AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE
COLLÉGIALE
RG : 11/00807
[G]
C/
Me [C] [F] - Mandataire liquidateur de SAS LA COLLONGE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHÔNE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON
du 04 Janvier 2011
RG : 20072587
COUR D'APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2011
APPELANT :
[M] [G]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 6]
comparant en personne,
assisté de Me Karine THIEBAULT,
avocat au barreau de LYON / Toque 686
INTIMÉES :
Me [C] [F] es qualités de
Mandataire liquidateur de SAS LA COLLONGE
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Me Marie-Christine MANTE-SAROLI,
avocat au barreau de LYON / Toque 1217
substitué par Me Emmanuelle BALDUIN,
avocat au barreau de LYON
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHÔNE
[Adresse 4]
[Localité 8]
représentée par M. [T] [J]
en vertu d'un pouvoir général
PARTIES CONVOQUÉES LE : 28 Février 2011
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Septembre 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Hélène HOMS, Conseiller
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Assistées pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 04 Octobre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre et par Suzanne TRAN, Adjoint assermenté faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE
Le 19 juillet 2004, [M] [G], salarié de la S.A.S. LA COLLONGE, a été victime d'un accident du travail ; il a été grièvement blessé à la main droite ; la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHÔNE lui a reconnu un taux d'incapacité permanente de 77 %.
Le 1er mars 2007, le tribunal de commerce de LYON a placé la S.A.S. COLLONGE en liquidation judiciaire et a désigné maître [F] en qualité de liquidateur.
Après échec de la tentative de conciliation, [M] [G] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON pour voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 15 juin 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :
- imputé l'accident du travail à la faute inexcusable de l'employeur,
- majoré la rente au taux maximum prévu par la loi,
- ordonné une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices énumérés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
- débouté le salarié de sa demande fondée sur les frais irrépétibles.
Par requête du 16 septembre 2010, [M] [G] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON d'une demande d'extension de la mission de l'expert afin que l'ensemble des préjudices consécutifs à l'accident et non seulement ceux énumérés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale soit déterminé.
Par jugement du 4 janvier 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale a rejeté la demande de complément d'expertise.
Le jugement a été notifié le 20 janvier 2011 à [M] [G] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 3 février 2011.
Parallèlement, [M] [G] a saisi le Premier Président de la Cour d'Appel pour être autorisé à former appel du jugement ; par ordonnance du 7 mars 2011, le Premier Président a refusé de délivrer cette autorisation au motif que le jugement entrepris n'entrait pas dans les prévisions de l'article 272 du code de procédure civile.
Par conclusions visées au greffe le 2 septembre 2011 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [M] [G] :
- au soutien de la recevabilité de son appel, fait valoir que le jugement refusant d'étendre la mission de l'expert tranche une question touchant au fond du litige,
- excipe de la décision rendue le 18 juin 2010 par le Conseil Constitutionnel pour solliciter que l'expert évalue l'ensemble de ses préjudices,
- réclame la somme de 1.800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- souhaite que la Cour évoque l'affaire et se réserve l'indemnisation des préjudices.
Par conclusions visées au greffe le 2 septembre 2011 maintenues et soutenues oralement à l'audience, maître [F], es qualités de liquidateur de la S.A.S. COLLONGE :
- soulève l'irrecevabilité de l'appel aux motifs que le jugement entrepris se limite à refuser d'étendre une expertise médicale et ne se prononce pas sur le fond de l'affaire,
- s'oppose à l'extension de la mission de l'expert,
- observe que la Cour ne peut pas évoquer le fond de l'affaire,
- sollicite la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par observations orales à l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHÔNE s'en rapporte à justice.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article R. 142-17 du code de la sécurité sociale, 'La procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale est régie par les dispositions du livre 1er du code de procédure civile' ; l'article 544 alinéa 1 du code de procédure civile dispose : 'Les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal' ; l'article 545 du code de procédure civile dispose : 'Les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond, que dans les cas spécifiés par la loi'.
