R. G : 10/ 06063
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 27 Septembre 2011
Décision du Tribunal d'Instance de LYON Référé du 20 juillet 2010
ch no RG : 1210001101
X... X...
C/
SCI TALON
APPELANTS :
Monsieur Hassen X... ...69300 CALUIRE ET CUIRE
représenté par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER, avoués à la Cour
assisté de Me Sandrine ROUXIT, avocat au barreau de LYON
Madame Fatma X... ...69300 CALUIRE ET CUIRE
représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER, avoués à la Cour
assistée de Me Sandrine ROUXIT, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/ 004338 du 07/ 04/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉE :
SCI TALON représentée par ses dirigeants légaux 1400 chemin de Saint André 69760 LIMONEST
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de la SELARL DPG et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON représentée par Me Roxane DIMIER, avocat
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Date de clôture de l'instruction : 04 Avril 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Juin 2011
Date de mise à disposition : 27 Septembre 2011
Débats en audience publique du 28 Juin 2011 tenue par Pascal VENCENT, président de la 8ème chambre et Françoise CLEMENT, conseiller, tous deux magistrats rapporteurs, sans opposition des parties dûment avisées, qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Pascal VENCENT a fait le rapport conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :- Pascal VENCENT, président-Dominique DEFRASNE, conseiller-Françoise CLEMENT, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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La SCI TALON propriétaire d'une maison d'habitation sise 80/ 80 bis chemin de Vassieux à Caluire et Cuire a régularisé un bail au profit de monsieur Hassen X..., suivant acte du 15 décembre 1991, à effet du 1er janvier 1992, pour une durée de six ans et moyennant un loyer mensuel principal de 533, 57 euros (3. 500 F), aujourd'hui de 571, 59 euros.
Par exploit d'huissier du 18 juin 2009, la SCI TALON a donné congé à monsieur X... pour le 31 décembre 2009, avec offre de vendre le bien loué, au prix de 290. 000 euros, conformément aux dispositions de l'article 15-2 de la loi du 6 juillet 1989.
Le 24 décembre 2009, il était répondu à l'Agence PRIMMO, mandataire de gestion de la bailleresse, que le locataire n'entendait pas quitter le logement donné à bail, au motif que le congé délivré serait nul, le prix de 290. 000 euros n'étant pas conforme au prix du marché.
Par la suite le locataire aurait pendant des mois entravé la vente du bien par des dégradations et une mauvaise volonté affichée à laisser visiter l'immeuble par des acquéreurs potentiels.
Par acte du 26 mai 2010, la SCI TALON a estimé devoir saisir la juridiction des référés du tribunal d'instance de Lyon, aux fins de voir constater la résiliation du bail, ordonner l'expulsion du preneur et fixer une indemnité d'occupation jusqu'à parfaite restitution des lieux.
Par ordonnance du 20 juillet 2010, le juge des référés a constaté la validité du congé et a par ailleurs ordonné à monsieur X... de laisser visiter les lieux, sous astreinte, ce dernier étant condamné à payer la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Monsieur X... a interjeté appel de cette décision. Madame Fatma X... sa mère, s'associe à ce recours ès qualités d'intervenante volontaire.
Les consorts X... soutiennent à l'aide d'un rapport établi par un expert en immobilier que la valeur du bien n'est pas supérieure à 140. 000 ou 147. 000 euros.
Par ailleurs madame Fatma X... s'estime factuellement titulaire du bail concernant ce logement et entend bien revendiquer cette titularité au visa des articles 14 de la loi du 6 juillet 1989 et 1751 du code civil.
En effet, madame Fatma X... étant âgée de plus de 70 ans et bénéficiant de ressources annuelles inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, cela rendrait impossible la délivrance d'un quelconque congé pour vendre. Il est donc demandé à la cour de réformer la décision déférée en toutes ses dispositions, de débouter la SCI TALON de l'ensemble de ses demandes. A titre reconventionnel, il est demandé à la cour de condamner la SCI TALON au paiement d'une somme provisionnelle à hauteur de 358, 80 euros correspondant aux frais d'expertise avancés par les consorts X..., de condamner la SCI TALON au paiement d'une indemnité à hauteur de 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
A l'opposé, la SCI TALON demande à la cour de confirmer l'ordonnance du 20 juillet 2010 en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion du preneur comme celle de tous occupants de son chef, fixé une indemnité d'occupation, ordonné de laisser visiter les lieux sous astreinte, condamné monsieur X... au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Y ajoutant, de condamner monsieur Hassen X... au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle portée à 1. 000 euros à compter du 1er janvier 2010 jusqu'à parfaite restitution des lieux, de débouter monsieur Hassen X... et madame Fatma X... de leurs demandes comme injustifiées et non fondées, de condamner in solidum monsieur Hassen X... et madame Fatma X... à payer à la SCI TALON la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Il est affirmé en substance que le rapport versé par les locataires est un rapport de complaisance, qu'il s'agit d'un document non contradictoire et partisan d'un « expert » ne connaissant pas le secteur, qu'il serait de ce fait sans portée. L'estimation faite pour la circonstance de 140. 000 à 147. 000 euros serait contredite ne serait ce que par les annonces ou les offres déjà effectives en l'absence pourtant de libération des lieux. La preuve de l'absence de fraude serait encore rapportée par l'offre d'ores et déjà reçue à hauteur de 210. 000 euros. Ce juste prix se confirmerait au regard de l'offre reçue depuis soit le 5 octobre 2010 à hauteur de 240. 000 euros, dans les mêmes conditions de défaut d'entretien et d'occupation.
