R. G : 11/ 05037
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre
ARRET DU 23 Janvier 2012
décision du Juge aux affaires familiales de SAINT-ETIENNE Au fond du 11 juillet 2011
RG : 2011/ 1877 ch no
X...
C/
Z...
APPELANT :
M. Jacques Christian Robert X... né le 27 Décembre 1964 à PARIS 12 (75012)... 42320 LA GRAND CROIX
représenté par la SCP LAFFLY-WICKY
INTIMEE :
Mme Pascale Josette Michèle Z... divorcée X... née le 06 Juin 1967 à SAINT ETIENNE (42022)... 34000 MONTPELLIER
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, assistée de la SCP CHANUT-VERILHAC, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE
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Date de clôture de l'instruction : 03 Novembre 2011
Date des plaidoiries tenues en Chambre du Conseil : 03 Novembre 2011
Date de mise à disposition : 19 Décembre prorogée jusqu'au 23 Janvier 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Catherine FARINELLI, président-Blandine FRESSARD, conseiller-Bénédicte LECHARNY, vice président placé exerçant les fonctions de conseiller
assistée pendant les débats de Anne-Marie BENOIT, greffier
A l'audience, Catherine FARINELLI a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu en Chambre du Conseil par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Catherine FARINELLI, président, et par Christine SENTIS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Par jugement contradictoire du 14 décembre 2009, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Saint Etienne, saisi par requête déposée par Jacques X... le 9 juin 2009, a :
- dit n'y avoir lieu à modification de la résidence des trois enfants mineurs nés de l'union de Jacques X... et Pascale Z...,
Sara, née le 14 mai 1995 Eva, née le 2 février 1997 David, né le 10 septembre 1999
- dit que le père accueillerait ses enfants le vendredi 25 décembre 2009 et un dimanche sur deux de 10h à 19h puis un droit progressif entre le 16 février 2010 et le 2 avril 2010
Par arrêt du 21 juin 2010, la Cour d'Appel de LYON a dit que la mère devrait remettre les enfants au père sous astreinte provisoire de 1000 euros par infraction constatée et fixé les droits du père les fins de semaine impaires, du vendredi sortie d'école au dimanche 20h et la moitié des vacances scolaires et d'été ainsi que pendant la totalité des vacances de février, Pâques et de la Toussaint
Par requête du 20 septembre 2010, Jacques X... a saisi de nouveau le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande instance de Saint Etienne d'une demande tendant à se voir attribuer l'exercice exclusif de l'autorité parentale envers les trois enfants et la fixation de leur résidence habituelle
Par jugement du 22 novembre 2010, le juge aux affaires familiales s'est déclaré territorialement incompétent au profit du juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Montpellier au motif du déménagement de Pascale Z... au... à Montpellier
Sur déclaration de contredit déposé le 1er décembre 2010 par Jacques X..., la Cour d'Appel de Lyon a déclaré le contredit fondé et a renvoyé la procédure devant le juge aux affaires familiales de Saint Etienne qui a par jugement du 13 juillet 2011 débouté Jacques X... de ses demandes
Jacques X... a régulièrement relevé appel de cette décision par déclaration du 13 juillet 2011
Pascale Z... a régulièrement constitué avoué le 26 juillet 2011
Jacques X... a notifié ses conclusions le 2 août 2011 et a sollicité une fixation à délai rapproché en application de l'article 905 du code de procédure civile
Par conclusions no3 auxquelles il convient de se référer conformément aux dispositions de l'article du code de procédure civile, Jacques X... demande l'infirmation de la décision entreprise par son appel et conclut :
- au transfert de la résidence des trois enfants communs à son domicile dans le cadre d'un exercice exclusif de l'autorité parentale à son profit et offre à a la mère un droit de visite et d'hébergement « habituel »
- au débouté de toutes les demandes incidentes faites par l'intimée et à sa condamnation à lui porter la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Par conclusions récapitulatives Pascale Z... demande que l'appel relevé par Jacques X... soit déclaré recevable mais mal fondé en ce que ses demandes seraient contraires à l'intérêt des enfants communs et aux rapports d'investigation et expertises.
