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25/11/2011 | FRANCE | N°11/00802

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 novembre 2011, 11/00802


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 11/00802





[U]



C/

SAS NESTLE PURINA PETCARE FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :



du

RG :











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2011













APPELANTE :



[O] [U] veuve [A],

en qualité d'ayant droit de Monsieur Jacques [A],

décédé le [Date décès 1] 2003



[Adresse 3]

[Localité 4]



comparant en personne,

assistée de Me Elise BRAND,

avocat au barreau de CAEN







INTIMÉE :



SAS NESTLE PURINA PETCARE FRANCE

Les Sources

[Adresse 6]

[Localité 5]



représentée par Me Alain FAURE,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 11/00802

[U]

C/

SAS NESTLE PURINA PETCARE FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

du

RG :

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2011

APPELANTE :

[O] [U] veuve [A],

en qualité d'ayant droit de Monsieur Jacques [A],

décédé le [Date décès 1] 2003

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparant en personne,

assistée de Me Elise BRAND,

avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE :

SAS NESTLE PURINA PETCARE FRANCE

Les Sources

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Me Alain FAURE,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 10 Février 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Octobre 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Novembre 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS ET PROCEDURE

Attendu que le conseil de prud'hommes de Montbrison, section industrie, par jugement contradictoire du 16 novembre 2009, a :

- dit que monsieur Jacques [A] n'a fait l'objet d'aucun harcèlement de la part de la Sas Nestlé Purina Petcare

- débouté les parties de leurs demandes respectives;

Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par madame Veuve [A] es qualités d'ayant droit de monsieur Jacques [A] décédé le [Date décès 1] 2003 ;

Attendu que l'affaire a été appelée à l'audience du 18 juin 2010 et a fait l'objet d'un renvoi contradictoire à l'audience du 14 janvier 2011où elle a été radiée, l'affaire n'étant pas en l'état d'être plaidée ;

Que madame [A] a sollicité le rétablissement de l'affaire au rôle de la cour par lettre du 2 février 2011 ;

Attendu que monsieur [A] a été engagé le 1er septembre 1982 par la Sa Quaker France aux droits de laquelle viennent les sociétés Spillers Petfoods France, Nestlé Friskies Europe et Nestlé Purina Petcare, en tant qu'agent de production ;

Qu'il a été promu responsable d'approvisionnement, statut agent de maîtrise en mai 1994 ;

Que par avenant, à effet du 1er novembre 2008, la fonction et le statut de monsieur [A] ont été modifiées ;

Que par avenant du 1er mars 1999, l'horaire de travail hebdomadaire moyen est passé à 30h40 et monsieur [A] est chargé de remplacer l'opérateur réception ingrédients emballages lors de ses absences ;

Que monsieur [A] a été membre du comité d'entreprise de 1985 à 1993 et 1999 à 2003 ;

Attendu que madame veuve [A] a saisi la juridiction prudhommale aux fins de voir condamner l'employeur de son mari à lui payer à titre principal 200.000 euros à titre de dommages et intérêts, affirmant que ce dernier avait subi des pressions constantes de sa hiérarchie allant jusqu'à des intimidations visant à le faire démissionner tant de son emploi que de ses mandats au sein du comité d'entreprise et soutenant que cette pression a conduit son mari à mettre fin à ses jours ;

Attendu que l'entreprise emploie plus de 11 salariés et est dotée d'institutions représentatives du personnel ;

Attendu que la convention collective applicable est celle de l'industrie et des commerces en gros des viandes ;

Attendu que madame Veuve [A] es qualités d'ayant droit de monsieur Jacques [A] décédé le [Date décès 1] 2003 demande à la cour par conclusions écrites communes avec monsieur [E], déposées le 7 octobre 2011, visées par le greffier le 7 octobre 2011 et soutenues oralement, de :

- dire et juger que messieurs [E] et [A] ont été victimes d'agissements de harcèlement moral ou à tout le moins d'un manquement de la société Nestle Purina Petcare France à l'obligation d'exécuter de bonne foi leur contrat de travail au sein de la société Nestle Purina Petcare France

- condamner la société Nestle Purina Petcare à verser :

* à monsieur [E] 80.000 euros à titre de dommages et intérêts

* à madame [A] 200.000 euros à titre de dommages et intérêts

- dire et juger que le licenciement de monsieur [E] est en lien avec les faits de harcèlement moral dont il a été victime et qu'il a dénoncés et en conséquence nul

- ordonner la réintégration de monsieur [E] au sein de la société intimée établissement de [Localité 5], sous astreinte de 1.000 euros par jour dans le mois suivant le prononcé de la décision à intervenir au poste précédement occupé de chef de quart

- dire et juger que la liquidation se réservera le droit de liquider l'astreinte

- condamner la société Nestle Purina Petcare France à indemniser monsieur [E] du préjudice économique soit la différence entre le salaire perçu et ses revenus sur la période comprise entre son licenciement et sa réintégration à hauteur de la somme de 121.024 euros et à lui verser 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

- à titre subsidiaire, dire le licenciement de monsieur [E] sans cause réelle et sérieuse

- donner acte à monsieur [E] de sa demande de réintégration au visa de l'article L1235-3 du code du travail et condamner la société intimée à indemniser monsieur [E] du préjudice économique soit la différence entre le salaire perçu et ses revenus sur la période comprise entre son licenciement et sa réintégration à hauteur de la somme de 121.024 euros

- à titre plus subsidiaire, dans la mesure où la société refuserait la réintégration, la condamner à lui verser 250.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner en toute hypothèse la société Nestle Purina Petcare France à leur payer à chacun 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance et d'appel ;

Attendu que la société Nestlé Purina Petcare demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 26 septembre 2011, visées par le greffier le 7 octobre 2011 et soutenues oralement, au visa des articles L1152-1, L1154-1 du code du travail, de:

- confirmer le jugement rendu

- condamner madame Veuve [A] à lui payer 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que le présent litige ne concerne que les conditions d'exécution du contrat de travail de monsieur [A] ;

Attendu que l'appelante soutient que son époux aux droits desquels elle vient a été victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur la société Nestlé Purina Petcare France et à tout le moins d'une exécution déloyale du contrat de travail ;

Attendu que préliminairement, il s'avère important de rappeler à l'appelante que le contentieux ayant pu ou susceptible d'avoir existé entre elle et son précédent conseil est extérieur au présent litige ;

Qu'il n'appartient nullement à la cour de pouvoir utilement trancher ce contentieux qui relève de l'instance ordinale, la juridiction du premier président ou d'une juridiction civile dans le cadre d'un contentieux de la responsabilité professionnelle ;

Que les développements s'y rapportant sont sans objet dans le cadre de la présente instance ;

Sur la demande au titre du harcèlement moral

Attendu qu'en application de l'article L1152-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'en application de l'article L1154-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que madame veuve [A] précise aux termes de ses écritures que le contentieux s'est noué en 1999 quand la société Spillers Petfoods a été absorbée par la société Friskies France, appartenant au groupe Nestlé, son mari ayant été l'objet d'une « rétrogradation injustifiée » de ses fonctions entraînant une perte de salaire, subi des remontrances, pressions constantes et répétées de sa hiérarchie allant jusqu'à des intimidations visant à le faire démissionner et à abandonner ses fonctions syndicales et de représentation du personnel, son poste étant supprimé et lui-même exerçant des mandats syndicaux ;

Qu'elle souligne que l'employeur a reproché oralement à son mari d'avoir prétendument détourné des fonds du comité d'entreprise, affirmation insupportable pour un homme intègre, impliqué dans la gestion des 'uvres sociales ;

Attendu que madame [A] verse au soutien de ses affirmations différentes attestations dont l'analyse s'impose :

- une attestation de monsieur [K] qui se présente comme victime d'un harcèlement de la part de son employeur par « brimades, mépris, chantage, insultes, moqueries, menace de licenciement, humiliations en public et des sanctions sévères et injustifiées », sans donner des faits précis et qui précise pour monsieur [A] « j'ai été témoin des mêmes méthodes de harcèlement de la part de la direction, deux d'entre eux en sont venus à mettre fin à leur vie à ce jour »

- cinq attestations successives de monsieur [E], agent de maîtrise chez Nestlé Purina Petcare, qui décrit des faits de harcèlement moral subis pendant 3 années par monsieur [A] de la part de monsieur [T] « vexations, critiques verbales, mots blessants, mépris, réprimandes individuelles ou devant le personnel, insultant tapant sur la table pour impressionner » dans un contexte de réduction d'effectif et aux fins de le conduire à démissionner, « acharnement psychologique » « par agressions verbales, ordres et contre-ordres, cadences infernales », isolement, et une « grosse altercation » « 15 jours avant le suicide », indique que monsieur [A] « n'a pas osé mettre toutes ces questions de souffrance morale sur la table », affirme que monsieur [A] en septembre 2003 l'a contacté pour lui faire « part de ses inquiétudes quant à son avenir sur le site de [Localité 5]. La direction veut qu'il change de poste » et mentionne enfin que l'employeur « n'était plus d'accord avec les activités syndicales de monsieur [A]'Il devait se désengager du syndicat car ce n'était pas compatible avec le poste d'agent de maîtrise »

