contrat à durée déterminée ;
Sur la demande au titre des jours de fractionnement
Attendu que madame [E] poursuit la condamnation de l'employeur à lui payer 9 jours de congés supplémentaires de fractionnement pour les années 2005 à 2009, en application de l'article VIII 2-2 de la convention collective applicable ;
Que l'employeur lui oppose un accord collectif d'entreprise signé le 30 mai 2000 aux termes duquel a été adoptée la «suppression de deux jours de congés supplémentaires de fractionnement des congés», dont la salariée a été informée lors de son entretien d'embauche et dont le texte est tenu à disposition des salariés ;
Attendu que d'une part, si l'employeur justifie avoir offert à son personnel lors d'une réunion tenue le 31 janvier 2000, date à laquelle madame [E] n'était pas salariée de l'entreprise, d'étudier différentes propositions pour le passage ou non de l'horaire hebdomadaire à 35 heures et obtenu l'adhésion des différents membres du personnel présents à la solution 4 prévoyant notamment : «35 heures travaillées réglées 39 heures et suppression de deux jours de congés supplémentaires en cas de fractionnement des congés sur demande des salariés», il ne démontre aucunement que cet accord ait fait l'objet d'une transcription sur l' «accord portant sur la réduction du temps de travail» signé le 30 mai 2010 et déposé en août 2000 au greffe du conseil de prud'hommes et à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation de la Loire ;
Que l'employeur ne démontre aucunement ni que la solution n°4 adoptée le 31 janvier 2000 constitue une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement susceptible de pouvoir être dérogatoire aux dispositions de l'article L3141-19 du code du travail ni avoir procédé au dépôt de cet accord conformément aux exigences posées par les articles L2231-1 et suivants, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;
Que la salariée est fondée à soulever à son égard l'inopposabilité de la solution n°4 adoptée le 31 janvier 2000, à laquelle elle n'a pas été signataire ;
Attendu que d'autre part, indépendamment de la qualification juridique de cet «accord», l'employeur ne justifie aucunement avoir remis à la salariée une notice au sens de l'article R2262-1 du code du travail l'informant de l'existence d'un tel accord ;
Que le fait que la salariée n'ait pas élevé de réclamation pendant toute la durée du travail ne permet nullement d'établir que cette dernière en avait eu personnellement connaissance et en connaissait l'existence ;
Attendu enfin, que si les demandes de la salariée sont contestées en leur principe, l'employeur n'élève aucune contestation portant sur le quantum des jours réclamés et sur le montant de la contrepartie financière en résultant ;
Que les calculs opérés par la salariée étant pertinents, le jugement doit être confirmé de ce chef ;
Sur la demande au titre des heures supplémentaires
Attendu que madame [E] poursuit son employeur à lui payer 112,25 heures supplémentaires sur la période de mai 2005 à avril 2006 soit la somme de 1.906,23 euros outre les congés payés et 260, 50 heures supplémentaires majorées et 28,95 heures non majorées sur la période de janvier 2007 à décembre 2009, de laquelle elle a déduit les «primes exceptionnelles»versées par l'employeur ( 886,75 euros en 2008 et 3.100,17 euros en 2007) soit un solde restant dû de 2.718,20 euros bruts outre les congés payés ;
Que l'employeur s'y oppose ;
Attendu qu'en application de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
Qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Qu'il en résulte que le salarié doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments et que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ;
Attendu que si l'employeur évoque un horaire collectif en vigueur dans l'entreprise (lundi 9h-12h et 14h-18h, mardi à jeudi 8h-12h et 14h-18h et vendredi 8h-12h), il n'en justifie point ;
Que cet horaire ne figure uniquement que sur le document établi le 31 janvier 2000, précédemment analysé, au titre de la solution n°4 ;
Qu'il n'est aucunement justifié par l'employeur ni de l'affichage d'un tel horaire de travail ni d'une transmission à l'inspection du travail en application des articles L3171-1, D3171-4 et 17 du code du travail ;
Que la salariée est fondée à soutenir qu'elle n'est pas soumise à un horaire collectif de travail ;
Sur la période de mai 2005 à 2006
Attendu que madame [E] verse régulièrement aux débats des copies de «relevés d'heures» tenus par elle et dont il n'est pas contesté qu'ils étaient remis à l'employeur lors de leur établissement, peu important qu'il n'ait pas fait l'objet de visa exprès de l'employeur ;
