R. G : 10/ 00022
Décision du Tribunal de Commerce de LYON Au fond du 08 décembre 2009
RG : 2008j2923 ch no
SOCIETE SOFIROU
C/
X... Y...
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 06 Septembre 2011
APPELANTE :
Société SOFIROU exerçant sous l'enseigne DUPLEX représentée par ses dirigeants légaux 30 cours de la Liberté 69003 LYON
représentée par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre, avoués à la Cour
assistée de Me Patrick SOREL, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Monsieur Christophe X... né le 13 juillet 1957 à LA ROCHELLE ...69500 BRON
représenté par Me Christian MOREL, avoué à la Cour
assisté de la SELARL MONOD-TALLENT, avocats au barreau de LYON
Madame Maria Y...épouse X... née le 28 mai 1958 à TUDELA (Espagne) ...69500 BRON
représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour
assistée de la SELARL MONOD-TALLENT, avocats au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 03 Janvier 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Juin 2011
Date de mise à disposition : 06 Septembre 2011 Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président-Dominique DEFRASNE, conseiller-Catherine ZAGALA, conseiller
assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier
A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
En 2007, à l'occasion des travaux d'extension de leur maison d'habitation, monsieur Christophe X... et madame Maria Y...son épouse qui exerce la profession d'artiste lyrique, ont décidé de créer une salle de répétition contigüe à leur salle de séjour.
A cet effet, ils ont consulté un architecte qui a préconisé la réalisation de portes coulissantes avec isolant phonique pour séparer la salle de répétition du séjour.
Le 18 avril 2007, ils ont commandé à la SARL SOFIROU un ensemble de rangements pour le prix total de 10. 980 euros puis le 4 juin 2007 la réalisation de portes jumelées coulissantes pour le prix de 7. 051, 61 euros.
Après l'exécution des travaux, ayant constaté que les portes coulissantes n'avaient aucune fonction d'isolation phonique, ils ont refusé de solder les factures de l'entrepreneur et sollicité en référé la désignation d'un expert.
Monsieur B..., désigné en qualité d'expert a déposé son rapport le 6 août 2008 et sur la base de ce rapport les époux X... ont fait assigner la société SOFIROU devant le tribunal de commerce de Lyon pour voir prononcer l'annulation pour dol ou subsidiairement la résiliation du contrat conclu entre les parties, voir condamner la société SOFIROU à leur restituer le prix de 7. 051, 61 euros, à leur payer également les frais de dépose de l'installation ainsi que des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance.
Par jugement du 8 décembre 2009, le tribunal de commerce a :
- prononcé la résiliation du contrat liant les parties et portant sur la porte coulissante installée entre la salle de répétition et la salle de séjour, ce pour défaut de conformité,
- condamné la société SOFIROU à payer à monsieur et madame X... la somme de 7. 051, 61 euros au titre de la restitution du prix d'installation non conforme à sa destination, outre intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2008,
- condamné la société SOFIROU à payer à monsieur et madame X... la somme de 1. 492, 61 euros au titre des travaux de dépose de l'installation outre intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2008,
- condamné la société SOFIROU à payer à monsieur et madame X... la somme de 1. 000 euros à titre dommages-intérêts pour trouble de jouissance pendant les travaux de remise en état,
- débouté monsieur et madame X... de leur demande additionnelle de dommages-intérêts,
- condamné la société SOFIROU aux dépens, y compris les frais d'expertise ainsi qu'au paiement de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société SOFIROU a interjeté appel de cette décision le 5 janvier 2010.
La SARL SOFIROU soulève l'irrecevabilité des demandes formées par les époux X....
Subsidiairement, elle conclut au débouté et sollicite le paiement de 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique d'abord que la livraison de l'ouvrage a eu lieu le 27 juillet 2007, que les époux en ont pris possession sans formuler aucune réserve alors que le désordre allégué au regard de l'isolation phonique était manifestement apparent à cette date, de sorte que le défaut de conformité allégué est couvert par la réception.
Elle fait valoir en second lieu que le devis accepté par les époux X... ne fait nulle part référence à une isolation phonique, que les époux X... n'ont jamais indiqué qu'ils la souhaitaient pour leur salle de répétition et qu'ils ne pouvaient ignorer que les planches extrêmement fines qui seraient posées n'auraient aucune fonction d'isolation phonique.
S'agissant du plan de l'architecte qui lui a été remis avant son intervention, elle explique que la mention " isolant phonique " avec une flèche en direction du mur et la mention d'un caisson d'habillage de la descente EP et d'un caisson de rangement des portes coulissantes ne constituent pas la préconisation d'une isolation phonique des portes elles-mêmes, d'autant moins que le dessin de la porte, de type schématique, est non coté et ne mentionne pas tous les éléments des panneaux.
Elle considère qu'elle a bien réalisé la prestation qui lui était demandée et qu'elle n'a nullement manqué à ses obligations contractuelles.
Les époux X... demandent de leur côté à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts,
- de condamner la société SOFIROU à leur payer la somme de 2. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour réparation de leur trouble de jouissance pendant les travaux de remise en état et la somme de 5. 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir,
- de condamner la société SOFIROU aux entiers dépens y compris les frais d'expertise ainsi qu'au paiement de 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que leur demande est fondée à titre principal sur le dol de l'article 1109 du code civil dans le cadre d'un contrat de louage d'ouvrage et à titre subsidiaire sur le dol ou le défaut de conformité en application des articles 1604 et suivants, dans le cadre du contrat de vente.
Ils s'opposent au moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande en indiquant qu'aucun procès-verbal de réception n'a été régularisé et qu'en tout hypothèse le défaut d'isolation phonique n'était pas apparent à la livraison puisqu'il a fallu utiliser la salle de répétition pour s'en apercevoir.
Ils soutiennent que la société SOFIROU a bien manqué à ses obligations contractuelles en ne réalisant pas l'isolation phonique convenue entre les parties, ayant été informée de la destination de la salle de répétition et de la nécessité de prévoir un ouvrage d'occultation, tel que visé sur le plan d'architecte dont elle avait connaissance.
Ils ajoutent qu'il appartenait à la société SOFIROU de s'informer sur les besoins de ses clients afin de réaliser la prestation attendue.
Ils indiquent que de leur côté, n'étant pas professionnels ils ignoraient les caractéristiques intrinsèques des matériaux utilisés et que le prix élevé des portes leur laissait supposer qu'il incluait bien l'isolation phonique.
MOTIFS DE LA DÉCISION
-I-Sur la recevabilité de l'action engagée par les époux X...
Attendu qu'au vu des écritures des deux parties, celles-ci considèrent que leur contrat portant sur l'installation des portes coulissantes de séparation entre la salle de répétition et le séjour constitue un contrat d'entreprise, les époux X... visant dans leurs écritures la conception et la fabrication sur mesure de cette installation ;
Attendu qu'il est constant que les époux X... ont pris possession de l'ouvrage et en ont réglé intégralement le prix ce qui permet de caractériser la réception tacite de cet ouvrage ;
Que toutefois, le défaut d'isolation phonique entre la salle de répétition et la salle de séjour n'était pas apparent à la date de la prise de possession comme l'ont justement relevé les premiers juges, puisque les époux X... en effet n'ont pu s'en apercevoir qu'après une utilisation de la salle et qu'ils l'ont fait savoir à l'entrepreneur six jours plus tard ;
Que le défaut de conformité invoqué n'est donc pas couvert par la réception ;
Attendu que la demande des époux X... doit donc en conséquence être déclarée recevable ;
- II-Sur le fond
Attendu que la société SOFIROU verse elle-même aux débats un plan d'architecte sur lequel figure la salle de répétition et le salon avec la mention en regard de la séparation de :- peinture-caisson portes coulissantes-isolant phonique-mur agglo-plaque de plâtre collé ;
Que l'expert B...qui a examiné ce même plan précise que les deux portes coulissantes sont dessinées avec une épaisseur de 7, 5 cm, soit au total 15 cm et considère que l'idée d'isolation phonique était bien abordée dans le projet de l'architecte ;
Que sur place, l'expert relève que l'élément coulissant entre studio et salon, de faible épaisseur et très flexible n'assure aucunement l'isolation phonique du studio ;
Attendu que la société SOFIROU qui a eu en sa possession le plan de l'architecte ne peut sérieusement affirmer qu'une isolation phonique des portes coulissantes n'était pas envisagée et ce sous le fallacieux prétexte que son propre devis ne mentionnait pas d'isolation phonique ;
Qu'au surplus, si comme elle le prétend le projet de l'architecte était imprécis ou ambigu, il lui incombait en sa qualité de professionnel d'interroger les maîtres de l'ouvrage sur leur intention et le cas échéant, de leur indiquer les difficultés rencontrées sur la faisabilité de leur projet, ce qu'il n'a pas fait ;
Que par ailleurs, rien ne permet d'affirmer que les époux X... aient été en mesure d'apprécier au seul vu du devis la qualité intrinsèque des matériaux utilisés par l'entrepreneur et ce d'autant moins que l'expert judiciaire souligne le coût excessif des prestations réalisées par l'entrepreneur sans un minimum d'isolation phonique ;
Attendu qu'il est démontré en l'espèce que la société SOFIROU n'a pas réalisé un ouvrage ayant les caractéristiques convenues entre les parties ;
Que si ces circonstances ne permettent pas de retenir sa faute dolosive, à défaut de manoeuvre illicite de sa part, il n'en demeure pas moins que l'ouvrage, faute d'isolation phonique n'est pas conforme à l'usage auquel il était destiné ;
Que le défaut de conformité par son importance justifie la résolution judiciaire du contrat et que la décision du tribunal de commerce doit être confirmée de ce chef ;
Attendu en conséquence qu'il convient de condamner la société SOFIROU à restituer à monsieur et madame X... la somme de 7. 051, 61 euros, prix de l'installation non conforme et à leur payer la somme de 1. 492, 61 euros au titre des travaux de dépose de l'installation tels que chiffrés par l'expert, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal ;
Attendu que le tribunal de commerce a justement évalué à la somme de 1. 000 euros le montant des dommages-intérêts pour les troubles de jouissance que subiront les époux X... dans deux pièces de leur maison d'habitation pendant les travaux de remise en état ;
Que la demande en paiement de dommages-intérêts complémentaires n'est pas plus justifiée devant la cour que devant les premiers juges, les époux X... ne formulant même pas d'explication à cet égard ;
Attendu que la société SOFIROU supportera les entiers dépens ; qu'il convient d'allouer aux époux X... en cause d'appel et sus de l'indemnité déjà allouée en première instance la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'appel recevable,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SARL SOFIROU à payer à monsieur Christophe X... et à madame Maria Y...son épouse la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL SOFIROU aux dépens d'appel distraits au profit de Maître MOREL, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffierLe président