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30/06/2011 | FRANCE | N°09/07403

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 30 juin 2011, 09/07403


COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 30 Juin 2011
R. G : 09/ 07403

Décision du tribunal de grande instance de Lyon Au fond du 05 novembre 2009

Troisième chambre

RG : 2008/ 01519
APPELANTE :
SAS NEUDIS, exploitant sous l'enseigne " CENTRE E. " LECLERC " Zone Industrielle Lyon Nord Rue Ampère 69730 GENAY

représentée par la SCP BRONDEL TUDELA, avoués à la Cour
assistée de la SELARL LEGALIS, avocats au barreau de LYON

INTIMEE :

EARL GEORGES VERNAY 1 route Nationale 69420 CONDRIEU

représentée p

ar Maître Christian MOREL, avoué à la Cour
assistée de la SCP JAKUBOWICZ MALLET-GUY et ASSOCIES, avocats au barreau d...

COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 30 Juin 2011
R. G : 09/ 07403

Décision du tribunal de grande instance de Lyon Au fond du 05 novembre 2009

Troisième chambre

RG : 2008/ 01519
APPELANTE :
SAS NEUDIS, exploitant sous l'enseigne " CENTRE E. " LECLERC " Zone Industrielle Lyon Nord Rue Ampère 69730 GENAY

représentée par la SCP BRONDEL TUDELA, avoués à la Cour
assistée de la SELARL LEGALIS, avocats au barreau de LYON

INTIMEE :

EARL GEORGES VERNAY 1 route Nationale 69420 CONDRIEU

représentée par Maître Christian MOREL, avoué à la Cour
assistée de la SCP JAKUBOWICZ MALLET-GUY et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
******
Date de clôture de l'instruction : 11 Janvier 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Mai 2011
Date de mise à disposition : 30 Juin 2011

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Michel GAGET, président-Martine BAYLE, conseiller-Philippe SEMERIVA, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉ DU LITIGE
Sur le fondement d'une marque " Domaine Vernay ", dont elle est propriétaire, enregistrée afin de désigner des vins, l''EARL Georges Vernay a agi en contrefaçon à l'encontre de la société Leclerc, en lui faisant grief d'avoir organisé une foire aux vins dont le catalogue présentait un vin élaboré par un autre producteur sous la dénomination " Domaine Vernay ", ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitisme.
La société Neudis, exploitante du magasin dans lequel se tenait cette foire, est intervenue aux débats.

Le jugement dont appel a décidé que la société Neudis avait commis des actes de contrefaçon et l'a condamnée à payer une somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts ; il lui a interdit, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par infraction constatée après l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de ce jugement, de reproduire, diffuser ou commercialiser la marque " Domaine Vernay ", ordonné la publication dans trois journaux au choix de la société Vernay et aux frais de la société Neudis, sans que le coût de chaque insertion dépasse 2 500 euros HT, ordonné l'exécution provisoire, condamné la société Neudis aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

*

La société Neudis expose au soutien de son appel :

- qu'à la date de délivrance de l'assignation, le catalogue, dont la parution remontait à plus de deux mois, n'était plus en circulation, sa parution ayant d'ailleurs été de courte durée, de sorte qu'aucun élément " actuel " ne conférait quelque intérêt à agir à la société Georges Vernay et que son action est irrecevable par application des articles 31 et 125 du code de procédure civile,
- qu'aucune commercialisation de vin n'a été faite sous l'appellation " Domaine Vernay ", l'étiquette apposée sur les bouteilles offertes à la vente ne portant pas cette mention,

- qu'il n'est pas de risque de confusion, car la société Georges Vernay n'effectue aucune commercialisation sous la marque " Domaine Vernay ", mais n'utilise que la désignation Domaine Georges Vernay, qui est seule connue du public,

- que le grief de parasitisme n'est pas fondé, car la société Neudis n'a offert à la vente que vingt-trois bouteilles litigieuses, représentant une partie infime de son chiffre d'affaires, alors que, si elle avait été animée d'une intention parasitaire, elle aurait opté pour un plus grand nombre de produits et ne se serait pas contentée de les promouvoir dans un unique catalogue, éphémère, et aurait de surcroît utilisé la dénomination Domaine Georges Vernay,
- qu'il n'y a pas eu d'équivoque sur la provenance des produits,
- qu'aucun préjudice n'est justifié et que les mesures accessoires ordonnées par le tribunal ne sont pas justifiées.
Elle conclut à la réformation du jugement et réclame une somme de 5 000 euros pour ses frais irrépétibles.
*

La société Georges Vernay soutient que l'article 31 du code de procédure civile ne requiert pas l'actualité du dommage, mais celle de l'intérêt, qui existe en l'espèce puisqu'elle est fondée à réclamer l'indemnisation de son préjudice, et que les faits de contrefaçon sont avérés, puisque sa marque a été reproduite pour désigner un vin.

Elle ajoute que le risque de confusion, qui n'est pas une condition de l'action en pareil cas est, en toute hypothèse, caractérisé dès lors notamment qu'elle fait usage de la marque " Domaine Vernay ".
La société Georges Vernay conclut donc à la confirmation du jugement pour ce qui est du principe de l'action en contrefaçon.
Elle forme cependant appel incident en ce qui concerne son action en concurrence déloyale, en soutenant que la société Neudis a voulu profiter du pouvoir attractif de la marque, tout en faisant l'économie des investissements correspondants, peu important la quantité de produits offerts à la vente.
Elle conteste également le quantum du préjudice et les modalités des mesures provisoires, et conclut :
- recevoir l'appel incident au titre de sa demande complémentaire en concurrence déloyale,
- dire que la société Leclerc s'est rendue coupable de parasitisme et de dépréciation de marque au préjudice de la société Georges Vernay,
- en conséquence, la condamner :
- à cesser toute utilisation de la marque " Domaine Vernay " à quelque titre que ce soit, sous astreinte définitive de 1 000 euros par infraction constatée après l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la décision,
- à une nouvelle publication, en plus de celles déjà ordonnées en première instance, et réalisée dans les mêmes conditions (au choix de l'intimée et aux frais de l'appelante au coût maximal de 2 500 euros HT),
- à payer à la société Georges Vernay la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts outre 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
* *
MOTIFS DE LA DÉCISION

Quant à la recevabilité de l'action, il convient d'adopter les motifs du jugement entrepris, l'intérêt à agir ne supposant qu'une atteinte à un droit détenu par le demandeur, ou un manquement à un devoir envers lui, mais non la permanence de cette atteinte ou de ce manquement à la date de formation de son action.

Il convient de compléter le jugement, qui retient cette solution sans l'insérer dans le dispositif.

Sur le fond, l'action en contrefaçon est fondée, non sur l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, cité par le tribunal, mais sur l'article L. 713-2 de ce code.

Les conditions de la protection ouverte par ce texte sont réunies.
En effet, la société Georges Vernay est propriétaire de la marque " Domaine Vernay ", enregistrée afin de désigner " les vins d'appellation d'origine contrôlée Condrieu, Côte Rôtie, Saint-Joseph et vins de pays, Viognier, Syrah, provenant de l'exploitation exactement dénommée Domaine Vernay " ; la société Neudis a offert à la vente, selon les mentions du catalogue de la foire aux vins qu'elle organisait, un vin d'appellation " Côte Rotie " qu'elle a désigné sous le nom de " Domaine Vernay ".
Il en résulte, peu important que les bouteilles incriminées soient, elles, étiquetées " Côte Rôtie, appellation Côte Rôtie contrôlée 2005, Gisèle, Daniel et Roland Vernay, viticulteurs Le Plany, 69560 Saint-Cyr-sur-Rhône,..., mis en bouteille à la propriété ", que la société Neudis a ainsi fait usage sans autorisation, dans la vie des affaires, d'un signe reproduisant la marque pour désigner des produits identiques à ceux couverts par l'enregistrement.
Le risque de confusion étant au coeur de la protection par la marque, le demandeur n'est pas tenu en pareil cas d'en démontrer la réalité de manière spécifique, non pas parce qu'il n'y aurait pas lieu à cette démonstration, mais parce que ce risque découle de manière évidente des modalités mêmes de l'usage interdit, dès lors que le public concerné est confronté à la désignation du même produit sous le même signe.
Par ailleurs, le moyen de défense pris de ce que la société Georges Vernay ne ferait pas réellement usage de la marque est inopérant quant au principe de violation du droit privatif qu'elle tire de son enregistrement, dès lors qu'il n'est pas prétendu qu'il en résulterait une déchéance de ce droit.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il fait droit à l'action en contrefaçon.
Quant aux modalités de réparation fixées par les premiers juges, il résulte des pièces produites (mentions sur plusieurs sites de dégustation, attestation d'impression d'étiquettes, indications de tourisme vinicole, comptes rendus d'opérations promotionnelles, désignation sur des menus de restaurants, attestations d'agents commerciaux, notamment) que la société Georges Vernay fait un large usage de la marque " Domaine Vernay " afin de désigner ses produits et soutenir sa stratégie de développement, et non point seulement du signe " Domaine Georges Vernay ".
Elle l'utilise pour désigner des vins assez prestigieux pour figurer sur la carte de la maison Pic ou d'un hôtel quatre étoiles.

Certes, l'usage illicite du signe a été de brève durée, mais le dommage moral porté au propriétaire de la marque est important, d'autant que des clients se sont plaints, compte tenu du fait que les quantités vendues sous cette marque sont peu importantes, de " les trouver en grande distribution à des prix bien inférieurs " (courrier électronique de Vavro et Co), au point, faute d'explications, d'envisager la cessation de la collaboration (courrier électronique de Malleval).

Les circonstances ont donc bien créé la confusion qui résultait des modalités de l'usage illicite.
A la date des faits reprochés, constatés entre le 12 et le 29 septembre 2007, l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle n'était pas applicable.
Mais la directive no 2004/ 48/ CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, était entrée en vigueur, conformément à son article 21.
Il en résulte que s'il n'est pas question de faire application de cette directive non transposée au présent litige entre particuliers, il faut interpréter les dispositions nationales, dans toute la mesure du possible, à la lumière de l'article 13 de ce texte communautaire, et donc prendre ici en considération non seulement les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, qui sont modestes, mais aussi le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte, qui est important en l'espèce.
Au vu de ces éléments, la réparation pécuniaire sera fixée à 20 000 euros.
Les mesures d'interdiction et de publicité décidées par le tribunal, loin d'être inutiles ou destinées à financer par la société Neudis une campagne promotionnelle au bénéfice du demandeur, sont adéquates et justifiées par la réparation de l'atteinte porté au droit du titulaire de marque et les dégâts causés dans le public ; elles seront confirmées, sauf préciser que l'interdiction ne porte pas sur l'usage de la marque " Georges Vernay ", mais sur son usage sans autorisation.
Il n'y a pas lieu au contraire d'ordonner une seconde publication à raison des mêmes faits.

A l'appui de son appel incident, la société Georges Vernay soutient que " la société Leclerc " a voulu s'immiscer dans son sillage et ne peut s'abriter derrière une prétendue nécessité d'harmoniser la présentation de son catalogue.

La société Leclerc n'est pas aux débats, mais les conclusions de la société Neudis montrent, puisqu'elle conteste cette demande au fond, qu'elle admet qu'il y a simple erreur de plume et que celle-ci est en réalité formée à son encontre.
Pour autant, les faits dénoncés s'analysent en un amoindrissement de la valeur et du prestige de la marque ; ils ne sont pas distincts des faits de contrefaçon.
Il convient de confirmer le jugement rejetant cette demande.

Aucune circonstance ne conduit à écarter l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :
La Cour,
- Réforme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il condamne la société Neudis à payer à la société Georges Vernay une somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- Statuant à nouveau, condamne la société Neudis à payer à la société Georges Vernay une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions, sauf à le compléter en déclarant l'action de la société Georges Vernay recevable et à préciser que l'usage interdit à peine d'astreinte est celui qui serait fait sans autorisation du titulaire de la marque,
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Neudis à payer à la société Georges Vernay une somme complémentaire de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts et rejette la demande de cette dernière,
- Condamne la société Neudis aux entiers dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Morel, avoué.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 09/07403
Date de la décision : 30/06/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2011-06-30;09.07403 ?
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