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21/02/2012 | FRANCE | N°10/07332

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 21 février 2012, 10/07332


R. G : 10/ 07332
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 21 Février 2012

Décision du Tribunal d'Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE Au fond du 06 septembre 2010

RG : 11-09-989 ch no

X...

C/
Y... B...

APPELANT :
M. Raymond X... né le 30 septembre 1949 à LE PERREON (69)... 71120 CHAROLLES

représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON
assisté de la SELARL DELMAS-LAVIROTTE, avocats au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE, représentée par Me LAVIROTTE
INTIMES :
Monsieur David Y... né le 13 A

vril 1970 à DRANCY (93700)... 01990 SAINT-TRIVIER-SUR-MOIGNANS

représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au ...

R. G : 10/ 07332
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 21 Février 2012

Décision du Tribunal d'Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE Au fond du 06 septembre 2010

RG : 11-09-989 ch no

X...

C/
Y... B...

APPELANT :
M. Raymond X... né le 30 septembre 1949 à LE PERREON (69)... 71120 CHAROLLES

représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON
assisté de la SELARL DELMAS-LAVIROTTE, avocats au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE, représentée par Me LAVIROTTE
INTIMES :
Monsieur David Y... né le 13 Avril 1970 à DRANCY (93700)... 01990 SAINT-TRIVIER-SUR-MOIGNANS

représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON
assisté de Me Françoise DOUSSON BILLOUDET, avocat au barreau de l'AIN

Madame Ghislaine B... épouse Y... née le 12 Juillet 1965 à MONTEREAU FAULT VYONNE (77130)... 01990 SAINT-TRIVIER-SUR-MOIGNANS

représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON
assistée de Me Françoise DOUSSON BILLOUDET, avocat au barreau de l'AIN
******
Date de clôture de l'instruction : 05 Décembre 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Janvier 2012
Date de mise à disposition : 21 Février 2012 Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président-Dominique DEFRASNE, conseiller-Françoise CLEMENT, conseiller

assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
En date du 1er mars 2003, monsieur David Y... et son épouse madame Ghislaine B..., ont signé avec monsieur Raymond X..., un bail d'habitation pour une maison située... à Saint Georges de Reneins, moyennant le paiement d'un loyer mensuel d'un montant de 640, 00 €.
En date du 5 août 2008, ils ont reçu un courrier recommandé de monsieur Raymond X... leur indiquant que le bail arrivait à échéance le 28 février 2009 et qu'il n'entendait pas le renouveler afin de reprendre possession de la maison en vue de l'occuper lui-même conformément à l'article 15-1 de la loi No89-462 du 6 juillet 1989.
Un litige est apparu concernant la restitution de la caution versée par les locataires lors de leur entrée dans les lieux ; par jugement du 8 juillet 2009, le juge de proximité de Villefranche sur Saône a condamné monsieur X... à payer à monsieur Y..., à titre de restitution du solde du dépôt de garantie, la somme de 367, 47 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2009 et débouté le bailleur de sa demande reconventionnelle au titre des frais de réparation imputables selon lui au locataire.
Au mois de juillet 2009, soit quatre mois après leur départ, les époux Y... ont appris par leurs anciens voisins, qu'un nouveau couple avait emménagé dans la maison dont ils avaient été congédiés ; ils ont alors assigné monsieur X... devant le tribunal d'instance de Villefranche Sur Saône aux fins de voir :
- dire et juger que le congé délivré par monsieur X... est frauduleux,- condamner monsieur X... à leur verser la somme de 21. 930, 78 € à titre de dommages-intérêts,- condamner monsieur X... à leur verser la somme de 1. 000, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 6 septembre 2010, le tribunal d'instance de Villefranche sur Saône a :
- constaté la nullité du congé délivré par Raymond X... à David et Ghislaine Y... le 5 août 2008,- condamné Raymond X... à régler à David et Ghislaine Y... la somme de 16. 930, 00 € en réparation des préjudices matériels,- condamné Raymond X... aux dépens et à régler à David et Ghislaine Y... la somme de 800, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Vu les conclusions signifiées le 24 novembre 2011 par monsieur X... Raymond, appelant selon déclaration du 13 octobre 2010, lequel demande à la cour de :
- réformer la décision rendue en tous points,
- constater la validité du congé délivré,
- dire n'y avoir lieu à dommages et intérêts au profit de monsieur et madame Y...,
- les condamner aux dépens et à lui payer à une somme de 2. 000, 00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions signifiées le 26 avril 2011 par monsieur et madame Y... qui demandent à la cour de :

