R.G : 10/08941
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 31 Janvier 2012
Décision du Tribunal de Commerce de LYONRéférédu 06 décembre 2010
RG : 2010r1073ch no
SARL EUROCALI
C/
SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE
APPELANTE :
SARL EUROCALI représentée par ses dirigeants légaux117 rue du CharpenayZA du Charpenay69210 LENTILLY
assistée de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET
et de la SELARL B2R et ASSOCIES, avocats au barreau de LYONreprésentée par Me ROUSSEAU, avocat
INTIMÉE :
SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE représentée par ses dirigeants légaux14 Boulevard de la TrémouilleBP 2081021008 DIJON CEDEX
assistée de la SCP BRONDEL TUDELA
et de Me Francois KUNTZ, avocat au barreau de LYON substitué par Me THIBERT, avocat
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Date de clôture de l'instruction : 03 Octobre 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Novembre 2011
Date de mise à disposition : 31 Janvier 2012Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président- Dominique DEFRASNE, conseiller- Françoise CLEMENT, conseiller
assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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La BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE est tiers porteur par voie d'escompte d'une lettre de change de 41.860,00 € en date du 18 mai 2009 à échéance du 18 août 2009, tirée par la SARL BOYAUDERIE MELO sur la SARL EUROCALI au titre d'un travail à façon.
Le 8 juillet 2009 la SARL BOYAUDERIE MELO a établi un avoir du même montant que sa facture du 20 avril précédent à hauteur de la somme susvisée, ne pouvant acquérir la matière première destinée à sa prestation.
La banque a escompté la lettre de change le 22 mai 2009 ; le 17 juillet 2009 la SARL BOYAUDERIE MELO a été placée en redressement judiciaire et le 28 juillet suivant a été prononcée sa liquidation judiciaire.
Ayant en vain mis en demeure la SARL EUROCALI par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 octobre 2009, d'avoir à lui payer la valeur revenue impayée à l'échéance, la BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon qui par ordonnance en date du 6 décembre 2010 a :
- condamné la société EUROCALI à payer à la société BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE la somme provisionnelle de 41.860,00 € outre intérêts au taux légal à compter dm 18 août 2009,
- dit que les intérêts des présentes condamnations se capitaliseront par année entière et ce, par application de l'article 1154 du code civil,
- condamné la société EUROCALI à payer à la société BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE la somme de 500,00 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société EUROCALI aux entiers dépens de l'instance.
Vu les conclusions signifiées le 3 juin 2011 par la SARL EUROCALI, appelante selon déclaration du 15 décembre 2010, laquelle demande à la cour, qui reconnaîtra l'existence d'une contestation sérieuse, de :
- infirmer l'ordonnance du juge des référés du 6 décembre 2010 en toutes ses dispositions et débouter la BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE de sa demande,
- condamner la BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE à lui payer la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance,
Vu les conclusions signifiées le 4 août 2011 par la BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE qui demande à la cour de confirmer la décision critiquée en tous points et y ajoutant, condamner la SARL EUROCALI aux dépens et à lui payer une indemnité de procédure de 3.000,00 € en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2011.
MOTIFS ET DÉCISION
La SARL EUROCALI soutient que si en droit, le tiré qui a accepté ne peut refuser de payer le porteur de bonne foi en soulevant des exceptions qu'il pourrait opposer à son créancier d'origine, il en va différemment en cas de mauvaise foi de ce porteur, tel étant le cas en l'espèce ; elle indique que les documents du dossier permettent de constater que la BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE connaissait la situation sans issue de la SARL BOYAUDERIE MELO à la date de l'escompte, les dettes de sa cliente s'avérant importantes et anciennes et le bilan à tel point catastrophique que le dépôt de bilan était imminent ; elle ajoute que la banque ne peut donc revendiquer la qualité de tiers de bonne foi, situation caractérisant la contestation sérieuse interdisant au juge des référés de statuer.
La BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE soutient quant à elle qu'elle ne pouvait se douter au moment de l'escompte en mai 2009, de l'imminence de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la SARL BOYAUDERIE MELO dès lors que cette dernière bénéficiait d'une autorisation d'effets à escompter à hauteur de 180.000,00 € à échéance du 30 septembre 2009 ; elle ajoute que le compte bancaire de sa cliente a d'ailleurs toujours alterné entre un solde créditeur et un solde débiteur important compte tenu de son activité et que la condamnation de son gérant pour faute de gestion ne démontre pas la connaissance qu'elle avait le 22 mai 2009 de la réalité de sa situation de cessation des paiements.
En application de l'article L.511-12 du Code de commerce, les personnes actionnées en vertu d'une lettre de change ne peuvent opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur.
Il appartient au débiteur cambiaire qui invoque la mauvaise foi du porteur pour échapper à son obligation, de l'établir et il appartient au juge de se placer à la date de l'escompte pour apprécier la mauvaise foi de la banque.
Les documents du dossier permettent à la cour de constater que :
- l'effet a été escompté le 22 mai 2009,
- la société BOYAUDERIE MELO bénéficiait alors d'une autorisation d'effets à escompter à hauteur de 180.000,00 € à échéance du 30 septembre 2009,
- le compte bancaire ouvert par cette dernière auprès de la BANQUE POPULAIRE a toujours alterné, au moins pour la période correspondant aux relevés produits au dossier, allant du 1er janvier 2009 au jour de la liquidation judiciaire, entre un solde créditeur et un solde débiteur important, s'élevant notamment à la somme de -64.098,41 € au jour de l'escompte mais à + 18.293,06 € au 1er juillet suivant,
- aucun élément ne permet de démontrer que l'interdiction de gérer prononcée contre le gérant de la société BOYAUDERIE MELO pour 15 années en raison de ses fautes de gestion, prononcée par le tribunal de commerce dans un jugement publié au BODAC seulement le 15 juin 2009, soit postérieurement à la date de l'escompte, ait été portée à la connaissance de la banque quand elle a escompté l'effet de commerce,
- la date de cessation des paiements n'a pas été rétroactivement fixée par l'ouverture de la procédure collective le 17 juillet 2009,
- aucun élément ne permet d'établir que l'annulation de la commande à l'origine de la traite ait été portée à la connaissance de la banque avant l'escompte, l'avoir établi par la société BOYAUDERIE MELO datant du 8 juillet 2009,
- aucun élément ne permet non plus d'établir que la banque connaissait l'existence d'une transaction intervenue le 30 septembre 2006 entre la société BOYAUDERIE MELO et la société BOYAUDERIE DE SAVOIE avec laquelle elle était en relation d'affaires, au sujet de la dette de la première.
L'attestation du dirigeant de la société BOYAUDERIE MELO qui a été condamné pour faute de gestion ne peut valablement et sérieusement suffire à établir la réalité des faits dénoncés par l'intéressé qui accuse la banque de lui avoir commander une traite de cavalerie.
Il ne résulte donc pas de l'ensemble des éléments susvisés que la BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE savait à la date où elle a escompté la lettre de change, que la provision ne serait pas constituée à l'échéance ou que la situation du tireur était irrémédiablement compromise et avait ainsi conscience, à ce moment là, d'empêcher le tiré de se prévaloir de l'exception de défaut de provision.
La contestation soulevée par la SARL EUROCALI n'est donc pas sérieuse et il convient de confirmer la décision critiquée.
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi en cause d'appel, à la BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE d'une indemnité de 1.500,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la SARL EUROCALI qui succombe ne pouvant qu'être déboutée en sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme l'ordonnance rendue le 6 décembre 2010 par le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SARL EUROCALI à payer à la BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE une somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL EUROCALI aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, pour ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
Le greffier Le président