Elle sollicite l'exercice exclusif de l'autorité parentale et la suspension des droits de visite et d'hébergement du père, la fixation de la résidence des enfants et la gestion de l'interdiction de sortie du territoire français
Elle demande également une somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation aux entiers dépens de l'appelant
MOTIFS :
La lecture des pièces de procédure conduit à poser deux constats quant à la réalité vécue par les trois enfants communs du couple X...- Z..., nés respectivement en 1995, 1997 et 1999 en qualité non de sujets des débats opposant leurs parents mais d'objets du conflit procédural qui les oppose.
Depuis le dépôt de la requête en divorce de Pascale Z..., la juridiction du premier degré des affaires familiales de Saint Etienne a rendu deux ordonnances les 30 novembre 2005 et 24 mai 2006 dans le cadre de la mise en état de la procédure de divorce, soit deux décisions en 18 mois un jugement au fond le 24 octobre 2006 prononçant notamment le divorce, des décisions sur les mesures provisoires les 2 août 2007, le 26 octobre 2007 (décision en la forme des référés), le 21 janvier 2008, le 20 mars 2008, le 14 décembre 2009, le 22 novembre 2010 et 11 juillet 2011soit huit décisions en quatre ans
Les juridictions du second degré, ont statué en ce qui concerne la Cour d'Appel de Lyon :
par arrêt du 12 juillet 2006 sur une ordonnance du juge de la mise en état, par arrêt du 6 mars 2007 au fond, par arrêt du 21 juin 2010 frappé d'un pourvoi en cassation et par arrêt du 2 mai 2011 statuant sur contredit soit quatre décisions auxquelles va s'ajouter le présent arrêt en cinq années. Le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande instance de Montpellier a rendu une décision le 10 février 2011 statuant en référé
La cour d'Appel de Montpellier a rendu trois arrêts les 8 et 29 juin puis le 28 septembre 2011, cette dernière décision maintenant la décision de suspension des droits ce visite et d'hébergement du père jusqu'à la décision à intervenir au fond soit la présente décision.
A ces décisions rendues dans le domaine du contentieux de l'autorité parentale s'ajoute deux décisions rendues par le juge des enfants dans son champ de compétence, soit l'assistance éducative.
L'arrêt à intervenir est en conséquence la vingt-troisième décision concernant les trois enfants communs à intervenir depuis 2005
- Trois mesures d'instruction ont été réalisées soit une enquête sociale dont le rapport a été déposé le 24 août 2005, une mesure d'expertise mentale diligentée par le Dr B... et une audition des mineurs qui a été réalisée le 13 février 2008. Une tentative de mise en place de droits médiatisés au profit du père a été réalisée avec le concours de l'Association Amavie Forez désignée par décision du JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES de Saintt Etienne en date du 20 mars 2008.
- deux rapports ont été déposés devant la Cour d'Appel de Montpellier sur décision du juge des enfants, la Cour en sa section civile ayant demandé la communication des dits rapports sur lesquels les parties ont abondamment conclu devant la présente Cour. Il ne sera pas fait droit à la demande de communication aux présents débats des rapports diligentés à Montpellier qui n'éclairent que le comportement des mineurs depuis qu'ils résident à Montpellier et non celui qui était le leur à la date à laquelle la décision entreprise a été prise.
De plus le mal-être des trois enfants communs est par ailleurs longuement décrit aux termes des conclusions et pièces échangées par les parties et se doit d'être tenu pour acquis pour chacun des enfants sans contestation sérieuse, les parents s'opposant tant devant la présente Cour que dans les procédures antérieures sur l'auteur et les motifs de ce malaise et de cette souffrance installée chez les enfants mais aussi chez les parents.
Ces constats ainsi rappelés établissent non seulement l'irrespect par les parents des décisions au fond et des éléments apportés par les mesures d'instruction et d'audition des mineurs, le juge aux affaires familiales étant saisi en moyenne dans les deux mois suivant un arrêt.