- trois attestations successives de monsieur [N], intérimaire chez Nestle Purina Petcare pendant 3 ans, qui indique que la politique de l'entreprise était « basée sur le harcèlement moral dans le but de réduire les effectifs », précise « Monsieur [X] [A] a subi, et cela plusieurs fois par semaine cet acharnement psychologique » « monsieur [T] qui n'hésitait pas à critiquer, insulter, agresser monsieur [X] [A] sur son poste de travail » lequel « était déconcerté par la fréquence de ces attaques » et considère que « les 4 tentatives de suicide ..sont intimement liées aux pressions et agissements de la direction » qui « l'ont détruit à petit feu » et qui souligne l'engagement syndical de monsieur [A], la reconnaissance des compétences de ce dernier par les ouvriers et précise « Il ne voulait pas arrêter son action syndicale malgré les pressions de la direction pendant plusieurs années. Il a subi une rétrogradation de ce fait »

- deux attestations de monsieur [H], intérimaire chez Nestle Purina Petcare pendant 3 ans, qui indique que monsieur [A] « a subi une discrimination et un harcèlement moral pendant les dernières années de sa vie. L'attitude méprisante et agressive de monsieur [T] qui utilisait le harcèlement pour (le) faire démissionner. Les vexations répétées, les paroles blessantes, la violence des propos visant systématiquement à humilier et isoler monsieur [A]'Les fréquences des insultes et des médisances étaient intenables pour monsieur [A]. Tous ces collègues avaient peur et ne pouvaient pas l'aider pour le défendre »

Attendu que l'employeur conteste tout fait de harcèlement moral ou de manquement à ses obligations susceptible d'avoir été commis par lui ;

Attendu qu'à partir de la confrontation des pièces versées aux débats, la reconstitution de carrière de monsieur [A], né le [Date naissance 2] 1956, depuis son embauche dans l'entreprise est la suivante :

- il a été engagé pour un horaire hebdomadaire de 39 heures en qualité d'agent de production coefficient 135 à compter du 1er septembre 1982

- à compter du 1er novembre 1982 le coefficient a été porté à 140

- à compter du 1er janvier 1983 le coefficient a été porté à 155-1

- à compter du 1er mars 1983 le coefficient a été porté à 155-3

- à compter du 1er mai1983 le coefficient a été porté à 165-1

- à compter du 1er août 1984 le coefficient a été porté à 175-3

- à compter du 1er mai 1991 le coefficient a été porté à 185 A

- le salarié, à effet à compter du 1er mai 1994, est passé du statut ouvrier au statut agent de maîtrise coefficient 200

- le salarié, à effet à compter du 1er juillet 1995, a été classé agent de maîtrise coefficient 230, avec comme emploi « responsable d'approvisionnement »

- un contrat de travail daté du 1er avril 1997 est signé, monsieur [A] travaillant à temps partiel (19 heures par semaine) dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique

- par lettre des 28 mars, 13 mai, 2 juin 1997, l'employeur a informé le salarié de son accord pour une reprise de travail en mi-temps thérapeutique ou prolongations au sein du service expéditions du 1er avril 1997 au 30 juin 1997

- un contrat de travail daté du 5 janvier 1998 est signé, monsieur [A] travaillant à temps partiel (19 heures par semaine) dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique

- par lettre des 6 janvier, 11février1998, l'employeur a informé le salarié de son accord pour une reprise de travail en mi-temps thérapeutique ou prolongation au sein du service expéditions du 5 janvier au 28 février 1998

- par lettre du 22 octobre 1998, l'employeur a informé le salarié de son accord pour une reprise de travail en mi-temps thérapeutique au sein du service logistique du 19 octobre 1998 au 18 décembre 1998 pour un horaire de 19 heures

- l'employeur, par lettre du 3 novembre 1998, a proposé au salarié «suite à nos différents entretiens entre votre activité professionnelle et votre situation personnelle, nous sommes convenus de modifier votre fonction et votre statut à compter du 1er novembre 1998.

Votre nouvelle classification sera au coefficient 180B. Votre salaire mensuel de base sera de 9793,71 francs pour un horaire hebdomadaire de 38 heures.

Compte tenu de la différence de rémunération engendrée par votre nouvelle classification, nous vous allouons un complément de salaire mensuel de 150 francs brut pour un temps complet jusqu'à ce que le coefficient 180B de la grille de salaire atteigne la somme de 9923 euros. », le salarié y a apposé la mention bon pour accord et a signé

- par lettre du 21 décembre 1998, l'employeur a informé le salarié de son accord pour une prolongation en mi-temps thérapeutique au sein du service expédition du 19 décembre 1998 au 20 janvier 1999

- par lettre du 26 février 1999, à effet au 1er mars 1999, l'employeur a informé le salarié de son passage à un horaire de travail hebdomadaire moyen de 30h40 cyclé et du remplacement par lui de l'opérateur réception ingrédients emballages lors de ses absences ; Que sur ce document, sur lequel le salarié y a apposé la mention bon pour accord et a signé, il est noté :

«Nous avons bien noté votre demande d'accomplir des activités complémentaires et nous avons convenu que les dispositions du présent avenant pourraient être modifiées d'un commun accord pour des raisons d'organisation de service ou des raisons personnelles »;

 

Attendu que monsieur [A] a fait l'objet de visites médicales régulières de la part du médecin du travail, lequel, par avis des 18, 27 février 1986, 7 septembre 1988, 7 avril 1992, 14 mai 1996, 8 avril et 20 octobre 1997, 6 janvier 1998,13 février et 6 mars 2001, 13 novembre 2002 l'a déclaré apte, sans faire de réserves autres qu'à certaines périodes relatives à des reprises en mi-temps thérapeutique dont le salarié a bénéficié ;

Attendu qu'une enquête pénale a été diligentée en janvier 2005, suite à des plaintes pour harcèlement moral déposées par trois salariés, messieurs [E], [H] et [N] ;

Qu'à cette occasion, ont été entendus :

- monsieur [K], opérateur, a indiqué avoir quitté l'entreprise en 2002 dans le cadre d'une préretraite, avoir été victime d'une « pression permanente de la part de l'encadrement' c'était des reproches sans cesse pour des futilités, on était sans cesse abaisser par des mesquineries, aucune reconnaissance dans l'effort, on nous incitait à faire plus et une fois que c'était fait on trouvait des détails pour nous abaisser » ;

Il a explicité les termes d'une attestation où il citait l'exemple de monsieur [A] dont il connaissait « bien le cas » ayant travaillé presque 20 ans avec lui, précisant :

« Je l'ai vu plusieurs fois dans son petit bureau en train de passer des commandes sur son ordinateur et on venait l'embêter avec des détails, si quelque chose n'allait pas c'était toujours de sa faute 'avait toujours fait de son mieux sans aucune reconnaissance ni considération »

- monsieur [C], responsable des services généraux, a indiqué avoir été victime de harcèlement moral « tracasseries, emportements coléreux de mon chef non justifiés, des explications à n'en plus finir sur n'importe quoi », dans le but de le faire partir aux fins de réduire l'effectif des cadres et agents de maîtrise et précisé sur interrogation des enquêteurs ne pas connaître monsieur [A], ne pouvoir décrire les conditions de travail de ce dernier et dire s'il a été harcelé 

- madame [F] [Z], responsable des achats techniques, a indiqué « discuter de temps en temps » avec monsieur [A] « au travers des quelques confidences qu'il me faisait, (n'avoir) jamais ressenti un mal vécu professionnel mais plutôt personnel lié au problème de santé de son fils »

- monsieur [M] [L], agent de production, a indiqué n'avoir subi de pressions particulières de la part de la direction, n'avoir reçu en sa qualité de délégué du personnel de doléances liées à du harcèlement, considéré que « l'état d' esprit est bon » dans l'entreprise et expliqué que le suicide de monsieur [A], présenté comme un « camarade d'enfance » s'inscrit dans un cadre personnel, « il vivait assez mal les problèmes de malvoyance de son fils unique »

- madame [Y], directeur des ressources humaines, a exclu tout harcèlement moral au sein de l'entreprise