Le jugement du 15 juin 2010 a donné à l'expert désigné pour examiner [M] [G] la mission suivante : 'Fournir au tribunal tous éléments permettant de déterminer la réparation des préjudices fixés par les dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale' ; il s'évince de cette mission ainsi circonscrite que [M] [G] pouvait demander réparation uniquement des souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle ; en délimitant la mission de l'expert par renvoi à un texte de loi qui énumère limitativement les préjudices indemnisables, le jugement a tranché pour partie le fond du litige en indemnisation ; [M] [G] a demandé un complément d'expertise afin que l'expert évalue non seulement les préjudices définis à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, mais également les pertes de gains professionnels, le déficit fonctionnel temporaire, le déficit fonctionnel permanent, l'assistance par tierce personne, les dépenses de santé futures, les frais de logement et de véhicule adaptés, l'incidence professionnelle, le préjudice scolaire, universitaire ou de formation, le préjudice sexuel, le préjudice d'établissement, les préjudices permanents exceptionnels ; en rejetant la demande de complément d'expertise, le jugement entrepris du 4 janvier 2011 a défini strictement la nature des préjudices dont [M] [G] pouvait réclamer l'indemnisation ; le jugement entrepris a ainsi tranché une partie du principal.
En conséquence, l'appel de [M] [G] est recevable.
Par décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le Conseil Constitutionnel, apportant une réserve à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, a décidé que le salarié victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur, peut devant les juridictions de sécurité sociale, demander la réparation de l'ensemble des dommages mêmes ceux non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
En conséquence, l'expert doit avoir pour mission de déterminer l'ensemble des préjudices subis par [M] [G].
Le jugement entrepris doit être infirmé.
En application des articles L. 144-5, R. 144-10 et R. 144-11 du code de la sécurité sociale, la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est gratuite et sans frais, même en cas de faute inexcusable de l'employeur.
En conséquence, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE doit prendre à sa charge les frais du complément de l'expertise médicale.
Le jugement entrepris n'a pas vidé la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale ; l'évocation aurait pour effet d'anéantir le droit au double degré de juridiction.
En conséquence, [M] [G] doit être débouté de sa demande d'évocation.
L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Juge l'appel recevable,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Ordonne un complément de l'expertise médicale de [M] [G] ordonnée par jugement du 15 juin 2010 et confiée au docteur [X] demeurant [Adresse 1],
Donne mission à l'expert, après avoir convoqué les parties, de :
* se faire communiquer le dossier médical de [M] [G],
* examiner [M] [G],
* détailler les blessures provoquées par l'accident du 19 juillet 2004,
* décrire précisément les séquelles consécutives à l'accident du 19 juillet 2004 et indiquer les actes et gestes devenus limités ou impossibles,
* indiquer la durée de l'incapacité totale de travail,
* indiquer la durée de l'incapacité partielle de travail et évaluer le taux de cette incapacité,
* indiquer la durée de la période pendant laquelle la victime a été dans l'incapacité totale de poursuivre ses activités personnelles,
* indiquer la durée de la période pendant laquelle la victime a été dans l'incapacité partielle de poursuivre ses activités personnelles et évaluer le taux de cette incapacité,
* dire si la victime subit du fait de l'accident du travail un déficit fonctionnel permanent, et, dans l'affirmative, en évaluer l'importance et en chiffrer le taux,
* dire si l'état de la victime nécessite ou a nécessité l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne, et, dans l'affirmative, préciser la nature de l'assistance et sa durée quotidienne,
* dire si l'état de la victime nécessite ou a nécessité un aménagement de son logement,
* dire si l'état de la victime nécessite ou a nécessité un aménagement de son véhicule,
* dire si la victime a subi un préjudice professionnel,
* dire si la victime a subi un préjudice scolaire ou universitaire ou de formation,
* évaluer le préjudice sexuel consécutif à l'accident,
* dire si la victime subit une perte de chance de réaliser un projet de vie familiale,
* dire si la victime subit des préjudices exceptionnels et s'en expliquer,
* dire si l'état de la victime est susceptible de modifications,
Juge que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHÔNE doit faire l'avance des frais du complément d'expertise médicale,
Invite le greffe à transmettre une copie du présent arrêt au médecin expert, le docteur [X],
Dit que le suivi de la présente mesure d'expertise complémentaire sera assurée par le président ou don délégataire de la juridiction de sécurité sociale de première instance ;
Déboute [M] [G] de sa demande d'évocation,
Renvoie les parties devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON pour la liquidation des préjudices,
Ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
Suzanne TRANNicole BURKEL