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27/01/2012 | FRANCE | N°11/02001

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 27 janvier 2012, 11/02001


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 11/02001





ASSOCIATION LA PIERRE ANGULAIRE prise en son établissement MAISON DE RETRAITE [6]

C/

[D]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 février 2011

RG : F 09/02846

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 27 JANVIER 2012



APPELANTE :



ASSOCIATION LA PIERRE ANGULAIRE prise en son établissement MAISON DE RETRAIT

E [6]

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée par Maître Jérôme CHOMEL DE VARAGNES de la SELARL EQUIPAGE, avocat au barreau de LYON



INTIMÉE :



[T] [D]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 5]

[A...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 11/02001

ASSOCIATION LA PIERRE ANGULAIRE prise en son établissement MAISON DE RETRAITE [6]

C/

[D]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 février 2011

RG : F 09/02846

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 27 JANVIER 2012

APPELANTE :

ASSOCIATION LA PIERRE ANGULAIRE prise en son établissement MAISON DE RETRAITE [6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Maître Jérôme CHOMEL DE VARAGNES de la SELARL EQUIPAGE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[T] [D]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Maître Jean-Michel LAMBERT, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 18 avril 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 décembre 2011

Présidée par Hélène HOMS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 janvier 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre et par Suzanne TRAN, Adjoint assermenté faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSÉ DU LITIGE

[T] [D] a été embauchée en qualité d'auxiliaire de vie par l'association La Pierre Angulaire selon contrat de travail à durée indéterminée du 9 février 2006.

Par lettre du 29 mai 2009, elle a été convoquée à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 9 juin suivant et elle a été mise à pied à titre conservatoire, les effets de cette mesure étant suspendus pendant les congés fixés du 4 au 24 juin 2009.

Par lettre du 5 juin 2009, [T] [D] a sollicité le report de l'entretien préalable après le 25 juin 2009, étant en congé le 9 juin 2009.

Par lettre du 8 juin 2009, l'association La Pierre Angulaire a refusé de reporter l'entretien préalable et a exposé les motifs de la sanction envisagée en demandant à la salariée de donner ses explications avant le 12 juin 2009.

Par lettre du 15 juin 2009, [T] [D] a contesté les faits de maltraitance reprochés et s'est indignée de cette accusation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juin 2009, l'association La Pierre Angulaire a notifié à [T] [D] son licenciement pour faute grave.

Le 6 juillet 2009, [T] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une action en contestation de son licenciement.

Par jugement en date du 25 février 2011, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que [T] [D] a été licenciée abusivement,

- condamné l'association La Pierre Angulaire à payer à [T] [D] les sommes suivantes :

* 11.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 3.637,62 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 363,76 euros pour les congés payés afférents,

* 1.091,29 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné l'association La Pierre Angulaire aux entiers dépens de l'instance.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mars 2011, [T] [D] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions écrites, déposées le 31 octobre 2011, visées par le greffier et soutenues oralement, l'association La Pierre Angulaire demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- juger que le licenciement de [T] [D] repose sur une faute grave,

- en conséquence,

- débouter [T] [D] de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions écrites, déposées le 15 novembre 2011, visées par le greffier et soutenues oralement, [T] [D] demande à la cour de :

- confirmer en son principe le jugement déféré,

- juger que son licenciement a un caractère abusif incontestable,

En conséquence,

- condamner l'association La Pierre Angulaire à lui verser :

* à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif : 11.000 euros,

* au titre du préavis : 3.637,62 euros,

* à titre de congés payés sur préavis : 363,76 euros,

* au titre de l'indemnité de licenciement : 1.091,29 euros,

* au titre du préjudice moral : 5.000 euros,

- si par extraordinaire, la cour ne s'estimait pas suffisamment informée, ordonner toutes mesures d'enquête et toute comparution des parties qu'elle jugera utiles,

- condamner l'association La Pierre Angulaire à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'association La Pierre Angulaire en tous les dépens de l'instance.

Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1234-1, L. 1232.6 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave d'une part, d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans sa lettre d'autre part, de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

La faute grave est ainsi énoncée dans la lettre de licenciement :

'Nous avons dû à plusieurs reprises vous rappeler à l'ordre, notamment en raison du non-respect des consignes et de graves négligences dans la prise des résidents.

Non seulement, vous avez pris votre poste avec respectivement 30 minutes de retard le jeudi 30 avril 2009 et une heure le 1er mai 2009 sans justificatif, mais surtout, un résident s'est plaint que vous le malmeniez régulièrement, que vous refusiez de l'emmener aux toilettes au prétexte qu'il portait des protections et qu'il a été blessé à deux reprises suite à votre comportement brutal, ce que deux médecins ont pu constater.

Dans la mesure où vous nous avez informés que vous ne pourriez pas vous présenter à l'entretien préalable, nous vous avons demandé par courrier du 9 juin 2009 de nous présenter vos explications d'ici le vendredi 12 juin 2009.

Vous n'avez pas donné suite à cette demande.

Compte tenu de votre comportement, de vos responsabilités et de la fragilité des résidents que nous accueillons, votre maintien dans l'établissement est impossible. La rupture de nos relations prend donc effet ce jour.'

Sur les retards, l'association La Pierre Angulaire fait valoir qu'il résulte du cahier de liaison que [T] [D] a pris son poste avec 20 minutes de retard le 2 mai 2009 et avec une heure de retard le 3 mai 2009 et qu'elle avait déjà fait l'objet de plusieurs avertissements pour des faits similaires.

Elle ajoute que la réitération de ces seuls faits justifie le licenciement pour faute grave.

Sur les actes de maltraitance à l'égard d'un résident, l'association La Pierre Angulaire soutient que les faits sont établis par une plainte de [E] [I], frère du résident concerné et les constats de [C] [N], psychologue de l'établissement et des docteurs [W] [O] et [L] [V], tous deux médecins.

Par lettre datée du 29 mai 2009 adressée au directeur de la maison de retraite, [E] [I] a exposé qu'après une fracture inexpliquée à un pied, il avait constaté que son frère [A], présentait des hématomes sur les bras et des écorchures sur le dessus des mains, que le 26 mai 2009, l'aide soignante du matin, s'étant aperçue de l'existence d'égratignures sur les faces externes et internes du bras gauche de son frère, a fait appeler le médecin, que son frère a refusé de se confier à l'équipe par peur de représailles mais que pressé de questions par les siens, il a avoué que deux aides soignantes le secouaient et le traitaient sans ménagement allant jusqu'à refuser de l'installer le soir sur les toilettes sous prétexte qu'on lui mettait une couche de protection, qu'il s'agissait de [T] et de [U] qui avaient un comportement douteux, que son frère a affirmé que c'est [T], qui en 2008, avait provoqué la fracture du pied et qui avait également fait la blessure au bras le 25 mai 2009.

Lors d'un dépôt de plainte, [E] [I] a précisé aux services de police que le 14 octobre 2008, son frère avait été victime d'une fracture des métatarsiens du pied droit due, selon le médecin de l'établissement, à un coup sur un encadrement de porte lié au passage de son fauteuil roulant qui aurait été trop brutal et qui était conduit par [T] [D].

[C] [N], psychologue de l'établissement, atteste avoir reçu [A] [I], les 25 mai, 29 mai et 6 juin 2009, à la demande du directeur de l'établissement, que cette personne lui a confié que [T] [D] lui avait fait mal à la jambe (trois fractures) et une autre fois au bras en l'emmenant aux toilettes, que [T] [D] et [U] [K] lui disaient souvent d'attendre alors qu'il demandait à être accompagné aux toilettes, qu'au cours des entretiens, elle a pu constater que [A] [I] était en souffrance et très inquiet pour l'avenir, s'attardant plus longtemps sur les craintes liées à la suite des événements plutôt que sur les faits et qu'il avait gardé longtemps le silence par peur des représailles.

Par télécopie du 29 mai 2009, le docteur [L] [V] a informé l'association La Pierre Angulaire qu'elle avait examiné [A] [I] lequel lui avait dit avoir été malmené par deux membres du personnel soignant à plusieurs reprises, qu'il avait présenté une fracture du pied droit (3 têtes de métatarsiens) le 14 octobre 2008 qui aurait été due à un coup sur un encadrement de porte lié au passage de son fauteuil roulant qui aurait été trop brutal, qu'au jour de l'examen, il présentait quatre égratignures autour du coude gauche, qu'il a rapporté avoir été oublié aux toilettes longuement ou qu'il n'y aurait pas été placé à sa demande, qu'il dit également présenter un choc psychologique et qu'il exprimait une peur quasi permanente.

Le docteur [W] [O] atteste avoir rencontré en entretien [A] [I] le 28 mai 2009, à la demande du directeur de l'établissement à la suite du signalement de faits de maltraitance par sa famille, avoir observé que [A] [I] était porteur d'excoriations cutanées à la face externe de son bras gauche, qu'il lui a confié qu'il pensait que ces lésions avaient été faites par [T] [D] avec laquelle 'ça ne se passe pas bien', que le traumatisme du pied droit avec fracture de trois métatarsiens (radiographie du 18 octobre 2008) serait survenue avec cette salariée, renseignement qu'il n'avait pas donné à l'époque lorsqu'il avait été interrogé sur les circonstances de cette fracture, qu'il a également signalé que 'ça ne se passait pas bien' avec une autre salariée, [U] [K].'

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que [T] [D] refusait d'emmener [A] [I] aux toilettes au prétexte qu'il portait des protections et qu'il avait été blessé à deux reprises suite à son comportement brutal.

Ces faits qui sont invoqués à l'appui du licenciement et qui sont donc établis constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de [T] [D] dans l'entreprise.

En conséquence, pour ces seuls faits, le licenciement de [T] [D] repose sur une cause réelle et sérieuse ce qui conduit au débouté de l'ensemble des demandes de [T] [D] et à l'infirmation de la décision déférée.

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, [T] [D] partie perdante, doit supporter les dépens et garder à sa charge les frais non répétibles qu'elle a exposés.

Des considérations d'équité conduisent à la dispenser de verser à l'association La Pierre Angulaire une indemnité pour les frais non répétibles qu'elle l'a contrainte à exposer.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

Juge que le licenciement de [T] [D] repose sur une faute grave,

Déboute [T] [D] de l'ensemble de ses demandes,

Déboute l'association La Pierre Angulaire de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [T] [D] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Suzanne TRAN Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 11/02001
Date de la décision : 27/01/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°11/02001 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-27;11.02001 ?
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