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19/01/2012 | FRANCE | N°09/07831

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 19 janvier 2012, 09/07831


R.G : 09/07831

COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 19 Janvier 2012
Décision du tribunal de grande instance de LyonAu fond du 19 novembre 2009

Dixième Chambre
RG : 07/07493

APPELANTE :

SAS SOGELINK131 chemin du Bac à TrailleLes portes du Rhône69300 CALUIRE-ET-CUIRE

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE
assistée de Maître Cyril CHABERT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SARL SIG-MAGETechnopole Izarbel64210 BIDART

représentée par la SCP LAFFLY - WICKY
assistée de Maître Jean-Benoît SAINT-C

RICQ, avocat au barreau de BAYONNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 30 Septembre 2011

Date des plaidoiries ten...

R.G : 09/07831

COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 19 Janvier 2012
Décision du tribunal de grande instance de LyonAu fond du 19 novembre 2009

Dixième Chambre
RG : 07/07493

APPELANTE :

SAS SOGELINK131 chemin du Bac à TrailleLes portes du Rhône69300 CALUIRE-ET-CUIRE

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE
assistée de Maître Cyril CHABERT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SARL SIG-MAGETechnopole Izarbel64210 BIDART

représentée par la SCP LAFFLY - WICKY
assistée de Maître Jean-Benoît SAINT-CRICQ, avocat au barreau de BAYONNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 30 Septembre 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Novembre 2011
Date de mise à disposition : 19 Janvier 2012

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Michel GAGET, président- François MARTIN, conseiller- Philippe SEMERIVA, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sogelink est titulaire de la marque française "DICT.fr", déposée le 2 octobre 2000.

La société SIG-Image l'a assignée en nullité de cette marque sur le fondement de l'article L. 711-2 a) du code de la propriété intellectuelle et en concurrence déloyale.
Le jugement entrepris a reçu la seule action en annulation et condamné la société Sogelink au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en retenant essentiellement :
- que l'élément principal de la marque est l'acronyme de "déclaration d'intention de commencement de travaux" et désigne ces formalités déclaratives ainsi que le nom du formulaire type du CERFA,
- que l'élément .fr ne confère pas au signe un caractère distinctif,
- qu'en présence d'un signe désignant dans le langage courant et habituel des professionnels concernés l'action d'effectuer cette déclaration obligatoire, la société Sogelink ne peut prétendre que le caractère distinctif aurait été acquis par l'usage,
- que le simple fait de déposer, puis renouveler une marque ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et que les agissements prétendument fautifs ne sont pas caractérisés,
- que l'action reconventionnelle en contrefaçon est dépourvue de fondement.
*
La société Sogelink fait valoir :
- qu'à l'occasion du dépôt adverse de la marque "e.dict" le directeur de l'INPI a retenu dans son projet de décision sur opposition que le signe premier pouvait être déposé à titre de marque,

- qu'elle a développé une offre de solution globale, différente de celle de la société SIG-Image, qui se borne à proposer un logiciel de remplissage,

- que prise en son ensemble, la marque "DICT.fr" n'est pas dépourvue de caractère distinctif et n'est pas générique, dans la mesure notamment où le site ne se borne pas à faire remplir une telle déclaration,
- que ce caractère distinctif est encore acquis par l'usage, le service étant connu de plus de 70 % des intervenants sur le marché du BTP,
- que d'autres entreprises utilisent le signe DICT, ce qui n'empêche pas la protection du signe dict.fr,
- que, s'agissant des reproches qui lui sont adressés à propos de ses démarches auprès de la société Google, elle s'est bornée à demander que son site apparaisse seul en réponse à la requête dict.fr et non à toute requête DICT,
- qu'en faisant usage du nom de domaine dictservices.fr, la société SIG-Image se rend coupable de contrefaçon,
- qu'en entretenant la confusion entre ses activités et celles de la société Sogelink, elle se rend coupable de concurrence déloyale et de parasitisme.
Elle demande de dire irrecevable, comme prescrite, l'action en nullité de marque, de la rejeter, de confirmer le jugement quant à la concurrence déloyale qui lui est reprochée, de constater au contraire le comportement concurrentiel déloyal de la société SIG-Image et de la condamner au paiement de la somme de 998 676 euros à titre de dommages-intérêts, tous postes de préjudice confondus, de la condamner à retirer son lien commercial dict.fr sur internet, et de mettre à sa charge une indemnité de 12 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
*