Que sont même produites les notes des 25 mai 2005 et 21 avril 2006 de l'employeur invitant le personnel à adresser ses fiches d'heures avant le 15 du mois ;
Que ces relevés font apparaître la réalisation de 112,25 heures supplémentaires;
Que l'employeur, indépendamment de la finalité ayant conduit à l'établissement de tels relevés aux fins ou non d'évaluation indicative du temps passé sur les dossiers , de facturation aux clients, ne peut sérieusement soutenir que les heures supplémentaires accomplies l'aient été sans demande et autorisation de sa part, ne justifiant aucunement avoir invité la salariée, à réception de ces relevés pourtant explicites, à se conformer à un son horaire de travail de 35 heures contractuellement défini ;
Que le fait que la salariée n'ait formulé aucune demande en paiement d'heures supplémentaires durant la relation contractuelle de travail est totalement inopérant ;
Attendu que les premiers juges ont justement condamné l'employeur à payer les heures supplémentaires réclamées, le calcul opéré par la salariée n'étant aucunement critiqué par l'employeur et se révélant exact ;
Sur la période de janvier 2007 à décembre 2009
Attendu que sur cette période, il est constant que le système précédemment en vigueur de relevés d'heures établis par le personnel et remis à l'employeur n'est plus en vigueur ;
Attendu que la salariée verse aux débats ses agendas personnels pour les années 2007, 2008, 2009 et des courriels adressés par elle le vendredi 16 novembre 2007 à 12h51, le mercredi 5 décembre 2007 à 12h18, le vendredi 23 novembre 2007 à 7h55, le jeudi 22 novembre 2007 à 20h20, 20h25, 20h26, le mardi 20 novembre 2007 à 18h28, le vendredi 9 novembre 2007 à 17h24, le dimanche 21 octobre 2007 à 11h02, le samedi 20 octobre 2007 à 17h42,18h20, le jeudi 18 octobre 2007 à 18h58, 19h11, 19h44, 19h47, le mardi 16 octobre 2007 à 18h57, le vendredi 30 octobre 2009 à 12h51, le mercredi 14 octobre 2009à 18h32,18h43,18h44, le mardi 21 avril 2009 à18h12, le 1er avril 2009 à 18h09,18h14, le jeudi 26 mars 2009à18h23, le vendredi 13 mars 2009 à 12h42, le mardi 24 février 2009 à18h15, le jeudi 12 février 2009 à 19h02, le mercredi 4 février 2009 à 18h21, le mardi 20 janvier 2009 à 18h12 ;
Qu'elle produit également une attestation de monsieur [V], ancien co-gérant, attestant que sa demande de réduction du temps de travail avait été refusée du fait de la charge d'activité du cabinet, des emplois du temps de son mari enseignant et des listings de déplacements accomplis par elle de décembre 2008 à décembre 2009 ;
Attendu que l'employeur critique la pertinence des éléments produits par la salariée et verse aux débats une «attestation» commune à six salariés précisant que «les ordinateurs du bureau de dessin de l'agence sont configurés avec le même code d'accès. Cela permet à chaque salarié de recourir à l'ensemble des fonctions spécifiques de chaque appareil : envoyer des mails, accéder au serveur de l'agence et ainsi utiliser la boîte mail de l'ordinateur de chaque collègue», avec en annexe les pièces d'identité des signataires ;
Attendu que la salariée a mentionné sur les agendas personnels versés aux débats non seulement les horaires de travail revendiqués, les affaires sur lesquelles elle est personnellement intervenue, des observations relatives aux actions spécifiques menées par elle ;
Que c'est à partir des mentions figurant sur ses agendas qu'elle a procédé au calcul des heures supplémentaires ;
Que dès lors les 4 discordances relevées par l'employeur entre les mentions portées par madame [E] sur ses agendas et les heures de courriels, l'heure de départ étant antérieure à l'envoi de courriels sont totalement inopérantes ;
Que pour l'année 2007, aucun paiement d'heures supplémentaires n'est réclamé, la salariée considérant ayant été remplie de ses droits par le versement de trois primes exceptionnelles d'un montant global de 3.100,17 euros ; Que l'absence du 23 novembre 2007, notée sur l'agenda de madame [E], soulignée par l'employeur ,n'est pas plus pertinente lui-même démontrant que l'ordinateur mis à disposition de la salariée pouvait être utilisée par d'autres salariés du cabinet ;
Attendu que la salariée a fourni des éléments de nature à étayer sa demande suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur, nécessairement au courant de l'activité déployée par sa salariée et de sa charge de travail, de pouvoir y répondre utilement en fournissant ses propres éléments relatifs aux horaires de celle-ci ;
Que l'employeur ne produisant aucun élément relatif au travail accompli par la salariée de nature à combattre les éléments versés aux débats par cette dernière, la cour a la conviction que madame [E] a accompli des heures supplémentaires ;
Que ces calculs développés par madame [E] la rendant créancière d'une somme de 2.718, 20 euros outre les congés payés y afférents doivent être avalisée ;
Sur la demande au titre du travail dissimulé
Attendu que madame [E] a accompli des heures supplémentaires dont l'employeur connaissait l'importance par la remise des relevés d'heures jusqu'en 2006 ou pouvait en mesurer l'importance au regard de la charge de travail qui était confiée à la salariée à partir de 2007 et a fait choix de servir en 2007et 2008 des primes exceptionnelles substantielles en récompense des heures accomplies ;
Attendu que l'employeur a, donc, de manière intentionnelle, omis de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par sa salariée, ce qui constitue un fait de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié au sens de l'article L8221-5 du code du travail ;
Qu'aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l'article L. 8221-5, le salarié a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, à moins que l'application de règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable ;
Attendu que madame [E] a perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 6.400,03 euros et est en droit de percevoir une indemnité de travail dissimulé de 16.426,80 euros ;
Que madame [E] est donc créancière d'un solde d'indemnité de travail dissimulé de 10.026,77 euros ;
Que le jugement doit être infirmé de ce chef ;
Sur la rupture des relations contractuelles
Attendu que l'employeur, qui se présente lui-même comme appartenant à un groupe composé de trois autres sociétés : les sociétés ACC, Ingesun et Cimaise Ingenierie, a licencié madame [E] pour motif économique, évoquant une réorganisation, «afin de ne pas mettre en péril son existence et sauvegarder sa compétitivité», «se traduisant par une réduction de la masse salariale afin de l'adapter à sa charge de travail» ;
Attendu qu'en application de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou à une cessation d'activité ;
Que lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ;
Attendu que l'employeur verse régulièrement aux débats ses bilans au 31 décembre 2007, 2008, 2009 et 2010 desquels il résulte que :
- le chiffre d'affaires est passé de 2.456.405 euros à 2.415.025 euros à 1.703.957euros à 1.736.784 euros
- le résultat d'exploitation est passé de 322.376 euros à 192.546 euros à 25.571 euros à 45.427 euros
- le bénéfice est passé de 224.572 euros à 131.332 euros à 20.395 euros à 3.3424 euros ;
Que la société intimée justifie d'un ralentissement sévère de son activité qui a perduré du fait de l'ampleur de la crise économique frappant notamment le secteur immobilier et le bâtiment ;
Attendu que concernant la société AAC, le chiffre d'affaires est passé de 377.133 euros en 2008 à 284.268 euros en 2009, le résultat d'exploitation de 88.947 euros en 2008 à 33.276 euros en 2009 et le bénéfice est passé de 281.848 euros en 2008 à 119.736 euros à 2009 à 36.580 euros en 2010 ;
Attendu que concernant la société Ingesun, immatriculée au registre des commerces et des sociétés le 4 novembre 2009, dont l'activité a démarré en 2010, le bénéfice dégagé est de 620 euros, le résultat d'exploitation s'est élevé à 830 euros ;
Attendu que concernant la société Cimaise Ingénierie, le chiffre d'affaires est passé de 315.611 euros en 2008 à 46.687 euros en 2009, le résultat d'exploitation de 13.278 euros en 2008 à moins 4.513 euros en 2009 et le bénéfice est passé de 12.996 euros en 2008 à une perte de 4.865 euros en 2009 ;
Attendu que les difficultés économiques de l'employeur appréciées tant au sein de la société qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sont réelles ;
Que d'ailleurs les délégués du personnel consultés le 21 janvier 2010 ont «confirmé les difficultés économiques rencontrées par la société et le secteur d'activité du groupe» ;
Attendu que l'employeur a mentionné dans la lettre de rupture la suppression du poste occupé par madame [E] et lui a précisé :
«Malheureusement et en dépit d'une recherche effective en ce sens, nous ne sommes pas en mesure de vous proposer un poste de reclassement en interne.
En effet, compte tenu de la petite taille de notre société, aucun poste actuellement disponible n'est à pourvoir.
Quant aux sociétés du groupe, elles n'emploient aucun salarié.
Nous avons étendu nos recherches auprès des sociétés situées dans le bassin d'emploi de la région stéphanoise, ainsi qu'auprès de l'Union nationale des syndicats d'architectes.
Grâce à ces recherches, vous avez pu bénéficier d'un entretien avec la société «Agence Mantout» en vue d'une embauche éventuelle.
