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05/09/2011 | FRANCE | N°10/01637

France | France, Cour d'appel de Lyon, 2ème chambre, 05 septembre 2011, 10/01637


R. G : 10/ 01637

COUR D'APPEL DE LYON 2ème chambre ARRET DU 05 Septembre 2011

décision du Tribunal de Grande Instance de MONTBRISON Au fond du 19 janvier 2010
RG : 2008/ 01035 ch no
X...
C/
Y...

APPELANT :
M. Daniel Paul Henri X... né le 31 Août 1945 à MONTBRISON (42600)... 42110 FEURS
représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me André BOUCHET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :
Mme Christiane Y... divorcée X... née le 02 Mai 1947 à VALENCE (26000)... 42130 TRELINS
représentée par

Me Annie GUILLAUME, avoué à la Cour assistée de Me Catherine PIBAROT, avocat au barreau de ROANNE

Date de clô...

R. G : 10/ 01637

COUR D'APPEL DE LYON 2ème chambre ARRET DU 05 Septembre 2011

décision du Tribunal de Grande Instance de MONTBRISON Au fond du 19 janvier 2010
RG : 2008/ 01035 ch no
X...
C/
Y...

APPELANT :
M. Daniel Paul Henri X... né le 31 Août 1945 à MONTBRISON (42600)... 42110 FEURS
représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me André BOUCHET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :
Mme Christiane Y... divorcée X... née le 02 Mai 1947 à VALENCE (26000)... 42130 TRELINS
représentée par Me Annie GUILLAUME, avoué à la Cour assistée de Me Catherine PIBAROT, avocat au barreau de ROANNE