La société SIG-Image constate que dans son opposition à l'enregistrement de la marque "e-DICT", la société Sogelink soutenait elle-même que les deux marques sont dominées par l'élément DICT en lettres majuscules, dont le caractère particulièrement attractif ne peut être ignoré et que le dépôt de ce signe générique, dans lequel l'adjonction de l'extension .fr, également générique, est dépourvue de portée, en interdit l'usage à titre mot-clef sur internet et qu'il y a urgence à en prononcer la nullité et à indemniser le préjudice résultant des actes de concurrence déloyale.

Elle soutient que les considérations relatives aux activités respectives des parties sont inopérantes, de même que la décision du directeur de l'INPI.
Elle demande de faire droit à son appel incident, de condamner la société Sogelink à lui payer une provision de 50 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice, outre une somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, d'ordonner une expertise afin de parfaire l'évaluation du dommage et de lui allouer une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* *

MOTIFS DE LA DÉCISION

La marque contestée est ainsi enregistrée :

DICT.fr

Il s'agit donc, et cela n'est pas discuté, d'une marque purement verbale, le choix de caractères majuscules étant insignifiant ; le signe lui-même est couvert en tant que tel.

Les produits et services désignés sont : "publicité, gestion des affaires commerciales, travaux de bureau, conseils, informations ou renseignements d'affaires, reproduction de documents, gestion de fichiers informatiques, constructions, réparations, services d'installation, travaux publics, travaux ruraux, forage de puits, entretien ou nettoyage de bâtiments, de locaux, du sol, télécommunications, communication par terminaux d'ordinateur, service de messagerie électronique par réseau informatique, transport, distribution d'eau et d'électricité, emballage et entreposage de marchandise, programmation pour ordinateurs, travaux d'ingénieurs, consultations professionnelles et établissement de plans sans rapport avec la conduite des affaires, travaux du génie, location de temps d'accès à un centre serveur de bases de données".

L'article 7 du décret no 91-1147 du 14 octobre 1991 modifié, relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution, dispose que les entreprises chargées de l'exécution de travaux entrant dans le champ d'application des annexes I à VII bis du décret doivent adresser une déclaration d'intention de commencement des travaux à chaque exploitant d'ouvrage concerné par les travaux, que cette déclaration est établie sur un imprimé conforme au modèle déterminé par l'arrêté prévu à l'article 4 et que lorsque les travaux sont exécutés par un particulier, il lui appartient d'effectuer cette déclaration.

Pour la société Sogelink, cette marque "ne décrit pas les services proposés, qui consistent en une nouvelle plate-forme internet de mise en relation des clients tous en partie liés autour de la déclaration d'intention de commencement de travaux" et cette marque serait descriptive "si elle se bornait à faire remplir des Déclarations d'Intention de Commencement de Travaux au public, alors que tel n'est pas le cas, dans la mesure où ce n'est ici qu'une partie de ces offres".

Mais la distinctivité du signe ne s'apprécie pas au regard du service proposé, mais des produits et services visés dans l'enregistrement, de sorte que cette thèse ne peut être reçue en son principe.

A supposer même le contraire, il résulte de cette argumentation :
- d'une part, qu'il n'est pas prétendu que l'acronyme DICT présente en lui-même un caractère distinctif, en tant du moins qu'il sert désigner la déclaration imposée par le décret de 1991 ou le formulaire permettant d'y procéder, de sorte que, relativement à ces usages, cet acronyme est exclusivement, dans le langage courant ou professionnel, la désignation nécessaire ou usuelle de cette déclaration et de ce formulaire,

- d'autre part, que le signe enregistré, pris en sa globalité, se compose de deux termes descriptifs, pour l'un dans la mesure qui vient d'être rappelée et pour l'autre en ce qu'il désigne le système d'adressage internet correspondant au territoire français.

La société Sogelink décrit ainsi la prestation qu'elle propose : "une plate-forme internet d'échanges de documents entre le déclarant et l'exploitant qui s'adresse aux personnes qui envisagent de réaliser des travaux et qui envoient une déclaration, aux exploitants de réseaux qui reçoivent la déclaration et aux collectivités locales chargées d'une mission d'information".

Sur ce dernier aspect, elle indique qu'elle offre ses services à ces collectivités afin de les aider dans l'accomplissement des obligations que leur fait le décret de 1991, par "mise à disposition de support technique qui inclut la mise à jour conjointe de la liste des exploitants et une interface de gestion assistée et mise à disposition d'experts afin de pouvoir répondre aux entreprises sur la protection des infrastructures exploitées".
De cette description, il ressort que la société Sogelink offre un service internet complexe, propre à permettre aux différents intervenants de maîtriser les paramètres de contrôle et d'émission des déclarations imposées par le décret précité, publié au Journal Officiel du 9 novembre 1991.
Peu important que le site ne se borne pas à proposer le simple remplissage par le déclarant du formulaire Cerfa, le signe "DICT.fr" décrit un tel service.
A la date de son dépôt ce signe était purement descriptif de l'ensemble des produits et services désignés, chacun correspondant à un aspect à prendre en compte dans le cadre du traitement par voie de communication électronique du processus de déclaration, de sorte qu'il ne pouvait être monopolisé par un seul intervenant sur ce marché..
L'Institut national de la propriété industrielle a certes reçu ce dépôt et le projet de décision ultérieurement établi par ses soins sur l'opposition formée par la société Sogelink à l'enregistrement de la marque "e-DICT" au profit de la société SIG-Image conclut au refus de cet enregistrement ; mais ces circonstances restent sans incidence sur le droit pour cette dernière de poursuivre la nullité de la marque fondant cette opposition ; l'argumentation de la société Sogelink, notamment au regard de la distinctivité originelle de sa marque et d'une prétendue "prescription", n'est pas fondée.
*

Mais le caractère distinctif peut en pareil cas être acquis par l'usage.

La société Sogelink produit sur ce point une masse de documents si importante que tous ne peuvent être cités.
Référence expresse étant faite à ceux que mentionnent les conclusions d'appel, l'ensemble de ces documents appelle les constatations suivantes :
- beaucoup d'entre eux se bornent à citer ou décrire le site internet dict.fr, sans mentionner même la société Sogelink, ou de façon très discrète (par exemple dans une des propres plaquettes publicitaires de l'entreprise),
- certains évoquent "l'entreprise Dict.fr".
- d'autres établissent clairement une relation entre la marque et l'entreprise exactement dénommée ; pour quelques exemples :
• Le Progrès, 9 mars 2004 : "sous la marque DICT.fr, la jeune entreprise lyonnaise Sogelink a fait de la gestion de démarches administratives le moteur de son développement",

• Les Echos, 17 mars 2004 : "faire gagner du temps aux entreprises de travaux publics, voilà ce que propose Sogelink, société créée en octobre 2000 pour lancer le site internet Dict.fr",

• L'Urbain, 21 janvier 2005: "Sogelink,(nom commercial Dict.fr)",
• Le Progrès, 30 septembre 2008 : "la société Sogelink, installée à Calluire apporte avec sa plate-forme internet Dict.fr une solution globale de la gestion du risque et s'impose sur ce créneau comme le leader français",
- d'autres encore (notamment Les Echos, 19 juillet 2004) citent nommément les associés et fondateurs de cette société, lors même que sa dénomination n'est pas indiquée.
La société Sogelink établit par ailleurs qu'elle a contracté au titre des services proposés par son site avec des acteurs locaux, mais aussi avec des groupes de BTP d'importance dans d'autres régions, et même au plan national et international (les entreprises Ramery, Colas, Sade notamment) et avec des acteurs publics tels que le Syndicat pour l'assainissement de l'agglomération parisienne ou la Ville de Clermont-Ferrand.
Elle justifie des trophées professionnels qu'elle a obtenus et produit des études montrant que 71 % des intervenants sur le marché concerné connaissent le service fourni sous le nom Dict.fr décrit et que 53 % le citent en notoriété spontanée.
Il ressort ainsi de l'ensemble des pièces soumises au débat que le service offert sous le signe DICT.fr par la société Sogelink, que cette dernière soit désignée par son nom, par celui de ses dirigeants ou par celui du site qu'elle exploite, est connu par une très large fraction du public pertinent et identifié comme étant celui dont elle assume la responsabilité.
Dans ces conditions, la fonction essentielle d'identification d'origine est bien remplie par le signe contesté ; il en va de même des fonctions de communication et d'investissement, au vu des articles de presse relatant les opérations de publicité et de valorisation menées autour du nom de ce service.
Lors même qu'il n'était pas distinctif à l'origine, le signe DICT.fr, largement et continuellement exploité en tant que marque depuis 2000 et au moins depuis 2004, a ainsi atteint, compte tenu des caractéristiques du secteur d'activité sur internet, une distinctivité suffisante pour être valable.
Dans la mesure où il est justifié de sa coexistence avec d'autres signes très proches, tels que "NS-DICT", "DICT ON-Line" ou "DICT/DR" pour désigner des services identiques ou similaires, son existence ne porte pas atteinte à la suffisante disponibilité de son élément dominant descirptif dans le cadre d'une concurrence sur le marché.
Ce signe est protégeable en tant que marque.

Le jugement prononçant la nullité de son enregistrement doit être réformé.

*

Quant à son action en contrefaçon, la société Sogelink souligne que le nom de domaine dictservices.fr se "rapproche" de sa marque.

Mais il ne s'agit pas là d'une "reproduction", interdite par l'article L. 713-2 a) du code de la propriété intellectuelle qu'elle cite expressément, puisque la marque n'est pas reprise sans ajout ni retranchement ; en tant qu'elle est fondée sur ce texte, l'action en contrefaçon manque par son fait même.
La société Sogelink soutient encore que la société SIG-Image "utilise ce nom de domaine qui présente d'étrange similarité avec la marque", qu'elle en fait "un usage pour des produits et des services imités" et "qu'il existe donc entre les deux signes des ressemblances manifestes, susceptibles de créer dans l'esprit un risque de confusion".
Il s'en déduit que, quoiqu'elle ne se réfère pas à ce texte, elle prétend ainsi à la protection prévue à l'article L. 713-3 b) du code.
De ce point de vue, les services respectivement désignés sont identiques, du moins très similaires.
Or, de l'impression d'ensemble produite par les signes en présence, et en tenant compte en particulier de l'élément dominant commun dict, il résulte qu'ils diffèrent sensiblement au plan phonétique et visuel, mais que, conceptuellement, ils sont extrêmement proches.
Pour autant, ni cet élément dominant, ni l'extension .fr, qui sont purement descriptifs, doivent demeurer libres de droit et ne peuvent être protégés indépendamment de leur association dans la marque DICT.fr.
Par ailleurs, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails ; dès lors, l'un des facteurs pertinents d'appréciation globale d'un risque de confusion dans l'esprit du public est en l'espèce la faculté laissée à un intervenant concurrent d'utiliser le terme descriptif dict, ainsi qu'une extension, pour proposer ses services sur internet, comme le font les titulaires de marques enregistrées très proches de celle de la société Sogelink, déjà citées ("NS-DICT", "DICT ON-Line", "DICT/DR" ...).
Dans ces conditions, et même en tenant compte de l'interdépendance des facteurs, qui est propre à opérer une certaine compensation entre les différences des signes, au regard de la similarité des services, le terme dictservices.fr diffère assez, par l'insertion du seul mot services, de la marque dont la contrefaçon est prétendue pour que le public ne puisse être amené à croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées.
Aucune "imitation de services", n'est démontrée.
L'action en contrefaçon portant sur le signe dictservices.fr n'est pas fondée.
*

S'agissant de l'action en concurrence déloyale, la société Sogelink fait d'abord grief à la société SIG-Image d'avoir fait usage de l'enseigne e-dict et du nom de domaine e-dict.fr.

Elle soutient que cette proximité phonétique et calligraphique de la marque DICT.Fr a eu son effet, puisque plusieurs clients l'ont interrogée sur les raisons de son changement d'adresse internet, pour en déduire qu'il s'agit là d'un acte de "concurrence déloyale".

Il n'est donc pas prétendu que le signe est contrefaisant.

A supposer même que tel soit le cas, il contiendrait d'établir l'existence d'un risque de confusion, qui ne donne lieu qu'à de simples allégations, dépourvue de tout élément de preuve.
Enfin, aucune faute ne saurait résulter du simple usage d'un signe proche des signes distinctifs de la société Sogelink, dès lors que l'élément commun est descriptif de l'activité et qu'il n'est pas démontré que cet usage a concrètement été fautif, notamment par création d'un risque de confusion.

Au plan de la concurrence déloyale, la faute n'est pas établie et, s'agissant d'une éventuelle contrefaçon, nul risque de confusion n'est démontré, référence étant faite au besoin aux motifs concernant le signe directservices.fr.

La société Sogelink reproche encore à la société SIG-Image d'avoir ouvert son site dictservices.fr et d'avoir choisi le terme DICT.fr pour mot-clef de référencement dans le cadre du service Adwords de la société Google.

Mais, d'une part, il résulte seulement du constat dressé à sa demande le 30 septembre 2009 qu'une requête "dict.fr" déclenche l'affichage, à titre de liens commerciaux, tant du site DICT.fr que du site DICTservices.fr.
Compte tenu de l'absence de distinctivité du signe .fr, du fait que plusieurs annonceurs peuvent sélectionner le même mot-clef, et des règles de fonctionnement du système opérant des corrections de saisie en fonction de la distance entre le terme constituant une requête et celui faisant l'objet d'une réservation, il ne peut être conclu de ces constatation que le signe DICT.fr, et non le seul terme DICT, a été réservé par la société SIG-Image.
D'autre part, à supposer même ce choix, le titulaire d'une marque n'est habilité à interdire à un annonceur de faire de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, à partir d'un mot-clef identique à ladite marque dans le cadre d'un service de référencement sur internet, que si la publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers.
Il en va de même dans le cas où le mot-clef reprendrait "le nom sous lequel est connue la société Sogelink".
Or, nulle précision n'est donnée quant à l'existence d'un tel risque de confusion de la part de l'internaute en raison du contenu du site incriminé.
En conséquence, aucune faute susceptible de caractériser une concurrence déloyale ou un comportement parasitaire - à supposer même cette dernière notion applicable entre entreprises concurrentes - n'est établie à la charge de la société SIG-Image.
La société Sogelink est en revanche fondée à dénoncer le recours de la société SIG-Image à des méthodes commerciales fautives.
Par courrier électronique du 16 mars 2010, en effet, Mme Z... indique qu'elle a été contactée afin de "renouveler le contrat en passant à la nouvelle version DICTSERVICES.FR" et que la personne à laquelle elle a eu affaire lui "a fait croire qu'elle pourrait choisir la nouvelle version qu'elle lui proposait, sans lui dire qu'il s'agissait d'un concurrent".

De même, Mme A... : "nous avons été démarchés par une société qui s'est présentée sous le nom de DICT", proposant "une mise à jour de notre logiciel DICT, qui portait le nom de DICT Service ..., le produit m'a été présenté de telle manière que j'ai supposé être contactée par vos services".