- madame veuve [A] a indiqué « pour des raisons que je n'ai jamais comprises, (mon mari) a demandé à être déclassé de cette maîtrise pour revenir à ouvrier qualifié. D'après ce qu'il m'en avait dit, il vivait mal ce nouveau statut de maîtrise car on lui en demandait toujours de plus en plus », rappelé les 4 tentatives de suicide de son mari entre 1996 et 2003, très secret et son suicide par pendaison le [Date décès 1] 2003, ne pouvoir l'expliquer et précisé n'avoir pas fait de lien entre le suicide et le milieu professionnel, jusqu'à la démarche entreprise par monsieur [E] auprès d'elle ;

Attendu que le 13 octobre 2004, madame [A], accompagnée de son fils et de monsieur [M], délégué du personnel CFDT, a été reçue par la direction de l'usine de [Localité 5] et le compte-rendu signé le 9 décembre 2004 fait apparaître « les points factuels suivants :

- [X] était malade depuis plusieurs années et chacun dans son entourage professionnel le savait et l'aidait (aménagement de sa fonction)

- [X] membre élu du comité d'entreprise était reconnu comme quelqu'un d'incontournable pour certaines activités du CE et notamment l'organisation des fêtes de fin d'année.

- Aucune personne le connaissant ou le côtoyant au sein de son service, au sein des délégués du personnel, au sein du comité d'entreprise, n'a eu connaissance de remontrances, de sanction, à plus forte raison de harcèlement à l'égard de [X]

- Le médecin du travail, qui connaissait et suivait [X], n'a jamais évoqué à son sujet une quelconque situation de malaise d'ordre professionnel auprès de la direction ou auprès du service Ressources Humaines

- Il a été précisé à madame [A] et à son fils qu'ils pouvaient contacter le médecin du travail et toute personne dans l'usine, s'ils le souhaitaient »;

Attendu que préliminairement, les témoignages versés aux débats par madame [A] émanent de trois salariés en contentieux avec leur employeur et sont contredits par l'audition, réalisée par les services de gendarmerie, de monsieur [M] [L], salarié protégé dans l'entreprise, lequel n'a ni constaté tant au niveau du mode de fonctionnement global de l'entreprise qu'au niveau de monsieur [A], avec lequel il entretenait des relations personnelles, professionnelles et syndicales, la mise en place d'une politique déstabilisatrice ni été informé par quiconque de faits de harcèlement moral commis au sein de l'entreprise ;

Attendu que d'une part, au regard de l'ensemble des pièces soumises à l'appréciation de la cour, ni la réalité de pressions exercées sur la personne de monsieur [A] aux fins de l'inciter à démissionner de son emploi ou de ses fonctions syndicales ni la compression d'effectifs, les effectifs étant en progression constante, ne sont nullement établies ;

Qu'il en est de même de l'affirmation générale selon lesquelles les activités conduites au sein du comité d'entreprise par monsieur [A] « gênaient la direction du groupe » ou « étaient incompatibles avec une qualification d'agent de maîtrise »;

Que monsieur [A] n'a fait l'objet d'aucune procédure disciplinaire, rappel à l'ordre ;

Que si l'employeur a effectivement annoncé lors du comité d'entreprise du 8 janvier 2004 qu'il n'y aurait pas d'embauche en CDI pour le poste occupé précédemment occupé par monsieur [A], cette information concerne le recrutement en externe ayant préalablement expliqué avoir signé un CDD et indiqué « d'ici 6mois ce poste sera modelé et proposé au personnel en CDI » ;

Que cette annonce est une information donnée par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction et ne peut s'interpréter comme la concrétisation de l'action de déstabilisation prêtée à l'employeur par le salarié ;

Que l'employeur justifie par ailleurs que monsieur [A] a pu exercer ses fonctions au sein du comité d'entreprise sans aucune entrave aux périodes auxquelles il a été élu ;

Qu'aucun signalement n'a d'ailleurs été adressé à l'inspection du travail par les organisations syndicales ;

Attendu que les institutions représentatives du personnel n'ont jamais été saisies de difficultés de quelque nature que ce soit ;

Que si monsieur [E], a posteriori, alors qu'il est en contentieux avec son employeur, atteste de graves pressions exercées sur monsieur [A], aucune explication n'est fournie , alors qu'il était agent de maîtrise en poste dans l'entreprise, sur les raisons de sa passivité, sur l'absence de toute alerte auprès des organisations syndicales, du CHSCT, du médecin du travail, de collègues de travail ou même de l'épouse, contactée qu'après le décès, sur la souffrance au travail de ce dernier ;

