COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre
ARRET DU 19 Septembre 2011
R. G : 10/ 02412
décision du Tribunal de Grande Instance de LYON ch 2 sect 6 du 29 janvier 2010
RG : 2006/ 13316 ch no2
X...
C/
Y...
APPELANTE :
Mme Fatmaana X... épouse Y... née le 01 Janvier 1972 à BOZKIR (TURQUIE) ......69190 SAINT-FONS
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me Pascale GUICHARD, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 018192 du 30/ 09/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIME :
M. Sabri Y... né le 01 Mai 1975 à BOZKIR (TURQUIE) ... 38110 SAINT-JEAN-DE-SOUDAIN
représenté par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assisté de la SCP CATHERINE ET DUTHEL, avocats au barreau de LYON, Me Pierre-Camille CATHERINE, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 01 Avril 2011
Date des plaidoiries tenues en Chambre du Conseil : 06 Avril 2011
Date de mise à disposition : 06 juin 2011 prorogée jusqu'au 19 Septembre 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Jean-Charles GOUILHERS, président-Marie LACROIX, conseiller-Catherine CLERC, conseiller
assistée pendant les débats de Anne-Marie BENOIT, greffier
A l'audience, Jean-Charles GOUILHERS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, président, et par Christine SENTIS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 29 janvier 2010 par le Tribunal de Grande Instance de LYON, dont appel ;
Vu les conclusions déposées le 26 janvier 2011 par Fatmaana X... épouse Y... appelante ;
Vu les conclusions déposées le 15 mars 2011 par Sabri Y..., intimé ;
La Cour,
Attendu que par jugement du 18 octobre 2004, définitif, le Tribunal de Grande Instance de LYON a prononcé la séparation de corps des époux Y...- X... aux torts du mari ;
Attendu qu'après y avoir été autorisé par ordonnance de non-conciliation du 16 mars 2007, Sabri Y... a fait assigner Fatmaana X... en divorce sur le fondement des articles 237 et 238 du Code Civil suivant exploit du 27 juillet 2007 ;
Attendu que c'est à la suite de ces circonstances que par jugement du 29 janvier 2010 le Tribunal de Grande Instance de LYON a :
- prononcé le divorce des époux Y...- X... par application des articles 237 et 238 du Code Civil,
- dit que les père et mère exerceront conjointement l'autorité parentale,
- fixé la résidence habituelle des trois enfants communs au domicile de la mère,- octroyé au père un droit de visite et d'hébergement devant s'exercer un samedi sur deux de 10 heures à 19 heures y compris pendant les vacances scolaires,
- condamné Sabri X... à payer à Fatmaana X..., pour sa contribution à l'entretien et à l'éducation de leurs trois enfants, une pension alimentaire mensuelle indexée de 300 €,
- débouté Fatmaana X... de sa demande de prestation compensatoire ;
Attendu que celle-ci a régulièrement relevé appel de cette décision suivant déclaration reçue au greffe de la Cour le 2 avril 2010 ;
Attendu, sur le divorce, que le Tribunal ne pouvait le prononcer sur le fondement des articles 237 et 238 du Code Civil dès lors qu'il était saisi d'une demande reconventionnelle de conversion de la séparation de corps en divorce, sauf à rendre caduques les dispositions de l'article 306 du même Code ;
qu'il est constant et non contesté qu'en l'espèce la séparation de corps a duré plus de deux ans avant l'assignation introductive d'instance ;
Attendu que l'intimé ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 297-1 du Code Civil, l'appelante n'ayant nullement formé une demande en séparation de corps mais une demande de conversion d'une séparation de corps en divorce ;
que ce moyen, totalement inopérant, ne pourra qu'être écarté ;
Attendu en conséquence qu'il échet de réformer le jugement critiqué et de convertir en divorce la séparation de corps des époux Y...- X..., ce aux torts du mari, par application des articles 306 et 308 du Code civil ;
Attendu, sur la prestation compensatoire, que l'appelante sollicite également la réformation de ce chef en priant la Cour de lui allouer à ce titre la somme de 15 000 € ;
que l'intimé conclut à la confirmation ;
Attendu que le mariage a duré vingt ans dont quelque douze ans de vie commune avant l'ordonnance de non-conciliation du 14 février 2003, l'intimé ne pouvant se prévaloir du fait qu'il aurait abandonné le domicile conjugal avant cette date ;
que trois enfants toujours mineurs en sont issus ;
que les époux sont respectivement âgés de trente-six ans pour le mari et de trente-neuf ans pour la femme, observation étant faite que les époux ont contracté mariage à l'âge de dix-neuf ans pour la femme et de seize ans seulement pour le mari ;
Attendu que l'appelante est actuellement sans emploi depuis décembre 2010 ;
qu'elle travaillait auparavant comme ouvrière agricole suivant contrat de travail à durée déterminée, ce qui ne lui procurait qu'une rémunération extrêmement faible de l'ordre 367 € par mois, les salaires déclarés au titre de l'année 2009 ayant atteint 7 030 €, soit une moyenne mensuelle de 585 € environ ; Attendu que contrairement à ce que soutient l'intimé il n'y a pas lieu de prendre en considération, pour la détermination du droit à prestation compensatoire, les prestations familiales diverses qui sont servies à l'appelante non plus que la pension alimentaire dont il est débiteur, ces prestations et pensions bénéficiant exclusivement aux trois enfants communs dont Fatmaana X... assume la charge matérielle quotidienne effective et permanente ;
Attendu que l'intimé ne verse aux débats aucune pièce établissant que l'appelante partagerait les frais de la vie courante avec une tierce personne ainsi qu'il le prétend ;
Attendu que Sabri Y..., chef d'équipe dans le secteur des travaux publics, a déclaré des revenus salariaux pour 21 195 € au titre de l'année 2008, soit une moyenne mensuelle de 1 766, 25 € ;
qu'il produit un document censé émaner de son employeur et selon lequel ses rémunérations se seraient élevées à 18 910 € seulement en 2009 ;
Attendu cependant que dans le secteur du bâtiment et des travaux publics les congés payés sont réglés à part par une Caisse particulière ;
que l'intéressé ne fournit aucune précision à ce sujet et s'abstient de verser aux débats sa déclaration des revenus de l'année 2009 ainsi que l'avis d'imposition relatif à ladite année alors qu'il est nécessairement en possession de ces documents ;
Attendu que l'intimé reconnaît vivre en concubinage avec la dame Marie-Laure C..., laquelle est propriétaire du logement qu'ils occupent ;
que dès lors, le contrat de bail établi en 2005 entre l'intimé et sa concubine est dépourvu de valeur probante alors surtout que la déclaration de revenus ou l'avis d'imposition de la dame C... n'est pas versé aux débats de sorte qu'il est impossible de savoir si elle a déclaré les revenus fonciers censés provenir de cette location ;
qu'en tout état de cause Sabri Y... et la dame C... sont censés partager par moitié tous les frais et charges inhérents à leur communauté de vie et en premier lieu ceux liés au logement, l'importance des ressources de cette femme étant indifférente dès lors que l'intimé doit faire son affaire personnelle de l'entretien d'une concubine qu'il prétend impécunieuse, ce sans pouvoir en faire porter le poids à son épouse légitime, fût-ce seulement pour partie ;
Attendu que l'intimé doit régler une pension alimentaire mensuelle de 300 € pour sa contribution à l'entretien et à l'éducation des trois enfants issus de son mariage avec l'appelante et que cette obligation dont il ne s'acquitte que très irrégulièrement subsistera pendant plusieurs années encore, le benjamin des enfants communs étant né en 2000 ;
Attendu que l'intimé est également père d'un enfant né de ses relations avec la dame Marie-Laure C... le 21 janvier 2009 ;
que cette charge nouvelle ne saurait cependant préjudicier aux droits de l'épouse légitime ;
Attendu que l'article 272 alinéa 1er du Code Civil dispose que dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, celles-ci fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie ;
que l'intimé n'a pas cru devoir satisfaire à cette prescription de la loi ;
qu'en refusant ainsi d'engager sa responsabilité civile et pénale sur la sincérité de la description de son état de fortune, il ne met pas la Cour en mesure d'apprécier la pertinence de son argumentation ;
Attendu qu'il ressort de ce qui précède que le divorce crée, au détriment de la femme, une disparité dans les conditions de vie respectives des époux ;
qu'il y a lieu en conséquence de réformer la décision querellée de ce chef également, et de condamner l'intimé à payer à l'appelante, à titre de prestation compensatoire, la somme de 15 000 € en capital, ce en quatre-vingt-seize mensualités indexées de 156, 25 € ;
Attendu que l'intimé qui ne démontre pas avoir subi un préjudice quelconque sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, étant observé que la procédure ne saurait être regardée comme abusive puisqu'il est entièrement fait droit à l'appel ;
Attendu que pour faire valoir ses droits devant la Cour l'appelante a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'intimé ;
que celui-ci sera donc condamné à lui payer une indemnité de 800 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil et après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme, déclare l'appel recevable ;
Au fond, le dit justifié ;
Réformant, prononce la conversion de la séparation de corps des époux Y...- X... en divorce aux torts du mari ;
Condamne Sabri Y... à payer à Fatmaana X..., à titre de prestation compensatoire, la somme de 15 000 € en capital, ce en quatre-vingt-seize mensualités de 156, 25 € chacune ;
Dit que ces mensualités seront réévaluées au 1er janvier de chaque année en fonction des variations de l'indice des prix à la consommation des ménages urbains, série France entière hors tabac, publié par L'I. N. S. E. E., ce à la diligence du débiteur et sous sa responsabilité civile et pénale, sans que la créancière ait à en faire la demande ni à accomplir de formalité quelconque ;
Prononce dès à présent condamnation de Sabri Y... à payer les sommes correspondant à cette réévaluation automatique ;
Confirme pour le surplus le jugement déféré ;
Déboute Sabri Y... de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne Sabri Y... à payer à Fatmaana X... une indemnité de 800 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Le condamne aux dépens ;
Accorde à la S. C. P. AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. Le GreffierLe Président