Il n'est pas de motif de douter de la fiabilité et de la sincérité de ces narrations, qui ne sont d'ailleurs pas contestées ; elles établissent que la société SIG-Image, si elle était en droit de démarcher les clients de la société Sogelink, s'est livrée à ce démarchage sans indiquer clairement que sa proposition émanait d'un concurrent et dans des conditions propres à dissimuler son intervention en simple renouvellement du contrat passée par cette dernière.
Ces faits constituent une faute et caractérisent la concurrence déloyale.
Il s'en infère nécessairement un préjudicee.
La société Sogelink présente une demande de 998 676 euros, "tous postes de préjudice confondus".
La plus grande partie de cette réclamation est dépourvue de fondement, puisque la plupart des faits correspondants -notamment la contrefaçon - n'ont pas été retenus comme étant fautifs.
S'agissant du seul démarchage déloyal, la généralité des faits n'est pas démontrée, mais il existe une atteinte certaine à l'image de sérieux de la société Sogelink, ainsi qu'à la technicité de son service, puisque les clients sont amenés à penser que celui que propose la concurrence peut, sans autre adaptation, prendre le relai du sien et produire des résultats meilleurs.
Mais, quelle que soit la gravité de la faute commise, il n'est justifié que d'un comportement limité à deux clients ; le dommage est évalué à 50 000 euros.
*

La société SIG-Image agit pour sa part en concurrence déloyale, en faisant grief à la société Sogelink d'être intervenue directement auprès de Google pour faire supprimer son référencement en invoquant la protection de sa marque.

La société Sogelink objecte qu'elle a seulement demandé au prestataire de référencement de "faire les démarches nécessaires pour que son seul site internet dict.fr sorte sur la requête dict.fr" et qu'elle a ainsi "protégé sa marque".
Mais un tel usage n'est de ceux qu'un titulaire de marque peut interdire qu'aux conditions, précédemment rappelées, relatives au fait que la publicité ne permet pas ou ne permet que difficilement d'identifier l'origine de la proposition.
Rien ne permettant de considérer que cette condition est remplie et, du moment que la publicité affichée sur internet à partir d'un mot clé correspondant à une marque propose une alternative aux services de son titulaire, sans porter atteinte aux fonctions de ladite marque, un tel usage relève, en principe, d'une concurrence saine et loyale dans le secteur des services en cause.
Dès lors, en obtenant la mesure qu'elle décrit elle-même, la société Sogelink a indûment fait perdre à la société SIG-Image, dont rien à cette époque ne permettait de soupçonner la loyauté, une chance de proposer son service à des internautes connaissant déjà le service dict.fr.
Il s'agit d'une faute caractérisant une concurrence déloyale.
Certes, au regard des solutions majoritairement retenues par les cours et tribunaux, il a pu pendant un certain temps être considéré que le titulaire de marque disposait d'un tel droit.
Mais, quelle que soit la gravité de la faute au regard de cette circonstance, ce comportement a eu pour effet d'exclure la société SIG-Image d'un moyen commode et licite d'accès à une clientèle spécialisée et donc de générer un chiffre d'affaires important.
Le préjudice sera arrêté à 80 000 euros.

Chacune des parties succombe partiellement et conserve la charge de ses dépens.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,
- Infirme le jugement entrepris,
- Statuant à nouveau, déboute la société SIG-Image de sa demande d'annulation de la marque française "DICT.fr" no 00 356 011,
- Déboute la société Sogelink de son action en contrefaçon de marque,
- Condamne la société SIG-Image à payer à la société Sogelink une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice cause par concurrence déloyale,
- Condamne la société Sogelink à payer à la société SIG-Image une somme de 80 000 euros en réparation du préjudice cause par concurrence déloyale,
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,
- Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Joëlle POITOUX Michel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 09/07831
Date de la décision : 19/01/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

ARRET du 14 mai 2013, Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 mai 2013, 12-15.534, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2012-01-19;09.07831 ?
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