Attendu que d'autre part, monsieur [A] a connu une progression de carrière jusqu'en 1996 ;

Que les modifications de fonction et statut, intervenues postérieurement, ont toutes fait l'objet de négociation entre l'employeur et le salarié et s'inscrivent dans la prise en compte des difficultés personnelles rencontrées par ce dernier, éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et exclusifs de toute perversion du lien de subordination

Qu'aucun élément ne vient démontrer que les avenants au contrat de travail, tous signés par le salarié, dont certains faisaient référence à des échanges intervenus préalablement entre l'employeur et monsieur [A], l'ont été sous la pression ;

Que d'ailleurs monsieur [A], syndiqué et salarié protégé, au fait des droits des salariés, n'a nullement, même informellement, évoqué auprès d'amis, de collègues de travail, des représentants syndicaux du médecin du travail, ou de proches une rétrogradation dont il aurait été l'objet ;

Que sa veuve, lors de l'enquête de gendarmerie réalisée, a donné comme raison le choix personnel de son mari qui ne supportait plus la charge de travail inhérente à l'exercice de responsabilités ;

Que l'employeur a, prenant en compte les difficultés personnelles rencontrées par monsieur [A], permis à ce dernier de conserver le salaire qui était le sien en lui servant un complément différentiel de salaire sur une base de temps complet ;

Que le remplacement d'un opérateur, assigné à monsieur [A], n'a été que ponctuel en cas d'absences du titulaire du poste ;

Qu'il ne peut pas se déduire de la teneur de la lettre du 26 février 1999, la manifestation d'une rétrogradation et d'un refus de monsieur [A] de continuer à occuper un poste classé 180 B avec un horaire aménagé cyclé ;

Que ce document signé par l'employeur et le salarié, faisant référence à un commun accord, traduit la réalité des échanges entre les parties pour une adéquation entre les fonctions confiées et la prise en compte des difficultés personnelles rencontrées par le salarié;

Attendu qu'enfin, le seul fait regrettable que deux salariés de l'entreprise se soient suicidés, même dans un temps proche, ne peut suffire à caractériser un comportement harcelant de la part d'un employeur quand bien même cet employeur appartiendrait à un groupe important dont « l'image lisse de l'entreprise » serait battue en brèche par un « travail de recherche solide » selon les propres termes de l'appelante ;

Que concernant la suspicion de vol commis par monsieur [A] au préjudice du comité d'entreprise les seules affirmations de madame [A] dans ses écritures, laquelle a précisé lors de son audition à la gendarmerie n'avoir reçu aucune confidence de son mari à ce sujet, ne sont corroborées par le moindre élément objectif susceptible de donner corps à ce fait ;

Que si monsieur [E] affirme se souvenir le 11 octobre 2005 avoir en décembre 2003« été contacté par monsieur [V] [W] (membre du CE et assistant comptable sur le site) » qui lui a indiqué que « la direction avait réussi à démontrer que monsieur [A] avait détourné de l'argent du compte du CE. Dossier qui aurait pu être monté de toute pièce par la direction pour intimider monsieur [A] », les procès-verbaux de réunions du comité d'établissement tenues avant et après le décès de monsieur [A], ne portent aucune mention de « détournement de fonds » susceptibles d'avoir été commis, question qui aurait été nécessairement inscrite à l'ordre du jour;

Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté madame [A] de ses demandes indemnitaires au titre du harcèlement moral qu'aurait subi monsieur [A] ;

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Attendu que si madame [A], dans le cadre du dispositif de ses écritures communes avec monsieur [E], fait référence à une inexécution du contrat de travail de bonne foi, en violation de l'article 1134 du code civil, elle ne développe aucunement cet argumentaire concernant monsieur [A] ;

Que cette demande ni motivée ni justifiée ne peut être que rejetée ;

Attendu que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que les dépens d'appel resteront à la seule charge de madame [A] qui succombe en ses demandes et doit être déboutée de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Reçoit l'appel

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Déboute madame [A] en qualité d'ayant droit de monsieur [A] Jacques au titre de sa demande pour exécution déloyale du contrat de travail

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne madame [A] en qualité d'ayant droit de monsieur [A] Jacques aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 11/00802
Date de la décision : 25/11/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°11/00802 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-25;11.00802 ?
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