R.G : 11/01403
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 11 Octobre 2011
Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNERéférédu 15 février 2011
RG : 2010/4154ch no
SAS HALBRONN
C/
SARL MECANIQUE DE PRECISION DU FOREZ(SMPF)SA NATIXIS LEASE
APPELANTE :
SAS HALBRONN représentée par ses dirigeants légauxRue des Campanules77185 LOGNES
représentée par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre, avoués à la Cour
assistée de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉES :
SARL MECANIQUE DE PRECISION DU FOREZ - SMPF représentée par ses dirigeants légauxZA les PlanchettesRue Maryse Bastié42110 FEURS
représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY- LIGIER, avoués à la Cour
assistée de la SCP CORNILLON-CHALENDAR, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE
SA NATIXIS LEASE représentée par ses dirigeants légaux30 avenue Pierre Mendes France75013 PARIS
représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avoués à la Cour
assistée de la SCP Association TORIEL-JOHANNSEN-ROUILLON BONIN, avocats au barreau de PARISreprésentée par Me MIOSGA, avocat au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 30 Août 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Août 2011
Date de mise à disposition : 11 Octobre 2011Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président- Dominique DEFRASNE, conseiller- Catherine ZAGALA, conseiller
assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier
A l'audience, Pascal VENCENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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En date du 26 septembre 2008, la société SMPF a passé commande auprès de la société HALBRONN d'une machine outil "Tour Nakamura SC 300" pour un montant de 240.000 euros HT outre formation de deux jours à hauteur de 6.400 euros.
Un chèque d'acompte de 50.000 euros était remis simultanément. Le délai de livraison convenu était avril 2009.
La machine très spécifique dans ses caractéristiques devait être fabriquée au Japon uniquement sur commande.
Rapidement les deux parties s'apposaient sur deux points :
- possibilité d'une revalorisation contractuelle de ce prix en fonction de la variation de la parité yen/euro,-nécessité d'une garantie de financement de cet achat par un organisme bancaire à l'effet pour le vendeur d'avoir la certitude d'être payé intégralement du prix à la livraison.
Les parties ne parvenant pas à s'entendre sur ces deux points et la construction de la machine était bloquée.
Aussi, par assignation en date du 13 août 2009, la société SMPF saisissait le juge des référés du tribunal de commerce de Saint Etienne à l'effet d'obtenir principalement la livraison de la dite machine au plus tard le 31 octobre 2009 à peine d'astreinte.
Par ordonnance en date du 27 octobre 2009 le juge des référés de cette juridiction a :
- donné acte à la société HALBRONN de ce qu'elle ne maintenait finalement pas devant le juge des référés sa demande au titre de la réévaluation du prix de la machine, la société HALBRONN étant invitée à saisir le juge du fond, - dit que la livraison de la machine était effectivement conditionnée par la remise par la société SMPF à la société HALBRONN du contrat de financement, - constaté que ce contrat de financement n'avait pas été fourni et débouté en conséquence la société SMPF de sa demande en principal.
Dans le même temps cette juridiction donnait acte la société HALBRONN de ce qu'elle s'engageait à livrer la machine, objet du litige, dans les cinq mois suivant la réception du contrat de financement dûment signé.
Il est constant que la société SMPF essuyait plusieurs refus de financements de la part d'organismes bancaires, que finalement elle n'a pu obtenir que dans le courant de l'été 2010 un financement de la part de la société NATIXIS LEASE.
Début août 2010, ce contrat de financement était adressé à la société HALBRONN qui, en réponse le 6 septembre 2010 faisait savoir à la société SMPF qu'un délai supplémentaire de deux mois par rapport au délai promis de cinq mois était nécessaire, qu'une procédure au fond serait enclenchée par ses soins aux fins de réajustement du prix.
Le 4 août 2010, à la demande de la société SMPF, la société NATIXIS LEASE a adressé à la société HALBRONN la confirmation de la commande de la "Tour NAKAMURA SC 300" au prix définitif de 240.000 euros HT.
Cette commande dans l'esprit du financeur se serait ainsi substituée à la commande de la société SMPF du 26 septembre 2008.
N'acceptant pas ce nouveau report et après mise en demeure restée vaine d'avoir à respecter le délai de cinq mois comme promis devant le juge des référés, la société SMPF assignait le 30 novembre 2010 à nouveau la société HALBRONN devant le juge des référés à l'effet de voir contraindre son adversaire à respecter ses engagements à peine d'astreinte.