- réformer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice moral des époux Y...,
- condamner monsieur Raymond X... à payer à monsieur David Y... et madame Ghislaine B... la somme de 5. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- débouter monsieur X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires,
- condamner monsieur Raymond X... aux dépens et à payer à monsieur David Y... et madame Ghislaine B... la somme de 2. 000, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2011.
MOTIFS ET DÉCISION

I) Sur le caractère frauduleux du congé délivré par le bailleur

Monsieur X... soutient avoir réellement occupé la maison ayant fait l'objet du congé ainsi que les factures de consommation d'eau et d'électricité, les photos et les attestations qu'il produit le démontrent ; il ajoute qu'aucune durée d'occupation minimale n'est requise en l'espèce par la loi et qu'il a légitimement pu après cinq mois d'occupation, aller s'installer à Charolles.
Il explique enfin que les dommages-intérêts alloués par le premier juge sont injustifiés et totalement disproportionnés avec le préjudice invoqué.
Monsieur et madame Y... soutiennent quant à eux que contrairement à ses affirmations, les documents du dossier n'établissent en aucune façon que monsieur X... a occupé la maison pour laquelle il leur avait délivré congé, la mauvaise foi de l'intéressé ne faisant aucun doute ainsi que l'a retenu le premier juge ; ils ajoutent que le contexte particulier dans lequel leur avait été délivré le congé alors même qu'ils avaient subi le harcèlement de leur bailleur pendant plusieurs années, justifie l'octroi de dommages-intérêts destiné à indemniser le préjudice moral subi.
Aux termes de l'article 15 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, " Lorsque le bailleur donne congé à son locataire. Ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. "
Les conditions de forme de la délivrance du congé par monsieur X... ne sont pas discutées en l'espèce, seule la réalité de l'occupation par le bailleur étant remise en cause.
En délivrant un congé aux fins de reprise, monsieur X... a contracté l'obligation de venir occuper réellement et personnellement les lieux à la fin du bail pour satisfaire ainsi au motif du congé délivré.
Le contrôle du juge s'opère alors a posteriori et il ressort de l'ensemble des éléments produits au dossier que :
- la maison pour laquelle le congé avait été donné à effet du 1er mars 2009, a fait l'objet d'une nouvelle mise en location à compter du 1er août 2009, réduisant ainsi la possibilité d'une occupation par le bailleur à une période de 5 mois,
- les factures de consommation d'eau ou d'électricité correspondant à la maison située... à Saint Georges de Reneins, à l'exclusion de celles concernant un logement situé à Charolles, laissent apparaître des consommations insignifiantes ainsi que l'a justement constaté le premier juge, le montant de ces dernières étant principalement constitué par le coût des abonnements, l'absence pour raison de vacances de monsieur X... pendant la brève durée d'une semaine au cours du mois de mars 2009, ne pouvant justifier le caractère dérisoire des consommations relevées,
- la consommation d'électricité selon facture d'avril 2010 pour son logement de Charolles, démontre d'ailleurs l'existence d'une consommation réelle régulière largement supérieure à la consommation dérisoire qu'il invoque pour la période litigieuse au cours de laquelle il aurait occupé la maison ayant fait l'objet de la reprise,
- les photographies produites par monsieur X... ne permettent nullement au juge de vérifier les lieux où elles ont été prises ; elles ne donnent aucun aperçu d'ensemble du logement se bornant à faire apparaître des pièces totalement dépouillées et une armoire vide,
- le seul accusé de réception d'un courrier recommandé qui lui avait été adressé au... démontre que ledit courrier a en réalité été présenté le 24 avril 2009 en son absence puis réceptionné le lendemain par l'intéressé s'étant rendu à la poste,
- les attestations produites par monsieur X... ne permettent pas de démontrer une quelconque période d'occupation s'agissant de documents rédigés dans des termes évasifs, ne précisant aucune date et ne permettant pas d'éliminer une confusion possible de la part des attestants entre le ..., domicile du bailleur et le..., adresse de la maison ayant fait l'objet du congé,
- les attestations produites par les époux Y... permettent quant à elles de constater que dès le 14 juillet 2009, de nouveaux locataires ont emménagé au..., les photographies produites confirmant l'existence d'une boîte aux lettres au nom de " Z... ",
- alors même que monsieur X... reconnaît avoir reloué son bien dès le mois d'août 2009, il ne justifie aucunement des motifs qu'il avance à ce titre alors même que la mise en vente du logement qu'il occupait au ... n'est par ailleurs nullement démontrée par la seule production d'annonces particulières, de photographies d'un panneau " A VENDRE " ou d'attestations n'indiquant aucune date ni adresse.
L'ensemble des éléments susvisés permet donc de constater que monsieur X..., sans motif légitime, n'a jamais occupé réellement et effectivement la maison pour laquelle il avait délivré congé pour reprise.
Le congé doit donc être considéré comme nul en raison de son caractère frauduleux.