Date de clôture de l'instruction : 18 Février 2011 Date des plaidoiries tenues en Chambre du Conseil : 02 Mars 2011 Date de mise à disposition : 16 mai 2011 prorogée jusqu'au 05 Septembre 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Jean-Charles GOUILHERS, président-Marie LACROIX, conseiller-Françoise CONTAT, conseiller assistée pendant les débats de Christine SENTIS, greffier
A l'audience, Jean-Charles GOUILHERS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu en Chambre du Conseil par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, président, et par Christine SENTIS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 19 janvier 2010 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de MONTBRISON, dont appel ; Vu les conclusions déposées le 8 février 2011 par Daniel X..., appelant, incidemment intimé ; Vu les conclusions déposées le 15 février 2011 par Christiane Y..., intimée, incidemment appelante ;
La Cour,
Attendu qu'un jugement du 21 janvier 1992, définitif, a prononcé le divorce par consentement mutuel des époux X...- Y... et homologué la convention définitive conclue entre eux aux termes de laquelle Daniel X... s'engageait à payer à Christiane Y..., à titre de prestation compensatoire, une rente mensuelle de 8 000 Francs (1219, 59 €) pendant douze ans, et ensuite une rente mensuelle, viagère et indexée de 4 500 Francs (686, 02 €) ;
Attendu que par requête du 17 décembre 2009 Daniel X... a sollicité la suppression de cette rente viagère ; que Christiane Y... s'est opposée à cette prétention et s'est reconventionnellement portée demanderesse en dommages et intérêts pour procédure abusive ; que par jugement du 19 janvier 2010 le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de MONTBRISON a débouté l'une et l'autre parties de l'ensemble de leurs demandes ;
Attendu que Daniel X... a régulièrement relevé appel de cette décision suivant déclaration reçue au greffe de la Cour le 8 mars 2010 ; qu'il soutient essentiellement à l'appui de sa contestation d'une part que le maintien de la rente viagère litigieuse procurerait à l'intimée un avantage manifestement excessif au regard des critères posés à l'article 276 du Code Civil ainsi qu'il est dit à l'article 33- VI de la loi no 2004-439 du 26 mai 2004, et d'autre part qu'un changement important au sens de l'article 276-3 du Code Civil est intervenu dans les ressources ou les besoins des parties ; qu'il demande en conséquence à la Cour d'infirmer la décision critiquée, de supprimer la rente viagère mise à sa charge à titre de prestation compensatoire et subsidiairement d'en diminuer sensiblement le montant ;
Attendu que formant appel incident, Christiane Y... conclut à ce qu'il plaise à la Cour réformer le jugement attaqué, condamner Daniel X... à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts et confirmer pour le surplus la décision entreprise ; qu'elle fait principalement valoir à cet effet que l'appelant ne peut se prévaloir d'aucune des conditions prévues par les articles 276, 276-3 du Code Civil et 33- VI de la loi no 2004-439 du 26 mai 2004 pour obtenir la suppression ou même seulement la diminution de la rente viagère dont il est débiteur à titre de prestation compensatoire ; qu'elle ajoute que la procédure injustifiée que Daniel X... a engagée contre elle l'a profondément déstabilisée et lui a causé un préjudice moral important ;
Attendu que pour une bonne compréhension du litige, il convient de rappeler que Daniel X... exerçait la profession de médecin et que Christiane Y... exerce pour quelques mois encore celle d'infirmière dans le secteur libéral ; que du mariage des parties, aujourd'hui respectivement âgées de soixante-six ans pour l'appelant et de soixante-quatre ans pour l'intimée, sont issus trois enfants, tous majeurs, et qu'il est constant que l'intimée a cessé son exercice professionnel pendant plusieurs années pour se consacrer d'une part à l'éducation des trois enfants communs, et d'autre part au secrétariat du cabinet médical de son conjoint ;
Attendu que c'est en l'état de ces éléments qu'a été conclue la convention définitive de divorce homologuée par jugement du 21 janvier 1992 ;
Attendu qu'à cette dernière date, Christiane Y... n'était âgée que de quarante-quatre ans et n'était atteinte d'aucune infirmité ou affection susceptible de réduire sa capacité de travail ; que s'il est exact qu'à cette époque elle était sans emploi, il est évident que la convention de divorce a tenu compte de sa capacité à reprendre une activité professionnelle rémunératrice dès lors qu'elle était titulaire du diplôme d'État d'infirmière ; qu'au reste, le fait que la convention de divorce ait stipulé le versement à titre de prestation compensatoire d'abord d'une rente mensuelle de 8 000 Francs (1219, 59 €) pendant douze ans, puis d'une rente mensuelle et viagère de 4 500 Francs (686, 02 €) montre que les parties ont pris en considération une reprise progressive d'activité de la créancière tenant compte du fait qu'elle assumait au quotidien la charge matérielle des trois enfants nés du mariage ; que l'appelant ne saurait donc tirer aucune conséquence du fait que l'intimée a repris son activité professionnelle d'infirmière ce qui a entraîné une amélioration notable de sa situation matérielle, dès lors que cette évolution de la situation personnelle de Christiane Y... a nécessairement été prise en considération par les parties lors de la conclusion de la convention définitive de divorce ;
Attendu que l'état de santé de l'intimée s'est dégradé, ce qui l'a obligée à réduire sensiblement son activité professionnelle ainsi qu'elle en justifie ; qu'en tout état de cause, elle atteindra prochainement l'âge de la retraite, et que ses droits à pension ne s'élèvent qu'à 900 € par mois environ ; qu'elle est propriétaire de la maison qu'elle habite, ce bien étant désormais libre de toute charge d'emprunt ;
Attendu que l'appelant qui prétend que l'intimée vivrait en concubinage ne rapporte aucune preuve de ses allégations ; qu'il y a donc lieu de considérer que Christiane Y... assume seule les charges courantes liées à la vie quotidienne ;
Attendu que même en prenant en considération le fait que, grâce à la prestation compensatoire, elle a pu souscrire une assurance-vie et une retraite complémentaire qui lui assureront ensemble un revenu mensuel de 545 €, ainsi qu'une assurance-retraite qui sera convertie en un capital de 22 500 € à la fin de 2012 et qui lui permettra de solder les charges du dernier trimestre et les impôts en cours, on ne saurait en aucune manière considérer que le maintien de la rente viagère qui lui est versée à titre de prestation compensatoire lui procurerait un avantage manifestement excessif alors qu'il lui permettra seulement de maintenir le train de vie dont elle jouit présentement et dont l'élément essentiel est constitué par la possibilité de demeurer dans sa maison ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'application de l'article 33- VI de la loi no 2004-439 du 26 mai 2004 ne peut qu'être écarté et qu'aucune suppression ou réduction de la rente viagère ne saurait être ordonnée sur ce fondement ;
Attendu que pour les motifs sus-énoncés, l'amélioration des conditions de vie de l'intimée que les parties ont prise en considération pour la fixation de la prestation compensatoire sous forme d'une rente viagère ne peut davantage être regardée comme un changement important dans les ressources ou les besoins de Christiane Y... au sens de l'article 276-3 du Code Civil ;
Attendu que l'appelant a connu depuis le début de 2009 des difficultés de santé qui l'ont amené à suspendre ou réduire son activité de médecin d'exercice libéral ; que néanmoins, cette diminution de son activité professionnelle n'aura eu que des conséquences limitées sur la situation personnelle de Daniel X... puisque ce dernier, compte tenu de son âge, ne pouvait plus continuer à exercer sa profession et qu'il est retraité depuis le 1er octobre 2010 ; que les parties ont nécessairement envisagé le départ à la retraite de Daniel X... lorsqu'elles ont convenu du versement d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère ;
Attendu que la pension de vieillesse servie à l'appelant par la C. A. R. M. F. s'élève à 11797, 22 € par trimestre, soit 3 932, 40 € par mois et qu'elle est donc plus de quatre fois supérieure à celle que percevra l'intimée lorsqu'elle cessera son activité d'infirmière libérale courant 2012 ; qu'il n'y a pas lieu d'opérer déduction de la C. S. G. à laquelle sera également soumise la pension de retraite qui sera servie à l'intimée ;
Attendu que l'appelant détenait un portefeuille de valeurs mobilières qui s'élevait à la somme totale de 55 327 € au 2 juillet 2010 ; qu'il a converti la plupart de ces valeurs en SICAV monétaires suivant ordre par lui donné le 1er juillet 2010 et qu'il détient donc toujours ces capitaux ;
Attendu que l'appelant est propriétaire de l'appartement qu'il habite à FEURS (Loire) pour l'aménagement duquel il a souscrit un emprunt de 30 000 € qui sera soldé le 30 janvier 2012 ; qu'il possède également un appartement à TASSIN-LA-DEMI-LUNE (Rhône) et qu'il indique que la vente de ses valeurs mobilières était destinée à solder l'emprunt contracté pour financer l'acquisition de ce bien ; que quoi qu'il en soit, la constitution d'un patrimoine immobilier et les opérations financières qu'elle nécessite ne peuvent être considérées comme une charge prioritaire par rapport à la prestation compensatoire qui présente un caractère à la fois indemnitaire et alimentaire ; qu'il en est de même en ce qui concerne des studios que Daniel X... avait acquis à TOULOUSE et que, selon lui, il aurait revendus à perte, et que le même principe s'applique également aux investissements qu'il a réalisés en Nouvelle-Calédonie afin d'obtenir un allégement maximal de ses obligations fiscales ; que ces biens doivent d'ailleurs produire des revenus fonciers sur lesquels l'appelant ne s'explique pas ;
Attendu qu'en prenant sa retraite, Daniel X... a cédé sa clientèle à un autre médecin moyennant la somme de 20 000 € ; qu'il continue, pour quelques années encore à travailler pour un centre de cure, ce qui lui procure un revenu supplémentaire de 1 500 € par mois environ ;
Attendu qu'après avoir divorcé de l'intimée, l'appelant a épousé une autre femme en troisièmes noces, puis a également divorcé de celle-ci à laquelle il s'est engagé à verser une prestation compensatoire sous forme d'une rente mensuelle de 450 € par mois dont il fait état comme charge nouvelle sans cependant indiquer qu'il a été expressément stipulé que cette rente cesserait d'être due au 1er juillet 2010, de sorte que cette charge a aujourd'hui disparu ;
Attendu que par ailleurs, est issu des relations de l'appelant avec une autre femme l'enfant Lucas né le 29 janvier 1995 pour lequel il doit régler une pension alimentaire mensuelle dont le montant actuel s'élève à la somme de 742, 77 € ;