Par ordonnance en date du 15 février 2011 ce magistrat, tout en constatant que le financement par NATIXIS LEASE était strictement limité à la seule somme initiale de 240.000 euros et que tout éventuel dépassement de prix serait pris en charge par la société SMPF elle même, condamnait provisionnellement la société HALBRONN à livrer la machine outil au plus tard le 1er juillet 2011 à peine d'une astreinte de 300 euros par jour de retard.
C'est cette ordonnance dont il est relevé appel par la société HALBRONN.
Il est soutenu en substance par l'appelante que l'opération ne peut se poursuivre qu'en exigeant de la société NATIXIS LEASE un financement provisoire de 240.000 euros, à compléter au vu de la décision à intervenir du juge du fond sur la clause de révision de prix; que le contrat de financement ne peut reposer sur un prix fixe, compte tenu de la clause de réévaluation de prix qui aurait été incluse dans le contrat.
Ainsi la confirmation de commande du mois d'août 2010 par la société NATIXIS serait imparfaite, incomplète et ne vaudrait pas levée intégrale des conditions suspensives.
Dans ces conditions le juge des référés et la cour à sa suite devraient constater que ces juridictions ne sont pas compétentes pour statuer sur des difficultés d'exécution de leurs propres décisions et qu'il existe pour le moins des contestations sérieuses rendant incompétente la juridiction des référés
A titre subsidiaire, il est demandé à la cour de condamner conjointement et solidairement la société SMPF et NATIXIS LEASE à adresser à la société HALBRONN un contrat de financement modifié et intégrant l'éventualité d'une clause de variation du prix selon la parité yen/euro faisant état d'un prix provisoire réévalué à 276.000 euros HT dans l'attente de la décision du juge du fond, en exécution de l'ordonnance du 27 octobre 2009, sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.
Dans ces conditions, il est pris l'engagement par la venderesse d'une livraison de la machine dans un délai de huit mois du jour de la réception du contrat de financement ainsi modifié.
A titre encore plus subsidiaire, il est demandé à la société SMPF de garantir le paiement d'un éventuel supplément de prix par une garantie bancaire ou un cautionnement à hauteur de 110.000 euros la situation financière de l'acquéreur étant considérée comme particulièrement obérée.
A l'opposé, la société SMPF conclut à la complète confirmation de la décision déférée.
Il n'y aurait aucune contestation sérieuse en l'état de documents contractuels qui ne conditionneraient pas le lancement de la fabrication de la machine à la production d'un accord de financement global.
Il serait au surplus démontré que l'arrêt de la construction de la machine est dû non pas à des difficultés de financement mais bien à des difficultés purement techniques.
En tout état de cause la société SMPF tient à indiquer qu'elle ne connaît aucun problème de trésorerie et n'aurait donc aucune difficulté de financement de la machine si le juge du fond venait à dire que la clause de révision de prix lui est bien opposable.
De son coté, la société NATIXIS LEASE qui n'aurait été assignée qu'à seule fin de lui rendre la décision de justice opposable, persiste à solliciter la confirmation de l'ordonnance déférée qui lui a donné acte de ce qu'elle ne s'est engagée qu'à hauteur de la seule somme de 240.000 euros HT, le supplément de prix éventuel devant être pris en charge par la société SMPF elle-même.
SUR QUOI LA COUR
En effet, il était induit dans l'exposé de la demande d'ordonner l'exécution d'une obligation, ce qui relève de l'article 873 du code de procédure civile et non pas exclusivement de la notion d'urgence visée par l'article 872 du même code. Le juge des référés sur cette base est donc bien compétent.
Effectivement, le juge des référés commerciaux n'est pas compétent pour statuer sur les difficultés d'exécution de ses propres décisions. Mais présentement, la première procédure de référé du 27 octobre 2009 n'a pas généré la deuxième saisine de cette juridiction du 15 février 2011, les parties n'étant pas les mêmes et les données factuelles du litige ayant évolué du fait que la société NATIXIS était censée devenir après novation l'acquéreur de cette machine. Le juge des référés était encore bien compétent pour statuer au provisoire.
Des documents produits et notamment des pièces no 61 et 65 de la société HALBRONN, il apparaît que la machine litigieuse a été fabriquée, qu'elle a été embarquée à la fin août 2011 dans un port japonais, qu'elle est censée être débarquée au port du Havre en France aux environs du 10 octobre, date correspondant au rendu du délibéré du présent arrêt.
