R. G : 10/ 04901
COUR D'APPEL DE LYON 2ème chambre ARRET DU 19 Septembre 2011
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON ch 2 sect 11 du 26 avril 2010
RG : 08. 6135 ch no2
X...
C/
Y...
APPELANT :
M. El bakhouche X... né en 1971 à EL EULMA (ALGÉRIE)... 69007 LYON 07
représenté par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour assisté de Me Aïcha LAMAMRA, avocat au barreau de LYON (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 25643 du 02/ 12/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMEE :
Mme Nora Y... épouse X... née le 09 Décembre 1973 à EL EULMA (ALGÉRIE) ... 69600 OULLINS
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me Marie-Pierre DOMINJON, avocat au barreau de LYON (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 026169 du 18/ 11/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
Date de clôture de l'instruction : 27 Mai 2011 Date des plaidoiries tenues en chambre du conseil : 15 Juin 2011 Date de mise à disposition : 12 Septembre 2011 prorogée au 19 Septembre 2011
Audience présidée par Jeannine VALTIN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :- Jeannine VALTIN, président-Catherine CLERC, conseiller-Catherine FARINELLI, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu en Chambre du Conseil par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jeannine VALTIN, président, et par Christine SENTIS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
De l'union de Nora Y... et El Bakhouche X... sont issus trois enfants :
Ambrine, née le 23 décembre 2000, Linda, née le 1er janvier 2002, Ilhame, née le 6 novembre 2004.
Par jugement en date du 26 avril 2010, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de LYON a prononcé le divorce des époux et, concernant les enfants, a :
constaté que les parents exerceraient l'autorité parentale conjointe,
fixé leur résidence habituelle chez la mère,
organisé le droit de visite et d'hébergement du père de façon classique,
fixé la pension alimentaire due au titre de l'entretien et de l'éducation des enfants à la somme de 100 euros par mois et par enfant.
Par déclaration du 29 juin 2010, El Bakhouche X... a relevé appel général de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions d'infirmation partielle déposées le 27 octobre 2010 auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens et prétentions, El Bakhouche X... demande à la Cour de juger qu'il est hors d'état de verser une quelconque contribution à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants et de condamner Nora Y... aux entiers dépens.
Dans le dernier état de ses écritures déposées le 9 février 2011 auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens et prétentions, Nora Y... demande à la Cour de confirmer la décision entreprise et condamner El Bakhouche X... aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 mai 2011.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la juridiction internationalement compétente et la loi applicable :
Attendu qu'il convient tout d'abord de noter que les deux époux se sont mariés en Algérie et, surtout, qu'El Bakhouche X... est de nationalité algérienne ;
Qu'en raison de cet élément d'extranéité devait se poser la question de la juridiction internationalement compétente et de la loi applicable ;
Attendu qu'en ce qui concerne le divorce, qui n'est d'ailleurs pas remis en cause par les parties, la compétence des juridictions françaises était acquise sur la base du Règlement communautaire no2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003 dit « Bruxelles II bis », la procédure ayant été engagée après son entrée en vigueur le 1er mars 2005, la requête en divorce ayant été présentée, selon les écritures des parties le 5 avril 2008, et celles-ci résidant en France ;
Qu'en application de l'article 309 du code civil, la loi applicable était bien la loi française, les deux époux étant domiciliés sur le territoire français lors de la requête, en rappelant qu'il n'y a pas de convention bilatérale entre la France et l'Algérie concernant le divorce ;
Attendu qu'en ce qui concerne plus précisément les seules prétentions soumises à la Cour relatives à la contribution de El Bakhouche X... à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, il convient d'ores et déjà d'observer qu'il n'y a pas non plus de convention bilatérale entre l'Algérie et la France concernant l'obligation alimentaire ;
Qu'en application du règlement (CE) no44/ 2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I, le règlement no4/ 2009 du 18 décembre 2008 n'étant pas encore entré en vigueur, le juge français est compétent pour statuer sur l'obligation alimentaire à l'égard des enfants dès lors que le créancier d'aliments a son domicile ou sa résidence en France, comme en l'espèce ;
Qu'en vertu des articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973, sur la loi applicable aux obligations alimentaires, entrée en vigueur en France le 1er octobre 1997, la loi française est applicable, la résidence habituelle du créancier d'aliments étant en France ;
Attendu qu'au vu de tout ce qui précède, et les parties ayant adhéré aux principes et textes susvisés en saisissant la juridiction française et en demandant l'application de la loi française, il n'y a donc pas lieu à réouverture des débats pour dire la juridiction française compétente et la loi française applicable ;
Sur le fond :
Attendu qu'il résulte de l'article 371-2 du code civil que chacun des parents contribue à l'entretien et l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ;
Attendu que, lors de la décision du 26 avril 2010, pour fixer la pension alimentaire à la somme de 300 euros par mois, le premier juge a retenu que :
- Nora Y... avait des revenus de 1 333 € par mois en 2008, outre 1 226 € de prestations sociales et supportait un loyer mensuel de 422 €
- El Bakhouche X... ne rapportait pas la preuve de sa situation financière alors qu'au vu des éléments communiqués par Nora Y..., sa demande paraissait raisonnable au regard des besoins des enfants alors âgés respectivement de 10, 8 et 5 ans ;
Attendu qu'en cause d'appel El Bakhouche X... justifie connaître la situation financière suivante :
- suite à un licenciement pour inaptitude physique en raison d'une maladie professionnelle pour laquelle son état n'était pas consolidé à la date de l'expertise du 30 juin 2010, il perçoit des indemnités journalières d'un montant de 838, 04 euros, son avis d'imposition sur les revenus de 2009 ne mentionnant aucun revenu
-il a pour charges un loyer de 250 euros et le remboursement d'un prêt dont les mensualités s'élèvent à 98, 80 euros ;
Attendu que, pour sa part, Nora Y... justifie en cause d'appel connaître la situation suivante :
- son avis d'imposition sur le revenu 2010 fait état d'un revenu annuel de 16 668 euros en 2009, soit 1 389 euros par mois en moyenne
-son bulletin de paie de décembre 2010 laisse apparaître un cumul net imposable de 16 539, 93 euros, soit 1 378, 33 euros en moyenne
-elle perçoit en outre des allocations familiales d'un montant de 421, 75 euros en février 2011
- elle a pour charges un loyer résiduel de 123, 45 euros par mois, EDF (85, 36 euros), GDF (60 euros) et l'assurance habitation (18 euros), la taxe d'habitation (339 euros pour 2010) et elle prend en charge les frais de scolarité des enfants qui s'élèvent à 475, 10 euros par trimestre ;
Attendu qu'au vu de ce qui précède, la situation financière de El Bakhouche X... apparaît particulièrement délicate et justifie sa demande ;
Que, dès lors, il y a lieu de constater qu'il est hors d'état de verser une contribution à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants et de l'en dispenser jusqu'à retour à meilleure fortune dont il devra aviser Nora Y... dans les plus brefs délais ;
Que la décision entreprise sera infirmée en ce sens, et confirmée pour le surplus ;
Sur les dépens :
Attendu que le recours d'El Bakhouche X... est lié à sa propre carence à produire justificatif de sa situation en première instance, alors qu'il était régulièrement représenté ;
Qu'au surplus, il n'émet aucune observation sur le fait qu'il n'exerce pas régulièrement son droit de visite et d'hébergement sur ses enfants, comme l'avance l'intimée, qui a ainsi la charge quasi constante de ces derniers ;
Que, dans ces conditions, les dépens d'appel seront à la charge d'El Bakhouche X... ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Après débats hors la présence du public et après en avoir délibéré,
Statuant en Chambre du conseil, contradictoirement, et en dernier ressort,
Dit la juridiction française compétente et la loi française applicable ;
Infirme le jugement du 26 avril 2010 en ce qui concerne la contribution d'El Bakhouche X... à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef ci-dessus infirmé :
Constate qu'El Bakhouche X... est hors d'état de verser une contribution à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants ;
En conséquence, le dispense de toute contribution alimentaire pour ses trois enfants jusqu'à retour à meilleure fortune dont il devra aviser Nora Y... dans les plus brefs délais ;
Le condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président.