R. G : 10/ 04910
COUR D'APPEL DE LYON 2ème chambre ARRET DU 19 Septembre 2011
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON ch 2 sect 4 du 21 mai 2010
RG : 2006/ 14917 ch no2
X...
C/
Y...
APPELANT :
M. René Joseph X... né le 22 Mai 1946 à GUEHENNO (56420) ...69380 LISSIEU
représenté par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour assisté de Me Mohamed CHEBBAH, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
Mme Odette Andrée Y... épouse X... née le 28 Juillet 1939 à LYON (69002) ... 69410 CHAMPAGNE-AU-MONT-D'OR
représentée par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour assistée de Me Maryse PREVOT-SAILLER, avocat au barreau de LYON
Date de clôture de l'instruction : 27 Mai 2011 Date des plaidoiries tenues en Chambre du Conseil : 01 Juin 2011 Date de mise à disposition : 19 Septembre 2011
COMPOSÉE LORS DES DÉBATS :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue devant Madame Catherine CLERC, conseillère, qui a fait lecture de son rapport, et Monsieur Jean-Charles GOUILHERS, président, (sans opposition des avocats dûment avisés), qui ont entendu les plaidoiries en audience non publique et en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Patricia LE FLOCH, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Jean-Charles GOUILHERS, président Madame Jeannine VALTIN, conseillère Madame Catherine CLERC, conseillère
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, président, et par Christine SENTIS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur René X... et Madame Odette Y... se sont mariés le 19 décembre 1970 à LYON 2ème, sans contrat préalable, et ont eu deux enfants désormais majeurs.
Suivant jugement en date du 17 mars 1989 le Tribunal de Grande Instance de LYON a homologué l'acte notarié de changement de régime matrimonial par lequel les époux ont déclaré adopter le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts en y ajoutant la clause d'attribution de la communauté à l'époux survivant.
Monsieur René X... est appelant d'un jugement rendu le 21 mai 2010 par le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de LYON qui a successivement :
- rejeté la demande en divorce présentée par Monsieur René X... sur le fondement de l'article 242 du code civil
-prononcé le divorce des époux en application des articles 237 et 238 du code civil
-fixé la date des effets du divorce au 1er février 2007, date de l'ordonnance de non conciliation
-ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux-rejeté la demande de Madame Odette Y... tendant à conserver l'usage du nom marital
-condamné Monsieur René X... à payer à Madame Odette Y... un capital de 38 000 euros à titre de prestation compensatoire
-rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur René X... au titre de l'article 266 du code civil
-dit que chacune des parties conserverait la charge de ses frais et dépens personnels.
Dans ses dernières conclusions déposées le 25 mai 2011 Monsieur René X... demande à la Cour :
- de prononcer le divorce aux torts exclusifs de Madame Odette Y... dont la demande reconventionnelle fondée tant sur l'article 237 que 242 du code civil devra être rejetée
-d'ordonner la liquidation du régime matrimonial et de commettre le Président de la Chambre des notaires de LYON avec faculté de délégation pour y procéder
-de débouter Madame Odette Y... de sa demande présentée au titre de l'article 264 alinéa 2 du code civil et de sa demande de prestation compensatoire
-de condamner Madame Odette Y... à payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil outre la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 16 mai 2011 Madame Odette Y... avait conclu au rejet des prétentions de l'appelant et sollicité :
- le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l'époux et subsidiairement pour cause d'altération définitive du lien conjugal avec les dispositions d'usage relatives à la transcription du jugement de divorce et la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux
-l'autorisation de conserver l'usage du nom marital après le divorce
-la condamnation de Monsieur René X... à lui payer, à titre de prestation compensatoire, un capital de 120 000 euros dans le mois du prononcé du divorce et avec intérêts au taux légal à compter de cette date
-la condamnation de l'appelant à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens sous le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 mai 2011 et l'affaire plaidée le 1er juin 2011, a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS :
Sur le divorce :
Attendu que devant la Cour Monsieur René X... réitère la demande en divorce aux torts exclusifs de son épouse dont il avait été débouté par le premier juge.
Que Madame Odette Y..., qui avait présenté en première instance une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal en défense à la demande principale en divorce fondée sur l'article 242 du code civil, soutient en cause d'appel une demande reconventionnelle en divorce aux torts exclusifs de son époux et subsidiairement une demande en divorce fondée sur les articles 237 et 238 du code civil.
Attendu que liminairement à l'examen du bien fondé des demandes en divorce, il y a lieu de déclarer irrecevable la demande subsidiaire en divorce de l'épouse, toute demande subsidiaire étant prohibée par le premier alinéa de l'article 1077 du code de procédure civile ;
que par ailleurs Madame Odette Y... n'est pas recevable à substituer à sa demande reconventionnelle initiale fondée sur les articles 237 et 238 du code civil une demande en divorce fondée sur l'article 242 du code civil, cette substitution étant prohibée par le second alinéa de l'article 1077 du code de procédure civile.
qu'en effet cette substitution prévue par l'article 247-2 du code civil (demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal remplacée par une demande en divorce pour faute) ne peut être utilisée que par le demandeur à une instance introduite pour altération définitive du lien conjugal dans l'hypothèse où le défendeur présente reconventionnellement une demande pour faute.