Ces renseignements faisant état d'une évolution du litige doivent être considérés comme sérieux et susceptibles de fonder la présente décision d'appel.
Des débats à l'audience sur la base des écritures des parties devant la cour, il apparaît que les protagonistes de cette affaire convergent sur les points essentiels suivants :
- d'une part, la société HALBRONN est toujours désireuse de vendre cette machine à la société SMPF, soit directement, soit par le biais d'un leasing de la société NATIXIS, - d'autre part, la société SMPF est toujours désireuse de l'acquérir à ce qu'elle considère être le prix contractuellement arrêté le 26 septembre 2008 ; elle se déclare cependant prête à financer à titre provisionnel et à seule fin de débloquer la situation, un dépassement de prix du fait du renchérissement du matériel et de l'évolution de la parité yen/euro depuis septembre 2008 pour le cas où le juge du fond estimerait que ces dépassements lui seraient contractuellement opposables,- enfin, la société NATIXIS se déclare toujours prête à financer l'achat de ce matériel, mais à hauteur uniquement de 240.000 euros HT.
Il ressort donc de cet ensemble que la fixation d'une astreinte est devenue sans objet, la machine litigieuse étant sur le point d'être livrée au jour du rendu du délibéré.
Il convient par contre de suivre le juge des référés dans sa décision pragmatique consistant à dire en substance à la société venderesse qu'elle n'a pas à se préoccuper de savoir d'où proviennent les fonds servant à financer cet achat et qui en deviendra propriétaire, la société SMPF et la société NATIXIS LEASE devant faire leur affaire personnelle du financement complémentaire à titre provisionnel au delà des 240.000 euros HT à verser par cette dernière et de la propriété de la dite machine le temps du déroulement de ce leasing.
Il convient également de donner acte à la société HALBRONN de ce qu'au 6 juin 2011, date du mail de cette société à son conseil prenant la forme de la pièce no63 de cette partie, la hausse du coût de la machine depuis 2008 était alors de 15% et le différentiel de valeur entre le yen et l'euro de 26,8%, soit un différentiel total en hausse de 109.968 euros HT pour une machine valant désormais 349.968 euros HT.
La société NATIXIS LEASE et la société SMPF doivent donc faire leur affaire personnelle du versement de cette somme totale de 349.968 euros HT à la société HALBRONN en contrepartie de la livraison de la dite machine.
Il sera bien entendu que cette somme de 109.968 euros HT correspondant au dépassement du prix initial de 240.000 euros HT ne sera versée qu'à titre provisionnel à la société HALBRONN, par qui bon semblera aux intéressés, en attente de la décision au fond et définitive de la juridiction compétente saisie de la validité ou non de la clause de révision de prix prétendument contenue au bon de commande no 013908 en date du 26 septembre 2008.
En équité la cour considère que les éléments d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies au profit de l'une ou l'autre des trois parties en présence.
Chaque partie doit conserver ses dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Après évolution du litige, constate que la machine "TOUR NAKAMURA SC 300 LMY BFT FANUC 18iTB" fabriquée au Japon est sur le point d'être livrée en France au port du Havre au jour du rendu de la présente décision ; qu'il n'y a donc pas lieu à fixation d'une astreinte pour y parvenir.
Réforme en conséquence sur ce point l'ordonnance déférée.
Pour le surplus, confirme l'ordonnance déférée quant au financement de cette machine par le biais de la société NATIXIS LEASE à hauteur de la somme minimum de 240.000 euros HT, et par qui bon semblera à la société SMPF pour un surplus provisionnel arrêté au 6 juin 2011 à 109.968 euros HT en fonction du renchérissement du coût de la machine et de l'évolution de la parité yen/euro au jour du paiement.
Précise que la dite machine devra être livrée par la société HALBRONN uniquement à réception de la dite somme de 349.968 euros HT en deniers ou quittance, éventuellement modifiée à la marge en fonction de l'évolution de la parité monétaire au jour dit, la somme au delà de 240.000 euros HT étant versée par la société SMPF ou un tiers, à titre provisionnel, en attente de la décision au fond et définitive de la juridiction ayant à statuer sur l'application ou non de cette clause litigieuse d'ajustement de prix.
La confirme également pour ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens en première instance.
En cause d'appel dit n'y avoir lieu à application du dit article 700 au profit de l'une ou l'autre des trois parties.
Dit que chaque partie conserve ses dépens d'appel.
Le greffier Le président