R. G : 11/ 06396
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 14 Février 2012
Décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE Référé du 04 août 2011
RG : 11/ 00315 ch no
S. C. I. MIL 4
C/
Y...
APPELANTE :
S. C. I. MIL 4 représentée par son gérant 8 rue des Frères Chappe 42000 SAINT ETIENNE
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET
assistée de la SELARL LEXFACE, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, représentée par Me FURTOS, avocat
INTIMÉE :
Madame Noëlle Claude Marie Y... épouse Z... née le 24 Mai 1944 à MONTBRISON (42)... 42000 SAINT ETIENNE
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY
assistée de la SELARL BEAL-ASTOR-SOUNEGA, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, représentée par Me GANDIN, avocat
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Date de clôture de l'instruction : 14 Décembre 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Décembre 2011
Date de mise à disposition : 14 Février 2012 Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président-Dominique DEFRASNE, conseiller-Catherine ZAGALA, conseiller
assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 22 juin 2006, monsieur Jean A... a donné à bail commercial à madame Noëlle Y... épouse Z... un local situé... à SAINT ETIENNE avec cave et grenier destiné à l'activité de débit de boisson-restaurant.
Le 14 mars 2011, la SCI MIL 4 devenue propriétaire des murs a mandaté un huissier de justice pour voir constater plusieurs manquements du preneur à ses obligations stipulées au bail.
Le 7 avril 2011, elle a fait commandement à madame Z... :- d'exploiter dans les lieux loués l'activité de restauration,- d'avoir à garnir et tenir les lieux loués de meubles et marchandises en quantité et valeurs suffisantes,- de maintenir en bon état de toutes réparations et d'entretien l'ensemble des lieux loués, notamment les devantures et fermetures,- de fournir une attestation du contrat annuel d'entretien de la chaudière,- d'assurer les locaux loués et de fournir une attestation d'assurance, en déclarant se prévaloir de la clause résolutoire contractuelle en cas de non respect de ses obligations.
Le 31 mai 2011, la SCI MIL 4 a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de SAINT ETIENNE pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail pour non exercice de l'activité de restauration, défaut d'entretien de la devanture et de la chaudière, et défaut d'assurance, pour obtenir paiement une provision de 1. 361 € au titre des loyers impayés, ainsi que la fixation d'une indemnité d'occupation.
Par ordonnance du 4 août 2011 du juge des référés a rejeté ses prétentions et renvoyé les parties à se pourvoir au fond en constatant l'existence d'une contestation sérieuse.
Le 20 septembre 2011, la SCI MIL 4 a interjeté appel de cette décision.
L'appelante demande à la cour :- d'infirmer l'ordonnance frappée d'appel,- de constater l'acquisition de la clause résolutoire et d'ordonner l'expulsion de madame Z... et tous occupants de son chef au besoin avec l'assistance de la force publique,- de fixer une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer courant jusqu'à la libération effective des lieux,- de condamner provisionnellement madame Z... à lui payer la somme de 2. 431, 47 € TTC au titre du coût de remise en état des devantures et fermetures,- de condamner madame Z... aux dépens ainsi qu'au paiement de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que madame Z... a manqué gravement à ses obligations contractuelles car :- elle a supprimé la principale activité du fonds de commerce, à savoir l'activité de restauration et opéré ainsi une déspécialisation du fonds formellement interdite par la loi et par la jurisprudence,
- elle ne dispose pas d'un achalandage suffisant pour satisfaire la clientèle du fonds de café-restaurant et au lieu de s'approvisionner habituellement en boissons auprès de ses fournisseurs habituels, elle achète au coup par coup en très petite quantité des bouteilles dans les supermarchés comme un simple particulier,- les lieux ne sont pas entretenus, la porte d'entrée est constituée d'une simple porte d'intérieur d'appartement, l'enseigne " PELFORTH " et cassée, et l'une des vitrines présente un gros impact,- car elle n'a pas justifié de l'entretien régulier, au moins une fois par an, de l'installation de chauffage et n'a produit que tardivement devant la cour une attestation établie le 7 avril 2011,- elle a laissé non assurés les lieux pendant plusieurs années et ne produit qu'une attestation d'assurance datée du 9 mai 2011, postérieure à l'expiration du délai d'un mois imparti par le commandement.
Madame Noëlle Z... demande, de son côté, à la cour :- d'écarter l'application de la clause résolutoire contractuelle invoquée de mauvaise foi par la SCI MIL 4, à titre subsidiaire :- de confirmer l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions, en tout état de cause :- de condamner la SCI MIL 4 à lui payer la somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité de 2. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle indique au préalable que la SCI MIL 4 qui envisage de vendre l'immeuble n'a de cesse d'obtenir son départ ou son expulsion sous n'importe quel prétexte.
Elle conteste les manquements au bail qui lui sont reprochés en faisant valoir :- que l'activité de restauration n'existait pas au moment de la signature du bail,- qu'elle dispose d'assez de marchandises pour satisfaire sa clientèle et qu'elle reçoit régulièrement ses clients,- qu'elle a été victime d'actes de vandalisme qui expliquent les dégradations constatées et qu'elle fera le nécessaire quand l'indemnité d'assurance lui sera réglée,- qu'elle a fait régulièrement entretenir l'installation de chauffage et qu'elle est en mesure d'en justifier,- que suite aux nombreux actes de vandalisme dont elle a été victime, il lui a été difficile de trouver un assureur qui puisse prendre la suite du précédent et qu'elle justifie à ce jour d'un contrat d'assurance avec la société AXA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que les demandes de la SCI MIL 4 sont fondées sur les articles 808 du code de procédure civile, 1134 et 1156 du code civil ;
1) Sur les demandes de résiliation du bail et d'expulsion du preneur
Attendu qu'il est constant que madame Z... est immatriculée au registre du commerce pour une activité de bar-restaurant et que le bail conclu entre les parties fait mention de la même activité dans les lieux loués ;
Que toutefois, madame Z... verse aux débats six témoignages émanant de clients ou de commerçants travaillant à proximité de son fonds de commerce " LE CENTRE DEUX " qui déclarent que ce dernier n'a jamais eu d'activité de restauration ou qu'ils n'ont jamais vu son exploitante servir des repas ;
Que la bailleresse produit une attestation de monsieur B... indiquant que l'établissement servait des repas dans les années 70 et dans les années 80 ;
Qu'au vu de ces documents, le grief fait à madame Z..., propriétaire du fonds depuis 2011, d'avoir supprimé une activité de restauration apparaît sérieusement contestable ;
Attendu que pour prétendre que le fonds de commerce n'était pas correctement achalandé, la SCI MIL 4 produit un témoignage de la société ROUCHON-SOUCHON, fournisseur de boissons, indiquant qu'il a été mis un terme à leur collaboration commerciale avec madame Z... pour incompatibilité d'humeur et problèmes de règlement ;
Que néanmoins, madame Z... produit de son côté plusieurs documents commerciaux et trois attestations de clients révélant qu'elle est en mesure de servir régulièrement des boissons à ces derniers ;
Que ce grief se heurte également à une contestation sérieuse ;
Attendu que madame Z... justifie du renouvellement de son contrat d'entretien de la chaudière par la société GAZ 42 pour la période du 7 avril 2011 au 7 avril 2012 ainsi que des visites d'entretien au cours de l'année 2009 ;
Qu'il y a lieu de constater à cet égard qu'elle a respecté l'injonction qui lui a été faite dans le commandement du 5 avril 2011 ;
Attendu que le constat d'huissier de justice dressé à la demande de la bailleresse le 12 octobre 2011 et notamment les photographies prises par l'huissier de justice peut confirmer l'existence des actes de vandalisme dont madame Z... dit avoir été victime ;
Que d'ailleurs l'intéressée produit elle-même des procès-verbaux de dépôt de plainte de novembre 2010 et février 2011 dans lesquels sont notamment évoquées les dégradations de la porte et des vitrines ;
Qu'elle produit aussi deux devis concernant le remplacement de la porte et le remplacement des vitrages ainsi que deux factures concernant la rénovation de la façade et des travaux de nettoyage de la cuisine ;
Que dans ce contexte particulier, il ne peut être soutenu que madame Z... aurait négligé ses obligations d'entretien, de réparation, ni qu'elle aurait méconnu par son propre fait le commandement du 5 avril 2011 ;
Que les griefs de la bailleresse sont sérieusement contestables à cet égard ;
Attendu que madame Z... verse aux débats un contrat d'assurance multi-risques professionnel souscrit auprès de la compagnie AXA le 28 avril 2011 ainsi qu'une attestation d'assurance datée du même jour ;
Qu'il est exact que cette attestation a été adressée au bailleur le 9 mai 2011 soit quatre jours après l'expiration du délai d'un mois imparti par le commandement mais que cette seule circonstance compte tenu des explications plausibles fournies par madame Z... ne peut sérieusement suffire à entraîner l'application de la clause résolutoire contractuelle ;
Que la SCI MIL 4, en faisant valoir dans ses écritures l'existence d'un contrat souscrit en toute hâte avec des exclusions de garantie, n'explique pas en quoi la résiliation du bail serait encourue de ce chef ;
Attendu qu'en conséquence que la décision du premier juge doit être confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé ;
2) Sur la demande de provision, sur la remise en état des devantures et fermetures
Attendu que cette demande de la bailleresse apparaît sérieusement contestable compte tenu des démarches entreprises par madame Z... et des frais déjà engagés par elle en vue de la réparation des portes et vitrines du fonds de commerce ;
3) Sur les dommages et intérêts sollicités par madame Z...
Attendu que l'action introduite par la SCI MIL 4 est motivée par certains faits objectifs et que rien ne permet d'affirmer que cette société ait agi dans une intention de nuire ;
Que les circonstances de la cause ne permettent pas davantage de qualifier son action d'abusive ;
Qu'il convient à l'instar du premier juge de rejeter cette demande en paiement de dommages et intérêts ;
Attendu que la SCI MIL 4 qui succombe supportera les dépens ;
Qu'il convient d'allouer en cause d'appel à madame Z... la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité précédemment allouée par le juge des référés ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'appel recevable,
Confirme l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en paiement d'une provision sur le coût de la remise en état des devantures et fermetures,
Condamne la SCI MIL 4 à payer à madame Noëlle Y... épouse Z... la somme de 1. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI MIL 4 aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
Le greffierLe président