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14/12/2011 | FRANCE | N°10/05854

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 14 décembre 2011, 10/05854


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 10/05854





ADAPEI DE L'AIN



C/

[O]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 23 Juin 2010

RG : F 09/00298



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2011





APPELANTE :



ADAPEI DE L'AIN

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3],

en la présence de Mme [E], dire

ctrice, de l'Etablissement situé à [Localité 7] dénommé MAS [Localité 6],



assisté de Me MARION, avocat au barreau de Lyon, substituant Me Valérie BOUSQUET de la SCP JAKUBOWICZ MALLET-GUY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON,



INTIMÉE :

...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 10/05854

ADAPEI DE L'AIN

C/

[O]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 23 Juin 2010

RG : F 09/00298

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2011

APPELANTE :

ADAPEI DE L'AIN

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3],

en la présence de Mme [E], directrice, de l'Etablissement situé à [Localité 7] dénommé MAS [Localité 6],

assisté de Me MARION, avocat au barreau de Lyon, substituant Me Valérie BOUSQUET de la SCP JAKUBOWICZ MALLET-GUY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON,

INTIMÉE :

[L] [O]

née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 3]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

comparant en personne, assistée de Me Paul TURCHET, avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 15 septembre 2010

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Octobre 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président,

Hervé GUILBERT, Conseiller

Françoise CARRIER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Fabienne BEZAULT-CACAUT, Greffier placé.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Décembre 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président, et par Marie BRUNEL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 23 juin 2010 par le Conseil de Prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE, dont appel ;

Vu les conclusions déposées le 25 mars 2011 par l'A.D.A.P.E.I. de l'AIN, appelante, incidemment intimée ;

Vu les conclusions déposées le 13 avril 2011 par [L] [O], intimée, incidemment appelante ;

La Cour,

Attendu que [L] [O] a été embauchée par l'A.D.A.P.E.I. le 3 décembre 2001 en qualité d'agent administratif, par contrat à durée indéterminée à temps partiel, à la maison d'accueil spécialisée de [Localité 6] à [Localité 7] (Ain) ;

Qu'à compter du 1er septembre 2007, elle a été affectée à un emploi de technicien qualifié et qu'elle exerçait ses fonctions au sein du secrétariat de l'établissement ;

Attendu que la salariée a pris ses congés payés à compter du 10 juillet 2009 ;

Qu'à la reprise du travail, le 3 août 2009, elle a été accueillie sur le parc de stationnement de l'établissement, par la directrice qui lui a signifié sa mise à pied et lui a remis en main propre une convocation à l'entretien préalable à son licenciement ;

Qu'elle a été licenciée pour faute grave le 12 août 2009 ;

Attendu que le Conseil de Prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE saisi par la salariée a, par jugement du 23 juin 2010 :

- dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné l'A.D.A.P.E.I. de l'Ain à payer à [L] [O] :

1° la somme de 3 130 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

2° la somme de 313 € au titre des congés payés y afférents,

3° la somme de 5 933 € à titre d'indemnité de licenciement,

4° la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Attendu que l'A.D.A.P.E.I. de l'Ain a régulièrement relevé appel de cette décision le 29 juillet 2010 ;

Attendu que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce qu'il a été constaté, en l'absence de [L] [O], que la salariée avait, sur son poste informatique, sauvegardé, dans des fichiers partagés, des images à caractère pornographique et tenu une comptabilité personnelle, lesdits fichiers partagés ayant pu être consultés sur le réseau interne de l'établissement par toute personne présente dans celui-ci, ce qui exposait particulièrement les résidents, population extrêmement vulnérable, à être confrontés à une situation fâcheuse ;

Attendu que l'association appelante soutient essentiellement à l'appui de sa contestation que les fichiers informatiques qui ont été ouverts par la directrice de l'établissement n'avaient pas un caractère personnel, que l'enregistrement d'images pornographiques sur le compte individuel de la salariée revêt un caractère d'une extrême gravité au regard des risques encourus par des résidents très vulnérables, et que le règlement intérieur de l''établissement interdit aux salariés d'utiliser l'outil informatique mis à leur disposition à des fins personnelles ;

Qu'elle demande en conséquence à la Cour d'infirmer la décision critiquée, de débouter [L] [O] de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner à lui restituer la somme de 8 593,20 € qu'elle lui a réglée au titre de l'exécution provisoire ;

Attendu que l'intimée, formant appel incident, conclut à la condamnation de l'association appelante à lui payer la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la confirmation du jugement attaqué pour le surplus ;

Qu'elle fait principalement valoir à cet effet, que les fichiers qu'il lui est reproché d'avoir sauvegardés, étaient enregistrés dans un dossier personnel, en dehors des fichiers partagés, et que c'est en violation du secret de la correspondance que la directrice de l'établissement en a pris connaissance et qu'elle a fondé sa décision de licenciement ;

Qu'elle ajoute qu'il était matériellement impossible que quiconque, en dehors des personnes régulièrement autorisés pût accéder à ces fichiers personnels, et que c'est par une manipulation déloyale que la directrice les a elle-même enregistrés dans le compte des fichiers partagés auquel n'avaient du reste accès qu'un nombre très limité de personnes ;

Attendu qu'il ressort des débats et des pièces produites par les parties que la salariée disposait pour son travail, au secrétariat de l'établissement, d'un poste informatique par lequel elle pouvait accéder au réseau interne au moyen d'un code secret connu d'elle-même, de la directrice et du centre serveur, l'intitulé dudit code étant conservé dans le coffre du comptable;

Attendu qu'au sein de l'établissement, seules deux personnes avaient connaissance de ce code, savoir [L] [O] et la directrice ;

Qu'il n'est pas contesté ni contestable que cette dernière ait pu, alors que la salariée était en congés annuels, avoir besoin d'accéder à des données internes à l'établissement qu'elle avait enregistrées sur son compte, et qu'il est parfaitement indifférent que la directrice ait pu procéder à cette opération à partir de son propre poste informatique sans avoir à utiliser celui de [L] [O] ;

Attendu qu'il est en outre établi que ce compte informatique individuel mis à la disposition de [L] [O] comportait, certes, des fichiers partagés avec d'autres personnes ayant accès au réseau interne, mais aussi bon nombre de fichiers qui n'étaient pas partagés ;

Que certains de ces derniers avaient été regroupés par la salariée dans un dossier qu'elle avait ouvert sous l'intitulé '[L]' ;

Que ce dossier revêtait à l'évidence un caractère strictement personnel qui n'a pu échapper à la directrice de l'établissement dès lors qu'elle était l'unique personne, si l'on excepte le centre serveur, à pouvoir y accéder en dehors de la salariée qui porte ce prénom;

Or attendu qu'il ressort également des pièces produites et notamment du constat d'huissier établi le 23 juillet 2009 à la requête de la directrice de l'établissement que le dossier personnel '[L]' a été transféré dans l'ensemble des fichiers partagés quelques minutes avant l'intervention de l'huissier ;

Que dès lors la présence des documents incriminés parmi les fichiers partagés ne peut être imputée à la salariée, en congé au moment de ce transfert ;

Attendu que le seul fait, pour la directrice de l'établissement, d'avoir ouvert un dossier strictement personnel à la salariée est constitutif d'une violation caractérisée du secret de la correspondance ;

Que la manière illicite dont le contenu de ce dossier informatique a été obtenu par la direction prive de tout fondement légal la sanction disciplinaire qu'il est censé fonder, ce en dehors de toute autre considération ;

Qu'ainsi, c'est à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que ce licenciement abusif, prononcé au mépris de la liberté individuelle de la salariée, a causé à celle-ci un préjudice professionnel et moral important, notamment au regard des conditions particulièrement brutales, humiliantes, dégradantes et choquantes dans lesquelles il est intervenu qui ont porté atteinte à la dignité et à l'honorabilité de la salariée ;

Que ce préjudice a été quelque peu sous-évalué par les premiers juges ;

Que la Cour réformera donc de ce chef et fixera les dommages et intérêts dûs à [L] [O] à la somme de 25 000 € ;

Attendu que pour assurer la défense de ses intérêts devant la Cour, l'intimée a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il est équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'association appelante ;

Que celle-ci sera donc condamnée à lui payer une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, déclare recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;

Au fond, les dit l'un et l'autre injustifiés ;

Réformant, condamne l'A.D.A.P.E.I. de l'Ain à payer à [L] [O] la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

La condamne à lui payer une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

La condamne aux dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 10/05854
Date de la décision : 14/12/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°10/05854 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-14;10.05854 ?
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