R. G : 09/ 07323
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre
ARRET DU 08 Août 2011
opposition
décision du Cour d'Appel de LYON Au fond du 21 septembre 2004
RG : 03. 4635 ch no1
X... X...
C/
LE PROCUREUR GENERAL
APPELANTES :
Melle Joséphine X... née le 02 Février 1987 à YAOUNDE (CAMEROUN) ...42340 VEAUCHE
représentée par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre, avoués à la Cour
assistée de Me Marie-Noëlle FRERY, avocat au barreau de LYON
Melle VIRGINIE X... née le 06 Septembre 1989 à YAOUNDE (CALEROUN) ...69300 CALUIRE
représentée par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre, avoués à la Cour
assistée de Me Marie-Noëlle FRERY, avocat au barreau de LYON
INTIME :
M. LE PROCUREUR GENERAL Place Paul Duquaire 69005 LYON
représenté par Mme ESCOLANO, substitut général
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Date de clôture de l'instruction : 24 Janvier 2011
Date des plaidoiries tenues en Chambre du Conseil : 24 Mars 2011
Date de mise à disposition : 30 Mai 2011 prorogée jusqu'au 08 Août 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Jean-Charles GOUILHERS, président-Marie LACROIX, conseiller-Françoise CONTAT, conseiller
assistée pendant les débats de Christine SENTIS, greffier
A l'audience, Jean-Charles GOUILHERS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, président, et par Christelle MAROT, greffier en chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 19 juin 2003 par le Tribunal de Grande Instance de LYON, dont appel ;
Vu l'arrêt de défaut rendu entre les mêmes parties par la Cour de céans le 21 septembre 2004 et l'arrêt rectificatif du 17 mai 2005 ;
Vu les conclusions déposées le 17 décembre 2010 par M. le Procureur Général, appelant, défendeur à l'opposition ; Vu les conclusions déposées le 17 septembre 2010 par Joséphine X... d'une part, et par Virginie-Dominica X... d'autre part, intimées, demanderesses à l'opposition ;
La Cour,
Attendu que Bénédicte X..., de nationalité camerounaise, a donné naissance à YAOUNDÉ (Cameroun) aux enfants Joséphine et Virginie-Dominica respectivement les 2 février 1987 et 6 septembre 1989 ;
que ces deux enfants ont été reconnues par Bruno Z..., de nationalité française, le 25 octobre 2000 ;
qu'un certificat de nationalité française a été délivré à chacune des enfants Joséphine et Virginie-Dominica par le greffier en chef du Tribunal d'Instance de LYON le 11 mai 2001 comme étant nées d'un père français ;
Attendu que suivant exploit du 23 octobre 2001 Bénédicte X... agissant personnellement et en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineures Joséphine et Virginie-Dominica a fait assigner le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de LYON afin qu'il fût déclaré que lesdites enfants avaient la qualité de françaises depuis leur naissance et que celle-ci était opposable au préfet du Rhône ;
Attendu que c'est à la suite de ces circonstances que par jugement du 19 juin 2003 le Tribunal de Grande Instance de LYON a fait entièrement droit à ces demandes ;
que le Ministère Public ayant relevé appel de cette décision, la Cour de céans statuant par arrêt de défaut du 21 septembre 2004 rectifié par arrêt du 17 mai 2005 a infirmé le jugement déféré et constaté que la filiation des enfants Joséphine et Virginie-Dominica X... est régie par la loi camerounaise de leur mère ;
Attendu que suivant déclaration reçue au greffe de la Cour le 25 novembre 2009, Joséphine et Virginie-Dominica X... ont formé opposition contre ces deux arrêts ;
Attendu que M. le Procureur Général soulève en premier lieu l'irrecevabilité de l'opposition pour cause de tardiveté et subsidiairement au fond, fait valoir que la mère des intimées étant de nationalité camerounaise, la filiation de ses filles est régie par la loi camerounaise qui dispose que la reconnaissance paternelle s'opère par jugement, de sorte que la filiation paternelle des intimées n'est pas légalement établie, et plus subsidiairement encore que les intimées ne peuvent se prévaloir de la possession d'état de françaises dès lors qu'elles n'ont pas souscrit la déclaration de nationalité française prévue par l'article 21-13 du Code Civil ;
qu'il conclut en conséquence à ce que la Cour déclare l'opposition irrecevable et subsidiairement à ce qu'elle " confirme " (sic) l'arrêt du 21 septembre 2004 rectifié par arrêt du 17 mai 2005 ;
Attendu que par conclusions identiques Joséphine et Virginie-Dominica X... prient la Cour de déclarer leur opposition recevable, de rétracter l'arrêt du 21 septembre 2004 rectifié par arrêt du 17 mai 2005, de confirmer le jugement attaqué et de dire que leur filiation est légalement établie à l'égard de Bruno Z... et qu'en conséquence elles sont de nationalité française comme nées d'un père français ;
Attendu qu'elles font essentiellement valoir qu'elle étaient encore recevables à former opposition le 25 novembre 2009 à défaut de signification régulière de la déclaration d'appel et des arrêts des 21 septembre 2004 et 17 mai 2005, et au fond, que la reconnaissance de paternité dont elles ont fait l'objet de la part de Bruno Z... est régulière au regard des dispositions de l'article 311-17 du Code Civil, subsidiairement qu'elles peuvent se prévaloir de la possession d'état de françaises conformément aux dispositions de la'article 311-15 du Code Civil, et plus subsidiairement encore que l'application de la loi camerounaise serait contraire à l'ordre public français dans la mesure où elle établit une distinction entre enfants légitimes et enfants naturels qui, en l'occurrence, les empêcherait d'établir leur filiation paternelle et les priverait de la nationalité française dont elles ont joui jusqu'à présent sans contestation de quiconque ;
Attendu, sur la recevabilité de l'opposition, que lorsqu'elle a engagé l'instance, Bénédicte X..., mère des intimées alors mineures, s'est déclarée domiciliée ..., 69300 CALUIRE-ET-CUIRE ;
qu'elle a par la suite déménagé pour s'installer dans la même commune ...; Attendu que s'il est exact que Bénédicte X... a effectué un changement d'adresse à la Poste et qu'elle a informé les diverses administrations et services avec lesquelles elle était en relation de sa nouvelle adresse, il n'en demeure pas moins qu'elle a négligé de notifier au Procureur de la République, dans les formes procédurales exigées par la loi, sa nouvelle domiciliation et ce alors qu'elle avait engagé une instance judiciaire contre le Ministère Public ;
qu'il ne saurait donc être reproché à ce dernier d'avoir fait notifier les actes de procédure au dernier domicile de Bénédicte X... connu de lui ;
Attendu pour autant, que les intimées, demanderesses à l'opposition, font très justement observer que les actes de signification des 1er décembre 2003 (déclaration d'appel), 22 octobre 2004 (arrêt du 21 septembre 2004) et 8 mars 2006 (arrêt du 17 mai 2005) effectués dans les formes de l'article 659 du Code de Procédure Civile ne comportent que des indications extrêmement succinctes, l'huissier s'étant borné à mentionner qu'il n'existait pas de boîte aux lettres au nom de Bénédicte X..., et que son enquête auprès du voisinage et des services municipaux n'avait pas permis d'obtenir la nouvelle adresse de la destinataire non plus que les recherches effectuées dans l'annuaire téléphonique ou sur minitel ;
Attendu en effet qu'il incombait à l'huissier de relater avec précision toutes les démarches par lui effectuées tant dans le voisinage qu'auprès des services municipaux et des différentes administrations pour découvrir la nouvelle adresse de Bénédicte X... ;
que celle-ci ayant déménagé pour se réinstaller dans la même commune où ses enfants étaient régulièrement scolarisées et où elle réglait la taxe d'habitation, des recherches minimales auprès des services municipaux auraient normalement dû permettre à l'huissier de connaître la nouvelle adresse de la destinataire des actes qu'il était chargé de délivrer ;
qu'en tout état de cause aucun de ces trois actes de signification ne satisfait à l'exigence de précision édictée par l'article 659 du Code de Procédure Civile puisqu'il n'est pas indiqué quels voisins ont été interrogés ni quels sont les services municipaux qui ont été consultés ni à quelle date ces diligences ont été accomplies ;
qu'ainsi les circonstances concrètes qui ont rendu impossible la signification à personne demeurent inconnues ;
Attendu, dans ces conditions, que la signification des arrêts des 21 septembre 2004 et 17 mai 2005 est irrégulière et qu'elle n'a pu faire courir le délai d'opposition ;
qu'il est totalement indifférent à cet égard que les intimées aient eu connaissance de ces arrêts à la mi-mai 2009 à la suite de démarches personnelles, seule leur signification régulière pouvant faire utilement courir le délai d'opposition ;
Attendu que le délai d'opposition n'ayant donc jamais commencé à courir, l'opposition formée par Joséphine et Virginie-Dominica X... contre l'arrêt de défaut du 21 septembre 2004 rectifié par arrêt du 17 mai 2005 sera déclarée recevable ;
Attendu, au fond, que l'article 311-14 du Code Civil dispose que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère ou, si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant ; Attendu toutefois que l'article 311-17 du même Code édicte que la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant ;
Attendu que les intimées ont fait l'objet d'une reconnaissance de paternité de la part de Bruno Z... effectuée suivant déclarations reçues le 25 octobre 2000 par l'officier de l'état-civil de LYON, 4ème arrondissement ;
qu'il est constant que Bruno Z... est de nationalité française et que la preuve de sa nationalité est d'ailleurs rapportée plus qu'à suffire ;
que d'autre part, la conformité des deux reconnaissances de paternité effectuées par le susnommé à sa loi personnelle qui est la loi française ne fait l'objet d'aucune contestation par le Ministère Public ; Attendu qu'il résulte de ces éléments que la filiation des intimées à l'égard de Bruno Z..., citoyen français, a été légalement établie alors qu'elles étaient mineures ;
qu'en application des dispositions de l'article 20-1 du Code Civil les intimées sont donc réputées avoir été françaises depuis leur naissance ;
Attendu, dans ces conditions, que la confirmation du jugement entrepris s'impose ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil et après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme, déclare recevable l'opposition relevée par Joséphine et Virginie-Dominica X... à l'encontre de l'arrêt rendu par la Cour de céans le 21 septembre 2004 et rectifié par arrêt du 17 mai 2005 ;
Met à néant ledit arrêt ainsi rectifié,
Déclare le Ministère Public recevable en son appel ;
Au fond, dit l'appel injustifié ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Constate que la filiation de Joséphine et de Virginie-Dominica X... à l'égard de Bruno Giovanni Z..., de nationalité française, est régulièrement établie au regard de la loi française ;
Dit que Joséphine et Virginie-Dominica X... sont de nationalité française comme nées d'un père français ;
Laisse les dépens de première instance, ceux des arrêts des 21 septembre 2004 et 17 mai 2005 ainsi que ceux du présent arrêt à la charge du Trésor Public ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier Le Président