Attendu enfin que le 11 septembre 2010, soit quelques jours après son départ à la retraite, l'appelant s'est marié en quatrièmes noces avec une dame Z... de vingt-trois ans sa cadette, qui travaille et perçoit ainsi un revenu mensuel moyen de 2253, 83 € ; que compte tenu de son âge, la perspective d'un intéressante carrière professionnelle est ouverte à la nouvelle épouse de l'appelant qui partage avec lui tous les frais et charges liés à leur communauté de vie et notamment celles relatives à l'entretien et à l'éducation de l'enfant Angelina née de leurs relations le 7 août 2008 ;
Attendu que même si l'appelant doit faire face à des charges nouvelles inhérentes à la venue au monde de deux autres enfants postérieurement à son divorce d'avec l'intimée, cette évolution de sa situation qui n'est pas caractérisée par des contingences exceptionnelles et totalement imprévisibles n'est pas de nature à permettre de considérer qu'il s'est produit un changement important dans ses ressources ou ses besoins ; qu'ainsi, compte tenu des divers éléments ci-dessus analysés, l'appelant ne saurait prétendre à la suppression ou même à la révision de la rente viagère litigieuse sur le fondement de l'article 276-3 du Code Civil ;
Attendu en conséquence qu'il échet de confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté Daniel X... de sa demande de suppression ou de révision de la rente viagère mise à sa charge à titre de prestation compensatoire ;
Attendu, sur la demande de dommages et intérêts, qu'il n'est pas démontré que l'appelant ait agi dans le seul dessein de nuire ou de mauvaise foi et que la procédure qu'il a engagée ne peut en aucune manière être regardée comme abusive ;
Attendu cependant, qu'en usant sans discernement et d'une manière totalement infondée de son droit constitutionnel d'ester en justice, Daniel X... a, depuis près de deux années, plongé Christiane Y... dans la plus totale incertitude sur la pérennité d'une rente viagère qui constitue l'un des moyens essentiels de sa subsistance et donc sur son avenir au moment même où elle s'apprête à faire valoir ses droits à la retraite ; qu'en agissant avec une telle légèreté il lui a causé un préjudice moral important ; qu'il convient donc de réformer de ce chef le jugement querellé et d'allouer à l'intimée la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts par application des articles 1382 et 1383 du Code Civil ;
Attendu que pour assurer la défense de ses intérêts devant la Cour, l'intimée a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'appelant ; que celui-ci sera donc condamné à lui payer une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant en chambre du conseil, contradictoirement, après débats non publics et après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme, déclare recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;
Au fond, dit le second seul justifié ;
Réformant, condamne Daniel X... à payer à Christiane Y... la somme de 2500 € à titre de dommages et intérêts ;
Confirme pour le surplus le jugement déféré ;
Condamne Daniel X... à payer à Christiane Y... une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Le condamne aux dépens ;
Accorde à Me GUILLAUME, avoué, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10/01637
Date de la décision : 05/09/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2011-09-05;10.01637 ?
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