II) Sur l'indemnisation des époux Y...

Les preneurs victimes d'un congé frauduleux sont en droit de prétendre à l'indemnisation de leur préjudice résultant directement de ce dernier et de la nécessité de déménager.
Il ressort de l'ensemble des documents produits au dossier que si les époux Y... ont été contraints du fait du congé qui leur avait été délivré, de rechercher un nouveau logement, ils ont décidé d'acquérir celui-ci en pleine propriété ; la différence constatée entre le montant du loyer dont ils étaient redevables pour la maison qu'ils occupaient à Saint-Georges de Reneins et le montant du remboursement de leurs mensualités au titre de leurs prêts immobiliers ne saurait cependant constituer l'existence d'un préjudice à leur encontre dans la mesure où ils se constituent par là même un patrimoine immobilier.
Les trajets professionnels de monsieur et madame Y... sont par ailleurs quasiment identiques en kilométrage et en temps de parcours depuis qu'ils demeurent à Saint-Trivier sur Moirans dans le département de l'Ain, la mutation géographique de monsieur Y... sur Villefontaine dans l'Isère à partir du mois de janvier 2011 n'étant d'aucun lien avec le congé délivré.
Seul le préjudice né d'un déménagement imprévu et de la précipitation à s'enquérir d'un nouveau logement induisant des frais inattendus doit donc être indemnisé, tant au titre matériel que moral à hauteur d'une juste somme de 10. 000, 00 €, réformant en cela la décision du premier juge.

III) Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi aux époux Y... d'une somme de 2. 000, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, monsieur X... qui succombe ne pouvant qu'être débouté en sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Réforme le jugement rendu par le tribunal d'instance de Villefranche-sur-Saône le 6 septembre 2010 en ce qu'il a condamné monsieur Raymond X... à payer à monsieur David Y... et madame Ghislaine Y... la somme de 16. 930, 00 € en réparation de leur préjudice matériel et débouté ces derniers de leur demande au titre de leur préjudice moral,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne monsieur Raymond X... à payer à monsieur David Y... et madame Ghislaine Y... la somme de 10. 000, 00 € en réparation de leurs préjudices matériel et moral,
Confirme le jugement susvisé pour le surplus,
Condamne monsieur Raymond X... à payer à monsieur David Y... et madame Ghislaine Y... la somme de 2. 000, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamne monsieur X... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 10/07332
Date de la décision : 21/02/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2012-02-21;10.07332 ?
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