R.G : 10/04322
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 08 Novembre 2011
Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSEAu fonddu 11 mars 2010
ch noRG :2008/02914
COMMUNAUTE DE COMMUNES SAONE VALLEE
C/
SCI AIR ET TERRE
APPELANTE :
LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES SAONE VALLEE représentée par ses dirigeants légaux627 route de Jassans01600 TREVOUX
représentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avoués à la Cour
assistée de la SELARL GUIMET et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON représentée par Me FEUILLET-LAUFER, avocat
INTIMÉE :
SCI AIR ET TERRE représentée par ses dirigeants légaux401 chemin de la Sapinière01600 SAINT BERNARD
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me DUFLOT, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 09 Mai 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Septembre 2011
Date de mise à disposition : 08 Novembre 2011
Débats en audience publique du 27 Septembre 2011 tenue par Pascal VENCENT, président de la 8ème chambre et Dominique DEFRASNE, conseiller, tous deux magistrats rapporteurs, sans opposition des parties dûment avisées, qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Pascal VENCENT a fait le rapport conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :- Pascal VENCENT, président- Dominique DEFRASNE, conseiller- Françoise CLEMENT, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Par acte du 17 décembre 2007 la communauté de communes SAONE VALLEE a vendu à la SCI AIR ET TERRE une parcelle de terrain sur une zone artisanale à Trévoux destinée à être lotie et donnée à bail à différents artisans.
A l'occasion des travaux de terrassement il a été constaté que le sous-sol du dit terrain avait été utilisé antérieurement comme décharge rendant impossible la construction de bâtiments aux fondations usuelles.
De plus, la dite SCI aurait constaté que les parcelles étaient dépourvues de tout raccordement au réseau électrique.
Ces deux éléments rendaient impossibles la concession de baux comme prévu dès mai 2008. Les travaux ne devaient être effectués qu'en juillet 2008, soit plus d'un an et demi après la vente, pour une viabilité effective au mois de septembre suivant.
Par exploit du 16 septembre 2008, la dite SCI a assigné la communauté de communes devant le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse aux fins d'indemnisations à la fois du renchérissement du coût des fondations et des pertes de loyers et troubles de jouissance
Par jugement du 11 mars 2010, le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse a retenu la faute de la communauté de communes et le préjudice de la demanderesse et l'a en conséquence condamnée à lui payer 11.622 euros au titre de l'évacuation des déchets, 16.830 euros au titre des fondations, et 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il l'a par contre débouté de ses demandes touchant au retard dans le raccordement au réseau électrique.
La dite communauté a relevé appel de la décision au motif essentiel que la dite SCI aurait acquis un terrain avec une clause de non recours en cas de vice caché, l'appelante n'étant pas à l'origine des enfouissements dont elle ignorait l'existence.
A titre subsidiaire, il est demandé de relever la faute de l'acquéreur dont le gérant est terrassier de métier et qui donc était à même de vérifier la nature du terrain qu'il achetait.
Concernant le préjudice allégué concernant le raccordement au réseau électrique, il est affirmé que ce réseau est bien présent sur le terrain, que seul le raccordement basse tension de ce lot a été établi avec retard, que les causes en sont étrangères à l'appelante alors même que l'acquéreur n'a demandé son raccordement à EDF avec retard, soit le 1er février 2008 pour une vente de décembre 2007, qu'en tout état de cause le retard est imputable à EDF qui n' a établi son devis que le 16 avril pour une demande des 7 et 11 mars 2008, qu'il s'agit là d'une cause étrangère exonératoire pour avoir les caractéristiques de la force majeure.
A l'opposé, la dite SCI demande à la cour de confirmer la décision déférée pour ce qui concerne les sommes allouées au titre des vices cachés du sous-sol, ces désordres ne pouvant être considérés comme cachés aux yeux du vendeur, le terrain ayant été modifié par la main de l'homme et non par un phénomène naturel indécelable.
Au demeurant la dite communauté aurait parfaitement connu l'existence de cette ancienne décharge s'agissant de travaux récents de comblement d'un ancien étang.
On ne pourrait même pas considérer qu'il s'agit d'un véritable remblaiement avec compactage de terres par couches, la dépression de terrain ayant été remplie sans soins et sans compactage avec des matériaux de tout venant hétérogènes et non destinés à cette fonction.
Sur le retard de raccordement au réseau électrique, le retard imputé à EDF ne devrait pas être considéré comme une cause étrangère ayant les caractéristiques de la force majeure, la communauté ayant simplement pris le risque de vendre un terrain dit viabilisé avant même que les travaux pour y parvenir ne soient accomplis.
Le retard litigieux serait bien supérieur à deux mois puisque la vente est du mois de décembre 2007 et que le raccordement n'a été effectif qu'en juillet 2008.
Il est ainsi à nouveau demandé par le biais d'un appel incident la somme de 6.572 euros au titre des pertes de loyers pour la période de mai à août 2008 et celle de 5.000 euros au titre du préjudice de jouissance causée par l'absence de délivrance d'un immeuble conforme à sa destination soit sans viabilisation.
