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20/09/2011 | FRANCE | N°10/03419

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 20 septembre 2011, 10/03419


R.G : 10/03419

COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 20 Septembre 2011

Décisions du Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONEAu fonddu 24 décembre 2008RG : 2008/00628

et du 8 avril 2010RG 200/00628

SCI PARADIGME

C/
SOCIETE ENTREPRISE GENERALE DE MACONNERIE ET BETON ARME BERTONI - BELMONT - CHAVANOZX...Y...

APPELANTE :
SCI PARADIGME représentée par ses dirigeants légauxLe Bois69460 LE PERREON

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avoués à la Cour
assistée de Me Vincent DE LA MORANDIERE, avocat au barr

eau de PARIS

INTIMES :

SA BERTONI représentée par ses dirigeants légauxrue du Moulinage - BP 1638230 CHAVANOZ

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R.G : 10/03419

COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 20 Septembre 2011

Décisions du Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONEAu fonddu 24 décembre 2008RG : 2008/00628

et du 8 avril 2010RG 200/00628

SCI PARADIGME

C/
SOCIETE ENTREPRISE GENERALE DE MACONNERIE ET BETON ARME BERTONI - BELMONT - CHAVANOZX...Y...

APPELANTE :
SCI PARADIGME représentée par ses dirigeants légauxLe Bois69460 LE PERREON

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avoués à la Cour
assistée de Me Vincent DE LA MORANDIERE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

SA BERTONI représentée par ses dirigeants légauxrue du Moulinage - BP 1638230 CHAVANOZ

représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me Axel BARJON, avocat au barreau de LYON

Maître X... ès qualités d'administrateur judiciaire de la Société BERTONIné en à ...69003 LYON

représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté de Me Axel BARJON, avocat au barreau de LYON

Maître Y... ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la Société BERTONI...38200 VIENNE

représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté de Me Axel BARJON, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 10 Juin 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Juin 2011
Date de mise à disposition : 20 Septembre 2011Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président- Dominique DEFRASNE, conseiller- Françoise CLEMENT, conseiller

assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier
A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Dans le cadre de la construction d'un hôtel de luxe sur la commune du PERREON (69) moyennant un coût de l'ordre de 22 millions d'euros pour l'ensemble du projet, la SCI PARADIGME a conclu avec la SA BERTONl, le 16 avril 2007, un marché de travaux d'un montant de 2.281.671,00 € HT au titre du lot gros oeuvre.
Le début des travaux a été fixé par la SCI PARADIGME au 10 avril 2007, suivant ordre de service no1 en date du 5 avril 2007.
Une réunion de chantier est intervenue le 19 juin 2007 et la SA BERTONI a adressé une première situation de travaux au cabinet TECTONIQUES, maître d'oeuvre qui l'a validée en date du 27 juin 2007 à hauteur de 116.649,61 € TTC.
Par lettre du 28 juin 2007, le conseil de la SA BERTONI a mis en demeure la SCI PARADIGME de prendre position sur la poursuite ou non du chantier, suite à l'existence d'une rumeur selon laquelle l'opération de construction serait arrêtée ensuite de l'ouverture d'une instruction contre l'épouse du gérant de la SCI PARADIGME pour détournement de fonds au préjudice de son employeur, la société PSA PEUGEOT CITROEN.
Par exploit du 11 juillet 2007, la SA BERTONI a assigné la SCI PARADIGME en référé aux fins d'obtenir une provision au titre des travaux exécutés.
Suivant ordonnance du 18 juillet 2007, le juge des référés du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a condamné la SCI PARADIGME à payer à la SA BERTONI, à titre provisionnel, la somme de 116.649,61 €, outre celle de 750,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte d'huissier du 29 mai 2008, la SA BERTONI a fait assigner la SCI PARADIGME devant le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône aux fins de la voir condamnée, sur le fondement des articles 1134 et 1794 du code civil, à lui payer les sommes de 635.197,99 € au titre de la perte de marge brute du fait de l'arrêt du contrat d'entreprise, 100.000,00 € au titre du préjudice commercial subi, outre 5.000,00 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 24 décembre 2008, le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a :
- écarté des débats les écritures et pièces tardives de la SCI PARADIGME,
- condamné la SCI PARADIGME à réparer les préjudices de la SA BERTONI résultant de la résiliation unilatérale par la défenderesse du contrat d'entreprise à forfait régularisé entre les parties en date du 16 avril 2007,
- ordonné une mesure d'expertise comptable aux fins de déterminer toutes les dépenses et tous les travaux que la SA BERTONI a engagé pour les besoins du contrat susmentionné et le manque à gagner qui est résulté pour elle de sa résiliation unilatérale par la SCI PARADIGME,
- réservé les autres demandes des parties.
L'expert B... a déposé son rapport le 16 octobre 2009 et selon jugement en date du 8 avril 2010, le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a :
- condamné la SCI PARADIGME à payer à la SA BERTONI la somme de 612.117,55 € en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, avec capitalisation dans les conditions énoncées à l'article 1154 du code civil,
- débouté la SCI PARADIGME de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SCI PARADIGME à payer à la SA BERTONI la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire des condamnations prononcées,
- condamné la SCI PARADIGME aux dépens.
La SCI PARADIGME a déclaré interjeter appel des jugements des 24 décembre 2008 et 8 avril 2010 selon déclaration du 10 mai 2010.
Vu les conclusions signifiées le 27 avril 2011 par la SCI PARADIGME qui demande à la cour de constater que l'action fondée sur l'article 1794 ne peut être accueillie, la preuve de l'existence d'un marché à forfait n'étant pas réunie, non plus que celle de l'expression de la volonté du maître d'y mettre un terme, débouter la SA BERTONI de toutes ses demandes et la condamner aux dépens,
Vu les conclusions signifiées le 18 mai 2011 par la SA BERTONI, Me X... ès-qualités d'administrateur judiciaire et Me Y... ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SA BERTONI lesquels demandent à la cour de :
A titre principal,
- juger que le contrat conclu est un marché à forfait,
- juger que la SCI PARADIGME a manifesté, par son écrit et par son attitude, sa volonté de résilier ce marché,
A titre subsidiaire,
- constater que l'abandon du chantier par la SCI PARADIGME et le non paiement de la 1ère situation de travaux constituent une faute contractuelle justifiant la résiliation du marché à ses torts exclusifs,
- condamner en toute hypothèse la SCI PARADIGME à indemniser la société BERTONI au titre de son préjudice subi à hauteur de 728.767,16 € TTC,
- compte-tenu de la somme déjà allouée en référé, d'un montant de 116.649,61 € TTC, condamner la SCI PARADIGME à payer à la société BERTONI la somme de 612.117,55 € TTC outre intérêts au taux légal à compter de la rupture du contrat en date du 2 juillet 2007,
- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1153 du code civil,
- condamner la SCI PARADIGME à payer à la société BERTONI la somme de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2011.
MOTIFS ET DÉCISION
Selon acte d'engagement en date du 16 avril 2007, la SA BERTONI a été retenue au titre du lot gros oeuvre pour un montant HT de 2.281.671,00 €, un ordre de service lui ayant été adressé le 5 avril précédent pour un début des travaux au 10 avril 2007.
L'acte d'engagement susvisé indiquait expressément qu'il s'agissait d'un marché à prix fermes et définitifs, comportant une seule tranche, et que le responsable de l'entreprise BERTONI avait pris connaissance du règlement de consultation et du cahier des clauses administratives particulières et de tous documents, une évaluation de l'ensemble des travaux ayant été faite selon devis portant détail quantitatif estimatif.
Il était encore indiqué que le paiement des sommes dues au titre du présent marché interviendra conformément au CCAP, sur présentation d'un décompte mensuel rédigé sur modèle agréé par le maître d'ouvrage, vérifié et visé par la maître d'oeuvre, compte tenu de l'avancement au prorata des quantités réellement exécutées.
Le compte rendu de la réunion de chantier du 19 juin 2007 évoque différents plans d'exécution concernant les longrines, pour une structure métal ou pour les réseaux, éléments ne faisant que confirmer l'existence préalable de plans généraux ayant déjà été arrêtés par le maître d'ouvrage.
Un tel marché qui consistait à assurer la construction d'un établissement hôtelier et spa, moyennant un prix forfaitaire et alors même qu'un plan avait été arrêté et convenu avec le maître d'ouvrage qui s'était entouré d'un cabinet d'architectes, ingénieurs, économistes, designers et bureau de contrôle, répondait manifestement à la définition du contrat d'entreprise à forfait tel que défini par l'article 1793 du code civil.
Il ressort d'un fax adressé le 25 juin 2007 par M. D..., gérant de la SCI PARADIGME, au cabinet d'architectes que la cessation immédiate du chantier était demandée par ce dernier qui appelait ses partenaires à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter à tous une situation catastrophique et préserver leurs intérêts.
La volonté de résiliation anticipée du contrat est claire et non équivoque, confirmée encore par le coordinateur QUALICONSULT SECURITE qui par lettre informative du 28 juin 2007, avisait les membres convoqués à la réunion CISST prévue le 10 juillet suivant, de l'arrêt des travaux à la demande du maître de l'ouvrage et de l'annulation de la réunion programmée.
Aucune demande de reprise des travaux ne fut d'ailleurs faite postérieurement par la SCI PARADIGME dont l'épouse du gérant avait été interpellée dans le cadre d'une affaire d'escroquerie portant sur plusieurs dizaines de millions d'euros au préjudice de son employeur, les courriers adressés par cette dernière au responsable de la SA BERTONI faisant d'ailleurs état de la recherche indispensable mais vaine de nouveaux investisseurs de façon à sauver le projet.
L'arrêt brutal du chantier a eu des conséquences très dommageables pour l'entreprise qui avait mis en place des moyens adéquats en vue de faire face à un chantier important, tant en termes de personnel recruté que de matériels et plannings d'exécution.
L'article 1794 du code civil dispose que "le maître de l'ouvrage peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise ".
L'expert B... désigné par le tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône dans son jugement du 24 décembre 2008, conclut dans les termes suivants :
- le total des coûts engagés par la SA BERTONI dans le cadre du chantier LE PERREON s'élève à 146.337,09 € HT, soit 175.019,16 € TTC,
- la marge sur coûts variables manquée par la SA BERTONI s'élève à 463.000,00 € HT, soit 553.748,00 € TTC,
- déduction faite de la provision de 116.649,61 € déjà perçue par la SA BERTONI, le solde en faveur de cette dernière s'élève à 612.117,55 €.
La SCI PARADIGME conteste d'abord le nombre d'heures travaillées sur le chantier sans apporter le moindre élément justificatif permettant de sérieusement contredire les constatations précises et circonstanciées faites par l'expert tant au niveau du décompte des heures travaillées sur le chantier par le personnel salarié ou intérimaire, que des charges de personnel administratif ou des factures de fournisseurs de fournitures ou de frais ou encore quote-part de frais fixes imputables au chantier.
Il apparaît par ailleurs qu'alors que le locateur d'ouvrage prétendait à une perte de marge brute de 29 %, aux termes d'une longue étude des documents comptables de la société, M. B... retient un taux de marge sur coûts variables de 21,14 % lui permettant de fixer à la somme de 463.000,00 € HT, soit 553.748,00 € TTC la marge sur coûts variables manquée.
Les constatations sérieuses, étayées et pertinentes de l'expert doivent donc être retenues en l'espèce ; elles permettent de fixer le préjudice subi par la SA BERTONI à la somme TTC de 728.767,16 € à laquelle il convient en conséquence de condamner au paiement la SCI PARADIGME, déduction à faire de la somme perçue au titre de l'exécution de l'ordonnance de référé préalable à hauteur de 116.649,61 €.
Les intérêts seront capitalisés en application des dispositions de l'article 1154 du code civil.
Un indemnité de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile doit enfin être allouée en cause d'appel à la SA BERTONI en remboursement des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFSLA COUR

Confirme les jugements rendus par le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône les 24 décembre 2008 et 8 avril 2010 dans toutes leurs dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SCI PARADIGME à payer à la SA BERTONI une somme de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI PARADIGME aux dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise et seront distraits au profit de la SCP d'avoués AGUIRAUD NOUVELLET en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 10/03419
Date de la décision : 20/09/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2011-09-20;10.03419 ?
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