Le concept d'intérêt de l'enfant tel que rappelé par la CDEH selon lequel chaque enfant a le droit d'entretenir des liens étroits avec chacun de ses parents quelque soit le contexte de son quotidien a été mis à mal par le combat procédural des parents. Il est important de faire rappel de ce que la réalité d'un enfant s'accommode mal d'un intérêt unique mais résulte du télescopage de plusieurs intérêts ainsi que le traduit bien la formule initiale de la convention des Droits de l'enfant qui dans sa rédaction originelle en langue anglaise développe la notion " the best interests "
Le changement de domicile de la mère a conduit le juge aux affaires familiales a retenir la compétence de la juridiction de Montpellier, décision non suivie dans un premier temps par la Cour statuant sur contredit.
La réalité de ce domicile et sa stabilité s'imposent cependant désormais à la présente Cour ainsi qu'elle s'est imposée à la Cour de Montpellier lors des débats dans le cadre restreint procéduralement de l'appel d'une décision en référé.
La scolarité des trois enfants se déroule depuis plus d'une année à Montpellier et le père conclut par ailleurs à sa difficulté d'exercer ses droits dans cette même localité.
Le principe de réalité retenu pour le domicile et en conséquence pour la compétence de la juridiction de Montpellier pour les demandes à venir le cas échéant, conduit à retenir le fait que la rupture des relations entre un père légitimement attaché à ses enfants et chacun des mineurs est un élément certain et non contesté que ce soit par la mère qui en tire argument pour solliciter la suspension des droits de visite et d'hébergement du père ou par celui-ci qui ne peut que le déplorer.
L'age des enfants communs relève tout autant de ce principe de réalité et conduit à une prudence qui ne s'accommode ni de leçons de morale ni d'obligation de voir leur père, les décisions dans le domaine familial n'ayant que l'intérêt de leur éxécutabilité s'agissant de pré-adolescents malmenés par des parents qui règlent des comptes échappant à la logique et à la raison ordinaire.
Ce rappel conduit à souligner que la demande de transfert de résidence formée par le père est impraticable en fait mais également en Droit en ce que la version du père se heurte à une version contraire et à une fixation des enfants dans un refus dont il est difficile de déterminer s'il leur appartient ou s'il a été construit tant par leurs parents que par des années de procédure.
La demande d'exercice exclusif de l'autorité parentale est contraire aux éléments de fait existant dans la présente procédure et ne ferait que consacrer l'exclusion du père de la vie de ses enfants.
Certes les réactions de Jacques X... sont celles du désespoir et peuvent ainsi être vécues comme persécutoires par ses enfants en miroir des préoccupations de leur mère qui reconstruit sa vie personnelle mais aucun élément ne conduit à estimer qu'il met en danger des enfants vivant à plus de trois heures d'acheminement de lui en exerçant ses prérogatives parentales qui se limitent de fait depuis deux ans à demander de leurs nouvelles et à être informé de leurs scolarité et de leurs santés respectives et à souhaiter prendre les décision importantes les concernant de concert avec la mère qui n'est que co-titulaire de l'autorité parentale bien que la procédure établisse qu'elle se soit conduite parfois comme unique titulaire ainsi que le précédent arrêt de cette Cour l'a précisé.
Chacun des parents est débouté sur ces deux chefs demandes, la mère étant également déboutée de sa demande de modification de la part contributive du père qu'elle n'articule pas sur des pièces démontrant la modification des capacités contributives, rappel fait de ce qu'elle a fait choix de déménager à Montpellier et qu'elle peut à tout moment reprendre son activité d'enseignante.
Il convient, s'agissant de l'accès des enfants au parent avec lequel ils ne vivent pas de maintenir la suspension des rencontres avec leur père.
Cette mesure, au demeurant incontournable en raison de son ancrage dans le temps antérieur à la présente saisine de la Cour, a été décidée par le juge aux affaires familiales de Montpellier et confirmé par le second degré de juridiction sur des motifs qui bien que développés dans le cadre d'une procédure sur référé sont toujours d'actualité.
La Cour ne peut ignorer que seule la compréhension par les enfants de l'affection que leur porte leur père permettra de dépasser la situation de blocage qui préside au non exercice des droits de visite et d'hébergement antérieurement fixés au profit de Jacques X....
En l'absence de cette compréhension et d'un apprivoisement réciproque, les trois enfants risquent de rester sur une peur fantasmatique ou non d'un père qu'ils ne connaissent pas, Jacques X... ne connaissant pas plus " qui " sont devenus ses enfants
Il est impératif que ces manques soient comblés par l'exercice du droit de correspondance écrite et téléphonique du père et envers chacun de ses enfants de façon à respecter les dispositions de l'article 373-2 en son second alinéa
Ce préalable devrait permettre de relancer un dialogue et une envie réciproque de se voir sans laquelle toute décision autoritaire de reprise des liens est in-envisageable en dehors du seul respect des principes.
L'arrêt à intervenir ne peut en effet remettre en l'état le quotidien installé des mineurs décision rendue par le juge aux affaires familiales au mois de juillet 2011 sauf à ignorer que la situation de Droit a été dépassée par le fait, attitude qui reviendrait à nier au Droit de la Famille sa spécificité au profit d'expédients juridiques.
Le juge aux affaires familiales de Saint Etienne a de plus particulièrement bien apprécié sa latitude à organiser une nouvelle réalité d'enfants ne vivant plus de fait sur son ressort et ayant depuis plus d'une année de nouvelles habitudes de vie. Il a justement souligné la souffrance légitime d'un père qui n'ayant jamais pu faire respecter son droit fondamental à conserver un accès à ses enfants et a formé une demande d'exercice exclusif de l'autorité parentale qui a conduit ses enfants à un rejet encore plus accentué.
Il a ainsi statué en privilégiant un élément de l'intérêt des mineurs, celui de la stabilité de leur quotidien en terme de scolarité, de réseau amical et de liens avec leur mère. Il importe peu à chacun de ces enfants que celle-ci n'ait pas toujours respecté les droits de leur père, rappel de ce que la justice pénale a tout moyen pour sanctionner une non présentation d'enfants à un parent détenteur d'un droit de visite et ou d'hébergement.
Le premier juge a également pris acte de ce que la Justice civile continuait à devoir se prononcer à Montpellier et que le risque d'une contrariété de décisions ne pouvait se surajouter aux errements antérieurs.
La décision entreprise est en conséquence confirmée en ses dispositions non contraires au présent arrêt.
L'attention des parties pris en leur stricte qualité de co-responsables de leurs enfants communs est appelée sur le fait que les véritables perdants du contentieux permanent de l'autorité parentale dévolue aux juridictions familiales et pour mineurs par le deux parents sont leurs enfants. Ceux-ci ont vécu leur enfance comme des objets de procédure et n'ont pas été reconnus comme des sujets en cours d'élaboration de leur personnalité
Considération prise de la nature particulière du contentieux opposant les parties, chacune d'entre elle conservera la charge des frais irrépétibles par elle exposés ainsi que ses dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour
Statuant contradictoirement, après débats en chambre du conseil
Confirme la décision entreprise en ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt
Déboute les parties de leurs demandes de transfert de résidence pour Jacques X... et d'exercice exclusif de l'autorité parentale et de modification de la part contributive du père pour Pascal Z...,
Dit que les droits de visite et d'hébergement du père sont suspendus pour une période de six mois et fait rappel du droit de correspondance écrite et téléphonique du père et de son droit à information de la situation scolaire et de santé physique des enfants
Dit que la mère se doit de mettre en place le respect des droits ainsi rappelés du père par tous moyens
Déboute les parties du plus ample de leurs demandes et dit que chacune d'entre elles conserve la charge de ses frais irrépétibles et des dépens par elle exposés.
Le GreffierLe Président