R.G : 08/02951
Décision du tribunal de grande instance de Lyon
Au fond du 14 avril 2008
Quatrième Chambre
RG : 07/02075
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 02 Février 2012
APPELANT :
[T] [U] [L]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 5] (PAS-DE-CALAIS)
[Adresse 6]
[Localité 2]
représenté par Maître Annick DE FOURCROY
assisté de Maître François CORNUT, avocat au barreau de LYON,
INTIMEE :
SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL VIE - ACM VIE
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre
assistée de Maître Dominique-Henri VINCENT, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 27 Mai 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Novembre 2011
Date de mise à disposition : 02 Février 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Michel GAGET, président
- François MARTIN, conseiller
- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 14 avril 2008 qui prononce la nullité du contrat passé entre [T] [L] et Assurances du Crédit mutuel Vie et la restitution par [T] [L] des indemnités déjà perçues, au motif que ce dernier a intentionnellement fait deux fausses déclarations pour éviter les surprimes et les exclusions de garantie ;
Vu la déclaration d'appel formée par [T] [L] le 30 avril 2008 ;
Vu l'arrêt du 2 avril 2009 de la Première chambre civile A de la Cour d'appel de Lyon qui ordonne avant dire droit une expertise et désigne le docteur [U] [B] pour y procéder, afin notamment d'identifier les antécédents médicaux de [T] [L] et de donner tous renseignements concernant l'affection dont a souffert [T] [L] au mois de juin 2002 ;
Vu le rapport d'expertise déposé par le Professeur [Y] [B] le 29 septembre 2010 ;
Vu les conclusions après expertise du 26 mai 2011 déposées par [T] [L] qui conclut à la réformation du jugement et à la condamnation de la société ACM Vie à lui payer les échéances du contrat de prêt du mois de mai 2005 jusqu'à la fin de la période d'incapacité, au motif que la déclaration, en admettant qu'elle soit fausse, ne l'était pas de façon intentionnelle, et que la nullité du contrat d'assurance n'est donc pas encourue ;
Vu les mêmes conclusions par lesquelles il demande la condamnation de la société ACM Vie à lui payer 3000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Vu les conclusions récapitulatives n°4 du 7 mars 2011 déposées par la société ACM Vie qui conclut à la confirmation du jugement ;
Vu l'ordonnance de clôture du 27 mai 2011 ;
Les parties ont présenté à l'audience du 9 novembre 2011 leurs observations orales après que Monsieur le Président Michel Gaget ait fait le rapport.
DECISION
Le 7 mars 2001, [T] [L] a souscrit auprès de la société ACM Vie une garantie décès, perte totale et irréversible d'autonomie, incapacité temporaire totale de travail et invalidité permanente dans le cadre d'un prêt immobilier.
Sur le contrat, [T] [L] a répondu à un questionnaire de santé simplifié en répondant par la négative à toutes les questions sur d'éventuelles pathologies ou antécédents médicaux ou chirurgicaux.
Vu le montant du prêt, des analyses complémentaires ont été demandées. Le 12 mars 2002, [T] [L] a répondu de nouveau à un questionnaire médical faisant simplement apparaître une hospitalisation en service de chirurgie. Son médecin, le docteur [Z], a également répondu à un questionnaire ne signalant aucune anomalie particulière.
Le bulletin individuel d'admission au contrat a été validé avec la garantie prévue le 7 mai 2002.
Le 24 juin 2002, [T] [L] a fait l'objet d'un accident vasculaire cérébral, les échéances du prêt immobilier ont donc été réglées par la société ACM Vie.
Suite à la mise en invalidité de [T] [L] le 25 juin 2005, la société ACM Vie a demandé que celui-ci soit soumis à une expertise médicale auprès du docteur [M].
Ce dernier a mis en avant le fait que le patient avait suivi un traitement depuis 1995 après une pathologie, sans apporter davantage de précisions. La société ACM Vie a fait part de sa volonté d'annuler le contrat d'assurance pour fausse déclaration.
Vu l'article L113-8 du Code des assurances ;
Le compte-rendu d'hospitalisation de [T] [L] du 25 juillet 2002 fait apparaître plusieurs antécédents médicaux à savoir un infractus du myocarde, une appendicectomie en 1960, un accident de moto en 1990 et 1992 ayant nécessité une intervention abdominale et une intervention du poignet et un pontage coronarien en 1996.
Il ressort d'un courrier du 5 septembre 2008 adressé par le Professeur [E], qui l'a traité en 2002 pour sa rupture d'anévrisme, que le patient présentait des troubles phasiques au moment où il a renseigné son dossier médical en déclarant avoir des antécédents de pontage coronarien et d'opérations suite à un accident de moto et qu'à ce titre le dossier médical devait être modifié.
Sur les pièces fournies à la Cour ainsi que sur celles fournies à l'expert, ces mentions sont d'ailleurs rayées.
Il ressort du rapport d'expertise que le docteur [Z], médecin traitant de [T] [L], avait porté la mention 'faux' sur les antécédents d'infractus, d'accident de moto et de pontage coronarien sur le compte-rendu d'hospitalisation.
Cette affirmation est également étayée par une attestation du docteur [O]
Il ressort de ces divers éléments de fait que les antécédents mentionnés dans le compte-rendu d'hospitalisation ne sont pas réels. Ils ont été indiqués par [T] [L] dans une phase de confusion, celui-ci mélangeant ses propres antécédents médicaux avec ceux de son père et de son fils.
Il est donc normal que ces antécédents n'aient pas été indiqués quelques mois plus tôt sur les questionnaires médicaux de la société ACM Vie. Les déclarations ne peuvent être considérées comme fausses sur ce point.
La société ACM Vie soutient que [T] [L] suivait au moment où il a rempli le questionnaire un traitement pour une hypertension artérielle et avait subi une coronaropathie.
Le docteur [Z], médecin traitant de [T] [L], a rédigé un certificat le 19 mai 2010 attestant que [T] [L] n'a reçu aucun traitement entre 1997 et 2002, certificat mentionné par l'expert malgré sa transmission tardive.
Lors de l'accédit du 14 septembre 2009, l'expert précise qu'il est impossible à ce stade d'avoir le moindre renseignement concernant le ou les traitements qui auraient pu être administrés à [T] [L].
L'expert constate ensuite que d'autres documents rapportent l'existence d'un traitement pour l'hypertension artérielle, notamment un courrier du cardiologue [O] du 18 septembre 2009 dans lequel elle indique que [T] [L] faisait l'objet d'un traitement médical depuis son angioplastie de 1995.
Les courriers examinés par l'expert datés du 5 mai 2003 pour le docteur [G], cardiologue et du 22 janvier 2003 pour le docteur [F], praticien hospitalier, ne peuvent être retenus pour déterminer si [T] [L] suivait un traitement lorsqu'il a rempli les questionnaires médicaux, puisqu'ils se bornent à constater qu'à ces dates, la tension artérielle du patient était stabilisée par un traitement, ce qui ne permet pas de rapporter la preuve que le patient suivait un traitement avant 2002, date de son accident vasculaire cérébral.
La question 3 du questionnaire de santé simplifié du bulletin individuel d'admission était libellée de cette façon : 'Au cours des cinq dernières années, avez-vous été atteint d'une maladie ayant nécessité un traitement de plus de 3 semaines ''. [T] [L] a répondu par la négative.
La question 4 du questionnaire de était libellée de la façon suivante : 'Suivez-vous un traitement médical ''. [T] [L] a répondu par la négative à cette question.
Dans le questionnaire plus approfondi rempli le 12 mars 2002, [T] [L] faisait part d'une hospitalisation en service de chirurgie, mais répondait par la négative à la question 'Suivez-vous un traitement prescrit médicalement ''.
Il ressort des pièces fournies au dossier et de celles examinées par l'expert que [T] [L] était traité depuis son angioplastie pour son hypertension.
Rien ne permet d'affirmer que ce traitement a été interrompu par la suite, l'expert indiquant, au vu des pièces collectées auprès des praticiens ayant eu en charge [T] [L], qu'il a été prescrit depuis 1995 jusqu'à la date de l'expertise sans interruption.
De plus, [T] [L] ne conteste pas avoir subi en 1995 une angioplastie.
Il a d'ailleurs répondu de manière positive à cette question dans le rapport médical du 12 mars 2002.
Il a pourtant répondu de manière négative dans le questionnaire simplifié.
Il indique que cette intervention n'est pas une hospitalisation, qu'elle n'a pas lieu sous anesthésie générale, ce qui explique qu'il ait répondu par la négative aux questionnaires médicaux.
Pourtant, l'expert souligne que l'angioplastie, si elle n'est pas effectuée par un chirurgien mais par un spécialiste de pathologie cardio-vasculaire et que le geste est effectué en salle de radiologie interventionnelle, elle impose néanmoins une hospitalisation et est systématiquement effectuée sous anesthésie locale.
Il s'évince de ce qui précède que, lors de la conclusion du contrat le 7 mars 2001,date à laquelle le risque a été apprécié, [T] [L] a fait une fausse déclaration intentionnelle de nature à fausser l'appréciation du risque pris par l'assureur en n'indiquant pas qu'il suivait un traitement pour l'hypertension et qu'il avait subi une coronaropathie.
Le jugement attaqué doit être confirmé pour ces motifs en ce qu'il prononce la nullité du contrat d'assurance par application de l'article L113-8 du Code des assurances.
Contrairement à ce que soutient [T] [L] dans ses dernières écritures, le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il le condamne à rembourser la somme de 61 384,44 € correspondant à ce qu'il a perçu en exécution du contrat annulé.
Cette demande a été faite le 24 mai 2007 dans le délai de deux ans de la connaissance par l'assureur de la fausse déclaration intentionnelle comme le retient, à bon droit, le premier juge.
En conséquence, il ne peut être fait droit aux demandes de [T] [L] qui sont mal fondées en fait et en droit.
L'équité commande de ne pas appliquer en appel l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
[T] [L], qui perd, supporte les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 14 avril 2008 ;
Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;
Condamne [T] [L] aux dépens d'appel ;
Autorise les mandataires des parties qui en ont fait la demande à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET