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25/11/2011 | FRANCE | N°11/01684

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 novembre 2011, 11/01684


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 11/01684





[N]



C/

ASSOCIATION OEUVRE DES VILLAGES D'ENFANTS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 23 Février 2011

RG : F 09/00107











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2011





















APPELANT :



[V] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]



comparant en personne,

assisté de Me Henri ROBERT

de la SELARL ROBERT,

avocat au barreau de ROANNE







INTIMÉE :



ASSOCIATION OEUVRE DES VILLAGES D'ENFANTS

venant aux droits de l'Association de Perfectionnement

Professionnel de la Ville de ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 11/01684

[N]

C/

ASSOCIATION OEUVRE DES VILLAGES D'ENFANTS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 23 Février 2011

RG : F 09/00107

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2011

APPELANT :

[V] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne,

assisté de Me Henri ROBERT

de la SELARL ROBERT,

avocat au barreau de ROANNE

INTIMÉE :

ASSOCIATION OEUVRE DES VILLAGES D'ENFANTS

venant aux droits de l'Association de Perfectionnement

Professionnel de la Ville de [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Laurence JUNOD-FANGET,

avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 04 Avril 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Octobre 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Novembre 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

Le 3 septembre 1984, [V] [N] a été embauché en qualité de cuisinier par l'Association Oeuvre de Perfectionnement Professionnel de la Ville de ROANNE aux droits de laquelle se trouve l'Association Oeuvre des Villages d'Enfants ; au dernier état de la collaboration, il occupait les fonctions d'éducateur technique spécialisé ; le 25 mars 2009, il a été licencié pour faute grave, l'employeur lui reprochant son comportement envers la chef de cuisine.

[V] [N] a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes de ROANNE ; il a réclamé l'indemnité de préavis, l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause, des dommages et intérêts pour préjudice distinct, une indemnité pour perte de la prime de départ à la retraite et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 23 février 2011, le conseil des prud'hommes, sous la présidence du juge départiteur, a :

- déclaré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné l'Association Oeuvre des Villages d'Enfants à verser à [V] [N] la somme de 4.844,78 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 484 euros de congés payés afférents, la somme de 14.534,34 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné l'Association Oeuvre des Villages d'Enfants aux dépens de l'instance.

Le jugement a été notifié le 1er mars 2011 à [V] [N] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 7 mars 2011.

Par conclusions visées au greffe le 14 octobre 2011 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [V] [N] :

- expose qu'il exerçait les fonctions d'éducateur spécialisé responsable de la cuisine d'un institut médico-éducatif thérapeutique et pédagogique, qu'en 2007, les services de restauration de deux instituts ont été mutualisés et que la cuisinière, responsable de la cuisine mutualisée, était [L] [R],

- admet des difficultés relationnelles liées à l'enchevêtrement de ses tâches et de celles de la chef de cuisine,

- conteste les griefs que lui impute l'employeur, excipe du comportement provocateur de la chef de cuisine, met en avant son propre parcours professionnel exempt de tout reproche,

- estime que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

- réclame la somme de 4.884,70 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 488 euros de congés payés afférents, la somme de 14.654,10 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, la somme de 14.946 euros à titre d'indemnisation de la perte de la prime de départ à la retraite et la somme de 96.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause,

- sollicite en cause d'appel la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 14 octobre 2011 maintenues et soutenues oralement à l'audience, l'Association 'uvre des Villages d'Enfants qui interjette appel incident :

- indique qu'après la fusion du service restauration, les tâches ont été clairement réparties entre [V] [N] et [L] [R],

- accuse [V] [N] d'avoir adopté à l'encontre de [L] [R] un comportement agressif et dénigrant tel que celle-ci a été en arrêt maladie, que la déléguée du personnel a usé de son droit d'alerte et qu'une enquête interne a été effectuée,

- soutient que le licenciement pour faute grave est justifié par l'importance des fautes commises et leur conséquence sur l'état de santé de [L] [R],

- au principal, demande le rejet des prétentions du salarié et sa condamnation à lui restituer les sommes versées en exécution du jugement,

- subsidiairement, estime que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- très subsidiairement, considère excessif le montant des réclamations du salarié,

- reconventionnellement, sollicite la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement :

L'employeur qui se prévaut d'une faute grave du salarié doit prouver l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement et doit démontrer que ces faits constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; dans la mesure où l'employeur a procédé à un licenciement pour faute disciplinaire, il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce les griefs suivants :

- un dénigrement envers la chef de cuisine mettant en évidence une immixtion anormale dans son travail et faisant obstacle à l'exercice de ses fonctions,

- l'absence d'utilisation des plans de cuisson et la tardiveté des commandes créant des difficultés pour la chef de cuisine,

- une agression verbale à l'encontre de la chef de cuisine le 22 janvier 2009.

Suite à la fusion des services des cuisines, l'employeur a missionné une entreprise afin d'organiser une cuisine centrale ; le 15 mai 2008, un rapporta été établi sur la répartition des tâches ; dès le 22 mai 2009, [V] [N] envoyait à son employeur un courrier de protestation.

Par lettre du 14 octobre 2008, la déléguée du personnel a porté à la connaissance de l'employeur les grandes difficultés relationnelles opposant [L] [R] et [V] [N] ; elle a témoigné que [L] [R] était déprimée et fragilisée et se plaignait d'être maltraitée par [V] [N] et que la situation se dégradait.

Le 22 janvier 2009, [L] [R] a écrit à son employeur ; elle a déploré un événement qu'elle qualifiait de très grave survenu le jour même et qu'elle a relaté comme suit : une collègue est arrivée dans la cuisine avec les containers ; comme elle faisait cuire la viande, elle n'a pas pu l'aider au portage des containers ; elle a fait remarquer à [V] [N] qui prenait son repas et à deux autres personnes présentes qu'ils auraient pu aider la collègue ; [V] [N] s'est levé et s'est approché très près d'elle ; il s'est mis à hurler, l'a traitant de parasite, lui disant qu'il lui manquait quelque chose dans le cerveau, qu'elle devrait avoir honte de ce qu'elle servait à manger aux enfants et qu'elle devrait 'la fermer et dégager de sa cuisine' ; [L] [R] a ajouté que [V] [N] refusait la nouvelle organisation de la cuisine, dénigrait son travail, refaisait la présentation des plats, refaisait les sauces de salades, lui prenait la viande des mains, livrait volontairement en retard les denrées alimentaires ; enfin, elle précisait que, depuis l'altercation du 22 janvier 2009, elle avait peur de se rendre à son travail.

[L] [R] a déposé plainte devant les services de gendarmerie contre [V] [N]

[V] [N] a écrit à son employeur qu'il avait été agressé par [L] [R] et qu'il était tombé dans un 'guet-apens' ; devant les services de gendarmerie, [V] [N] a affirmé que [L] [R] l'avait agressé verbalement ; il a déposé plainte contre elle pour dénonciation calomnieuse ; toutefois, il a reconnu qu'il avait traité [L] [R] de parasite.

La collègue de travail qui transportait les containers a donné dans une attestation une version des faits qui corrobore pleinement les déclarations de [L] [R] ; elle a souligné que [L] [R] s'est écroulée en pleurs et qu'elle-même était très perturbée ; elle a maintenu cette version devant les services de police.

Deux salariées, également présentes au moment des faits du 22 janvier 2009, attestent que [L] [R] a dit 'J'en ai marre de cette boîte de merde. Il reste toujours le cul collé sur sa chaise. C'est qu'un fainéant', que [V] [N] lui a demandé de se taire et d'arrêter les insultes et que le ton a continué de monter ; ces deux témoins se gardent d'expliciter leur formulation commune : 'le ton est monté' ; entendue par les policiers, un des témoins, [E] [X], a déclaré que [L] [R] a dit : 'y en a marre de cette boîte de merde, personne ne se bouge le cul pour aller aider', que [V] [N] a demandé d'un ton sec mais non agressif à [L] [R] de se calmer et qu'il y a eu une altercation verbale ; elle a indiqué qu'elle ne se souvenait plus exactement des termes employés ; sur interrogation du policier, elle a admis que [V] [N] s'était énervé et que [L] [R] répondait assez calmement.

Le 27 janvier 2009, le médecin du travail a interpellé par écrit l'employeur sur la souffrance que subissait [L] [R] au travail laquelle s'était vue prescrire un arrêt de travail par son médecin.

L'ensemble de ces éléments démontre la réalité du grief tiré de l'agression verbale à l'encontre d'une collègue de travail.

L'employeur a rapidement réagi puisque dès, le 13 février 2009, il a suspendu le contrat de travail de [V] [N] avec maintien de la rémunération et a diligenté une enquête interne ; puis, il a convoqué [V] [N] a un entretien préalable au licenciement le 12 mars 2009.

Le licenciement constitue une sanction proportionnée à l'importance de la faute commise qui mettait en péril la sécurité d'une salariée.

Compte tenu de ses répercussions sur l'état de santé de [L] [R], la faute ne permettait pas le maintien de [V] [N] dans l'entreprise.

En conséquence, le licenciement repose sur une faute grave et [V] [N] doit être débouté de ses demandes.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur la demande de restitution :

Le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement ; il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de restitution formée par l'Association Oeuvre des Villages d'Enfants.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[V] [N] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Juge que le licenciement repose sur une faute grave,

Déboute [V] [N] de l'ensemble de ses demandes,

Déboute les parties de leurs demandes présentées en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [V] [N] aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Juge n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées par l'Association Oeuvre des Villages d'Enfants à [V] [N] en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour

Déboute les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [V] [N] aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 11/01684
Date de la décision : 25/11/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°11/01684 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-25;11.01684 ?
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