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27/10/2011 | FRANCE | N°10/07483

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 27 octobre 2011, 10/07483


R.G : 10/07483









Décision de l'Institut National de la Propriété Industrielle de PARIS du 24 septembre 2010





OPP 10-1263/DGV



















COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 27 Octobre 2011







DEMANDERESSE AU RECOURS :



SARL ZEN&O

[Adresse 1]

[Localité 5]





assistée de la SELARL ALTYS ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON




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DEFENDEURS AU RECOURS :



Société SHISEIDO Company Limited

Monsieur [P] [I]

Cabinet [C] & [I]

[Adresse 7]

[Localité 4]



représentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avoués à la Cour



assistée de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
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R.G : 10/07483

Décision de l'Institut National de la Propriété Industrielle de PARIS du 24 septembre 2010

OPP 10-1263/DGV

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 27 Octobre 2011

DEMANDERESSE AU RECOURS :

SARL ZEN&O

[Adresse 1]

[Localité 5]

assistée de la SELARL ALTYS ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

DEFENDEURS AU RECOURS :

Société SHISEIDO Company Limited

Monsieur [P] [I]

Cabinet [C] & [I]

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avoués à la Cour

assistée de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Monsieur le Directeur Général de L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par [F] [T], en vertu d'un pouvoir en date du 12 septembre 2011

******

L'affaire a régulièrement été communiquée à Monsieur le Procureur

Général

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Septembre 2011

Date de mise à disposition : 27 Octobre 2011

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Michel GAGET, président

- Martine BAYLE, conseiller

- Philippe SEMERIVA, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Zen & O forme recours contre la décision par laquelle le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, sur opposition formée par la société Shiseido et fondée sur la marque verbale communautaire 'Zen', a refusé l'enregistrement de la marque 'Zen & O', pour les 'soins d'hygiène et de beauté pour êtres humains ou animaux'.

Elle fait valoir :

- que l'INPI doit lui délivrer une copie de l'acte d'opposition,

- qu'il convient d'impartir à la société Shiseido un délai pour produire des preuves d'usage de la marque fondant l'opposition,

- que cette marque antérieure est descriptive du calme des salons et de la sensation de quiétude résultant des soins, de sorte que s'il n'est pas au pouvoir de la Cour de prononcer son annulation, elle doit tenir compte de ce caractère pour l'appréciation du risque de confusion,

- que l'esperluette et la lettre O, caractéristiques du signe contesté, sont absentes de la marque première,

- que la société Shineido ne peut revendiquer un monopole sur le terme Zen pour des produits ou services en relation avec le bien-être, les différences visuelles, phonétiques et intellectuelles excluant toute similitude des signes,

- qu'en conséquence, même en tenant compte de la similarité des produits et services respectivement désignés, il n'existe pas de risque de confusion.

En réponse aux objections concernant la recevabilité de ses moyens et demandes, la société Zen & O conteste tout d'abord avoir reçu l'avis de passage relatif à la lettre recommandée par laquelle l'opposition aurait dû lui être notifiée et souligne qu'il n'est d'ailleurs pas établi qu'elle l'ait reçue.

Elle soutient qu'elle est recevable à former des demandes et à invoquer tous les moyens qui lui auraient été ouverts dans le cadre de la procédure devant le directeur général de l'INPI, et qu'à tout le moins il y a lieu de saisir la CJUE de la conformité des textes nationaux aux principes du procès équitable.

*

Le directeur général de l'INPI indique qu'il transmet l'acte d'opposition, mais que ce dernier a été régulièrement notifié à la société Zen & O à l'adresse indiquée sur le formulaire de demande d'enregistrement ; pour le surplus, il soutient :

- que la demande portant sur les preuves d'exploitation n'est pas recevable, par application de l'article R. 712-17 du code de la propriété intellectuelle,

- que la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement et répond ainsi à l'exigence de motivation,

- que le signe Zen n'est pas descriptif des produits et services pour lesquels il est enregistré,

- qu'il est prépondérant dans le signe contesté, par sa position d'attaque et sa longueur,

- que la décision est donc justifiée.

*

La société Shiseido soutient :

- que la demande de communication de preuves d'usage de la marque est irrecevable,

- que le recours n'ayant pas effet dévolutif, la société Zen & O est pareillement irrecevable en ses demandes formées pour la première fois devant la cour d'appel,

- que ni le directeur de l'INPI, ni la Cour, saisie dans le cadre d'un tel recours, n'ont qualité pour statuer sur la nullité ou le caractère distinctif du terme Zen et qu'en toute hypothèse, ce signe est distinctif,

- qu'en raison notamment de la similitude de produits et services désignés par les signes en présence, il existe un risque de confusion.

Elle demande d'écarter les dernières écritures de la société Zen & O, de confirmer la décision entreprise et de lui allouer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Les parties ont été informées que le procureur général conclut à la confirmation de la décision attaquée.

* *

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société Zen & O a exposé ses moyens dans le mois de son recours.

Elle a déposé d'autres observations, deux jours avant l'audience, pour répliquer aux fins de non-recevoir élevées par la société Shiseido ; cette dernière en demande le rejet sans préciser en quoi ces répliques n'auraient pas été formulées en temps utile ni même solliciter un délai pour y répondre ; dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'écarter des débats cette argumentation complémentaire de la société Zen & O.

La demande d'enregistrement déposée par la société Zen & O indique, comme 'adresse du déposant à qui la correspondance doit être adressée', le [Adresse 3] ; c'est à cette adresse que l'opposition lui a été notifiée par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, revenu assorti de la mention 'non réclamé'.

La formalité prévue par l'article R. 712-16, 1° du code de la propriété intellectuelle a ainsi été régulièrement accomplie et il n'appartient ni au directeur de l'INPI, ni à l'opposant d'établir que le titulaire de la demande d'enregistrement a effectivement eu, ou aurait dû avoir, connaissance de l'avis de passage et de cette opposition.

Il n'est pas prétendu que cette adresse est erronée, c'est d'ailleurs bien là que la notification de la décision contestée est parvenue à la société Zen & O, et il n'est pas soutenu, ni en tout cas établi, que l'acheminement postal aurait connu une défaillance imputable à un tiers au présent litige.

Dans ces conditions, la société Zen & O a été mise en mesure de présenter ses observations et, à le supposer même établi, le fait qu'elle n'a pas reçu l'avis de passage relatif à la notification d'opposition est dépourvu de portée, dès lors que cette notification est régulière et qu'aucune circonstance extérieure à cette société et démontrant l'impossibilité pour elle d'en prendre connaissance n'est démontrée.

Le recours qu'elle forme contre l'acte administratif individuel par lequel le directeur de l'INPI lui a refusé la délivrance d'un titre de propriété industrielle n'emporte pas effet dévolutif et conduit seulement la cour d'appel à examiner la régularité de cette décision et la suffisance de sa motivation au regard des exigences légales et des contestations, faits et circonstances que cette autorité pouvait connaître, d'une part, et des moyens pouvant résulter de cette décision elle-même, d'autre part.

Il en résulte cependant que contrairement à ce qu'elle soutient, la société Zen & O ne se voit pas interdire d'invoquer 'aucun moyen'.

Il existe en conséquence un recours effectif puisque, comme il résulte d'ailleurs du présent arrêt, la Cour contrôlant la pertinence de la motivation de la décision contestée, notamment quant à l'appréciation, essentielle, du risque de confusion entre les signes en présence.

Mais, faute d'avoir fait valoir aucun argument devant le directeur de l'INPI, la société Zen & O est irrecevable à présenter des moyens et pièces, qu'elle ne lui a pas soumis et qu'il n'était pas tenu d'examiner d'office, quant au caractère distinctif du signe constituant la marque première et quant à la justification de l'exploitation.

Les règles obligeant le déposant à demander 'dans ses premières observations' la production des pièces propres à établir que la déchéance de ses droits pour défaut d'exploitation n'est pas encourue, et interdisant en conséquence à la partie qui n'a pas formulé d'observations devant le directeur de l'INPI de présenter de telles demandes devant la cour d'appel, se bornent à encadrer l'exercice d'une simple faculté, dans une mesure compatible avec l'équilibre entre l'exercice effectif des droits du déposant et son obligation de poser en temps utile les termes dans lesquels il entend débattre ; elles ne caractérisent pas en elles-mêmes une violation des règles du procès équitable.

Il convient encore de souligner :

- que l'objet du débat n'est pas la validité de la marque antérieure,

- que le refus d'enregistrement n'a pas pour effet d'interdire au déposant de poursuivre, dans d'autres circonstances, l'annulation de la marque première ou la déchéance des droits qui y sont attachés.

L'application des articles L. 411-4, L. 411-5, R. 411-19, R. 712-16, 1° et R. 712-17 du code de la propriété intellectuelle, conduit à l'irrecevabilité des moyens et pièces concernant la validité et l'exploitation de la marque fondant l'opposition, présentés pour la première fois devant la cour d'appel alors que le déposant a été régulièrement mis en mesure de les faire valoir devant l'autorité d'enregistrement.

Cette situation ne caractérise, ni en son principe, ni en ses modalités pratiques de mise en oeuvre, ni en ses conséquences, quelque violation des règles du procès équitable au regard d'aucun des textes ou principes cités par la société Zen & O.

La solution ne suscite pas d'hésitation propre à justifier une question préjudicielle.

Les objections de la société Shineido, quant à la recevabilité de ces moyens et pièces, doivent être accueillies.

Pour autant, au regard des moyens recevables, la décision contestée ne peut être maintenue.

Elle énonce en effet que l'opposition porte sur les services suivant : 'soins d'hygiène et de beauté pour être humains ou animaux, salons de beauté' et que l'enregistrement de la marque antérieure a été effectué notamment pour les services suivants : 'salons de beauté, salons de coiffure, soins de santé et soins esthétiques, services de manucure, services de massage'.

Puis, elle retient que les services de la demande d'enregistrement apparaissent identiques et similaires à ceux invoqués de la marque antérieure, ce qui n'est pas contesté par le titulaire de la demande d'enregistrement.

Les observations du directeur de l'INPI soutiennent en outre qu'en l'absence de toute argumentation de la part de la déposante, les liens de similarité s'imposent entre les services de soins d'hygiène et de beauté pour humains ou pour animaux et les services de soins de santé et soins esthétiques, les termes employés étant synonymes ou relevant d'un même catégorie générale.

Or, on ne peut considérer que les soins pour humains ou animaux sont des services similaires.

Ils ne le sont pas par nature, car ils ne sont pas substituables, ils n'ont pas une destination comparable ni les mêmes fonctions ; ils ne répondent pas plus à des besoins identiques, similaires ou complémentaires et ne sauraient être dispensés dans les mêmes lieux.

On ne peut penser par ailleurs que les consommateurs pourraient être amenés à leur attribuer une origine commune ou à croire que ces services émaneraient d'entreprises économiquement liées, qui s'adresseraient, tant aux humains qu'aux animaux, en proposant, dans des enceintes évidemment séparées, l'association de tels soins, dès lors que si même une telle association n'est pas inconcevable, elle ne relève pas d'une tendance générale des professionnels des soins destinés aux personnes humaines, d'une part, aux animaux, d'autre part, de sorte que le public se serait habitué à attribuer la même provenance à des services si différents.

Les conclusions du directeur de l'INPI soutenant que les termes employés sont synonymes ou relèvent d'une même catégorie générale ne sont pas de nature à modifier ces conclusions, dès lors qu'il en résulte seulement que les humains et les animaux peuvent être objets de soins, ce qui n'implique pas en soi de conséquence sur la manière dont le consommateur identifie l'origine respective de ces prestations.

Il n'existe aucune similitude entre ces services ; à tout le moins, elle est négligeable.

Il y a donc matière à annulation de la décision.

Cette annulation ne peut être partielle et cantonnée au seul refus d'enregistrement concernant les soins pour animaux.

En effet, le droit de marque ne produit effet que dans sa relation avec les produits ou services que cette marque désigne et l'appréciation globale du risque de confusion implique en conséquence une certaine interdépendance entre les facteurs pertinents devant être pris en compte.

Selon la décision contestée, c'est d'ailleurs bien en raison, tout à la fois, de l'identité et de la similarité des services en cause et de l'imitation de la marque antérieure, qu'il existe un risque de confusion sur l'origine de ces marques pour le public.

Il en résulte que la démarche a consisté à évaluer ce risque à partir d'une appréciation erronée d'un facteur pertinent d'examen, la similitude des services, pour en déduire une majoration du degré de similitude résultant de la ressemblance des signes.

Il n'appartient pas à la Cour de substituer son appréciation à celle de l'autorité d'enregistrement et par conséquent de mesurer quelle conséquence cette dernière aurait tiré, quant au périmètre de son refus, de cette absence de similitude des services en cause au regard de l'identité ou de la similitude d'autres services désignés par l'un et l'autre signe.

Dans ces conditions, la décision doit être annulée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Déclare la société Zen & O irrecevable en ses demandes de communication de pièces relatives à l'usage de la marque 'Zen' et en ses demandes fondées sur la nullité de cette marque,

- Ecarte des débats les pièces communiquées par la société Zen & O,

- Annule la décision rendue par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle sur l'opposition n° 10-1263, rejetant partiellement la demande d'enregistrement n° 09 3 700 723,

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,

- Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Joëlle POITOUXMichel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 10/07483
Date de la décision : 27/10/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°10/07483 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-10-27;10.07483 ?
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