Attendu qu'en définitive le débat devant la Cour n'est juridiquement recevable que du chef de la demande en divorce pour faute du mari, les demandes de la femme, telles que celle-ci a cru devoir les modifier devant la Cour, n'étant pas recevables au regard des règles spécifiques applicables en matière de de divorce.
Attendu que Monsieur René X... reproche tout à la fois à son épouse de s'être fréquemment absentée du domicile conjugal dans le cadre de l'exercice d'une activité professionnelle prenante qu'elle a refusé d'abandonner au profit d'un emploi sédentaire, mais également en dehors de ses heures de travail, de sorte qu'il devait assumer seul la gestion du foyer et des enfants, de lui avoir été infidèle et plus généralement d'avoir eu à son égard « des attitudes fautives » (retraits de fonds sur un compte commun, dénigrement, éviction de « ses lieux intimes et privés qu'il occupait au sein de la maison familiale » au profit du fils Valéry dont elle prenait fait et cause).
Que la partie adverse conteste le bien fondé des griefs ainsi articulés à son encontre.
Attendu que l'examen des pièces communiquées par Monsieur René X... ne permet pas de relever le caractère fautif des absences de son épouse du domicile conjugal, le fait non discuté qu'elle était retenue hors du domicile conjugal par des déplacements professionnels et des horaires de travail contraignants n'étant pas en tant que tel fautif au sens de l'article 242 du code civil, en ce que l'époux s'abstient de prouver qu'elle se serait maintenue dans cette situation sans l'accord de son conjoint, dans le dessein de porter préjudice à l'équilibre de leur vie conjugale et familiale ;
que de même, si Monsieur René X... a été amené à se substituer à sa femme dans l'exécution des tâches ménagère du fait des absences professionnelles de celle-ci, il ne rapporte pas la preuve en avoir subi un préjudice personnel (pour l'évolution de sa propre activité professionnelle par exemple), cette participation n'étant que la mise en pratique de la nécessaire complémentarité qui doit exister entre les époux.
Que l'infidélité de Madame Odette Y... ne peut être davantage caractérisée en l'état des pièces communiquées par l'époux ; qu'ainsi les annotations manuscrites figurant sur les agendas ayant appartenu à la femme sont équivoques quant à leur auteur, certaines mentions apparaissant avoir été complétées, retravaillées par le mari comme le souligne Madame Odette Y..., de sorte qu'aucune valeur probante ne peut leur être accordée.
Que les lettres adressées par Monsieur René X... aux personnes (et aux conjoints de celles-ci) qu'il soupçonnait d'avoir eu des relations intimes avec sa femme ou d'en avoir été les complices, ne sont guère déterminantes et attestent au contraire de la jalousie extrême manifestée par le mari envers son épouse, les personnes destinataires lesdites lettres ayant à leur tour attesté de leur incompréhension face à de telles accusations et de l'absence de toute relation extra conjugale avec l'épouse (cf les pièces communiquées en réplique par la femme).
Que le témoignage de Lucien X... est quant à lui trop général pour caractériser l'infidélité de l'épouse, au même titre que la facture de deux boissons établie le 21 mai 2005 (dont le mari soutient qu'elle aurait été antidatée ?), la déclaration de main courante du mari du 4 novembre 2005 ne peut constituer un mode de preuve recevable puisque faisant l'écho de ses seules déclarations, et enfin les relevés téléphoniques attribués à l'épouse restent tout aussi insuffisants à asseoir la matérialité de l'infidélité de celle-ci.
Qu'ensuite le surplus des griefs soutenus par Monsieur René X... doit être écarté, faute de preuve pertinente ;
qu'ainsi si Madame Odette Y... ne conteste pas avoir pu prélever des sommes sur un compte postal en décembre 2009 comme dénoncé par son mari (1 200 euros), il doit être relevé qu'il s'agit d'un compte joint, ouvert au nom des deux époux ; qu'il s'en déduit que chacun des époux avait théoriquement les mêmes droits sur les fonds détenus sur ce compte ; que les éventuelles difficultés induites par ces prélèvements devront trouver leur solution dans le cadre des opérations de compte et de partage entre époux lors de la liquidation de leur régime matrimonial mais ne peuvent fonder une demande en divorce pour faute ;
que pas davantage ne sont prouvés avec pertinence la coalition de l'épouse avec l'enfant Valéry contre le mari ou les dénigrements de l'épouse envers ce dernier, les pièces pénales versées au dossier permettant seulement d'observer qu'il existait des conflits familiaux importants.
Attendu qu'en définitive le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur René X... de sa demande en divorce aux torts exclusifs de son épouse, comme étant non fondée, et retenu la demande reconventionnelle de la femme fondée sur les article 237 et 238 du code civil.
Qu'il sera également confirmé en ses dispositions relatives aux modalités de liquidation du régime matrimonial et à la date des effets du divorce, celles-ci n'étant pas remises en cause en appel.
Sur l'usage du nom marital :
Attendu que Madame Odette Y... n'établit pas, en l'absence d'éléments de preuve idoines, l'existence et la nature d'un intérêt particulier qui existerait pour elle à pouvoir conserver l'usage du nom marital après le prononcé du divorce, la seule référence générale à la durée du mariage des époux et à l'inconfort qu'il en résulterait pour elle à changer de nom étant insuffisante au regard de l'alinéa 2 de l'article 264 du code civil
Que la confirmation du jugement entrepris s'impose donc en ce qu'il a débouté l'épouse de sa demande tendant à être autorisée à conserver l'usage du nom marital après le divorce.
Sur les dommages et intérêts :
Attendu que la réclamation présentée par Monsieur René X... sur le fondement de l'article 266 du code civil ne peut être accueillie, les conditions légales d'application de ce texte n'étant pas réunies en l'espèce.
Sur la prestation compensatoire :
Attendu qu'il résulte sans contestation possible des pièces communiquées que Madame Odette Y..., est retraitée (soit globalement 1646 euros/ mois en 2010) et perçoit un revenu complémentaire dans le cadre d'une activité salariée (63, 16 euros/ mois en 2010) ;
qu'outre les dépenses incompressibles de la vie courante, elle supporte un loyer (878, 83 euros/ mois avec les charges-valeur mars 2010) ; que si elle annonce dans sa déclaration sur l'honneur rembourser deux crédits pour 2000 euros et 300 euros (par mois ou par an ?) aucune des pièces communiquées ne permet d'en vérifier l'existence et le paiement effectif.
Qu'elle a déclaré au titre de son patrimoine personnel deux assurances vie (2000 euros), une donation de sa mère (15 000 euros) et des bijoux qui lui auraient été « volés par son époux » (11400 euros).
Que Monsieur René X... est également retraité (globalement 2681 euros/ mois en 2009 ; retraites actualisées sur 2010 ignorées) ;
que ses dépensesde la vie courante comprennent le remboursement de plusieurs crédits et le règlement de diverses charges en relation avec le patrimoine immobilier commun des époux dont il semble assumer la gestion ; que ces postes seront pris en compte dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial des époux.
Qu'il a déclaré être propriétaire, à titre personnel, d'un terrain avec une étable (entre 20 000 euros et 25 000 euros) et de fonds provenant de la vente d'un immeuble appartenant à sa mère (3947 euros).
Que les époux sont propriétaires en commun de quatre biens immobiliers (le domicile conjugal, trois appartements à usage locatif, à savoir deux à PARIS et un autre en SAVOIE) dont la valeur globale est estimée entre 770 000 euros et 870 000 euros par le mari et entre 935 000 euros et 970 000 euros par le femme (cf leurs pièces 93 et 14) indépendamment de produits d épargne.
Qu'ils auront vocation à se partager ce patrimoine commun sous réserve des comptes de partage, voire de récompense à parfaire entre eux lors de la liquidation du régime matrimonial.
Qu'en l'état de ces constatations c'est à bon droit que le premier juge a relevé que la rupture du mariage entraine une disparité dans les conditions de vie respectives des époux au détriment de l'épouse, dont les revenus sont très inférieurs à ceux de son conjoint et a en conséquence reconnu à Madame Odette Y... un droit à prestation compensatoire ;
que le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur ce point ; qu'il le sera également en ce qu'il a chiffré ladite prestation compensatoire à la somme de 38 000 euros, la réclamation de l'épouse s'avérant être en inadéquation avec les besoins de celle-ci et les ressources de son conjoint.
Qu'il n'y a pas lieu de juger que le capital compensatoire sera du dans le mois du prononcé du divorce et produira intérêts au taux légal à compter de cette date, la prestation compensatoire étant de plein droit exigible à compter du jour où le divorce prend force de chose jugée, les intérêts au taux légal courant de plein droit en cas du non paiement.
Sur les frais irrépétibles et l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu que l'équité ne commande pas, au vu de la nature familiale du litige, de retenir l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
Attendu que les dépens de première instance seront confirmés par suite de la confirmation du divorce ; que les dépens d'appel seront mis à la charge de Monsieur René X... qui succombe dans son appel sur la cause du divorce.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré,
Déclare irrecevables au visa des articles 247-2 du code civil et 1077 du code de procédure civile les demandes en divorce présentées par Madame Odette Y... en cause d'appel,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur René X... aux dépens d'appel ; autorise Maître de FOURCROY, avoué, à faire application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président.