R. G : 10/ 05448
COUR D'APPEL DE LYON 2ème chambre ARRET DU 09 Janvier 2012
décision du Tribunal de Grande Instance de LYON Au fond du 17 juin 2010
RG : 08/ 8980
X...
C/
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LYON
APPELANT :
M. Toudo X... né le 11 Décembre 1979 à PIKINE (SENEGAL)... 69007 LYON
représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, assisté de Me Morgan BESCOU, avocat au barreau de LYON
INTIME :
M. LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LYON représenté par Madame ESCOLANO, substitut général 1 rue du Palais de Justice 69005 LYON
Date de clôture de l'instruction : 16 Mai 2011 Date des plaidoiries tenues en Chambre du Conseil : 24 Novembre 2011 Date de mise à disposition : 09 Janvier 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Anne Marie DURAND, président-Catherine CLERC, conseiller-Isabelle BORDENAVE, conseiller, assistées pendant les débats de Christine SENTIS, greffier.
A l'audience, Catherine CLERC a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire, rendu publiquement, par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Signé par Anne Marie DURAND, président et par Anne-Marie BENOIT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur Toudo X... est né le 11 décembre 1979 à PIKINE (SENEGAL) de Monsieur Bakary X... et de Madame Khoumba Y..., sa seconde épouse, tous deux nés au SENEGAL, respectivement les 1er janvier 1925 et le 20 mai 1948.
Monsieur Toudo X... s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française le 13 juillet 2006 par le greffier en chef du Tribunal d'Instance de LYON au motif que son père n'avait pas conservé la nationalité française à défaut d'établir, au moment de l'indépendance du SENEGAL le 28 juin 1960, son domicile de nationalité hors d'un des Etats qui avaient eu antérieurement le statut de territoire d'outre mer de la République Française. Ce refus a été confirmé, sur recours gracieux de Monsieur Toudo X..., par le Ministre de la Justice le 5 mars 2007.
Statuant sur l'assignation délivrée le 27 mai 2008 à l'encontre du Procureur de la République par Monsieur Toudo X... au visa des articles 18 et 20-1 du code civil qui sollicitait que lui soit reconnue la qualité de français, le Tribunal de Grande Instance de LYON, par jugement en date du 17 juin 2010, a débouté le requérant de sa demande en constatant son extranéité après avoir jugé tout à la fois :
- qu'il ne prouvait pas que son père, Monsieur Bakary X... a conservé la nationalité française lors de l'indépendance du SENEGAL, dès lors que, nonobstant les certificats de nationalité qui avaient été délivrés à celui-ci, il avait maintenu sa résidence familiale au SENEGAL et n'avait pas transféré son domicile de nationalité hors de son pays d'origine lorsque celui-ci était devenu indépendant-que Monsieur Toudo X... ne justifiait pas lui-même de la possession d'état de français de sorte que l'article 30-2 du code civil ne pouvait s'appliquer. Monsieur Toudo X... a relevé appel de ce jugement le 16 juillet 2010 et demande à la Cour, aux termes de ses dernières conclusions déposées le 16 novembre 2010 :- de lui donner acte de ce qu'il a satisfait aux exigences procédurales de l'article 1043 du code de procédure civile,- de déclarer qu'il a la qualité de français et d'ordonner les mentions légales subséquentes sur ses actes d'état civil,- de condamner l'Etat à verser à son conseil, qui renoncera alors au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens, ceux d'appel devant être distraits au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoué.
Au soutien de son recours il fait valoir notamment que *les premiers juges ont fait une appréciation inexacte de la notion de domicile de nationalité de son père en ce qu'ils se sont fondés pour ce faire, sur l'acception actuelle de domicile de nationalité alors qu'ils devaient, dans un souci de sécurité juridique, se référer à la notion de domicile telle qu'en vigueur à l'époque de l'indépendance du SENEGAL, par référence à l'article 102 du code civil.
*le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences du fait non contesté que son père avait la possession d'état de français depuis plus de dix ans au moment de sa naissance de sorte qu'il lui a transmis la nationalité française en application de l'article 18 du code civil.
Dans ses dernières écritures déposées le 13 décembre 2010 le Ministère Public après avoir sollicité que soit constaté le respect des prescriptions de l'article 1042 du code de procédure civile, conclut à la confirmation du jugement déféré en « recadrant » la définition de la notion de domicile de nationalité et en insistant par ailleurs sur le fait que Monsieur Toudo X... n'a pas de possession d'état de français.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2011 et l'affaire plaidée le 24 novembre 2011, a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS
Attendu que la procédure d'appel est régulière en la forme, le récépissé visé à l'article 1043 du code de procédure civile ayant été délivré le 30 juillet 2010 et déposé au greffe le 13 août 2010.
Attendu que le lien de filiation entre Monsieur Toudo X... et Monsieur Bakary X... n'est pas contesté.
Attendu qu'il incombe à Monsieur Toudo X..., dont la nationalité est en cause et qui n'est pas lui-même titulaire d'un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve de ce que son père (indépendamment de toute autre considération tel que le fait qu'il était titulaire de certificats de nationalité française) avait conservé la qualité de français après l'accession à l'indépendance du SENEGAL le 28 juin 1960.
Attendu que les conséquences sur la nationalité de l'accession à l'indépendance des anciens territoires d'outre-mer de la République française, ont été organisées par la loi du 28 juillet 1960, laquelle a déterminé précisément et définitivement les personnes ayant conservé de plein droit la nationalité française, à savoir les personnes originaires de ces territoires qui n'y étaient pas domiciliées lorsque ces derniers sont devenus indépendants (article 13 alinéa 1 du code de la nationalité française dans sa rédaction de la loi du 28 juillet 1960) ; que le domicile en matière de nationalité au sens de l'article 13 alinéa 1 du code précité doit s'entendre de la résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations professionnelles
Attendu que Monsieur Bakary X..., qui s'est marié une première fois au SENEGAL le 20 avril 1957, a eu de cette première union six enfants nés au SENEGAL entre 1959 et 1979 ; que dans le cadre de son second mariage célébré le 28 avril 1965 au SENEGAL, l'intéressé a eu trois autres enfants, nés entre 1972 et 1979, dont l'appelant.
Qu'il en résulte que le centre des attaches familiales de Monsieur Bakary X... au jour de l'indépendance du SENEGAL le 28 juin 1960 était resté dans son pays d'origine ;
Qu'ensuite il n'est pas démontré avec pertinence que Monsieur Bakary X..., qui a travaillé pour la compagnie Générale maritime du HAVRE entre le 29 septembre 1949 et le 15 janvier 1981, était effectivement domicilié à MARSEILLE en FRANCE métropolitaine en juin 1960 après l'indépendance du SENEGAL, cette adresse ne pouvant pas être qualifiée de résidence effective stable et permanente coïncidant avec le centre de ses attaches familiales et ses occupations professionnelles, aucune des pièces communiquées par Monsieur Toudo X... venant établir que son père aurait vécu avec ses enfants et épouses à cette adresse et qu'il y avait ses attaches professionnelles.
Qu'ainsi il ne peut être jugé que le père de Monsieur Toudo X... a établi son domicile au sens du droit de la nationalité hors de son pays d'origine lorsque celui-ci est devenu indépendant.
Attendu que l'article 30-2 du code civil tient pour établie la nationalité française d'une personne lorsque celle-ci et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre par filiation, ont joui d'une façon constante de la possession d'état de français ; que cependant les conditions d'application de ce texte ne sont pas réunies en l'espèce dès lors que seul Monsieur Bakary X... bénéficie de cette possession d'état ; que Monsieur Toudo X... ne justifiant pas, à titre personnel, d'une possession d'état de français, est donc mal fondé à se prévaloir de l'article 30-2 précité ; qu'il n'est pas davantage fondé à reprocher aux premiers juges « d'avoir violé les dispositions de l'article 18 du code civil en appliquant faussement l'article 30-2 du code civil » ; qu'en effet s'étant abstenu de prouver que son père a conservé la nationalité française après la déclaration d'indépendance du SENEGAL, Monsieur Toudo X... ne peut lui-même l'acquérir par filiation paternelle.
Attendu qu'en définitive la confirmation du jugement déféré s'impose en toutes ses dispositions en ce qu'il a constaté l'extranéité de Monsieur Toudo X... et ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil.
Attendu que l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ne se justifie pas au profit de Monsieur Toudo X... dont la demande présentée à ce titre sera rejetée.
Attendu que Monsieur Toudo X... sera condamné aux dépens d'appel comme succombant dans son recours, ceux de première instance devant être confirmés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré,
Déclare régulière la procédure d'appel suite à la délivrance du récépissé prévu à l'article 1043 du code de procédure civile,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur Toudo X... aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne-Marie DURAND, président et par Madame Anne-Marie BENOIT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT.