R.G : 09/05130
décision du tribunal de grande instance de Lyon
Au fond du 05 mars 2009
3ème chambre
RG : 06/12635
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 20 Octobre 2011
APPELANTE :
SA ESKER
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avoués à la Cour
assistée de la SELAS CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON, avocats au barreau de LYON
INTIMEE :
Société LA POSTE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP BRONDEL TUDELA, avoués à la Cour
assistée de la SCP LEHMAN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 08 Février 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Septembre 2011
Date de mise à disposition : 20 Octobre 2011
Audience tenue par Philippe SEMERIVA, conseiller, faisant fonction de président, et François MARTIN, conseiller, qui ont siégé en rapporteur sans opposition des avoués dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier
A l'audience, François MARTIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Michel GAGET, président
- François MARTIN, conseiller
- Philippe SEMERIVA, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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La société ESKER, a notamment pour activité 'les prestations d'impression, de mise sous pli et d'affranchissement de courrier pour le compte de tiers'. Dans ce cadre, elle a conçu un service dénommé FlyDoc, accessible sur son site flydoc.fr permettant à l'utilisateur d'adresser ses courriers et lettres recommandées depuis son écran d'ordinateur.
Par ailleurs, à des fins publicitaires, elle met en oeuvre un site intitulé lesvictimesducourrier.com qui, s'adressant selon la formule figurant sur le premier écran 'aux victimes du courrier au quotidien', les incite à se connecter au site flydoc.fr.
Par acte d'huissier en date du 29 août 2006, la société LA POSTE a assigné la société ESKER afin de faire juger que cette dernière a commis à son encontre d'une part des actes de concurrence déloyale, d'autre part des actes de contrefaçon des marques 'LA POSTE', 'ECOPLI' et 'POSTIMPACT'.
Par jugement contradictoire en date du 5 mars 2009, le TGI de LYON, 3ème chambre a :
- dit qu'en utilisant les termes ECOPLI et POSTIMPACT sur ses sites internet, la société ESKER a commis des actes de contrefaçon portant atteinte aux droits de LA POSTE titulaire de ces marques,
- dit que la société ESKER s'est également rendue coupable de faits de concurrence déloyale au préjudice de la poste, ( ces faits consistant en la présentation sur le site lesvictimesducourrier.com d'une photographie représentant la porte d'un bureau de poste sur laquelle est affichée la mention que le bureau est fermé pour cause de grève, cette photographie étant placée à coté d'un film évoquant l'histoire d'une personne considérée comme 'victime du courrier'),
- condamné la société ESKER à retirer de ses sites internet lesvictimesducourrier.com et flydoc.fr.les mentions 'ECOPLI' et 'POSTIMPACT' dans le délai de 15 jours suivant la signification du jugement et ce sous astreinte de 1000 euros par jour de retard passé ce délai,
- condamné la société ESKER à payer à LA POSTE les sommes de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour les faits de concurrence déloyale et 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour les faits de contrefaçon,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société ESKER à payer à LA POSTE la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Appel de ce jugement a été interjeté le 30 juillet 2009 par la société ESKER S.A.
En l'état de ses dernières conclusions récapitulatives n°3 en date du 23 novembre 2010, ESKER SA demande à la Cour de :
1/ confirmant le jugement déféré :
- rejeter les demandes de la société LA POSTE au titre de la concurrence déloyale par dénigrement,
- rejeter les demandes de la société LA POSTE au titre de la contrefaçon de ses marques et de l'atteinte à sa dénomination sociale,
2/ réformant partiellement le jugement déféré :
- dire qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale au préjudice de LA POSTE,
- prononcer la nullité de la marque française ECOPLI n° 1 522 302 en ce qu'elle est dépourvue de tout caractère distinctif et ordonner sa radiation du registre national des marques de l'INPI,
- dire qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon des marques POSTIMPACT et ECOPLI de LA POSTE,
- condamner LA POSTE à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la SCP LAFFLY WICKY, avoués,
et dans tous les cas :
- rejeter les demandes nouvelles de LA POSTE au titre de la concurrence déloyale pour atteinte à ses droits sur la dénomination 'bureau de poste',
- prononcer la déchéance des droits de LA POSTE sur les marques françaises 1 572 869, 95 558 625, 99 827 240, 02 3 179 236 et 1 522 302 à compter du 1er janvier 2005.
Aux termes de ses dernières conclusions n°5 en date du 28 décembre 2010, la société LA POSTE demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne :
- la reconnaissance des actes de contrefaçon commis par ESKER en utilisant les marques 'ECOPLI' et 'POSTIMPACT :' et sa condamnation d'une part au paiement d'une somme de 3000 euros en réparation de ces contrefaçons, d'autre part à retirer de ses sites internet les marques contrefaites,
- la reconnaissance de la commission par ESKER de faits de concurrence déloyale,
- la condamnation d'ESKER au paiement de la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance,
et le réformant pour le surplus de :
- dire que l'utilisation et la reproduction de la dénomination 'bureau de poste' porte atteinte aux droits antérieurs de LA POSTE, aux marques enregistrées n° 1 572 869, 95 558 625, 99 827 240, 02 3 179 236 et à la dénomination sociale de l'exploitant public LA POSTE,
- condamner ESKER à lui payer la somme de 50 000 euros pour atteinte à la dénomination 'bureau de poste',
- dire et juger qu'ESKER devra retirer des sites internet lesvictimesducourrier.com et flydoc.fr la dénomination 'bureau de poste' sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner ESKER à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et dénigrement,
- ordonner la publication de la décision à intervenir en page d'accueil des sites lesvictimesducourrier.com et flydoc.fr dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 2000 euros par jour de retard, la publication devant être maintenue pendant 3 mois,
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux au choix de LA POSTE et aux frais d'ESKER, sans que chaque publication ne puisse excéder une somme de 3000 euros,
- condamner ESKER à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP BRONDEL TUDELA, avoués, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 8 février 2011.
MOTIFS DE LA DECISION
I/ Sur les actions en contrefaçon par l'emploi des termes 'bureau de poste'.
1/ Sur la contrefaçon des marques 'LA POSTE':
La société LA POSTE reproche tout d'abord à la société ESKER d'avoir contrefait les quatre marques «LA POSTE» qu'elle a déposées sous les numéros 1'572'869, 95'558'625, 99'827'240 et 023'179'236 et d'avoir porté atteinte à sa dénomination sociale et, à titre subsidiaire à ses droits antérieurs, en utilisant les termes « bureau de poste » reproduits sur son site Internet pour son service de publi-postage intitulé Flydoc.
Elle verse aux débats pour justifier des actes matériels de contrefaçon, un rapport en date du 9 juin 2006 rédigé par Madame [D] [C], expert de l'agence pour la protection des programmes dont il résulte qu'en se connectant sur le site flydoc on accède à différents écrans sur lesquels figurent en haut la mention «le 1er bureau de poste électronique privé».
La société ESKER ne conteste pas l'utilisation de ces termes sur son site.
1.1/ Sur la déchéance des marques LA POSTE
Pour conclure au rejet des demandes de LA POSTE, elle objecte tout d'abord que les quatre marques déposées ne sont pas exploitées pour l'ensemble des produits et services qu'elles désignent et sont donc soumises à déchéance pour défaut d'exploitation, conformément aux dispositions de l'article L714 -5 du code de la propriété intellectuelle.
Pour être fondée à soulever la déchéance liée à l'absence d'exploitation, la société ESKER doit justifier être « intéressée » au sens de l'article L714 - 5 du code de la propriété industrielle, comme le lui oppose LA POSTE.
L'examen des dépôts des deux marques ESKER et FLYDOC permet de s'en assurer dès lors que les produits et services qu'ils recouvrent sont identiques avec ceux pour lesquels les marques LA POSTE ont été déposées.
En ce qui concerne l'absence d'exploitation des marques LA POSTE pour les produits et services visés par les dépôts correspondants relatifs , aux termes des conclusions de la société ESKER «à l'envoi de courrier par l'intermédiaire d'Internet, des services de publipostage, de la gestion de fichiers informatiques, des services de saisie de données et de documents électroniques dans une base de données, des progiciels », il doit être relevé que ce moyen n'ayant été soulevé par la société ESKER qu'à hauteur d'appel et aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 25 mars 2010, l'usage sérieux dont la démonstration incombe à LA POSTE doit être établi pendant la période allant du 25 mars 2005 au 25 mars 2010.
Les documents versés aux débats par LA POSTE notamment les rapports d'activité et de développement responsable du groupe LA POSTE pour les années 2007 et 2008, permettent de s'assurer suffisamment de l'exploitation des marques LA POSTE pour ces produits.
La déchéance invoquée par ESKER est rejetée.
1.2/ Sur l'absence de risque de confusion
La société ESKER plaide ensuite que les marques LA POSTE invoquées sont des marques semi-figuratives combinant le logo traditionnel de LA POSTE et la dénomination LA POSTE, selon des couleurs et des graphismes particuliers de sorte qu'il ne peut exister aucun risque de confusion entre ces marques et les expressions 'premier bureau de poste électronique privé' et 'bureau de poste électronique' figurant sur son site.
Il convient de rappeler que le dépôt d'une marque comportant à la fois des éléments verbaux et des éléments figuratifs, comme en l'espèce respectivement les termes LA POSTE et leurs graphismes spécifiques, peut protéger cette marque contre l'usage des signes verbaux sans graphisme particulier ou dans un graphisme différent.
Pour que cette protection puisse être revendiquée, il appartient au titulaire de la marque de démontrer qu'un risque de confusion existe entre les termes employés et la marque protégée.
En l'espèce, la société LA POSTE fait valoir que les marques LA POSTE bénéficient d'une notoriété exceptionnelle dès lors que le terme 'poste' ne désigne pas une activité quelconque mais exclusivement l'activité traditionnelle de la société LA POSTE c'est-à-dire l'activité de transport et de distribution de courrier et de colis postaux pour laquelle elle bénéficiait, depuis le XVIIe siècle et jusqu'à une période récente d'un monopole total. Elle soutient, se fondant sur différents textes et documents qu'elle verse aux débats que l'appellation 'le bureau de poste' caractérise exclusivement un établissement de la société LA POSTE. Elle communique en outre les résultats d'un sondage aux termes duquel, l'utilisation de l'expression « bureau de poste » fait penser pour 65 % des personnes interrogées à l'organisme ou l'entreprise LA POSTE en déduisant que la dénomination 'bureau de poste' est radicalement attachée à la société LA POSTE dans l'esprit du public, le « bureau de poste » étant un signe essentiel de ralliement de la clientèle de LA POSTE.
Force est de constater que, notamment du fait de la situation de monopole dont ont bénéficié la société LA POSTE et les entités aux droits desquelles elle se trouve depuis plusieurs siècles, l'expression 'bureau de poste' renvoie immanquablement, en France, à la société LA POSTE puisqu'elle seule, sur le territoire national était autorisée à en ouvrir.
Et ce n'est pas, malgré ce que soutient la société ESKER sur ce point, l'adjonction des adjectifs 'électronique' et 'privé' à l'expression « bureau de poste » qui peut être de nature à faire cesser ce risque de confusion dès lors que ces adjectifs concourent au contraire à renforcer ce risque, laissant penser que ce «bureau de poste électronique privé» correspond à une évolution moderne du service traditionnel de bureau de poste offert par la société LA POSTE.
La contrefaçon des marques LA POSTE par la société ESKER, par l'utilisation sur son site de l'expression « bureau de poste » est donc établie.
2/ Sur l'atteinte à la dénomination sociale 'LA POSTE'
Comme le fait valoir la société LA POSTE, tout comme à ses marques «LA POSTE» et pour les raisons ci-dessus explicitées, l'expression «bureau de poste» porte atteinte à sa dénomination sociale qui lui a été attribuée par l'article premier de la loi du 2 juillet 1990, entretenant fautivement un risque de confusion avec elle.
3/ Sur le préjudice résultant pour la société LA POSTE de l'atteinte
à la dénomination 'bureau de poste'
Résultant tout d'abord de l'atteinte portée aux marques LA POSTE, il est évalué à 25 000 euros .
Découlant ensuite de l'atteinte à la dénomination sociale 'LA POSTE', il est réparé à hauteur de 25 000 euros.
Par ailleurs, la société ESKER est condamnée à retirer de ses sites lesvictimesducourrier.com et flydoc.com les termes 'bureau de poste' et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt.
II/ Sur l'action en contrefaçon des marques 'ECOPLI' et 'POSTIMPACT'
La société LA POSTE reproche à la société ESKER d'avoir contrefait les marques «ECOPLI» et «POSTIMPACT» qu'elle a déposées sous les numéros 1'522'302 et 1'465'533 en utilisant sur son site internet flydoc.fr les termes «ecopli» et «postimpact» pour les services et produits visés par LA POSTE dans ses dépôts de marques.
La société LA POSTE s'appuie là encore pour justifier des actes matériels de contrefaçon sur le rapport en date du 9 juin 2006 rédigé par Madame [D] [C], expert de l'agence pour la protection des programmes dont il résulte qu'en se connectant sur le site flydoc on accède à un écran consacré au courrier et au courrier recommandé détaillant les différentes possibilités d'affranchissement parmi lesquels Ecopli, Ecopli en nombre et Postimpact.
La société ESKER ne conteste pas l'utilisation de ces termes sur son site et ne soulève aucun moyen pour contester la contrefaçon de la marque POSTIMPACT, réservant ses contestations à la contrefaçon de la marque ECOPLI.
1/ sur l'annulation de la marque ECOPLI
Pour conclure au rejet des demandes de LA POSTE, la société ESKER sollicite tout d'abord l'annulation de la marque ECOPLI en raison de son caractère descriptif des caractéristiques des produits et services qu'elle désigne, à savoir un produit courrier à tarif économique.
Il est incontestable que les termes pli et éco font référence d'une part au courrier et d'autre part à économique sous forme abrégée. Ils ne sont cependant, comme l'objecte LA POSTE et comme l'ont retenu les premiers juges qu'évocateurs d'un service de courrier économique, ce caractère résultant encore des caractéristiques de l'utilisation de ces termes, tronqué pour l'adjectif économique, accolés l'un à l'autre et dans un ordre inversé par rapport à celui du langage courant (adjectif avant le nom).
La demande de nullité de la marque ECOPLI est donc rejetée.
2/ sur la déchéance d'usage de la marque ECOPLI
La société ESKER invoque ensuite le défaut d'usage sérieux de la marque ECOPLI par la société La POSTE.
Ce moyen n'ayant été soulevé par la société ESKER qu'à hauteur d'appel et par ses conclusions récapitulatives en date du 25 mars 2010, l'usage sérieux dont la démonstration incombe à la société LA POSTE doit être établi pendant la période allant du 25 mars 2005 au 25 mars 2010. Les documents communiqués par LA POSTE répondent à cette exigence, puisque parmi eux figurent plusieurs exemplaires des conditions contractuelles 'Ecopli Grand Compte' et 'Contrat Courrier Industriel de Gestion' et des tarifs applicables 'Ecopli' allant d'octobre 2006 à juin 2009.
La demande de déchéance de la marque ECOPLI pour défaut d'usage sérieux est rejetée.
3/ sur la protection de l'article L 713-6 du code de la propriété intellectuelle
La société ESKER prétend enfin pouvoir bénéficier de la protection accordée par l'article L 713-6 dès lors qu'elle utiliserait les termes ECOPLI et POSTIMPACT à titre de référence nécessaire dans le cadre de son activité d'affranchisseur pour compte de tiers c'est à dire de 'distributeur' des services de la poste.
Force est de constater que les marques utilisées ne sont pas nécessaires à la société ESKER pour renseigner ses co-contractants sur la destination du produit ou du service qu'elle propose, en l'espèce un service de publi-postage, étant parfaitement à même, sans y recourir d'informer sur les caractéristiques de ses prestations, que ce soit en termes de délais ou de coût.
De plus, comme le lui oppose la société LA POSTE, la société ESKER s'est engagée contractuellement à ne pas faire usage des marques appartenant à la société LA POSTE ce qui suffit à démontrer qu'elle n'estimait pas que cet usage lui aurait été nécessaire car, dans le cas contraire, elle n'aurait pas contracté.
Dans ces conditions, la contrefaçon des marques ECOPLI et POSTIMPACT par la société ESKER, par leur usage sur son site Flydoc.fr est établie.
4/ sur le préjudice subi par la société LA POSTE
L'utilisation contrefaisante des marques ECOPLI et POSTIMPACT est nécessairement à l'origine d'un préjudice pour la société LA POSTE qui doit être réparé: le jugement déféré en ayant fait une juste évaluation, il est confirmé sur ce point comme le demande la société LA POSTE.
Il en est de même de la condamnation de la société ESKER prononcée par le tribunal, à retirer de ses sites lesvictimesducourrier.com et flydoc.com dans les quinze jours du jugement et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai, les mentions 'ECOPLI' et 'POSTIMPACT'.
III/ Sur l'action en concurrence déloyale
1/ Sur les faits de concurrence déloyale
La société LA POSTE reproche à la société ESKER, au travers des deux sites qu'elle met en oeuvre, lesvictimesducourrier.com et flydoc.com d'une part de s'inscrire dans son sillage, en se présentant comme une alternative aux services de la société La POSTE, d'autre part de la dénigrer.
La société ESKER plaide en tout premier lieu qu'elle ne serait pas en situation de concurrence avec la société LA POSTE car elle en est au contraire un client.
Comme le soutient et en justifie la société LA POSTE, elle exerce, tout comme la société ESKER une activité de publipostage au travers notamment de ses services 'Doc@post', 'destinéo' ou 'solutionsbusiness': la réalité d'une situation de concurrence est donc établie.
En ce qui concerne les faits fautifs reprochés par la société LA POSTE à la société ESKER, ils consistent tout d'abord en divers propos figurant sur les sites flydoc.com et lesvictimes ducourrier.com visant à promouvoir les avantages des services qu'elle propose en recensant les inconvénients inhérents au courrier traditionnel parmi lesquels :
- la queue au bureau de poste (pièce 17 page12)
- les files d'attente au bureau de poste ( pièce 17 page 5)
Contrairement à ce que tente de soutenir la société ESKER et comme l'objecte la société LA POSTE, elle ne saurait s'exonérer de sa responsabilité, en démontrant la réalité de l'existence de ces files d'attente. Et l'allégation de leur existence, qui plus est en nombre comme l'emploi du pluriel le suggère, constitue bien des propos dénigrants puisqu'elle sous-entend, soit l'inorganisation des services de la société LA POSTE, soit leur insuffisance pour répondre aux besoins de ses clients, sans qu'il soit besoin, comme tente de le soutenir la société ESKER, d'ajouter à l'expression 'file d'attente' les qualificatifs d'interminable ou d'incommodante, puisqu'elle y fait référence implicitement et nécessairement.