Il est enfin demandé la somme de 4.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI LA COUR
Du propre aveu de la communauté de commune appelante, celle-ci depuis 2002 et spécialement en 2003 a poursuivi et terminé le "remblaiement" du terrain.
En aucun cas le mot "remblaiement" ne fait référence comme prétendu par la communauté de communes dans ses écritures à un simple nettoyage de ce terrain par abattage et évacuation de souches, à l'élimination de la végétation spontanée constituée de mauvaises herbes, et même à un nivellement du sol.
Tout dictionnaire dit bien qu'un remblaiement ne se fait pas ordinairement exclusivement avec de la terre mais bien également des "décombres" qui sont des "débris d'un édifice écroulé" (dictionnaire LAROUSSE LEXIS) ce qui correspond précisément à ce que la SCI AIR ET TERRE a trouvé dans le sous-sol de sa parcelle sous forme de massifs de béton, bouts de trottoirs et autres éléments détruits d'anciens ouvrages publics ne pouvant provenir, au demeurant, que des ouvrages supprimés des différentes communes composant la dite communauté.
Cet aveu ne fait que corroborer les différentes attestations versées par la SCI émanant d'un sieur Z... et d'un sieur A..., gérant de la SCI voisine confrontée aux mêmes difficultés, qui fait état de blocs de béton et de ferraille tellement volumineux qu'ils lui faisaient penser à des ouvrages détruits de l'ancienne ligne MAGINOT.
Même si par impossible ces remblais n'avaient pas été déposés par les préposés de la communauté de commune, on ne peut sérieusement penser qu'ils aient pu échapper à la sagacité moyenne des employés chargés au minimum du nivellement du terrain et de son nettoyage tant la couche végétalisée de quelques centimètres les recouvrant ne pouvait que les cacher imparfaitement.
Le moindre engin de terrassement chargé de ce nivellement ne pouvait que mettre à nu des débris importants révélant la véritable nature du terrain et subir des enfoncements variables signes d'une grande hétérogénéité du terrain ne pouvant provenir que d'une composition anarchique du sous-sol.
Partant, au visa de l'article 1641 du code civil sur les vices cachés affectant le bien vendu, le premier juge a pu considérer à bon droit que le terrain tel que vendu était impropre à sa destination de terrain à bâtir et que le vendeur n'avait pu ignorer la nature du vice.
Par voie de conséquence et par application de l'article 1645 du même code le vendeur est bien tenu à réparations sous forme de dommages et intérêts comme demandé par l'acquéreur.
La décision sur ce point doit être confirmée qui alloue des dommages et intérêts en rapport avec un retour au bon sol par déblaiement et la nécessité de procéder à des fondations renforcées tant la parcelle a été chamboulée dans ses profondeurs.
Concernant les retards dans le raccordement électrique, la dite SCI fait remarquer à bon droit qu'elle a acheté un terrain viabilisé disposant par conséquent immédiatement de toutes les alimentations nécessaires à son exploitation en eau et électricité.
Aucune condition suspensive liée à l'intervention préalable de ERDF n'accompagnait une telle vente, cette viabilisation étant de ce jour considérée par le vendeur lui-même comme existante et avérée.
Dans ces conditions, du jour de la vente, la communauté de communes était bien tenue d'une obligation de délivrance en la matière qui n'a pas été tenue.
Peu importe dès lors que la venderesse ait rencontré des difficultés avec un prestataire de service, fut-il la société ERDF, pour mettre en pratique l'affirmation de ce raccordement avec la réalité des choses.
La communauté de commune a clairement pris le risque, pour faciliter cette vente, de considérer comme acquis aux yeux de l'acquéreur ce qui n'était que virtuel et elle doit supporter les conséquences dommageables d'un tel manquement à ses obligations contractuelles dépourvues pour ce qui les concerne de toute ambiguïté.
Il est acquis que compte tenu des retards et de l'absence de raccordement électrique, aucun lot n'a pu être loué avant le mois de septembre 2008, de sorte que le préjudice correspond à une perte de loyers pour la SCI.
La communauté de communes doit également être condamnée à indemniser la SCI AIR ET TERRE de l'ensemble des préjudices subis au titre de la privation de jouissance et de l'absence de délivrance d'une chose conforme.
En l'absence d'une démonstration irréfutable concernant le montant effectif de la perte de loyers, s'agissant d'une perte de chance, les parcelles pouvant n'avoir pas été toutes louées à l'époque considérée, la cour à malgré tout les éléments suffisants pour arbitrer à 4.000 euros toutes causes confondues cette indemnisation au titre du préjudice de jouissance et de perte de loyers.
Il convient d'y ajouter une somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et une condamnation aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la COMMUNAUTE DE COMMUNES SAONE VALLEE à payer à la SCI AIR ET TERRE les sommes de 16.830,55 euros et 11.662,20 euros représentant le coût d'évacuation des déchets et le surplus des fondations, outre 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la dite communauté de communes à payer à la dite SCI la somme complémentaire de 4.000 euros au titre à la fois de la perte de loyers pour la période de mai à août 2008 et à titre d'indemnisation du préjudice de jouissance causé par l'absence de délivrance au jour de la vente d'un immeuble viabilisé.
La condamne encore à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP d'avoués AGUIRAUD-NOUVELLET conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président