Sur les prétendus droits de madame Fatma X..., il est admis que celle-ci suite au décès de son époux intervenu en 1996, est venue vivre au domicile de son fils. Pour autant, quel que soit le contexte de son occupation, il ne saurait lui ouvrir un quelconque droit direct sur le bien.
Le maintien dans les lieux de monsieur X... causerait un préjudice à la SCI TALON, dans la mesure où il ferait obstacle aux visites des éventuels acquéreurs. Le maintien dans les lieux des locataires empêcherait toute offre pleinement satisfaisante, l'acquéreur potentiel ne pouvant prendre le risque d'acheter un bien sans certitude de la date de départ des occupants. Compte tenu de la résistance qualifiée par cette partie de manifeste et d'abusive de la part du preneur, l'indemnité d'occupation devrait être fixée à 1. 000 euros par mois jusqu'à parfaite restitution des lieux.
SUR QUOI LA COUR
Le congé pour vendre de l'article 15- II de la loi du 6 juillet 1989 est le droit reconnu au propriétaire de vendre l'immeuble loué à un prix par lui fixé avec simplement la faculté offerte au locataire de préempter pour ce prix sans faculté de négociation.
Pour échapper à la vente à ce prix et donc à la rigueur d'une proposition à prendre ou à laisser, il est uniquement reconnu le droit au locataire de soulever la nullité du congé pour fraude en raison d'un prix de vente particulièrement excessif et sans commune mesure avec le prix du marché avec le but manifeste de faire échec au droit de préemption du locataire.
La fraude peut se prouver par tout moyen et notamment par la production d'estimations de prix effectuées par des professionnels de l'immobilier faisant apparaître des valeurs moindres que celles retenues par le bailleur vendeur.
Présentement il est fait état par les consorts X... d'un rapport établi le 15 février 2010 par monsieur Patrick Z..., expert immobilier inscrit comme tel au registre des métiers, qui après visite des lieux et dans un rapport argumenté et circonstancié parvient à une valeur du bien de 140. 000 à 147. 000 euros très éloigné des 290. 000 euros revendiqués dans le congé et mettant en avant la médiocrité des prestations offertes.
Ce rapport est dans une large mesure conforté par le rapport de l'expert judiciaire Jean-Paul A... qui faisait état déjà en 2006 d'un immeuble vétuste fortement dégradé à la fois par l'usure et l'humidité en l'absence de tout système de chauffage.
La SCI TALON fait malgré tout justement valoir qu'elle a bénéficié d'une offre d'achat à hauteur de 210. 000 euros ; mais il convient de remarquer que le prix proposé est encore fortement éloigné des 290. 000 euros revendiqués par le vendeur.
Si en droit on ne peut reprocher à un bailleur de mettre en vente son immeuble à un prix supérieur au prix du marché c'est malgré tout au risque que le locataire ne démontre par là que la volonté de vendre du bailleur n'est pas réelle et n'a pour but que d'éluder les dispositions légales protectrices offertes au locataire.
On peut présentement dire et juger que la contestation soulevée par les consorts X... est sérieuse alors même que l'appréciation des éléments de fraude appartient incontestablement au juge du fond.
Le juge des référés et la cour à sa suite ne peuvent que se déclarer incompétent pour statuer sur ce point.
L'ordonnance déférée doit être entièrement réformée.
Il convient de recevoir les consorts X... en leur demande reconventionnelle fondée sur les dispositions de l'article 700 à hauteur de la somme revendiquée de 1. 500 euros laquelle englobera les frais d'expertise payés à monsieur Y... et ceux d'un constat d'huissier.
La dite SCI doit encore être condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Réforme l'ordonnance déférée et statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé en l'état d'une contestation sérieuse liée à l'éventualité d'une fraude entachant le congé pour vendre délivré le 18 juin 2009 par la SCI TALON aux consorts X...,
Déboute en conséquence la dite SCI de l'ensemble de ses demandes,
Reconventionnellement, condamne la dite SCI TALON à payer aux consorts X... une somme de 1. 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP d'avoués LIGIER DE MAUROY-LIGIER, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et comme il est prévu en matière d'aide juridictionnelle.
Le greffierLe président