Ils consistent ensuite dans la présentation des services de la société ESKER comme un remède 'aux victimes du courrier' auxquelles elle dédie un site (pièce 17 page 7) ou aux personnes que le 'courrier rend malade' (pièce 17 page 9) car :
- le terme courrier renvoie immanquablement à la société LA POSTE qui le distribue, même si la campagne publicitaire met par ailleurs en avant les difficultés que la société ESKER se propose de résoudre en amont de la remise du courrier aux services de la société LA POSTE,
- les termes 'victimes' ou 'malades' postulent l'existence de conséquences néfastes liées à cette activité de la société LA POSTE,
et cela d'autant plus que ces propos sont accompagnés d'une possibilité d'accès à une animation vidéo les illustrant sous l'apparence d'un homme vomissant littéralement son courrier dans une cuvette de WC.
Ils consistent enfin dans l'affichage, sur le site lesvictimesducourrier.com, d'une photographie représentant la porte d'un bureau de poste sur lequel figure la mention 'fermé pour cause de grève', peu important qu'il s'agisse d'un cliché réel et non d'un photo-montage comme le plaide la société ESKER, son affichage tendant là encore à dénigrer les services de la société LA POSTE en leur reprochant une absence de continuité liée à l'exercice d'un droit par ses salariés, dénigrement d'autant plus dommageable que la société ESKER reconnaît dans ses écritures qu'en cas de grève des facteurs, elle ne peut elle non plus acheminer les envois de ses clients.
Les faits de concurrence déloyale sont donc établis.
2/ Sur le préjudice subi par la société LA POSTE
Compte-tenu du vecteur choisi par la société ESKER pour les commettre à savoir deux sites internet, le préjudice subi par la société LA POSTE à raison des faits de concurrence déloyale est réparé par:
- sa condamnation à payer à la société LA POSTE la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- la publication d'un extrait de la présente décision en page d'accueil des sites lesvictimesducourrier.com et flydoc.com dans un délai de 8 jours à compter de la signification du présent arrêt, pendant une durée de trois mois, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai,
- la publication d'un extrait de la présente décision, à compter du jour où elle sera devenue définitive dans cinq journaux au choix de la société LA POSTE, et aux frais de la société ESKER, sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de 3 000 euros.
III/ Sur les frais irrépétibles
La société LA POSTE a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits alors que la société ESKER succombe en son appel. Il serait inéquitable qu'elle les conserve à sa charge. La société ESKER est condamnée à lui payer sur ce fondement la somme de 5 000 euros.
IV/ Sur les dépens
La société ESKER qui succombe est condamnée à les payer.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Réforme le jugement déféré,
Dit qu'en utilisant les termes 'bureau de poste', la société ESKER a contrefait les marques LA POSTE enregistrées sous les numéros 1'572'869, 95'558'625, 99'827'240 et 023'179'236 et porté atteinte fautivement à la dénomination sociale LA POSTE
Condamne la société ESKER à payer à la société LA POSTE la somme de VINGT CINQ MILLE euros en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon par l'emploi des termes 'bureau de poste' et la somme de VINGT CINQ MILLE euros en réparation de son préjudice résultant des faits de concurrence déloyale par l'atteinte portée à sa dénomination sociale
Condamne la société ESKER à retirer de ses sites lesvictimesducourrier.com et flydoc.com les termes 'bureau de poste' et ce sous astreinte de MILLE euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt
Dit que la société ESKER a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société LA POSTE
Condamne la société ESKER à payer à la société LA POSTE la somme de CINQUANTE MILLE euros à titre de dommages et intérêts
Ordonne la publication d'un extrait de la présente décision en page d'accueil des sites lesvictimesducourrier.com et flydoc.com dans un délai de 8 jours à compter de la signification du présent arrêt, pendant une durée de trois mois, et ce sous astreinte de MILLE euros par jour de retard passé ce délai
Ordonne la publication d'un extrait de la présente décision, à compter du jour où elle sera devenue définitive dans cinq journaux au choix de la société LA POSTE, et aux frais de la société ESKER, sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de TROIS MILLE euros.
Déboute les parties de leurs plus amples demandes
Confirme le jugement déféré pour le surplus
Y ajoutant,
Condamne la société ESKER à payer à la société LA POSTE la somme de CINQ MILLE euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP BRONDEL TUDELA avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET