R. G : 10/ 07344
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre
ARRET DU 09 Janvier 2012
décision du Tribunal de Grande Instance de LYON Au fond du 30 septembre 2010
RG : 2008/ 4237 ch no 1- Cab. 2
X...
C/
LE PROCUREUR GENERAL près la Cour d'Appel de LYON
APPELANT :
M. Veysel X... né le 10 Juillet 1975 à YAYLACI (TURQUIE) ...69200 VENISSIEUX
représenté par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour
assisté de Me Bernard MOMPOINT, avocat au barreau de LYON
INTIME :
M. LE PROCUREUR GENERAL, représenté par Madame ESCOLANO, substitut général près la Cour d'Appel de LYON 1 rue du Palais de Justice 69005 LYON
Date de clôture de l'instruction : 31 Octobre 2011
Date des plaidoiries tenues en Chambre du Conseil : 24 Novembre 2011
Date de mise à disposition : 09 Janvier 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Anne Marie DURAND, président-Catherine CLERC, conseiller-Isabelle BORDENAVE, conseiller,
assistées pendant les débats de Christine SENTIS, greffier.
A l'audience, Isabelle BORDENAVE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire, rendu publiquement, par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Signé par Anne Marie DURAND, président et par Anne-Marie BENOIT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte d'huissier en date du 4 janvier 2008, le procureur de la République du tribunal de grande instance de Lyon a assigné monsieur Veysel X..., afin de voir annuler l'enregistrement de la déclaration française souscrite par ce dernier et constater son extranéité.
Le récépissé exigé par l'article 1043 du Nouveau Code de Procédure Civile a été délivré le 13 mai 2008.
A l'appui de ses demandes, monsieur le procureur de la République a fait valoir que la cessation de la communauté de vie, en application de l'article 26-4 du code civil, dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration, constituait une présomption de fraude et qu'il appartenait au déclarant de prouver l'existence d'une communauté de vie, tant matérielle qu'intentionnelle.
Il a indiqué que son action ne pouvait être prescrite et, sur le fond, a exposé qu'à la date de déclaration de nationalité, il était établi que la communauté de vie entre les époux était rompue tant sur le plan matériel qu'affectif.
Monsieur le procureur de la République a enfin fait valoir que le risque pour Veysel X... d'être apatride ne relevait que de sa propre responsabilité puisqu'il n'a pu perdre sa nationalité turque que par un acte volontaire.
Dans ses conclusions en réponse, Veysel X... a demandé au tribunal de rejeter la demande de monsieur le procureur de la République de Lyon, la considérant prescrite et non fondée et de condamner l'Etat français, outre aux dépens, à lui verser la somme de 1. 000, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, estimant que le délai de prescription de l'action doit courir à compter de la découverte des faits, soit à compter de la transcription de son divorce du 8 janvier 2004.
Par jugement du 30 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Lyon a considéré que la demande était recevable et, sur le fond, a constaté la délivrance d'un récépissé
conforme à l ‘ article 1403 du code de procédure civile en date du 13 mai 2008, a annulé l'enregistrement, le 10 mars 2004, sous le numéro 07074/ 04, de la déclaration de nationalité française souscrite par Veysel X... le 18 avril 2003, a constaté l'extranéité de ce dernier, a ordonné la mention prévue par l ‘ article 28 du code civil, a débouté monsieur X... de ses demandes reconventionnelles et l'a condamné aux dépens.
Par déclaration reçue le 14 octobre 2010, Veysel X... a relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 30 mai 2011, monsieur X... sollicite la réformation de la décision, demandant à ce qu'il soit constaté que l'action engagée par monsieur le procureur de la République est irrecevable comme prescrite ; il sollicite en toute hypothèse qu'il soit constaté qu'il n'a commis aucune fraude, que la demande du procureur de la République soit rejetée et que l'Etat soit condamné à lui verser, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros et soit condamné aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par maître De FOURCROY.