Bien entendu, si nous avons connaissance d'autres offres de postes disponibles, nous ne manquerons pas de vous en informer» ;
Attendu que par application de l'article L1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ;
Que les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises ;
Que le reclassement doit en outre être recherché avant la décision de licenciement, au sein de la société comme au sein des sociétés du groupe entre lesquelles la permutabilité du personnel est possible, et l'employeur doit s'expliquer sur la permutabilité et ses éventuelles limites, au regard des activités, ou de l'organisation, ou du lieu d'exploitation ;
Attendu que le livre d'entrée et sortie du personnel de la société Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise comporte des embauches réalisées le 1er mars 2010 d'un pilote de chantier et le 1er juin 2010 d'une secrétaire technique en contrat à durée déterminée respectivement d'une année pour le premier et de 4 jours pour le second;
Que le contrat pour le poste de pilote de chantier a été conclu le 26 février 2010 à effet au 1er mars 2010 pour «faire face à un accroissement temporaire d'activité résultant des travaux d'aménagement des infrastructures du Géant de [Adresse 6]» ;
Que si l'employeur évoque le décès de monsieur [V] pour justifier une telle embauche non programmée, le livre d'entrée et sortie du personnel versé aux débats ne mentionne qu'un seul monsieur [V] [V] présent en «CDI» dans l'entreprise en qualité d'inspecteur principal du 2 octobre 2006 au 31 décembre 2009 ;
Attendu qu'indépendamment de l'ambigüité entourant le motif de recours à un emploi en contrat à durée déterminée, l'employeur a manqué à son obligation de reclassement en embauchant moins de 3 jours après la sortie de ses effectifs de madame [E] un salarié en contrat de durée déterminée d'une année sans nullement établir avoir entrepris tous les efforts de formation et d'adaptation rendant impossible toute offre de proposition de reclassement à cette dernière ;
Que le simple fait que madame [E] soit positionnée niveau III position I coefficient 320 et que le pilote de chantier ait été engagé niveau IV position II coefficient 500, alors même que les fiches de postes ne sont pas produites aux débats et qu'il n'est pas justifié d'une «expérience au poste de près de 20 ans» de la personne recrutée, ne peut suffire à établir que ce poste n'entrait pas dans le champ des compétences de madame [E] par une adaptation n'impliquant pas de mise en place de formation lourde débouchant sur une nouvelle qualification professionnelle ;
Attendu que par ailleurs, contrairement à ce qu'énonce l'employeur dans sa lettre de rupture des relations contractuelles, la société AAC, société du groupe, emploie un salarié ;
Qu'il n'est justifié d'aucune recherche de reclassement auprès de cette société ;
Attendu que le licenciement dont madame [E] a été l'objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Que le jugement doit être infirmé de ce chef ;
Sur les conséquences financières de la rupture des relations contractuelles
Attendu qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, madame [E] avait au plus de deux années d'ancienneté et que l'entreprise employait habituellement au moins onze salariés ;
Qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, elle peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement;
Attendu que la cour dispose d'éléments suffisants, eu égard à l'âge de la salariée, aux circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et aux difficultés quasi- inexistantes de reconversion professionnelle rencontrées, pour allouer à madame [E] une indemnité définitive devant lui revenir personnellement, pouvant être justement évaluée à la somme de 17.000 euros ;
Attendu que madame [E] est en droit également de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois soit 5.475, 60 euros outre les congés payés y afférents ;
Attendu que les créances de nature salariale sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur, en application de l'article 1153 du code civil ;
Que les autres créances de nature indemnitaire le sont à compter du prononcé du présent arrêt ;
Qu'il n'est pas démontré de préjudice spécifique justifiant que le point de départ soit fixé à une date antérieure;
Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise à payer à madame [E] les sommes suivantes :
*2.737, 80 euros à titre d'indemnité de requalification (article L1245-2 du code du travail)
*1.906, 23 euros bruts à titre de rappel sur heures supplémentaire pour la période d'avril 2005 à mai 2006 outre 190,23 euros bruts au titre des congés payés afférents
*915,49 euros bruts à titre de rappel sur congés de fractionnement et infirmé en toutes ses autres dispositions ;
Attendu que les dépens d'instance et d'appel resteront à la seule charge de la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise qui succombe en toutes ses demandes et doit être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les considérations d'équité justifient que soit allouée à madame [E] une indemnité de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise à payer à madame [E] les sommes suivantes :
*2.737, 80 euros à titre d'indemnité de requalification
*1.906, 23 euros bruts à titre de rappel sur heures supplémentaire pour la période d'avril 2005 à mai 2006 outre 190,23 euros bruts au titre des congés payés afférents
*915,49 euros bruts à titre de rappel sur congés de fractionnement
L'infirme en toutes ses autres dispositions,
Statuant à nouveau de ces chefs :
Condamne la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise à payer à madame [E] les sommes suivantes :
* 2.718,20 euros bruts au titre des heures supplémentaires afférentes à la période courant de janvier 2007 à décembre 2009 outre 271,82 euros bruts au titre des congés payés afférents
* 10.026,77 euros à titre de solde d'indemnité pour travail dissimulé
* 17.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 5.475,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 547,60 euros bruts au titre des congés payés sur préavis
Dit que les créances de nature salariale sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur, en application de l'article 1153 du code civil et les autres créances de nature indemnitaire à compter du prononcé du présent arrêt,
Condamne la Sarl d'Architecture G. Champavert Groupe Cimaise à payer à madame [E] 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'instance et d'appel.
Le GREFFIERLe PRESIDENT
Suzanne TRANNicole BURKEL