Par conclusions récapitulatives du 13 juillet 2011, monsieur le procureur de la République demande confirmation du jugement de première instance, considérant d'une part que la prescription ne saurait lui être opposée, dès lors qu'il a agi dans le délai de deux années suivant la découverte de la situation, dont il a été informé par le ministère des Naturalisations le 17 janvier 2006, d'autre part que la présomption de fraude est caractérisée, dès lors que l'intéressé a souscrit une déclaration de nationalité le 18 avril 2003, alors qu'il avait déposé une requête en divorce par consentement mutuel le 1er février 2003.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 octobre, l'affaire a été évoquée le 24 novembre 2011, et mise en délibéré ce jour.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 16 mars 1998, applicable aux faits de l'espèce, " l'étranger qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, dans un délai d'un an, acquérir la nationalité française par déclaration, à condition qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux ".
Qu'en application des dispositions de l'article 26-4 alinéa 2 et 3 du code civil " dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public, si les conditions légales ne sont pas satisfaites. L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de communauté de vie des époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude. "
Attendu qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier que monsieur X..., de nationalité turque, comme né le 10 juillet 1975 à Yaylaci en Turquie, s'est marié le 30 janvier 1999 à Marcy l'Etoile, avec madame Catherine Y..., de nationalité française.
Qu'il a souscrit, le 18 avril 2003, devant le juge d'instance du tribunal de Villeurbanne, une déclaration de nationalité française, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, attestant alors sur l'honneur d'une communauté de vie avec son épouse, la déclaration ayant fait
l'objet d'un enregistrement le 10 mars 2004.
Attendu qu'il apparaît cependant qu ‘ avant même de souscrire cette déclaration, les époux avaient engagé une procédure de divorce en déposant, le 1er février 2003, une requête conjointe en divorce, les pièces du dossier établissant la réalité d ‘ une première audience devant le juge aux affaires familiales le 11 septembre 2003, la réitération de la procédure de divorce par consentement mutuel le 17 septembre 2003, puis un jugement de divorce prononcé le 8 janvier 2004 et transcrit le 25 juin 2004.
Attendu que c'est dans ces circonstances que la sous-direction des naturalisations a saisi le ministère de la justice le 17 janvier 2006, d'une proposition de contestation judiciaire de la déclaration et que le procureur de la République de Lyon a assigné monsieur X... aux fins de voir annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité française, par acte d'huissier en date du 14 janvier 2008.
Attendu que pour contester la décision déférée, qui a accédé à cette demande, monsieur X... soutient d'une part que l'action du ministère public se heurterait à la prescription, comme étant introduite plus de deux années après découverte de la prétendue fraude, la date de transcription du jugement de divorce devant à ce titre être retenue et d'autre part, sur le fond qu'aucun cas de mensonge ou fraude n'est établi.
Attendu que le délai de deux années ouvert au ministère public pour agir, ne saurait courir à compter de la date de transcription du divorce, laquelle ne saurait à elle seule constituer la révélation d ‘ un mensonge ou d'une fraude, le ministère public ne pouvant déceler une telle manoeuvre dans le seul fait de faire transcrire une décision de justice.
Que seuls des rapprochements et recherches par des services compétents peuvent permettre la mise à jour de manoeuvres frauduleuses, le délai pour agir du ministère public ne pouvant courir qu'à compter du jour où il a été averti d'un soupçon de fraude.
Qu'en l'espèce, le ministère de la justice a été alerté par la direction de la population et des migrations, sous-direction des naturalisations, le 17 janvier 2006, de sorte que le point de départ du délai doit être fixé à cette date et que l'action introduite par le ministère public par acte d'huissier du 4 janvier 2008 ne se heurte pas à la prescription.
Attendu au fond qu il est établi qu ‘ avant même la date de la déclaration, le 18 avril 2003, une requête en divorce par consentement mutuel avait été déposée, le divorce étant ensuite prononcé le 8 janvier 2004, situation qui témoigne d'une cessation de communauté de vie affective et éventuellement matérielle, et permet de considérer que l'attestation sur l'honneur jointe à la déclaration revêt un caractère mensonger.
Qu'aucune des pièces versée par monsieur X... ne démontre que la communauté de vie entre les époux persistait à la date de la déclaration, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'enregistrement le 10 mars 2004 de la déclaration de nationalité souscrite le 18 avril 2003 et constaté l'extranéité de l'intéressé.
Attendu qu ‘ il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Attendu que monsieur X..., qui succombe, sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Après débats en chambre du conseil après en avoir délibéré statuant contradictoirement, et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Condamne monsieur X... aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame Anne-Marie DURAND, président et par madame Anne-Marie BENOIT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président.